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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 5 juin 2012, n° 10-09551

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Agence Conseil 3 P Pred (SAS)

Défendeur :

Procter et Gamble Pharmaceuticals France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mmes Beauvois, Poinseaux

Avocats :

Mes Jullien, Desfilis, Rossignol, Lafon, Selas Claude & Associés

T. com. Nanterre, du 30 nov. 2010

30 novembre 2010

Vu l'appel interjeté le 21 décembre 2010, par la société Agence Conseil 3P Pred d'un jugement rendu le 30 novembre 2010 par le Tribunal de commerce de Nanterre qui a :

* dit que le préavis dont a bénéficié la société Agence Conseil 3P Pred est suffisant et débouté cette dernière de ses demandes,

* condamné la société Agence Conseil 3P Pred à payer à la société Procter & Gamble Pharmaceuticals la somme de 151 880,91 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2009 et anatocisme,

* condamné la société Agence Conseil 3P Pred à payer à la société Procter & Gamble Pharmaceuticals la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens;

Vu les dernières écritures en date du 20 mars 2012, par lesquelles la société Agence Conseil 3P Pred demande à la cour de:

* constater qu'elle a réglé les condamnations mises à sa charge par le jugement déféré,

* confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Procter & Gamble Pharmaceuticals la somme de 151 880,91 euro TTC,

* infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau:

- condamner la société Procter & Gamble Pharmaceuticals au versement de la somme de 1 178 304 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies,

- condamner la société Procter & Gamble Pharmaceuticals au versement de la somme de 170 540,52 euro à titre de dommages et intérêts pour les coûts de licenciement qu'elle a supportés,

- condamner la société Procter & Gamble Pharmaceuticals au versement de la somme de 66 348 euro en remboursement des investissements réalisés à sa demande,

- condamner la société Procter & Gamble Pharmaceuticals au versement de la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamner la société Procter & Gamble Pharmaceuticals à lui restituer la somme versée au titre des intérêts avec anatocisme soit la somme de 5 517,60 euro,

- dire que la demande reconventionnelle de la société Procter & Gamble Pharmaceuticals tendant à ce qu'elle supprime une mention de son site internet est devenue sans objet, l'en débouter,

- condamner la société Procter & Gamble Pharmaceuticals à restituer la somme versée au titre des frais irrépétibles, soit la somme de 5 000 euro,

- condamner la société Procter & Gamble Pharmaceuticals au versement de la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens;

Vu les dernières écritures en date du 27 janvier 2012, aux termes desquelles la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France prie la cour de:

* confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

* rejeter la demande nouvelle formée par la société Agence Conseil 3P Pred de condamnation de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* rejeter la demande nouvelle formée par la société Agence Conseil 3P Pred de condamnation de 66.348 euro en remboursement des investissements réalisés,

* débouter la société Agence Conseil 3P Pred de ses demandes,

* condamner la société Agence Conseil 3P Pred au versement de la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de la procédure;

Sur ce, la cour,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il convient de rappeler que :

* la société Agence Conseil 3P Pred recrute et forme des délégués dentaires ayant pour mission de promouvoir auprès des dentistes et stomatologues, pour le compte de laboratoires pharmaceutiques, des produits pharmaceutiques ou des dispositifs médicaux,

* par contrat du 2 novembre 2000, la société Sanofi Synthelabo, devenue Sanofi Aventis, a chargé la société Agence Conseil 3P Pred de présenter les gammes de ses produits Fluocaril et Parogencyl auprès des professionnels de santé,

* le 1er septembre 2005, la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France a acquis les marques de soin bucco-dentaires Fluocaril et Parogencyl détenues par la société Sanofi Aventis,

* un contrat a été signé entre la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France et la société Agence Conseil 3P Pred le 14 décembre 2005, pour une durée de un an, à effet au 1er janvier 2006,

* un second contrat a été signé en 2007, également pour une durée de un an, un avenant transformant la durée du contrat à compter du 1er janvier 2008 en une durée indéterminée,

* par lettre du 24 juin 2008, la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France a informé la société Agence Conseil 3P Pred de sa décision de rompre le contrat avec effet au 31 décembre 2008,

