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Décisions

CA Douai, 6e ch. corr., 17 novembre 2009, n° 09-00959

DOUAI

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Avel

Conseillers :

Mme Gaillard, M. Brunel

Avocat :

Me Goosens

TGI Lille, 8e ch. corr., du 10 octobre 2…

10 octobre 2008

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LA PRÉVENTION

X est prévenu :

- titulaire d'une délégation de pouvoirs en qualité de directeur du magasin Y, d'avoir à Marcq en Baroeul, courant février 2005, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'origine de biens ou de services, en l'espèce, en réalisant un affichage et un étiquetage des filets de viande bovine laissant croire au consommateur qu'il achète un filet certifié " Père Gourmet " de race charolaise, alors que lui est vendu un filet provenant d'une filière non certifiée et d'une race non connue.

Faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation.

- titulaire d'une délégation de pouvoirs en qualité de directeur du magasin Y, d'avoir à Marcq en Baroeul, courant février 2005, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, produit, transformé ou commercialisé des denrées animales ou d'origine animale sans pouvoir justifier du contrôle, en l'espèce, en ne conservant pas les étiquetages comportant les informations de durabilité et d'identification de 231 produits mis en vente (231 contraventions).

Faits prévus par les articles R. 237-2 5°, R. 231-16, R. 231-18, R. 231-13 du Code rural et réprimée par l'article R. 237-2 du Code rural.

- titulaire d'une délégation de pouvoirs en qualité de directeur du magasin Y, d'avoir à Marcq en Baroeul, courant février 2005, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, détenu pour la vente, vendu ou offert des denrées alimentaires à l'étiquetage trompeur, en l'espèce, en exposant à la vente 21 barquettes sous la dénomination " saucisses de Toulouse " alors que ces saucisses contenant du veau ne pouvaient prétendre à cette appellation selon le Code des usages de la charcuterie (21 contraventions).

Faits prévus parles articles R. 112-6, R. 112-7 al. 1, al. 2, al. 3, R. 112-1, L. 214-1 al. 1 2°, L. 214-2 al. 1 du Code de la consommation et réprimés par l'article L. 214-2 al. 1 du Code de la consommation.

- titulaire d'une délégation de pouvoirs en qualité de directeur du magasin Y, d'avoir à Marcq en Baroeul, courant février 2005, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, détenu pour la vente, vendu ou offert des denrées alimentaires préemballées sans les mentions obligatoires conformes sur leur étiquette, en l'espèce, en mettant en vente en libre-service 207 barquettes de produits comportant un étiquetage erroné (207 contraventions).

Faits prévus par les articles R. 112-9, R. 112-9-1, R. 112-10, R. 112-6, L. 214-1 al. 1 2° du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 214-2 al.1 du Code de la consommation.

- titulaire d'une délégation de pouvoirs en qualité de directeur du magasin Y, d'avoir à Marcq en Baroeul, courant février 2005, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, commercialisé de la viande bovine sans étiquetage obligatoire conforme.

Faits prévus par l'article 1 du décret 2001-927 du 09/10/2001, les articles 11, 12, 13, 14 al. 1, al. 2, l'article 15 du règlement CEE 2000-1760 du 17/07/2000, les articles 2, 3, 4 du règlement CEE 2000-1825 du 25/08/2000, les articles L. 214-3, L. 214-1 al. 1 2° du Code de la consommation et réprimés par l'article L. 214-2 al. 1 du Code de la consommation.

LE JUGEMENT

Par jugement contradictoire en date du 10 octobre 2008, le Tribunal de grande instance de Lille :

- a déclaré X coupable des faits qui lui sont reprochés.

- l'a condamné à l'amende délictuelle de 1 500 euro, pour l'infraction de pratique commerciale trompeuse.

