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Décisions

Cass. com., 26 juin 2012, n° 11-20.629

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Les Comptoirs du monde (SARL)

Défendeur :

Roldan (Sté), Nateco (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

Mme Batut

Conseiller :

M. Petit

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel, SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard

Toulouse, 2e ch. sect. 2, du 24 mai 2011

24 mai 2011

LA COUR : - Sur le premier moyen :- Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 24 mai 2011), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 15 septembre 2009, n° 08-14.993), que la société Roldan, ayant son siège à Toulouse, exerce depuis 1994 une activité de commercialisation de petits articles de ménage, bazar, quincaillerie, décoration, présentés sur des palettes cartonnées dans des grandes surfaces, principalement dans le cadre d'opérations promotionnelles, avec reprise des invendus après quelques semaines ; que sa filiale, la société Nateco, applique depuis 1997 les mêmes techniques pour la vente de produits de beauté et de bien-être ; que la société Les Comptoirs du monde, dont le siège est également à Toulouse, s'est lancée dans la même activité à compter de 1999 ; que, reprochant à cette dernière une concurrence parasitaire, la société Roldan et la société Nateco l'ont assignée en responsabilité ;

Attendu que la société Les Comptoirs du monde fait grief à l'arrêt d'avoir retenu une concurrence déloyale au préjudice des sociétés Roldan et Nateco, alors, selon le moyen : 1°) que le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ; que le parasitisme est exclu lorsque l'entreprise à laquelle il est reproché n'a fait que pénétrer un marché et reprendre des modalités d'action répandues parmi l'ensemble des concurrents intervenant sur ce marché ; que pour juger que la société Comptoirs du monde s'était livrée à des actes de parasitisme constitutifs d'une concurrence déloyale, la cour d'appel a considéré qu'elle avait profité des choix et des modalités d'action de la société Roldan et de ses filiales pour les concurrencer ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle constatait que la société Roldan et ses filiales s'étaient elles-mêmes inspirées de précédents et que les sociétés de vente en foire à petit prix avec reprise d'invendus avaient adopté des modalités d'action comparables, ce dont il résultait que les sociétés Roldan et Nateco n'avaient pas déployé des efforts et un savoir-faire particuliers dont aurait fautivement profité la société Comptoirs du monde, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; 2°) qu'en vertu du principe de la liberté du travail, tout salarié est libre d'exploiter, chez un concurrent de son précédent employeur, les connaissances et aptitudes acquises ou développées chez ce dernier ; que pour retenir que la société Comptoirs du monde s'était livrée à un parasitisme constitutif de concurrence déloyale, la cour d'appel a considéré que cette société avait embauché un ancien comptable de la société Roldan, M. Jean Vergnes, dès son licenciement, et que ce salarié, devenu associé de la société Comptoirs du monde, avait incité cette dernière à pénétrer le marché des foires avec reprise des invendus au vu de son expérience passée dans ce domaine au sein de la société Roldan ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle constatait que M. Jean Vergnes avait été licencié par son précédent employeur préalablement à son embauche par Comptoirs du monde, ce dont il résultait qu'il était libre de tout engagement, et sans constater que son embauche aurait été accompagnée de manœuvres déloyales ou aurait gravement désorganisé la société Roldan, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil et du principe de la liberté du travail ; 4°) qu'en vertu des principes de liberté du commerce et de l'industrie, d'une part, et de liberté de la concurrence, d'autre part, toute entreprise est libre de vendre les produits ou services vendus, sur un même marché, par l'un de ses concurrents, de prospecter la même clientèle en lui offrant les mêmes délais de paiement et de s'adresser aux mêmes fournisseurs ; qu'en condamnant la société Comptoirs du monde pour parasitisme, aux motifs que cette dernière avait démarché les mêmes fournisseurs que ceux de la société Roldan et qu'elle avait vendu les mêmes types de produits voire les mêmes produits que la société Roldan avec les mêmes délais de paiement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble les principes susvisés ; 4°) que l'utilisation d'une papeterie commerciale (bons de commande), de présentoirs ou de palettes de stockage de formes et dimensions identiques à celles des présentoirs ou palettes utilisés par un concurrent ne peut, dès lors que ces papeteries, présentoirs ou palettes ne sont pas le produit d'investissements ou d'efforts créatifs particuliers de ce concurrent et sont largement répandus, constituer un acte de parasitisme ; qu'en condamnant néanmoins la société Comptoirs du monde aux motifs que celle-ci avait utilisé des bons de commande, présentoirs et palettes présentant les mêmes caractéristiques de dimensions, de composition et de forme que ceux des sociétés Roldan et Nateco, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 5°) que l'utilisation d'un présentoir dont le visuel est proche de celui utilisé par le présentoir d'un concurrent ne peut justifier la condamnation pour parasitisme dès lors que ce présentoir ne fait pas l'objet d'une protection par un droit privatif, en raison de la banalité de son apparence, et ne résulte pas d'efforts créatifs particuliers ; qu'en jugeant néanmoins que la société Comptoirs du monde s'était livrée à un parasitisme en utilisant, pour l'un de ses présentoirs, un personnage de magicien trop proche du personnage de valet utilisé par la société Roldan, tandis que ce visuel banal ne relevait pas d'une originalité qui en aurait permis la protection par un droit privatif, et ne résultait pas d'efforts créatifs particuliers de la société Roldan, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 6°) qu'en se fondant sur les pièces 70, 71, 72 et 73 prétendument produites par la société Comptoirs du monde, tandis que les pièces produites par celle-ci étaient numérotées de 1 à 16, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 7°) qu'en se fondant sur les faits prétendument allégués par la société Comptoirs du monde suivant lesquels, d'une part, cette dernière contestait les accusations de parasitisme en imputant à la société Roldan d'avoir elle-même parasité les méthodes commerciales de la société Turbofée, d'autre part, la société Comptoirs du monde prétendait avoir acquis son savoir-faire grâce à l'oncle de M. Layani, salarié d'une centrale d'achats, tandis que la société Comptoirs du monde n'invoquait pas de tels faits dans ses conclusions, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 8°) qu'en ne répondant pas au moyen tiré de ce que la société Comptoirs du monde n'avait pu copier les méthodes de la société Roldan, dès lors que cette dernière a été créée après elle et n'a pas recueilli le savoir-faire de la société Cargo dans l'apport partiel d'actifs dont elle a bénéficié, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que, si la cour d'appel a visé des pièces sous des numéros qui ne correspondaient pas à ceux du bordereau annexé aux conclusions de la société Les Comptoirs du monde, aucune atteinte aux principes invoqués n'en est résultée dès lors que cette dernière ne prétend pas que ces pièces n'avaient pas été produites par elle ;

