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Décisions

TUE, 4e ch., 19 mars 2012, n° T-273/09

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Associazione "Giùlemanidallajuve"

Défendeur :

Commission européenne , FIFA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pelikánová

Juges :

Mme Jürimäe, M. van der Woude (rapporteur)

Avocats :

Mes Misson, Ernes, Pel, Barav, Reymond

TUE n° T-273/09

19 mars 2012

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

Antécédents du litige

1 L'Associazione "Giùlemanidallajuve" (ci-après l'"Association" ou la "requérante") est une association à but non lucratif constituée par des associés, actionnaires minoritaires et supporteurs sympathisants de la Juventus Football Club SpA de Turin (Italie) (ci-après la "Juventus").

2 L'Association a été créée dans le but de défendre les intérêts de ses membres et de contester les sanctions infligées à la Juventus en 2006 en raison de certaines pratiques illicites visant à influencer la désignation des arbitres.

3 Ces sanctions ont été imposées à la Juventus par la commission d'appel fédérale de la Federazione italiana giuoco calcio (Fédération italienne de football, ci-après la "FIGC"), par décision du 14 juillet 2006. Les sanctions ont été ensuite confirmées, pour l'essentiel, par la cour fédérale de la FIGC, par décision du 25 juillet 2006, et par la chambre de conciliation et d'arbitrage du Comitato olimpico nazionale italiano (Comité olympique italien, ci-après le "CONI"), par décision du 27 octobre 2006. Les sanctions ont conduit à l'imposition d'une amende à la Juventus, à la révocation de son titre de champion d'Italie au cours de la saison 2004/2005, à la non-attribution du titre de champion d'Italie pour la saison 2005/2006 et à sa rétrogradation à la dernière place du classement en série A du championnat italien au cours de cette dernière saison. À la suite de cette décision, la Juventus a dû jouer en série B pendant la saison 2006/2007 avec une pénalisation de neuf points et n'a pu participer, au niveau européen, à la Champions League (Ligue des champions) au cours de cette saison, alors qu'elle s'était qualifiée pour cette compétition.

4 Après avoir saisi le tribunal administratif régional du Latium (ci-après le "TAR"), l'Association a déposé une plainte, le 1er juin 2007, devant la Commission des Communautés européennes sur le fondement de l'article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1). Cette plainte visait à dénoncer de prétendues violations des articles 81 CE et 82 CE commises par la FIGC, le CONI, l'Union of European Football Associations (Union des associations du football européen, ci-après l'"UEFA") et la Fédération internationale de football association (ci-après la "FIFA"), indépendamment les uns des autres et/ou collectivement, dans le cadre des sanctions infligées à la Juventus. L'Association a fait valoir, en substance, que tant l'établissement des organes de la FIGC et du CONI se prononçant sur les questions disciplinaires (commission d'appel fédérale de la FIGC, cour fédérale de la FIGC et chambre de conciliation et d'arbitrage du CONI) que les procédures menées par ces instances avaient été illégaux. De plus, selon elle, les mesures disciplinaires avaient été d'une gravité injustifiée et discriminatoires, portant atteinte à la Juventus et à de nombreux supporteurs, actionnaires et sympathisants de ce club.

5 Le 10 juillet 2007, la Commission a invité la FIGC, le CONI, la FIFA et l'UEFA à présenter des observations sur la plainte. Le 19 février 2008, l'Association a mis en demeure la Commission de se prononcer sur sa plainte. La Commission a répondu par lettre du 14 mars 2008, en précisant que ses services étaient en train d'examiner la plainte. Le 26 juin 2008, la requérante a introduit un recours en carence devant le Tribunal sur la base de l'article 232 CE. L'affaire a été enregistrée sous le numéro T-254-08. À cette même date, la Commission a demandé à l'Association des renseignements complémentaires. Le 10 juillet 2008, la Commission a demandé à l'Association d'autres précisions. L'Association a répondu à ces deux demandes d'informations par courrier daté du 1er août 2008.

6 Par lettre du 29 août 2008, la Commission a informé la requérante, conformément à l'article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 773-2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18), que, après un examen des éléments de fait et de droit avancés, elle estimait que l'Association n'avait pas un intérêt légitime à déposer une plainte au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 et que, en tout état de cause, il n'existait pas d'intérêt communautaire suffisant pour engager une enquête sur les infractions alléguées. Par courriers des 25 septembre et 30 octobre 2008, la requérante a répondu à cette lettre en maintenant sa position initiale.

7 Le 12 mai 2009, la Commission a adopté la décision C (2009) 3916, en vertu de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 773-2004, par laquelle elle a rejeté la plainte (ci-après la "décision attaquée"). La Commission a invoqué, à titre principal, le défaut d'intérêt légitime de la requérante et, à titre subsidiaire, l'absence d'intérêt communautaire suffisant pour la poursuite de l'enquête.

8 S'agissant du défaut d'intérêt légitime, la Commission a, d'abord, souligné que l'Association ne représentait pas les intérêts de la Juventus et qu'elle n'agissait pas au nom de cette dernière. La Commission a estimé, ensuite, que l'Association n'avait pas démontré une lésion des intérêts économiques de ses membres, qu'il s'agisse de supporteurs ou d'actionnaires minoritaires de la Juventus.

9 S'agissant de l'absence d'intérêt communautaire suffisant à la poursuite de l'enquête, invoquée à titre subsidiaire, la Commission a considéré que, même en supposant que les infractions alléguées aient pu affecter le commerce intracommunautaire, les comportements dénoncés n'affectaient pas de manière significative le fonctionnement du marché commun. En tout état de cause, la poursuite de l'instruction aurait imposé à la Commission d'engager une enquête d'une ampleur disproportionnée au regard de la faible probabilité de constater une infraction.

