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Décisions

Cass. com., 26 juin 2012, n° 11-20.538

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Alain Allard (SARL), Atlantique benne transports (SARL), Transports Dourver (SARL), Transports Jean-Pierre Landais (SARL)

Défendeur :

Coopérative Ablo Coop (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

Mme Batut

Conseiller :

M. Petit

Avocats :

SCP Odent, Poulet, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament

Rennes, 2e ch. com. du 15 févr. 2011

15 février 2011

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 février 2011), que la société coopérative d'entreprises de transport Ablo Coop (la société Ablo Coop), constituée en vue de l'exercice en commun de l'activité de transport routier par benne, a eu pour membres, notamment, les sociétés Alain Allard (la société Allard), Transports Jean-Pierre Landais (la société Landais), Nicolas, et Transports Dourver (la société Dourver), lesquelles ont été exclues par une décision de l'assemblée générale ordinaire du 29 avril 2010, pour diverses infractions aux statuts et au règlement intérieur de la coopérative ; que les sociétés exclues ont réclamé en référé à la société Ablo Coop une provision sur les sommes qui leur étaient dues au titre d'opérations de transport effectuées en mars et avril 2010 ; que, de son côté, la société Ablo Coop, leur reprochant d'avoir constitué entre elles la société Atlantique benne transports (la société AB Transports) qui détournait sa clientèle, les a assignées en référé également pour qu'il leur soit interdit de violer la clause de non-concurrence figurant dans son règlement intérieur et de commettre des actes de concurrence déloyale à son égard en entretenant la confusion entre les deux entreprises ;

Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés Allard, Dourver, Landais et AB Transports font grief à l'arrêt de d'avoir confirmé l'ordonnance de référé en ce qu'elle avait constaté des infractions à la clause de non-concurrence et d'avoir condamné sous astreinte les sociétés Allard, Landais, Nicolas et Dourver à cesser de concurrencer la société Ablo Coop auprès de ses clients, directement ou indirectement, notamment par l'intermédiaire de la société AB Transports, alors, selon le moyen, qu'une clause de non-concurrence qui interdit à l'adhérent d'une coopérative de transport, mettant en commun des moyens et des services, toute activité de transport, pendant une durée de trois ans et dans un périmètre géographique donné, avec l'un des clients de la coopérative, est disproportionnée par rapport à l'objet de celle-ci et au regard de la protection de ses intérêts légitimes ; qu'en l'espèce, la cour, qui a jugé qu'une telle clause n'était pas manifestement disproportionnée, de sorte que sa violation caractérisait un trouble manifestement illicite, a violé l'article 873 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient d'abord que la clientèle créée par la coopérative est distincte de celle de ses membres dès lors que la société Ablo Coop a pour objet le développement des activités de transport de ses membres, ce qui inclut notamment la prise de commandes et de marchés auprès de tous clients, ainsi que l'exercice en commun de ces activités conformément au décret du 8 février 1963, lequel dispose que les entreprises de transports peuvent former des sociétés coopératives en vue de constituer, pour l'exploitation de tout ou partie de leurs fonds de commerce, une agence commune traitant avec la clientèle ; qu'ayant ensuite relevé que l'obligation de non-concurrence pesant sur les anciens membres de la coopérative est limitée à trois ans, à la région administrative de son siège social et à la clientèle des transports par benne existant au moment du retrait, la cour d'appel a pu en déduire qu'en ce qu'elle préservait la clientèle développée par la coopérative de l'activité concurrentielle d'entreprises susceptibles de tirer profit des relations nouées avec ces clients en leur qualité d'anciens coopérateurs, cette clause était proportionnée aux intérêts légitimes de la coopérative au regard de son objet ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que les sociétés Allard, Dourver, Landais et AB Transports font grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance de référé en ce qu'elle avait rejeté leurs demandes de provision alors, selon le moyen : 1°) que seule une indemnité fixée forfaitairement et d'avance entre les parties, et destinée à sanctionner l'inexécution d'un contrat, est susceptible d'être qualifiée de clause pénale ; qu'en l'espèce, la cour, qui a jugé que les demandes de provision présentées par les exposantes se heurtaient à une contestation sérieuse, car la société Ablo Coop était en droit de retenir, sur le compte des anciens coopérateurs, l'indemnité destinée à réparer le préjudice né de la violation de l'obligation de non-concurrence souscrite par les exposantes, quand le montant des pénalités en cause avait été unilatéralement et arbitrairement fixé par la coopérative, ce dont il résultait que celle-ci n'était pas en droit de retenir les sommes en cause, a violé les articles 1152, 1226 du Code civil et 873 du Code de procédure civile ; 2°) que la compensation n'est susceptible de mettre obstacle à une demande de provision que si la créance invoquée est certaine, liquide et exigible ; qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir constaté que le montant de l'indemnité due, au titre de la violation de leur obligation de non-concurrence par les exposantes, était sujet à controverse, a ensuite retenu que la compensation de cette créance avec les sommes dues aux exposantes, caractérisait une contestation sérieuse de nature à mettre obstacle à leurs demandes de provision, a violé les 1291 du Code civil et 873 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'une clause pénale, qui a pour objet de sanctionner le manquement d'une partie à ses obligations, s'applique du seul fait de cette inexécution et peut être modérée ou augmentée par le juge si elle est manifestement excessive ou dérisoire ; qu'après avoir rappelé que les stipulations de l'alinéa 4 de l'article 21 du règlement intérieur de la coopérative autorisaient cette dernière, en cas de manquement grave, à retenir sur les comptes des coopérateurs les sommes correspondant au préjudice subi par elle, puis relevé que les sociétés demanderesses avaient effectué de nombreuses prestations de transports en méconnaissance de l'obligation de non-concurrence qui s'imposait à elles, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la créance de la coopérative n'était, dans son principe, pas contestable, peu important que son montant soit encore sujet à controverse ;

Et attendu, d'autre part, que la coopérative ayant opposé aux demandes de provision une exception de compensation avec des créances qu'elle prétendait détenir contre les sociétés demanderesses, il appartenait seulement au juge des référés d'apprécier si l'éventualité d'une compensation était de nature à rendre sérieusement contestable la créance invoquée par ces dernières ; que la cour d'appel, qui a statué en ce sens, n'encourt pas le grief allégué ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.