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Décisions

CA Caen, ch. corr., 3 juillet 2009, n° 08-00635

CAEN

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ody

Conseillers :

Mme Nirdé-Dorail, M. Soubise

Avocats :

Mes Trehet, Poussin

CA Caen n° 08-00635

3 juillet 2009

LE JUGEMENT :

Saisi de poursuites dirigées contre X :

- " d'avoir à Nivillac (56), entre le 1er juin et le 31 juillet 2001, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, au moyen de visites à domicile, abusé de la faiblesse ou de l'ignorance de A. pour lui faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, les circonstances montrant qu'il a été soumis à une contrainte ou qu'il n'était pas en mesure d'apprécier la portée de ses engagements ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour le convaincre " ;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 122-8, L. 122-9, L. 122-8 du Code de la consommation ;

- " d'avoir à Noyer Saint Martin (60), entre le 20 juillet et le 25 novembre 1998, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, abusé de la faiblesse ou de l'ignorance de Abel et Jeanine B pour leur faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme une ce soit, les circonstances montrant qu'ils ont été soumis à une contrainte ou qu'ils n'étaient pas en mesure d'apprécier la portée de leurs engagements ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour les convaincre " ;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation ;

- " d'avoir à Noyer Saint Martin (60), entre le 20 juillet et le 25 novembre 1998, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, ayant démarché ou fait démarcher les époux B à leur domicile, leur résidence ou à leur lieu de travail, même à leur demande, afin de leur proposer l'achat, la vente, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services, remis à ceux-ci un contrat ne comportant pas notamment les noms des fournisseurs ou du démarcheur, l'adresse du lieu de conclusion du contrat, la désignation précise des biens ou services proposés et les modalités de paiement " ;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-21, L. 121-23 et L. 121-28 du Code de la consommation ;

Saisi de poursuites dirigées contre Y :

- " d'avoir à Nivillac (56), entre le 1er juin et le 31 juillet 2001, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, au moyen de visites à domicile, abusé de la faiblesse ou de l'ignorance de A pour lui faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, les circonstances montrant qu'il a été soumis à une contrainte ou qu'il n'était pas en mesure d'apprécier la portée de ses engagements ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour le convaincre " ;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation ;

- " d'avoir à Noyer Saint Martin (60), entre le 20 juillet et le 25 novembre 1998, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, abusé de la faiblesse ou de l'ignorance des époux B pour leur faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, les circonstances montrant qu'ils ont été soumis à une contrainte ou qu'ils n'étaient pas en mesure d'apprécier la portée de leurs engagements ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour les convaincre " ;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation ;

Saisi de poursuites dirigées contre Z :

- " d'avoir à Nivillac (56), entre le 1er juin et le 31 juillet 2001, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, au moyen de visites à domicile, abusé de la faiblesse ou de l'ignorance de A pour lui faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, les circonstances montrant qu'il a été soumis à une contrainte ou qu'il n'était pas en mesure d'apprécier la portée de ses engagements ou de déceler les ruse ou artifices déployés pour le convaincre " ;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 122-8 et L. 122-9 du Code de la consommation ;

Par jugement contradictoire en date du 24 juin 2009, le tribunal correctionnel de CAEN a déclaré Y, X et Z coupables des infractions, a condamné :

- Y à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 2 ans avec l'obligation de réparer les dommages causés par l'infraction, à 1 000 euro d'amende,

- X à 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 2 ans avec l'obligation de réparer les dommages causés et à 5 000 euro d'amende,

- Z à 3 mois d'emprisonnement avec sursis à l'exécution de la peine d'emprisonnement avec mise à l'épreuve pendant 2 ans avec l'obligation de réparer les dommages causés par l'infraction,

- a prononcé la confiscation au profit de l'Etat des scellés enregistrés au greffe sous le numéro 716/03.

Sur l'action civile, ledit tribunal a reçu Abel B, Jeannine B et Jules C et en leur constitution de partie civile, a déclaré Y, X et Z responsables du préjudice subi, les a condamné solidairement à payer à Abdel B et à Jeannine B, la somme de 2 000 euro à titre de dommages-intérêts chacun, et 800 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, unis d'intérêts,

- a déclaré Y, X et Z responsables du préjudice subi par A, les a condamné solidairement à payer à A, la somme de 21 500 euro à titre de dommages-intérêts et 800 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, la solidarité étant limitée pour Z à la somme de 5 375 euro au titre des dommages-intérêts et 200 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

M. Xavier, le 26 juin 2008

M. le Procureur de la République, le 26 juin 2008 contre Y

T. Driss, le 30 juin 2008

L. Yannick, le 30 juin 2008

M. le Procureur de la République, le 30 juin 2008 contre X et Z

X, le 30 juin 2008

J. Edmond, le 3 juillet 2008

MOTIFS :

X, seul présent devant la Cour pour soutenir les motifs de son appel, proteste de son innocence et soutient n'avoir commis aucun acte, propre à caractériser l'abus de faiblesse à l'égard de A ou des époux B, ses anciens clients.

Les circonstances de la cause ayant été méticuleusement rapportées et analysées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel, la Cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que les prévenus sont poursuivis, pour avoir dans le cadre des activités de la Sarl 1, dont le siège était à IFS, abusé de la faiblesse de certains de leurs clients, dans le cadre de travaux qui leur ont été proposés, pour la rénovation notamment de leur habitation principale et dont ils ont obtenu le consentement par des moyens légalement répréhensibles, étant précisé que ni la loi, ni la jurisprudence n'imposent pour que le délit poursuivi soit consommé que les engagements souscrits par les victimes, leur aient gravement préjudiciés.