10 À la suite de l'adoption de la décision attaquée, la sixième chambre du Tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur le recours en carence introduit par l'Association (ordonnance du Tribunal du 22 décembre 2009, Associazione "Giùlemanidallajuve"/Commission, T-254-08, non publiée au Recueil).

Procédure et conclusions des parties

11 Par requête déposée le 10 juillet 2009, l'Association a introduit le présent recours.

12 Par acte déposé le 23 novembre 2009, la FIFA (ci-après l'"intervenante") a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 18 mars 2010, le président de la sixième chambre a admis cette intervention.

13 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

14 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée ;

- enjoindre à la Commission de procéder à une enquête en vue de constater les infractions de la FIGC, du CONI, de l'UEFA et de la FIFA aux articles 81 CE et 82 CE dans le but :

- d'annuler les règlements violant les articles 81 CE et 82 CE et les sanctions de la FIGC, du CONI et de l'UEFA infligées à la Juventus ;

- d'enjoindre à la FIGC, au CONI, à l'UEFA et à la FIFA de réparer par équivalent le préjudice qu'a réellement subi l'Association du fait de l'atteinte aux articles 81 CE et 82 CE par ces entreprises et associations d'entreprises ;

- de prononcer toute sanction utile.

15 Dans la réplique, la requérante conclut également à la condamnation de la Commission aux dépens.

16 La Commission et l'intervenante concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter la requête ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

17 Aux termes de l'article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque ce dernier est manifestement incompétent pour connaître d'un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d'ordonnance motivée.

18 En l'espèce, le Tribunal s'estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, sur la base de cet article, de statuer sur le présent recours sans ouvrir la procédure orale.

1. Sur les conclusions de la requérante visant à faire adresser une injonction à la Commission

19 Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d'enjoindre à la Commission de procéder à une enquête en vue de constater l'infraction alléguée dans le but d'annuler les règlements et les sanctions en cause, d'enjoindre à la FIGC, au CONI, à l'UEFA et à la FIFA de réparer le préjudice subi par l'Association et de prononcer toute sanction utile.

20 À cet égard, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, il n'appartient pas au juge de l'Union d'adresser des injonctions aux institutions dans le cadre du contrôle de légalité qu'il exerce. En effet, aux termes de l'article 233 CE, c'est à l'institution dont émane l'acte annulé qu'il incombe de prendre les mesures que comporte l'exécution d'un arrêt rendu dans le cadre d'un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 novembre 1997, Tremblay e.a./Commission, T-224-95, Rec. p. II-2215, point 36, et la jurisprudence citée).

21 Il s'ensuit que les conclusions de la requérante tendant à ce qu'une injonction soit adressée à la Commission doivent être rejetées comme étant manifestement irrecevables.

2. Sur les conclusions en annulation

22 Il y a lieu de noter, à l'instar de la Commission, que la requête n'est pas structurée en moyens d'annulation avancés à l'encontre de la décision attaquée. Une première partie "en fait" (points 1 à 27 de la requête) est suivie de certains développements concernant le traitement par la Commission de la plainte (points 28 à 42 de la requête), l'intérêt légitime de l'Association (points 43 à 63 de la requête), la recevabilité du recours devant le Tribunal (points 64 à 72 de la requête) et le caractère limité dans le temps des sanctions imposées à la Juventus (points 73 à 76 de la requête). La requête inclut, ensuite, une partie "en droit", très étayée, qui concerne la violation des articles 81 CE et 82 CE par les instances sportives en cause et qui répète les arguments avancés par la requérante dans sa plainte à l'encontre des mesures dénoncées ainsi que certaines précisions apportées par l'Association en réponse au courrier de la Commission du 29 août 2008 (points 77 à 368 de la requête).

23 Aux points 371 à 373 de la requête, la requérante synthétise ses griefs comme suit :

- la Commission n'a pas suffisamment pris en considération les éléments de fait et de droit exposés dans la plainte et, de ce fait, a violé sa mission de mise en œuvre et d'orientation de la politique de concurrence et son obligation de motivation ;

- il apparaît pourtant que les mesures ayant fait l'objet de la plainte contreviennent clairement aux articles 81 CE et 82 CE.

24 La requérante ayant essentiellement reproduit dans son recours le libellé de sa plainte, il est difficile, comme le souligne la Commission, d'identifier les moyens en annulation avancés à l'encontre du raisonnement de la Commission figurant dans la décision attaquée.

25 Sur la base de sa propre compréhension de la requête, la Commission a cru pouvoir déduire, dans le mémoire en défense, l'existence de cinq moyens. Les moyens ainsi identifiés seraient tirés, premièrement, d'une violation par la Commission de son obligation de motivation, deuxièmement, d'une violation de la notion d'intérêt légitime au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, troisièmement, d'une violation par la Commission de sa mission de mise en œuvre et d'orientation de la politique de concurrence, quatrièmement, d'une violation de la notion d'intérêt communautaire pour l'examen d'une plainte et, cinquièmement, d'une violation des articles 81 CE et 82 CE.

26 Dans la réplique, la requérante n'a pas contesté cette interprétation de la requête et a structuré ses griefs sur la base des moyens identifiés par la Commission dans le mémoire en défense.

27 La Commission a également retenu, dans la duplique, l'existence d'un nouveau moyen qui aurait été avancé par la requérante dans la réplique, tiré du non-respect du principe de bonne administration.

28 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci est fondé, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnances du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T-85-92, Rec. p. II-523, point 20 ; du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T-154-98, Rec. p. II-1703, point 49, et arrêt du Tribunal du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T-277-97, Rec. p. II-1825, point 29). Des exigences analogues sont requises lorsqu'un grief est invoqué au soutien d'un moyen (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T-209-01, Rec. p. II-5527, point 55, et la jurisprudence citée).

