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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 23 mars 2012, n° 10-03302

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Duchesne (SA)

Défendeur :

Chistrel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Bail

Conseillers :

Mme Denoual, M. Gimonet

Avoués :

SCP Guillou - Renaudin, SCP Brebion Chaudet

Avocats :

Selarl Chas, Me Maillard

TGI Rennes, 25 févr. 2010

25 février 2010

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Vu l'appel interjeté le 10 mars 2010 par la société D. Duchesne du jugement rendu le 25 février 2010 par le Tribunal de grande instance de Rennes l'ayant condamnée à verser à Mme Chistrel la somme de 10 000 euro avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2007 outre la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et ayant débouté Mme Chistrel de ses demandes de dommages et intérêts et d'exécution provisoire ;

Vu les conclusions déposées par la société D. Duchesne le 30 septembre 2011 à l'effet d'obtenir la réformation du jugement déféré outre l'allocation de la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile aux motifs que les jeux publicitaires diffusés par ses soins seraient parfaitement licites, qu'ayant respecté les seules obligations auxquelles elle s'était engagée et en l'absence d'engagement ferme de sa part tenant au versement d'un prix quelconque, aucune faute ne pourrait lui être reprochée ;

Vu les conclusions déposées par Mme Chistrel le 28 octobre 2011 sollicitant, au visa des articles L. 121-36 et suivants du Code de la consommation, 1371 et 1382 du Code civil, la confirmation du jugement dont appel outre l'allocation de la somme de 2 000 euro pour préjudice moral et celle de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture intervenue le 3 novembre 2011 ;

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande principale :

Considérant que par référence aux dispositions de l'article 1371 du Code civil, il est de principe que l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée, sans mettre en évidence l'existence d'un aléa, s'oblige par ce fait purement volontaire, à le délivrer ; que l'existence de l'aléa affectant l'attribution du prix doit être mise clairement en évidence, à première lecture, dès l'annonce du gain ;

Considérant que Mme Chistrel soutient avoir été destinataire, du 15 juin 2006 au 24 mars 2007, de plus de 80 courriers l'annonçant gagnante de la somme de 10 000 euro grâce à un numéro changeant à chaque courrier, avoir retourné les documents nécessaires pour recevoir ladite somme et avoir passé deux commandes ; qu'elle prétend qu'aucun des nombreux documents reçus ne mettrait en évidence de façon claire et distincte le fait qu'elle n'ait pas réellement gagné la somme en jeu ;

Considérant qu'il ressort clairement de l'examen des nombreuses pièces produites aux débats qu'à réception de ces documents, l'attention d'un consommateur doté d'une capacité de compréhension moyenne est immédiatement attirée par les mentions relatives au gain de 10 000 euro annoncé comme lui étant attribué sans que l'existence d'un aléa n'apparaisse clairement à partir de la lecture et de la présentation des documents en cause ; qu'en effet, le règlement produit et les multiples courriers reçus par Mme Chistrel se caractérisent par l'ambiguïté des termes employés, s'agissant des courriers, par sa totale illisibilité, aussi bien quant à la forme qu'au fond, en ce qui concerne le règlement ; qu'il est manifeste que par les procédés qu'elle a employés, la société D. Duchesne a tout mis en œuvre pour emporter la conviction de Mme Chistrel, sans aucune réserve, selon laquelle elle était l'heureuse gagnante de la somme de 10 000 euro ; que ce faisant, l'organisateur des loteries s'est obligé, par ce fait purement volontaire, à délivrer le gain promis ;

Considérant que la société D. Duchesne ne craint pas de mettre en cause la bonne foi de Mme Chistrel au motif qu'ayant été destinataire de nombreuses opérations promotionnelles, elle ne pourrait sérieusement soutenir avoir cru être la gagnante, à réception de chaque enveloppe ; que c'est bien au contraire la réitération des nombreuses correspondances, toutes similaires les unes aux autres, lui indiquant que son nom avait été tiré au sort et qu'elle avait gagné 10 000 euro qui a renforcé celle-ci dans sa conviction d'avoir été déclarée gagnante d'un chèque de 10 000 euro ; que tel est le sens de l'un des courriers adressés intitulé : " constat de gain garanti sous contrôle d'huissier " reçu le 13 novembre 2006 où il était indiqué à Mme Chistrel qu'elle était : " déclarée officiellement grande gagnante d'un chèque de 10 000 euro en retournant les documents nécessaires attendus par notre huissier suite au pré-tirage dans les plus brefs délais " ;

Considérant que dans ces conditions, la société D. Duchesne s'est bien engagée envers Mme Chistrel à lui verser la somme de 10 000 euro, que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur le préjudice moral :

Considérant que Mme Chistrel invoque l'existence d'un préjudice moral résultant du fait que pendant plus d'un an elle aurait subi un véritable harcèlement postal de la part de la société D. Duchesne, recevant près de trois courriers le même jour alors que par le même temps, traversant une situation financière particulièrement difficile, elle espérait beaucoup de ce jeu ;

Considérant que la réalité du préjudice moral invoqué tenant à la déception de ne pas avoir obtenu le gain escompté ne résulte d'aucune pièce probante versée aux débats, étant observé que les nombreux courriers reçus n'ont fait que la conforter dans l'idée qu'elle était la gagnante de la somme de 10 000 euro ; qu'étant déboutée de sa demande de dommages et intérêts, le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que partie perdante, la société D. Duchesne sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au versement de la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Decision, LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 25 février 2010 par le Tribunal de grande instance de Rennes ; Y ajoutant, Condamne la société D. Duchesne à verser à Mme Chistrel la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.