- 231 amendes contraventionnelles de 15 euro,

- à 229 amendes contraventionnelles de 10 euro,

pour l'infraction de production, transformation ou commercialisation de denrées animales ou d'origine animale sans pouvoir justifier du contrôle du respect des règles sanitaires

pour l'infraction de détention pour vente, vente ou offre de denrée alimentaire à l'étiquetage trompeur

pour l'infraction de détention pour vente ou offre de denrée alimentaire préemballée sans les mentions obligatoires conformes sur son étiquetage

pour l'infraction de commercialisation de viande bovine sans étiquetage obligatoire conforme.

LES APPELS

Le 20 octobre 2008, X a interjeté appel principal sur les dispositions pénales et civiles du jugement.

Le même jour, le procureur de la République a interjeté appel incident sur les dispositions pénales du jugement.

DÉCISION :

Vu toutes les pièces du dossier,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément a la loi, a rendu publiquement l'arret suivant assistée du greffier, en présence du Ministère public :

X a été cité devant la cour d'appel par exploit d'huissier signifié le 4 août et le 7 août 2009.

EN LA FORME:

Les appels susvisés ont été interjetés dans les formes et délais de la loi.

AU FOND:

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 2 février 2005 et le 7 février 2005, les services de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), Direction départementale de Lille, procédaient à une inspection du rayon " boucherie " du magasin Y exploité à Marcq en Baroeul.

Diverses infractions à caractère contraventionnel (231) et délictuel (1) étaient relevées:

- Absence de justification de contrôle s'agissant de la commercialisation de denrées alimentaires

- Mise en vente de produits revêtus d'un étiquetage trompeur

- Détention et mise en vente de denrées alimentaires préemballées sans étiquettes obligatoires conforme

- Mise en vente de viande bovine sans étiquetage obligatoire

- Publicité trompeuse.

Le 18 novembre 2005, ils procédaient à l'audition de X, responsable du magasin en vertu d'une délégation de pouvoirs.

Le 28 février 2006, les opérations étaient clôturées par la rédaction d'un procès-verbal signé par C. Populus et J. Chatelier, agents des services.

X s'est expliqué sur les faits qui lui sont reprochés, apportant pour l'essentiel les mêmes explications que celles présentées en première instance ; il reconnaît être titulaire d'une délégation de pouvoirs en qualité de directeur du magasin ; par son conseil, par conclusions écrites, il soutient que le procès-verbal du 28 février 2005 doit lui être déclaré inopposable car clôturé sans sa signature, en violation des articles R. 450-1 du Code de commerce et de l'article 11 du décret du 22 janvier 1919 ; il demande à la cour de constater que, par voie de conséquence, les 231 contraventions relevées sont prescrites alors qu'il n'a été entendu, sur les faits, que le 15 janvier 2007 et de le relaxer ; à titre subsidiaire, il soutient qu'aucun élément probant ne vient établir les contraventions reprochées, en ce que les faits n'ont pas été constatés personnellement par les agents signataires et qu'en tout état de cause, les agents de la DCCCRF n'ont pas procédé aux calculs de manière régulière, en ce qui concerne les pourcentages des produits, de sorte que les infractions ne sont pas établies.

Le Ministère public, pour sa part, demande à la cour de rejeter les arguments du prévenu et de prononcer la confirmation du jugement entrepris.

SUR CE

Sur l'opposabilité du procès-verbal du 28 février 2005 :

Attendu que les prescriptions de l'article R. 450-1 du Code de commerce établies dans le cadre de la procédure des agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence ne s'imposaient pas aux agents de la DGCCRF.

Que les formalités de rédaction et de communication des procès verbaux dressés par les agents de la DGCCRF et les règles de l'expertise contradictoire de fraude, antérieurement prévues par les articles 11 et suivants du décret du 22 janvier 1919 pris en application de la loi du 1 août 1905, sont désormais régies par les articles L. 215-5 et suivants et R. 215-2 du Code de la consommation alors que ce décret a été abrogé par l'article 4 du décret n° 97-298 du 27 mars 1997 portant codification de la partie réglementaire du Code de la consommation.

Que selon ces textes, lorsque les agents procèdent à des saisies en cas de constatations de falsification, de fraude ou de mise en vente de produits corrompus ou toxiques, ainsi qu'à des prélèvements d'échantillons, les procès-verbaux doivent comporter les mentions suivantes: les nom, prénoms, qualité et résidence de l'agent verbalisateur ; la date, l'heure et le lieu des constatations ; les nom, prénoms, profession et domicile de la personne chez laquelle la constatation est effectuée; le numéro de la constatation et la signature de l'agent verbalisateur.

Qu'en cas de prélèvement d'échantillons, le procès-verbal doit, en outre, contenir un exposé succinct des circonstances dans lesquelles ledit prélèvement a été effectué, relater les marques et étiquettes apposées sur les enveloppes ou récipients, l'importance du lot de marchandises échantillonnées, ainsi que toutes les indications jugées utiles pour établir l'authenticité des échantillons prélevés, l'identité de la marchandise et la dénomination exacte sous laquelle cette dernière était détenue ou mise en vente.

Que dans ces hypothèses, le propriétaire ou le détenteur de la marchandise peut faire insérer au procès-verbal toutes les déclarations qu'il juge utiles ; qu'il est invité à signer le procès-verbal et, en cas de refus, mention en est faite par l'agent verbalisateur,

Attendu qu'il convient de constater que dans le cadre du contrôle en cause, les agents de la DGCCRF se sont déplacés à deux reprises au magasin Y, soit les 2 et 5 février 2005 ; que le 2 février 2005, il a été procédé à des prélèvements consignés dans un procès-verbal de saisie de documents signé, à cette date, du seul responsable du rayon boucherie, en qualité de détenteur des marchandises.

Que X, responsable du magasin, a été entendu le 18 novembre 2005.

Que les éléments concernant l'ensemble du contrôle ont été clôturés dans un procès-verbal en date du 28 février 2007.

Que ce procès-verbal ne revêt que la signature des agents de la DGCCRF.

Que ni la signature du propriétaire du magasin ni celle du détenteur de la marchandise n'y figurent; qu'aucune mention n'établit que le responsable du magasin a été invité à formuler les déclarations utiles et à signer ledit procès-verbal ; qu'aucun mention ne précise, non plus, qu'il aurait refusé de signer.

Attendu qu'il convient en conséquence de constater que ce procès-verbal n'est pas conforme aux exigences des articles L. 215-5 et suivants et R. 215-2 du Code de la consommation susvisés dès lors que les circonstances de l'enquête préliminaire ont conduit les enquêteurs à procéder, dans l'établissement dirigé par le prévenu, à des saisies et des prélèvements.

Attendu qu'il convient de retenir que l'absence de ces formalités substantielles est de nature à porter atteinte aux droits de la défense de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris, et de déclarer inopposable à X, le procès-verbal du 28 février 2007.

Sur la prescription des contraventions :

Attendu que les 231 infractions contraventionnelles poursuivies ont été constatées les 5 et 7 février 2005, dates des contrôles dans le magasin;

Que lors de l'audition de X, le 18 novembre 2005, il ne lui a été posé aucune question relativement aux infractions considérées, lesquelles n'ont été mentionnées que dans le procès-verbal du 28 février 2006 soit plus d'un après [sic].

Que le procès-verbal du 28 février 2006 étant déclaré inopposable au prévenu ne peut constituer un acte de poursuite de nature à interrompre la prescription d'un an, s'agissant d'infractions contraventionnelles.

Que le 15 janvier 2007, X a été entendu pour la première fois par les services de gendarmerie.

Que c'est lors de cette audition, que les services de gendarmerie ont interrogé le prévenu sur l'ensemble des faits visés au procès-verbal du 28 février 2006, au nombre desquelles les infractions contraventionnelles poursuivies.

Qu'ensuite de cette audition, le mandement de citation devant le tribunal a été rédigé le 13 juin 2007 suivi d'un avertissement à prévenu en date du 23 novembre 2007.