29 En l'espèce, le Tribunal estime que la requête, malgré ses déficiences manifestes, contient suffisamment d'informations pour que la Commission ait pu prendre position sur le fond et pour que le Tribunal puisse exercer son contrôle.

30 Le recours est donc recevable en ce qu'il tend à l'annulation de la décision attaquée. Il convient, dès lors, d'examiner les arguments de la requérante sur la base des moyens identifiés par la Commission et dont le Tribunal estime qu'ils correspondent, en substance, à la teneur de la requête.

31 Le Tribunal examinera d'abord le quatrième moyen, tiré d'une violation de la notion d'intérêt communautaire. En effet, les arguments de la requérante qui peuvent être regroupés dans le cadre de ce moyen semblent être les plus étoffés. De plus, le quatrième moyen concerne l'un des piliers sur lesquels la Commission a fondé son raisonnement pour rejeter la plainte, l'autre pilier étant l'absence d'intérêt légitime de l'Association (voir points 7 à 9 ci-dessus).

32 Il y a lieu de noter que chacun de ces deux piliers suffit, à lui seul, à fonder le rejet de la plainte. Dans ces conditions, si le quatrième moyen, tiré d'une violation de la notion d'intérêt communautaire, est rejeté, l'analyse du deuxième moyen, relatif à une violation par la Commission de la notion d'intérêt légitime, ne sera plus nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, SELEX Sistemi Integrati/Commission, T-155-04, Rec. p. II-4797, point 47, et la jurisprudence citée).

Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation de la notion d'intérêt communautaire

33 Il est de jurisprudence constante que, lorsque la Commission décide d'accorder des degrés de priorité aux plaintes dont elle est saisie portant sur la violation des articles 81 CE et 82 CE, elle peut arrêter l'ordre dans lequel ces plaintes seront examinées et se référer à l'intérêt communautaire que présente une affaire, comme critère de priorité (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec/Commission, T-24-90, Rec. p. II-2223, points 83 à 85).

34 Pour apprécier l'intérêt communautaire à poursuivre l'examen d'une affaire, la Commission doit, notamment, mettre en balance l'importance de l'infraction alléguée sur le fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir son existence et l'étendue des mesures d'investigation nécessaires, en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de surveillance du respect des articles 81 CE et 82 CE (arrêt Automec/Commission, point 33 supra, point 86).

35 Ainsi, dans l'hypothèse où il est conclu à l'existence d'une affectation du commerce intracommunautaire, une plainte portant sur la violation des articles 81 CE et 82 CE ne sera instruite par la Commission que s'il existe un intérêt communautaire suffisant. Tel peut, notamment, être le cas lorsque l'infraction dénoncée est susceptible de provoquer des dysfonctionnements importants dans le marché commun (arrêt de la Cour du 23 avril 2009, AEPI/Commission, C-425-07 P, Rec. p. I-3205, point 54).

36 Le contrôle du juge de l'Union sur l'exercice, par la Commission, du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu dans le traitement des plaintes ne doit pas le conduire à substituer son appréciation de l'intérêt communautaire à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision attaquée ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu'elle n'est entachée d'aucune erreur de droit ni d'aucune erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir (arrêts du Tribunal du 14 février 2001, SEP/Commission, T-115-99, Rec. p. II-691, point 34, et du 26 janvier 2005, Piau/Commission, T-193-02, Rec. p. II-209, point 81).

37 En l'espèce, la Commission a écarté l'existence d'un intérêt communautaire à la poursuite de l'enquête sur la base de deux considérations.

38 À titre principal, la Commission a estimé, aux points 41 à 49 de la décision attaquée, que les comportements dénoncés n'affectaient pas de manière significative le fonctionnement du marché commun, au sens de la jurisprudence mentionnée ci-dessus, et pour quatre raisons, à savoir, premièrement, la portée économique limitée de l'affaire et l'affectation d'un nombre limité de consommateurs, deuxièmement, la saisine des juridictions nationales compétentes, troisièmement, la portée géographique limitée des restrictions présumées et, quatrièmement, la cessation des effets des restrictions alléguées.

39 À titre subsidiaire, la Commission a considéré, aux points 50 à 56 de la décision attaquée, que, en tout état de cause, la poursuite de l'instruction lui aurait imposé d'engager une enquête d'une ampleur disproportionnée au regard de la faible probabilité de constater une infraction.

40 La Commission, soutenue par l'intervenante, fait valoir que la requérante n'a pas contesté cette seconde partie de son raisonnement, avancée à titre subsidiaire dans la décision attaquée. Il s'ensuit, selon la Commission, que, même dans l'hypothèse où les arguments de la requérante concernant la première partie de son raisonnement seraient fondés, cela ne suffirait pas à remettre en cause sa conclusion concernant l'absence d'intérêt communautaire à la poursuite de l'enquête. Les arguments avancés par la requérante dans le cadre du quatrième moyen seraient donc inopérants.

41 Un tel argument ne saurait être retenu.

42 En effet, bien que la requérante n'ait pas formellement contesté le bien-fondé de la conclusion de la Commission concernant le caractère disproportionné de l'enquête par rapport à la faible probabilité d'établir une infraction, elle a fait valoir, au point 373 de la requête, que les mesures ayant fait l'objet de la plainte contrevenaient clairement aux articles 81 CE et 82 CE. Au point 146 de la réplique, la requérante affirme avoir fourni dans sa plainte les éléments factuels et juridiques nécessaires pour faciliter autant que possible à la Commission ses investigations. Il en résulte que la requête, en particulier, sa partie "En droit" concernant la violation des articles 81 CE et 82 CE par les instances sportives en cause, pourrait être interprétée comme visant à contester également la conclusion subsidiaire de la Commission, figurant aux points 50 à 56 de la décision attaquée, concernant la portée disproportionnée de l'enquête par rapport à la faible probabilité d'établir l'existence d'une infraction.

43 Ce constat ayant été fait, il convient d'examiner, en premier lieu, si la conclusion de la Commission concernant l'absence d'affectation significative du fonctionnement du marché commun, avancée à titre principal aux points 41 à 49 de la décision attaquée, repose sur des faits matériellement inexacts ou est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir. Si la légalité d'une telle conclusion n'est pas remise en cause par la requérante, l'analyse concernant la conclusion subsidiaire de la Commission, mentionnée aux points 50 à 56 de la décision attaquée, ne sera plus nécessaire (voir, en ce sens, arrêt SELEX Sistemi Integrati/Commission, point 32 supra, point 47).

44 La requérante souligne d'abord, au point 28 de la requête, que la Commission a conclu à l'absence d'intérêt communautaire et d'affectation significative du fonctionnement du marché commun sur la base de quatre arguments (voir point 38 ci-dessus), dont trois - tirés, respectivement, de la portée économique limitée de l'affaire, de la saisine des juridictions nationales compétentes et de la cessation des effets des infractions alléguées - seraient dépourvus de pertinence, car ils ne concerneraient pas la problématique liée à l'affectation du commerce entre États membres.

45 La requérante avance ensuite, de façon éparse et isolée, plusieurs arguments dans la requête qui sont susceptibles d'être regardés comme visant à contester le raisonnement de la Commission concernant l'absence d'affectation significative du fonctionnement du marché. Ces arguments visent, premièrement, la portée internationale de l'affaire, deuxièmement, la persistance des effets des infractions dénoncées, troisièmement, l'insuffisance des voies de recours nationales et, quatrièmement, la portée économique de l'affaire.

Sur la portée internationale de l'affaire

46 Il convient de rassembler d'abord les arguments de la requérante susceptibles d'être rattachés à la portée géographique de l'infraction alléguée.

47 Dans la partie de la requête intitulée "En droit : violation des articles 81 [CE] et 82 [CE]", la requérante insiste, aux points 123 à 138 de la requête, sur le caractère international du litige et fait valoir que les mesures dénoncées n'échappent pas à la prohibition des articles 81 CE et 82 CE, puisqu'elles affectent de manière significative le marché, les pratiques ayant un impact sur l'ensemble du territoire italien (effet de cloisonnement au niveau de l'Italie) et restreignant la libre concurrence au niveau européen (impossibilité pour la Juventus de participer à la Champions League en raison des liens existant entre la FIGC, le CONI, l'UEFA et la FIFA).

48 La requérante fait valoir également, aux points 144 à 158 de la requête, que les effets restrictifs de la concurrence qu'elle avait dénoncés devant la Commission entraînent une affectation sensible du commerce entre États membres. Il en irait de même concernant les arguments qu'elle avait avancés devant la Commission concernant l'atteinte portée à la libre circulation de capitaux au sens de l'article 56 CE. À cet égard, la requérante explique, aux points 159 à 171 de la requête, que les sanctions imposées à la Juventus ont limité les investissements du club, de ses actionnaires et des personnes souhaitant acquérir des participations dans le capital du club, ce qui affecte le commerce entre États membres. En effet, il faudrait comprendre la notion "susceptible d'affecter le commerce entre États membres" au sens des articles 81 CE et 82 CE comme regroupant toutes les ententes susceptibles de mettre en danger la réalisation des objectifs du traité, indépendamment de la question de savoir si elles sont de nature à restreindre les échanges entre États membres.

49 À cet égard, force est de constater, comme le souligne la Commission, que la requérante confond manifestement la notion d'affectation du commerce entre États membres au sens des articles 81 CE et 82 CE avec celle de dysfonctionnement important du marché. Il s'agit pourtant de notions bien distinctes, clairement définies par la jurisprudence (arrêt AEPI/Commission, point 35 supra, point 49).

50 En effet, la notion d'affectation du commerce entre États membres, à laquelle se réfère la requérante, est une condition d'application des articles 81 CE et 82 CE. Sans une affectation du commerce intracommunautaire, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer (voir arrêt AEPI/Commission, point 35 supra, points 50 et 51, et la jurisprudence citée).

51 En revanche, la notion de dysfonctionnement important du marché, à laquelle s'est référée la Commission lorsque elle a souligné l'absence d'affectation significative du fonctionnement du marché commun aux points 41 à 49 de la décision attaquée, s'inscrit dans le cadre du pouvoir discrétionnaire de la Commission lui permettant d'écarter l'examen d'une plainte. Cette notion constitue, en effet, l'un des critères d'évaluation de l'existence d'un intérêt communautaire suffisant à l'instruction d'une plainte par la Commission. Dans ce cadre, cette dernière est tenue d'apprécier, dans chaque cas d'espèce, la gravité des atteintes alléguées à la concurrence et la persistance de leurs effets. Cette obligation implique notamment que la Commission tienne compte de la durée et de l'importance des infractions dénoncées ainsi que de leur incidence sur la situation de la concurrence dans l'Union (voir arrêt AEPI/Commission, point 35 supra, points 52 et 53, et la jurisprudence citée).

52 Comme il a été rappelé au point 35 ci-dessus, la Commission est en droit d'écarter l'examen d'une plainte en l'absence de dysfonctionnements importants du marché commun, quand bien même les comportements dénoncés affecteraient les échanges entre États membres au sens des articles 81 CE et 82 CE (arrêt AEPI/Commission, point 35 supra, point 54).

53 Les arguments de la requérante visant à démontrer une affectation du commerce entre États membres sont donc inopérants.

54 Enfin, même dans l'hypothèse où certains griefs de la requérante pourraient être interprétés comme visant à contester l'appréciation de la Commission quant à l'absence de dysfonctionnement du marché, quod non, aucun élément avancé par la requérante ne saurait remettre en cause le bien-fondé de la décision attaquée sur ce point.

55 En effet, comme le relève la Commission aux points 43 et 47 de la décision attaquée, l'impact de la sanction infligée à la Juventus sur la structure concurrentielle du marché du football ne revêt pas une portée significative : le club a continué à jouer en série B et a pu reprendre sa participation à la série A du championnat italien seulement un an après avoir été sanctionné et à la Champions League deux ans après cette même sanction. Un autre club italien a pu participer à la Champions League, afin de représenter l'Italie, aux cours des saisons 2006/2007 et 2007/2008. Les arguments de la requérante concernant, d'une part, un éventuel impact sur les prix pratiqués par les clubs de football en raison des sanctions infligées à la Juventus et, d'autre part, un prétendu risque de collusion tacite des grands clubs européens à la suite de la rétrogradation en série B de la Juventus ne sont nullement étayés et ne remettent donc pas en cause la conclusion de la Commission selon laquelle les mesures en cause n'ont pas eu d'impact significatif sur le fonctionnement du marché commun.

56 Il y a donc lieu de rejeter les arguments de la requérante concernant la portée internationale de l'affaire comme étant inopérants et, en toute hypothèse, manifestement dépourvus de tout fondement en droit.

Sur la cessation des effets des restrictions alléguées

57 La requérante conteste, notamment aux points 73 à 76 de la requête, la conclusion à laquelle la Commission est parvenue, au point 48 de la décision attaquée, quant à l'absence d'intérêt communautaire à la poursuite de l'enquête en raison de la cessation des effets des restrictions alléguées.

58 La Commission conteste les arguments de la requérante.

59 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission peut légitimement décider, sous réserve de motiver une telle décision, de ne pas donner suite à une plainte dénonçant des pratiques qui ont ultérieurement cessé (arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, IECC/Commission, T-133-95 et T-204-95, Rec. p. II-3645, point 146). Toutefois, si la Commission souhaite fonder son raisonnement sur le fait que le comportement a cessé, elle est tenue de vérifier si des effets anticoncurrentiels persistent et de tenir compte de la gravité et de la durée de l'infraction dans l'appréciation de l'intérêt communautaire à poursuivre la plainte (arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, UFEX e.a./Commission, T-60-05, Rec. p. II-3397, point 74). Si elle respecte ces obligations, elle peut rejeter la plainte même si les infractions sont de longue durée et d'une gravité élevée, à condition qu'elle ne se fonde pas sur des faits matériellement inexacts et ne commette pas d'erreur manifeste d'appréciation (arrêt UFEX e.a./Commission, précité, point 140).

60 À la lumière de cette jurisprudence, c'est manifestement à tort que la requérante affirme que la durée de l'infraction alléguée et la persistance de ses effets ne seraient pas des facteurs pertinents pour apprécier l'intérêt communautaire à la poursuite de l'enquête.

61 De plus, la requérante n'a avancé aucun élément permettant de comprendre comment les effets anticoncurrentiels des infractions alléguées auraient perduré, eu égard au fait que la Juventus a pu rapidement reprendre la compétition au sein de la série A du championnat italien et de la Champions League. La requérante ne démontre pas non plus comment les conséquences financières supportées par la Juventus ont pu influencer de manière durable les prix pratiqués par ce club et par les clubs concurrents.

62 Enfin, contrairement à ce que la requérante prétend, la possibilité théorique que les instances sportives répètent à l'avenir les comportements contestés ne permet pas de considérer que les effets des mesures dénoncées en l'espèce persistent.

63 Il en ressort que la Commission pouvait, à bon droit, conclure à l'absence d'intérêt communautaire en raison, notamment, de la cessation des effets des infractions alléguées.

64 Les arguments de la requérante doivent donc être rejetés comme étant manifestement dépourvus de tout fondement en droit.

Sur la possibilité de saisine des juridictions nationales

65 La requérante conteste la conclusion de la Commission, figurant aux points 45 et 46 de la décision attaquée, selon laquelle la plainte pouvait être rejetée en raison, notamment, de la possibilité de saisir les autorités et les juridictions nationales.

66 La Commission, soutenue par l'intervenante, conteste les arguments de la requérante.

67 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le fait qu'un juge national ou une autorité nationale de la concurrence soit déjà saisi de la question de la conformité d'une entente ou d'une pratique avec les articles 81 CE et 82 CE est un élément qui peut être pris en compte par la Commission pour évaluer l'intérêt communautaire de l'affaire (arrêts du Tribunal du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission, T-5-93, Rec. p. II-185, point 62, et du 3 juillet 2007, Au Lys de France/Commission, T-458-04, non publié au Recueil, point 72).

68 En effet, conformément à la jurisprudence, lorsque les effets des infractions alléguées dans une plainte ne sont ressentis, pour l'essentiel, que sur le territoire d'un seul État membre et que des litiges relatifs à ces infractions ont été portés par le plaignant devant des juridictions et des autorités administratives compétentes de cet État membre, la Commission est en droit de rejeter la plainte pour défaut d'intérêt communautaire, à condition toutefois que les droits du plaignant puissent être sauvegardés d'une façon satisfaisante par les instances nationales, ce qui suppose que celles-ci sont en mesure de réunir les éléments factuels pour déterminer si les pratiques en cause constituent une infraction (arrêts Automec/Commission, point 33 supra, points 89 à 96, et Au Lys de France/Commission, point 67 supra, point 83).