Et attendu, en second lieu, que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt constate qu'après avoir embauché un ancien comptable de la société Roldan, devenu ensuite l'un de ses associés, la société Les Comptoirs du monde s'est lancée dans la même activité que les sociétés Roldan et Nateco, en reproduisant les méthodes commerciales et le mode de fonctionnement de ces dernières ; qu'il précise à cet égard qu'elle utilisait les mêmes documents commerciaux, des contrats identiques comportant les mêmes conditions commerciales et s'est attaché les services des mêmes prestataires de service pour la liquidation des stocks ; que l'arrêt relève encore que la société Les Comptoirs du monde commercialisait les meilleurs produits sélectionnés par ces sociétés au terme d'une expérience de plusieurs années, qu'elle commandait aux mêmes fournisseurs, qu'elle désignait sous les mêmes dénominations et avec la même classification que celles utilisées par elles dans leur base de données informatique, et qu'elle présentait sur des box-présentoirs décorés d'un personnage, copie servile de celui choisi par la société Roldan, et identiques en forme, en taille et en matériau, et sur des palettes d'un modèle peu utilisé, hormis par les sociétés Roldan et Nateco ; qu'ayant encore souligné que, si des entreprises pratiquant la même activité pouvaient adopter des comportements comparables, aucune contrainte technique n'imposait de recourir aux procédés spécifiques employés par les sociétés Roldan et Nateco, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur des faits qui n'étaient pas dans le débat et ne lui a pas imputé à faute le fait d'embaucher un salarié libre de toute obligation de non-concurrence ou de confidentialité mais a seulement constaté que c'était ce salarié qui lui avait révélé le détail du fonctionnement des sociétés Roldan et Nateco, ce qui rend inopérante la huitième branche du moyen, a pu en déduire que la société Les Comptoirs du monde avait pillé systématiquement le savoir-faire économique des sociétés Roldan et Nateco, et, ce faisant, s'était approprié les résultats de l'investissement financier et professionnel consenti par elles ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.