Sur la particulière vulnérabilité des époux B et de A :

Pour A :

Les conclusions de l'expert psychiatre le docteur T sont sans équivoque (cote D451).

A est " très simple ", avec une fragilité culturelle par rapport à des démarches commerciales particulièrement agressives.

Son état de santé et son âge constituent des facteurs de vulnérabilité aggravés par la survenue d'un infarctus dans les suites des événements.

En cote D460, le même expert place l'épouse de A au regard de son état de santé, dans des situations de particulière vulnérabilité.

Pour les époux B :

Abel B, selon l'expert médico-psychologue SERIOT (cote D504), le définit comme étant un sujet de faible niveau scolaire, qui a confié de longue date tout l'administratif du ménage à son épouse.

Celle-ci croyante, ne faisait confiance qu'à " M. J. ", sobriquet utilisé par X.

Les moyens de persuasion utilisés par celui-ci qui ont convaincu les époux B et plus l'épouse, sont des techniques de manipulation, qui ont visé à endetter ceux-ci, en s'affranchissant des garanties légales par des pratiques abusives.

Un tel comportement sera tenu à l'encontre des 3 prévenus, intervenus à des titres divers auprès des parties civiles.

Sur la contrainte

En conséquence du caractère influençable des victimes, des agissements des prévenus, des manipulations exercées à leur encontre, notamment par l'exécution extrêmement rapide de travaux, largement surfacturés à dire d'expert, les clients approchés ont été contraints de souscrire des prêts, anti datés, contrats remplis par D, qui a utilisé la technique du fractionnement des crédits, auprès d'organismes différents, évitant tout rapprochement qui aurait pu lui nuire et l'empêcher de parvenir à ses fins. X, concède, devant la Cour, que plus les contrats étaient nombreux, plus il percevait de commissions de la part des organismes de prêt.

Dans toutes les opérations pécuniaires, D dit " le banquier " (cote D123) a eu un rôle prépondérant.

Sur les actes gravement préjudiciables

D, mis en cause de manière précise par M et L et bien qu'il s'en défende, est intervenu tant auprès des époux B, qu'il connaissait précédemment au cours de son exercice dans une autre entreprise mise en faillite (Sarl OCMI), que de A auprès de qui, il allait jusqu'à, selon L (cote D141), se faire représenter le livre de Caisse d'Epargne du client, créditeur de 600 000 francs.

En obligeant par une forte contrainte psychologique, leurs clients, les prévenus ont gravement porté atteinte à la substance des patrimoines modestes des parties civiles.

L'infraction objet de la poursuite étant établie en tous ses éléments constitutifs, observation rappelée que L et M sont défaillants pour soutenir leur appel respectif, le jugement contesté, sera confirmé par motifs propres et adaptés sur la déclaration de culpabilité des prévenus.

Il sera en revanche réformé sur la peine, afin de mieux prendre en compte la nature des faits, leur ancienneté et la personnalité actuelle de chacun des prévenus.

X sera en conséquence condamné à la peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis mise à l'épreuve pendant 2 années avec l'obligation de réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction, le condamne également à 5 000 euro d'amende.

Z et Y verront leur peine confirmée.

La confiscation des objets saisis sera ordonnée.

Sur l'action civile :

Le premier juge a justement apprécié la responsabilité des prévenus dans la survenance des préjudices causés aux parties civiles et a procédé à sa réparation entre les prévenus à proportion de leurs rôles respectifs.

Les époux B n'ont pas relevé appel de la décision déférée.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé pour les dispositions qui leur sont propres. Il sera aussi confirmé sur les dispositions concernant A qui, s'il justifie avoir émis des paiements à l'ordre de la société 1, admet que partie des travaux ont été réalisés.

Il est juste d'allouer à A, au titre des frais exposés non compris dans les dépens et en cause d'appel, une indemnité de 600 euro.

Dispositif : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de X, de A, et par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Z, de Y et des époux B ; Reçoit Y, Z, X, A et le Ministère Public en leur appel respectif ; Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité ; Confirme les peines prononcées à l'encontre de Y et Z ; Infirme la peine en ce qui concerne X, et le condame à la peine de dix huit (18) mois d'emprisonnement, mais dit qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine et place X sous le régime de la mise à l'épreuve pendant deux ans, avec obligation particulière de réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction (obligation prévue par l'article 132-45 5° du Code pénal) et le condamne également à une amende de cinq mille euro (5 000 euro) ; Conformément à l'article 132-40 du Code pénal , le Président avertit les condamnés, d'une part que s'ils commettaient dans le délai d'épreuve une nouvelle infraction suivie d'une peine d'emprisonnement sans sursis, cette condamnation serait susceptible d'entraîner l'exécution de la peine prononcée par le présent arrêt, ainsi que le cas échéant, du ou des sursis antérieurement accordés, d'autre part que tout manquement pendant le même délai d'épreuve, aux mesures de contrôle et aux obligations ordonnées par le présent arrêt, serait susceptible d'entraîner l'exécution de la peine d'emprisonnement prononcée par cette décision, et enfin de la possibilité qu'il aurait à l'inverse, de voir déclarer sa condamnation non avenue en observant une conduite satisfaisante ; Le Président avertit les condamnés que, s'ils s'acquittent du montant de l'amende dans le délai d'un mois dans les conditions posées par l'article 707-2 ou l'article R. 55-1 du Code de procédure pénale, ce montant sera diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro ; Ordonne la confiscation au profit de l'Etat des scellés enregistrés au greffe du tribunal correctionnel de CAEN sous le n°716/03 ; Le Président informe les condamnés que le paiement des amendes ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours.