CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 3 juillet 2012, n° 12-00953
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Glen Dimplex Home Appliances (Sté), Glen Dimplex France (Sté)
Défendeur :
Fourneaux & Ustensiles (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guihal
Conseillers :
Mmes Dallery, Caron-Deglise
Avocats :
Mes Farque, Vigne
La société française Fourneaux et Ustensiles (F&U) qui exerce une activité de commerce de gros appareils ménagers et se prévaut d'un contrat de distribution en France avec la société Stoves absorbée depuis par Glen Dimplex Home Appliances (GDHA) des produits de marque Stoves, faisait assigner devant le Tribunal de commerce d'Evry les sociétés GDHA et Glen Dimplex France (GD France) en paiement de dommages et intérêts, reprochant à la première sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, la rupture de relations commerciales établies et à la seconde, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, de bénéficier grâce à elle d'une solide implantation et d'une réputation de qualité ainsi que de ne pas l'avoir informée des conditions qui lui permettraient de continuer à acheter ces produits.
Par jugement du 14 décembre 2011, le Tribunal de commerce d'Evry, saisi par les sociétés GDHA et GD France d'une exception d'incompétence principalement au profit des juridictions anglaises et subsidiairement, au profit du Tribunal de commerce de Paris se déclarait incompétent au profit de ce dernier tribunal. GDHA et GD France formaient dans les délais, contredit du jugement.
Dans leurs dernières écritures du 12 juin 2012 reprises oralement à l'audience, elles demandent, infirmant le jugement, de dire que le litige relève des juridictions anglaises, subsidiairement, si le litige pouvait être divisé et la compétence des tribunaux français retenue pour connaître des seules demandes formées à l'encontre de la société GD France, d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur la responsabilité alléguée de GDHA, plus subsidiairement de retenir la compétence du Tribunal de commerce de Paris et en tout état de cause, de leur allouer à chacune une somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
F&U, par conclusions du 12 juin 2012 reprises oralement à l'audience, demande de rejeter le contredit, subsidiairement de dire le Tribunal de commerce de Paris compétent pour statuer sur le litige l'opposant à GD France, de dire n'y avoir lieu à surseoir à statuer et de condamner les contredisantes à lui verser la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur quoi,
Considérant que les contredisantes se prévalent de la clause d'élection de for au profit des juridictions anglaises figurant à l'article 9 du contrat de fourniture conclu le 30 septembre 1997 entre la société anglaise Stoves aujourd'hui GDHA et la société française F&U ayant pour objet la fourniture de produits de marque Stoves ; que cet article dispose (selon une traduction libre): "Ce contrat est soumis à la loi anglaise et les parties s'accordent à se soumettre à la juridiction des tribunaux anglais" ;
Considérant que l'article 23.1 du règlement (CE) 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale de ce Règlement dispose :
"Si les parties, dont l'une au moins à son domicile sur le territoire d'un Etat membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue :
a) par écrit ..."
Considérant que les modifications au contrat initial formalisées par courrier du 20 décembre 2001 constituent des avenants qui n'ont pas remis en cause la clause d'élection de for liant F&U à GDHA qui a absorbé la société Stoves ;
Considérant que la clause attributive de juridiction acceptée par les parties, valable au regard de l'article 23 du Règlement précité, s'applique à tout litige découlant de la rupture des relations contractuelles entre les parties ; que tel est le cas, s'agissant en l'espèce d'un litige portant sur la rupture brutale alléguée d'une relation commerciale établie fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, peu important à cet égard que cette action engage la responsabilité quasi-délictuelle de l'auteur de la rupture de la relation commerciale ;
Que les dispositions de l'article 5-3 du Règlement n'ont pas vocation à s'appliquer, l'article 23.1 de ce texte instaurant une compétence exclusive au profit de la juridiction de l'Etat contractant désigné, en l'occurrence les juridictions anglaises ;
Considérant par ailleurs que l'article 23 prime l'article 6 1) du Règlement concernant la pluralité de défendeurs et l'indivisibilité du litige ; qu'en outre, cette clause de compétence exclusive au profit d'une juridiction étrangère empêche l'application des règles procédurales françaises sur la connexité du litige ou la bonne administration de la justice ;
Qu'il convient en conséquence, accueillant le contredit, d'infirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Evry en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris pour connaître du litige opposant la société française F&U à la société anglaise GDHA alors qu'il existe une clause d'élection de for au profit des juridictions anglaises ;
Qu'il y a lieu en revanche de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la compétence du Tribunal de commerce de Paris pour connaître du litige opposant la société française F&U à la société GD France en l'absence de clause d'élection de for opposable ;
Qu'enfin la demande tendant à voir ordonner le sursis à statuer de la juridiction française dans l'attente d'une décision définitive sur la responsabilité alléguée de GDHA n'est pas pertinente comme dépourvue de lien avec l'exception d'incompétence soulevée ;
Considérant que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Déclare partiellement fondé le contredit ; Infirme le jugement du Tribunal de commerce d'Evry du 14 décembre 2011 mais seulement en ce qu'il a désigné le Tribunal de commerce de Paris pour statuer sur les demandes dirigées contre GDHA ; Renvoie les parties à se mieux pourvoir de ce chef ; Confirme le jugement pour le surplus ; Rejette les demandes plus amples ou contraires ; Condamne la société F&U aux dépens du contredit.