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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ. B, 3 février 2009, n° 06-02553

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Union des Commerçants Industriels et Artisans de Nîmes et du Gard - UCIA

Défendeur :

Equipement Confort (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Filhouse

Conseillers :

Mmes Thery, Berthet

Avocats :

SCP Pericchi, SCP Tardieu

CA Nîmes n° 06-02553

3 février 2009

FAITS :

Vu l'appel interjeté le 23 juin 2006 par l'association Union des Commerçants Industriels et Artisans de Nîmes et du Gard (UCIA) à l'encontre du jugement prononcé le 9 mai 2006 par le Tribunal de grande instance de Nîmes.

Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état le 20 octobre 2006 par l'UCIA, appelante et le 13 février 2007 par la SARL Equipement confort, intimée, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives.

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 7 novembre 2008.

Ayant relevé dans la presse une publicité passée par la SARL Equipement Confort annonçant un déstockage massif jusqu'au 25 juin 2005, portant sur des articles d'électroménager signalés en magasin, en dehors de la période légale des soldes, l'association Union des Commerçants Industriels et Artisans de Nîmes et du Gard (UCIA) a fait assigner cette société aux fins d'obtenir réparation de son préjudice devant le tribunal de grande instance de Nîmes qui, par jugement du 9 mai 2006, a prononcé la nullité de l'assignation et condamné l'UCIA à verser la somme de 150 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

L'UCIA a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation demandant à la cour de condamner la SARL Equipement confort à lui payer les sommes de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts et 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle conclut au rejet de la demande reconventionnelle.

Elle critique le jugement déféré en ce qu'il a retenu à tort que le président n'avait pas le pouvoir d'ester en justice au regard des dispositions statutaires et de la jurisprudence de la cour de cassation.

Réitérant les moyens développés en première instance, elle soutient en substance qu'elle rapporte la preuve qu'il s'agit bien de soldes par référence à la notion de stock prédéterminé et non renouvelable de marchandises et que le préjudice est constitué s'agissant de concurrence déloyale.

La SARL Equipement confort conclut à la confirmation du jugement entrepris et, formant appel incident, réclame les sommes de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts et 2 734,94 euro pour ses frais irrépétibles.

Elle soulève, outre le moyen d'irrecevabilité retenu par le premier juge, les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et d'intérêt à agir de l'appelante.

Elle conclut encore au rejet des demandes considérant que les conditions des articles L. 310 et suivants du Code de commerce ne sont pas remplies.

Elle réplique également que le préjudice en matière de concurrence déloyale doit être certain et que son existence n'est pas rapportée en l'espèce.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'appel principal :

Il est opposé comme en première instance l'irrecevabilité de la demande fondée sur le défaut de capacité du président de l'association pour représenter l'association en justice ainsi que le défaut de qualité et d'intérêt à agir.

Il ressort des statuts de l'association et plus précisément de l'article 23 que le président dirige l'Union, qu'il la représente dans tous ses actes civils et en justice. - Dès lors, la SARL Equipement Confort ne peut se prévaloir d'un défaut de capacité du président en l'état de cette disposition qui octroie expressément au président un pouvoir général de représentation en justice et des statuts dont l'examen attentif révèle qu'ils ne comportent aucune disposition restrictive au droit d'agir du président au nom de l'association.

L'assignation a donc bien été régulièrement délivrée sans qu'il soit besoin d'exciper d'une délibération du conseil d'administration.

L'exception doit être en conséquence écartée ce qui justifie d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Il est soutenu que l'association n'a pas qualité et intérêt pour défendre l'intérêt regroupé de ses membres à défaut de disposition statutaire ou d'habilitation légale voire au visa de l'article 31 du Code de procédure civile.

Il est rappelé que si, en vertu des dispositions précitées et de l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901, une association ne peut, hors habilitation législative, agir en justice au nom d'intérêts collectifs, il en est autrement lorsqu'elle agit pour la défense collective d'intérêts individuels en rapportant la preuve que son action se situe dans le prolongement des dommages et atteintes subis personnellement par ses membres et dans le cadre précis de son objet. - Cette preuve est rapportée par référence à l'objet statutaire de l'association si celle-ci a la charge de défendre les intérêts collectifs de ses membres.

Il ressort en l'occurrence des statuts que l'association UCIA a pour but " la défense des intérêts économiques, matériels et moraux de ses adhérents.... de représenter, équiper et défendre les PME etc... dans tous les domaines possibles " de sorte que l'association UCIA démontre bien par son objet social son intérêt à agir.

Il est vainement allégué le défaut d'intérêt à agir à titre individuel au vu de l'objet social ci-dessus rappelé alors que l'action a précisément pour but la défense d'agissements considérés comme des actes de concurrence déloyale et la réparation du préjudice souffert par ses adhérents pris collectivement.

La fin de non-recevoir soulevée en ses différentes branches ne peut être accueillie et l'action doit être déclarée recevable.

Il appartient à l'appelante de rapporter la preuve au travers de la publicité incriminée de l'existence de soldes en dehors des périodes autorisées, constitutives d'un acte fautif de concurrence déloyale envers les autres commerçants.

L'article L. 310-3 du Code de commerce dans sa version applicable au litige considère comme soldes les ventes qui sont accompagnées ou précédées de publicité et sont annoncées comme tendant par une réduction de prix à l'écoulement accéléré de marchandises en stock.

En l'espèce la publicité parue dans l'hebdomadaire Top Annonces du 20 juin 2005 à l'initiative de la SARL Equipement Confort à l'enseigne Cap' tain Fracasse est libellée ainsi :

" Déstockage massif électroménager Cap' tain Fracasse fête son premier anniversaire à des prix fracassants sur les plus grandes marques -10%*, -20%*,-30%*,-40%*,-50%* neuf et déclassé

*Sur les articles signalés en magasin dans la limite des stocks disponibles ".- L'opération étant faite dans la limite des stocks disponibles, il n'existe aucune perspective de réapprovisionnement au cours de la période de vente.

Il s'agit donc bien de soldes au sens de l'article précité puisque la vente est annoncée comme tendant par une réduction de prix à l'écoulement accéléré du stock prédéterminé et non renouvelable de marchandises et ce, en dehors de la période légale des soldes dans la mesure où il est justifié par la production de l'arrêté du préfet du Gard du 11 mai 2005 que la période de soldes a été fixée à compter du 6 juillet 2005.

Cette vente telle qu'annoncée, réalisée en violation des dispositions réglementaires constitue bien un acte de concurrence déloyale.

L'intimée conteste vainement l'existence d'un préjudice alors que la vente annoncée des marchandises effectuée dans ce cadre incite les consommateurs à effectuer leurs achats dans ce magasin au détriment des autres, dans une période favorable puisqu'elle précède celle légale des soldes.

Cette vente cause ainsi un préjudice à ceux qui, exerçant la même activité, respectent ces règles et porte atteinte à l'intérêt collectif des commerçants de cette branche d'activité représentés par l'association.

Le préjudice tel qu'explicité subi par l'association en lien avec la faute retenue supra sera réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euro.

Sur l'appel incident :

Dans la mesure où il est fait droit aux prétentions de l'association UCIA, la demande de dommages et intérêts de l'intimée ne peut être fondée et sera rejetée.

Sur les frais de l'instance

La SARL Equipement Confort qui succombe devra supporter les dépens de l'instance conformément à l'article 696 du Code de procédure civile et devra payer à l'association UCIA la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.