69 En l'espèce, contrairement à ce que prétend la requérante, l'impact au niveau européen des mesures dénoncées ne revêt pas, comme indiqué au point 55 ci-dessus, une importance significative, le centre de gravité de l'affaire se situant en Italie.

70 En outre, la requérante n'a fourni aucun indice de ce que les voies de recours offertes par le droit italien ne permettaient pas de sauvegarder ses droits de façon satisfaisante. Au contraire, il ressort du dossier que l'Association a, d'une part, soutenu la Juventus dans le cadre de son recours introduit devant le TAR à l'encontre de la décision de la Cour fédérale de la FIGC du 25 juillet 2006 et, d'autre part, introduit elle-même un recours devant le TAR à l'encontre de la décision de la chambre de conciliation et d'arbitrage du CONI du 27 octobre 2006. Le fait que le TAR ait déclaré l'intervention sans objet, à la suite du retrait du recours de la Juventus, et la circonstance que le recours de l'Association ait été déclaré irrecevable, en vertu du droit national, ne remettent pas en cause la possibilité dont la requérante a bénéficié de saisir les juridictions nationales (voir, en ce sens, arrêt Au Lys de France/Commission, point 67 supra, point 86). En outre, l'Association aurait pu saisir l'autorité de la concurrence italienne, possibilité dont elle ne s'est pas prévalue dans le cas d'espèce.

71 S'agissant des prétendues pressions subies par la Juventus pour ne pas exercer ses droits de recours devant les juridictions nationales, force est de constater, comme le reconnaît la requérante elle-même aux points 13 et 364 de la requête, que la Juventus n'a été privée à aucun moment des voies de recours dont elle disposait au niveau national pour contester les décisions prises par les organes d'appel des instances sportives.

72 Enfin, les arguments de la requérante selon lesquels les juridictions italiennes n'étaient pas en mesure de réunir les éléments factuels pour déterminer si les pratiques en cause constituaient une infraction aux articles 81 CE et 82 CE ne sont nullement étayés. En effet, le fait que la requérante estime que la Commission était mieux placée pour traiter sa plainte ne reflète qu'une opinion subjective, qui ne saurait contraindre cette institution à poursuivre l'examen d'une plainte comme si celle-ci relevait de sa compétence exclusive.

73 Il y a donc lieu de conclure que la Commission n'a commis aucune erreur lorsqu'elle a estimé que la saisine des juridictions nationales était un facteur pertinent pour rejeter la plainte.

74 Les arguments de la requérante doivent donc être rejetés comme étant manifestement dépourvus de tout fondement en droit.

Sur la portée économique limitée de l'affaire

75 La requérante conteste, notamment aux points 139 à 143 et 150 à 157 de la requête, les conclusions que la Commission formule, aux points 42 à 44 de la décision attaquée, au sujet de la portée économique limitée de l'affaire.

76 À cet égard, il convient de relever que les éléments chiffrés fournis par la requérante au point 151 de la requête, concernant les dommages économiques subis par la Juventus, n'ont pas été présentés à la Commission avant l'adoption de la décision attaquée. Or, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d'un recours en annulation introduit en vertu de l'article 230 CE, la légalité d'un acte doit être appréciée en fonction des éléments d'information dont disposait son auteur à la date de son adoption (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 4 mars 2009, Italie/Commission, T-424-05, non publié au Recueil, point 169). Comme souligné par la Commission, les éléments chiffrés fournis par la requérante doivent donc être déclarés manifestement irrecevables.

77 En réponse à l'irrecevabilité de ces éléments, opposée par la Commission dans le mémoire en défense, la requérante a soutenu, au stade de la réplique, que ces éléments avaient déjà été ébauchés dans sa plainte et que la Commission avait violé le principe de bonne administration, dans la mesure où elle n'avait jamais demandé à l'Association la moindre information complémentaire à cet égard et, plus généralement, sur les éléments de sa plainte qui ont été qualifiés d'insuffisants dans la décision attaquée.

78 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite, à moins que ces moyens ne soient fondés sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

79 Or, il y a lieu de constater, à l'instar de la Commission, que l'argument avancé par la requérante, fondé sur une violation du principe de bonne administration, constitue un moyen nouveau au sens dudit article et doit donc être déclaré irrecevable.

80 En effet, l'argument de la requérante n'a pas été avancé au stade de la requête et ne se rattache pas aux moyens identifiés par la Commission. Comme cela sera indiqué aux points 100 à 106 ci-après, la requérante s'est, en substance, limitée, dans le cadre du troisième moyen avancé dans la requête, à dénoncer le fait que la Commission n'avait pas pris en compte les éléments de fait et de droit avancés dans la plainte. La requête ne contient cependant aucun reproche quant aux questions que la Commission aurait dû adresser à l'Association concernant, notamment, l'impact économique sur la Juventus des sanctions dénoncées.

81 En tout état de cause, quand bien même les arguments de la requérante relatifs au non-respect du principe de bonne administration pourraient être déclarés recevables, quod non, il ne saurait être reproché à la Commission, dans le cadre d'un recours formé contre une décision de rejet d'une plainte en matière de concurrence, de ne pas avoir pris en considération un élément qui n'avait pas été porté à sa connaissance par le plaignant et dont elle n'aurait pu découvrir l'existence qu'en engageant une enquête (arrêt du Tribunal du 4 mars 2003, FENIN/Commission, T-319-99, Rec. p. II-357, point 43). En effet, la Commission ayant pour seule obligation d'examiner les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant, il ne revient pas à cette institution, contrairement aux affirmations de la requérante, d'établir qu'elle a pris des mesures d'instruction (arrêt du Tribunal du 12 mai 2010, EMC Development/Commission, T-432-05, Rec. p. II-1629, points 58 et 59).