Attendu que plus d'un an s'étant écoulé entre la constatation des infractions et la convocation du prévenu devant le tribunal, il convient de constater que la prescription de l'action publique, du chef des contraventions poursuivies, est acquise.

Que le jugement sera infirmé de ce chef et le prévenu, renvoyé des fins des poursuites, de ces chefs.

Sur le délit de publicité trompeuse :

Attendu, référence faite aux énonciations du jugement entrepris, qu'il suffit de rappeler qu'il résulte des constatations effectuées par les agents de la DGCCRF dans le rayon " boucherie traditionnelle ", qu'un tableau présenté au dessus du rayon reprenait les mentions obligatoires relatives à l'origine et à la traçabilité des viandes sur lequel ne figurait que les pièces de charolais et la viande de veau.

Que dans la vitrine réfrigérée, les dénominations et les prix des viandes étaient indiquées au moyen d'écriteaux " pique-prix " faisant référence aux animaux de race " charolaise " et à la catégorie de l'animal " génisse " ;

Que, toutefois, au milieu des autres viandes des morceaux de filet étaient mis en vente avec un pique-prix légèrement différent des autres, mais avec un Code couleur identique (inscriptions rouge sur fond blanc) ; que sur ce pique-prix ne figurait que la mention " jeune bovin " pour la catégorie, sans autre mention concernant la race.

Que dans la chambre froide, les agents habilités constataient la présence d'autre filets de jeunes bovins conditionnés sous vide dont l'étiquetage comportait des mentions de lieu d'abattage, de découpage, de la catégorie et de la race, différents de celles communiquées sur le tableau du rayon de la boucherie ; qu'il était exactement déduit que les filets en cause ne provenaient pas de génisses charolaises mais de jeunes bovins de type " viande ".

Que X, qui ne conteste pas ces éléments, soutient que ceux-ci n'étaient pas de nature à tromper le consommateur dès lors le pique-prix du filet "jeune bovin " était le seul à ne pas avoir un carré portant un logo spécifique et que le prix proposé pour ces filets était nettement plus cher que la viande de provenance charolaise ; qu'il indiquait lors de son audition que, de ce fait, le chef boucher n'avait aucun intérêt à vendre du filet de jeune bovin comme du charolais.

Attendu, toutefois, qu'il résulte de ces éléments que l'information donnée aux consommateurs, quant à l'origine, la nature et la qualité des viandes bovines, proposées au rayon " boucherie traditionnelle " du magasin Y, reposait exclusivement sur la présence de deux affiches indiquant que la viande provenait d'animaux de race charolaise, avec des mentions complémentaires certifiant cette origine et le respect de bonnes pratiques d'élevage, alors qu'il est établi que parmi les pièces de charolais se trouvaient des filets au prix supérieur d'une provenance différente qu'il n'était possible de distinguer que par l'absence de " petit carré descriptif " sur le pique prix.

Qu'une telle présentation n'excluait pas formellement que la viande "jeune bovin" était de race charolaise et la mention " jeune bovin " pouvait même inciter le consommateur à acheter de préférence cette viande par opposition au filet de génisse, alors qu'il est reconnu que leur prix était supérieur.

Attendu que c'est à bon droit que le tribunal a retenu, en ces circonstances, que la présentation opérée au rayon boucherie traditionnelle était de nature à engendrer une confusion dans l'esprit du consommateur raisonnable et normalement attentif.

Attendu qu'il convient de confirmer le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité du chef du délit de publicité trompeuse, infraction dont la commission n'exige pas la volonté de tromper, mais procède de la négligence et de l'imprudence.

Attendu, sur la peine, qu'il convient de confirmer le jugement qui a fait une juste appréciation des circonstances de la commission des faits et de la personnalité du prévenu.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire à l'égard de X, En la forme reçoit les appels, Au fond ; Sur l'action publique : Constate l'extinction de l'action publique du chef des contraventions poursuivies, Renvoie X des fins de la poursuite de ces chefs, Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité concernant le délit de publicité trompeuse, Le confirme sur la peine. Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 euro dont est redevable le condamné.