82 Par ailleurs, force est de constater que les pertes économiques prétendument subies par un seul opérateur sanctionné ne permettent pas de conclure automatiquement à l'existence d'une affectation significative du fonctionnement du marché et à la nécessité pour la Commission d'engager ses ressources limitées à la recherche de l'infraction alléguée.

83 En l'espèce, la Commission a noté, au point 43 de la décision attaquée, sans être contredite par la requérante, que trente-deux clubs participent chaque année à la Champions League et qu'un autre club de football italien avait pu y participer à la place de la Juventus. La Juventus a de nouveau pu concurrencer les autres équipes européennes pendant la saison 2008/2009. Sur la base de ces éléments, la Commission a pu conclure, à juste titre, au point 44 de la décision attaquée, que l'affaire avait une portée limitée et qu'il n'y avait pas un intérêt communautaire suffisant à poursuivre des investigations approfondies.

84 Comme indiqué au point 55 ci-dessus, ces constats concrets ne sauraient être mis en cause par les affirmations générales et non étayées de la requérante concernant, d'une part, la prétendue atteinte portée au fonctionnement global du marché du football et, d'autre part, l'éventuel impact sur les prix pratiqués par les clubs de football et le prétendu risque de collusion tacite entre les grands clubs.

85 Il en résulte que les griefs de la requérante sur la portée économique de l'affaire doivent être rejetés comme étant, en partie, manifestement irrecevables et, en toute hypothèse, manifestement dépourvus de tout fondement en droit.

86 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a pu établir, à juste titre, l'absence d'affectation significative du fonctionnement du marché et rejeter la plainte à ce titre.

87 La légalité de cette conclusion, avancée à titre principal par la Commission, n'ayant pas été remise en cause par la requérante, il n'y a plus lieu d'examiner, comme indiqué au point 43 ci-dessus, si c'est à tort que la Commission a conclu, à titre subsidiaire, que la poursuite de l'instruction de la plainte lui aurait, en tout état de cause, imposé l'obligation de s'engager dans la conduite d'une enquête dont l'envergure apparaissait disproportionnée au regard de la faible probabilité de pouvoir constater une infraction.

88 Le quatrième moyen avancé, en substance, par la requérante doit donc être rejeté comme étant, en partie, inopérant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

89 Dès lors que la Commission a pu valablement rejeter la plainte en l'absence d'intérêt communautaire à la poursuite de l'enquête, il n'est plus nécessaire, comme mentionné au point 32 ci-dessus, d'examiner le deuxième moyen identifié par la Commission, tiré d'une violation de la notion d'intérêt légitime.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation

90 La requérante fait valoir, aux points 38 à 42 et 372 de la requête, que la décision attaquée est motivée sommairement et qu'elle ne fait nullement référence aux éléments de fait et de droit qu'elle avait invoqués lors de la procédure administrative. Selon la requérante, les explications de la Commission ne permettent pas aux parties ou au juge de pouvoir cerner comment la Commission a fait application du droit communautaire de la concurrence en l'espèce.

91 Dans la réplique, la requérante précise que la Commission aurait dû expliquer le raisonnement juridique et factuel qui l'a amenée à considérer que l'impact des infractions alléguées sur le commerce des États membres n'était pas suffisant, car une telle analyse est préalable à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en matière de rejet des plaintes. La requérante fait valoir également que la Commission n'a pas répondu à son argument selon lequel les décisions des instances sportives dépassaient les frontières de l'Italie et perduraient dans le temps. Enfin, la Commission n'aurait pas expliqué en quoi sa mission aurait été tellement disproportionnée par rapport à la situation litigieuse.

92 La Commission conteste les arguments de la requérante.

93 Il ressort d'une jurisprudence constante que la motivation d'une décision individuelle doit permettre, d'une part, à son destinataire de connaître les justifications de la mesure prise, afin de faire valoir, le cas échéant, ses droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d'autre part, au juge de l'Union d'exercer son contrôle (voir arrêt Au Lys de France/Commission, point 67 supra, point 96, et la jurisprudence citée).

94 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission n'est pas obligée, dans la motivation des décisions qu'elle adopte pour assurer l'application des règles de concurrence, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent à l'appui de leur demande, mais il suffit qu'elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision (arrêts du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T-387-94, Rec. p. II-961, point 104, et du 17 juillet 1998, ITT Promedia/Commission, T-111-96, Rec. p. II-2937, point 131).

95 En ce qui concerne, tout d'abord, le grief de la requérante selon lequel les explications de la Commission ne permettent pas de cerner comment cette dernière a fait application du droit communautaire de la concurrence, force est de constater que, comme indiqué aux points 7 à 9 et 51 ci-dessus, la Commission ne s'est pas prononcée dans la décision attaquée sur la violation des articles 81 CE et 82 CE, mais s'est limitée, conformément à la jurisprudence, à rejeter la plainte après avoir, notamment, justifié de manière motivée l'absence de dysfonctionnement important du marché. Les arguments avancés par la requérante concernant un prétendu défaut de motivation de la décision attaquée sur ce point tendent à contester, en réalité, l'absence de prise de position de la Commission concernant la prétendue violation des articles 81 CE et 82 CE par les instances sportives en cause.

96 Il ressort clairement de la décision attaquée que la Commission a rejeté la plainte, à titre principal, pour défaut d'intérêt légitime de la requérante et, à titre subsidiaire, pour défaut d'intérêt communautaire.

97 S'agissant, plus particulièrement, de l'absence d'intérêt communautaire, la Commission a expliqué de manière détaillée les raisons qui l'ont amenée à considérer que l'éventuel impact sur le commerce entre États membres n'était pas suffisant et que les effets des infractions alléguées avaient cessé. Les arguments de la requérante concernant l'absence de prise en compte par la Commission de ses arguments à cet égard visent, en réalité, à contester le bien-fondé des conclusions de la Commission sur ce point.

98 S'agissant du caractère disproportionné de l'enquête par rapport à la probabilité d'établir une infraction, il y a lieu de constater que la Commission a expliqué son raisonnement de manière claire et étayée aux points 50 à 56 de la décision attaquée.

99 À la lumière de ces considérations, il y a lieu de rejeter le premier moyen de la requérante comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

Sur le troisième moyen, relatif à la violation par la Commission de sa mission de mise en œuvre et d'orientation de la politique de concurrence

100 La requérante fait valoir, notamment aux points 370 à 372 de la requête, que la Commission a violé sa mission générale de mise en œuvre et d'orientation de la politique de concurrence en se retranchant derrière des argumentations procédurales pour échapper à sa principale obligation, qui est de veiller à la mise en œuvre du droit communautaire de la concurrence, et en ne prenant pas suffisamment en considération les éléments de fait et de droit exposés dans la plainte.

101 Il convient de rappeler, à cet égard, que la Commission n'a pas l'obligation d'engager des procédures visant à établir d'éventuelles violations du droit communautaire et que, parmi les droits conférés aux plaignants, ne figure pas celui d'obtenir une décision définitive quant à l'existence ou non de l'infraction alléguée (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Haladjian Frères/Commission, T-204-03, Rec. p. II-3779, point 27).

102 La Commission est néanmoins tenue d'examiner attentivement les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant (voir arrêts du Tribunal Automec/Commission, point 33 supra, point 79, et la jurisprudence citée, et du 16 décembre 1999, Micro Leader/Commission, T-198-98, Rec. p. II-3989, point 27).

103 En l'espèce, il ressort des différents échanges qui ont eu lieu entre la requérante et la Commission que cette dernière a examiné de manière attentive les différents éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par l'Association. La requérante ne conteste pas le fait qu'elle a eu plusieurs contacts avec les services de la Commission et que ces derniers lui ont adressé des demandes d'informations complémentaires concernant, notamment, son intérêt légitime à déposer plainte (voir point 5 ci-dessus). Ce n'est qu'après avoir pris connaissance des précisions et des observations présentées par l'Association en réponse à la lettre envoyée au titre de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773-2004 que la Commission a rejeté la plainte (voir points 6 et 7 ci-dessus).

104 Eu égard aux éléments de fait et de droit contenus dans la plainte, il y a lieu de conclure que la Commission a effectué un examen approprié de celle-ci et que l'on ne saurait lui reprocher une violation de sa mission de mise en œuvre et d'orientation de la politique de la concurrence.

105 Enfin, les griefs de la requérante selon lesquels aucun de ses arguments n'aurait été contesté ou analysé par la Commission visent, en réalité, à contester l'absence de prise de position de cette dernière concernant les pratiques dénoncées.

106 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le troisième moyen de la requérante comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation des articles 81 CE et 82 CE

107 Comme indiqué au point 22 ci-dessus, la requête inclut une partie "En droit", très étayée, qui concerne la violation des articles 81 CE et 82 CE et qui reprend, en substance, les arguments avancés dans la plainte à l'encontre des mesures dénoncées et dans la réponse de l'Association au courrier de la Commission du 29 août 2008.

108 À cet égard, il convient de rappeler que la Commission ne s'est pas prononcée, dans la décision attaquée, sur la prétendue violation des articles 81 CE et 82 CE par les instances sportives en cause, mais qu'elle s'est limitée à rejeter la plainte au motif, d'une part, que la requérante n'avait pas un intérêt légitime (voir point 8 ci-dessus) et, d'autre part, que faisait défaut un intérêt communautaire suffisant à la poursuite de l'enquête (voir point 9 ci-dessus). Les arguments que la requérante tire de la violation des articles 81 CE et 82 CE sont donc inopérants (voir, en ce sens, arrêt Au Lys de France/Commission, point 67 supra, point 104).

109 Toutefois, comme mentionné au point 42 ci-dessus, il ne saurait être exclu que les arguments avancés par la requérante visent, également, à contester la conclusion de la Commission selon laquelle l'ampleur de l'enquête requise était disproportionnée par rapport à la faible probabilité de constater une infraction aux articles 81 CE et 82 CE (points 50 à 56 de la décision attaquée).

110 L'analyse des arguments de la requérante n'est cependant plus nécessaire, dès lors que, comme indiqué aux points 86 et 87 ci-dessus, la Commission a pu, à juste titre, rejeter la plainte en l'absence d'affectation significative du fonctionnement du marché (points 41 à 49 de la décision attaquée).

111 Il s'ensuit que le cinquième moyen ne saurait donc, en aucun cas, justifier l'annulation de la décision attaquée.

112 Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité, les moyens avancés, en substance, par la requérante étant, en partie, inopérants, en partie, manifestement irrecevables et, en partie, manifestement dépourvus de tout fondement en droit.

Sur les dépens

113 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

114 Conformément à l'article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu'une partie intervenante supportera ses propres dépens.

115 La requérante ayant succombé, il y a lieu de décider qu'elle supportera, outre ses propres dépens, ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

116 En application de l'article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, l'intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1) Le recours est rejeté.

2) L'Associazione "Giùlemanidallajuve" est condamnée au paiement de ses propres dépens et de ceux encourus par la Commission européenne.

3) La Fédération internationale de football association (FIFA) supportera ses propres dépens.