* c'est dans ces circonstances, estimant ce préavis de six mois insuffisant, que la société Agence Conseil 3P Pred a assigné la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France devant le Tribunal de commerce de Nanterre afin d'obtenir l'octroi de dommages et intérêts réparant son préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales;

Sur la violation des dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce:

Sur la durée de la relation commerciale établie:

Considérant en droit que selon les dispositions de l'article L. 442-6-I 5°) du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (...) ;

Considérant en l'espèce, que la société Agence Conseil 3P Pred soutient qu'au moment de la rupture, elle était engagée dans une relation commerciale depuis 8 ans, elle consacrait 50% de son temps de visite à la présentation des produits de la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France qui l'a entretenue dans l'illusion que les relations commerciales perdureraient alors qu'elle évoluait sur un marché qui offre peu de débouchés et où les processus décisionnaires sont longs;

Qu'elle expose avoir élaboré pour Sanofi-Aventis un programme de présentation des gammes Fluocaril et Parogencyl et que dès avant la cession des marques éponymes, la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France a manifesté son intention non équivoque de poursuivre le programme élaboré pour la société Sanofi-Aventis;

Qu'elle rappelle l'avenant conclu sur la demande de la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France le 28 novembre 2005 avec la société Sanofi-Aventis, alors que cette dernière n'était plus propriétaire des marques;

Qu'elle soutient que la comparaison des contrats conclus avant et après la cession des marques démontre qu'ils sont demeurées inchangées, les seules différences formelles n'étant pas de nature à remettre en cause la poursuite du programme par la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France ;

Considérant que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France, contestant avoir demandé la poursuite du contrat de la société Sanofi-Aventis, fait valoir que la durée de la relation commerciale n'est que de 2 ans et 6 mois;

qu'elle oppose l'article 11 des contrats signés entre la société Sanofi-Aventis et la société Agence Conseil 3P Pred qui stipule que le client aura la possibilité de transférer les droits et obligations découlant des présentes à toute société dans laquelle Sanofi possède directement ou indirectement au moins 50 % du capital et disposant des autorisations réglementaires requises aux fins des présentes;

Qu'elle en conclut qu'à contrario, il n'y a pu avoir de transfert vers une société sans lien capitalistique avec la société Sanofi-Aventis;

qu'elle soutient que dans l'annexe 2.1.1 du contrat de cession qu'elle a signé avec la société Sanofi-Aventis, le contrat de la société Agence Conseil 3P Pred est listé dans la rubrique des contrats non transférés dans le cadre de la reprise des marques;

Qu'elle expose que la société Sanofi-Aventis a continué jusqu'au mois de décembre 2005 de promouvoir les produits qu'elle a acquis le 1er septembre 2005, ce qui a justifié un avenant signé au mois de novembre 2005 entre cette société et la société Agence Conseil 3P Pred;

Qu'elle ajoute que le contrat, qu'elle a signé avec la société Agence Conseil 3P Pred le 14 décembre 2005, a été entièrement négocié avec des conditions, un objet, une durée, une rémunération, des conditions d'exploitation complètement différents, de sorte, selon elle, que la poursuite de la relation commerciale ne saurait être sérieusement retenue;

Considérant que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France a acquis les marques de soin bucco-dentaires Fluocaril et Parogencyl détenues par la société Sanofi-Aventis le 1er septembre 2005;

Qu'un premier contrat a été signé entre la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France et la société Agence Conseil 3P Pred le 14 décembre 2005, pour une durée de un an, à effet au 1er janvier 2006;

Qu'un second contrat a été signé en 2007, suivi d'un avenant transformant la durée du contrat à compter du 1er janvier 2008 en une durée indéterminée;

Considérant que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France ne saurait contester l'existence d'une relation commerciale établie ayant existé entre la société Agence Conseil 3P Pred et la société Sanofi-Aventis au seul motif qu'en 2004 et 2005, une erreur matérielle a porté sur le numéro d'immatriculation de la société Agence Conseil 3P Pred tel qu'indiqué en 2000, 2001, 2002 et 2003, erreur rectifiée dès 2006 ;

Qu'en effet, il ne peut y avoir de doute sur le fait que la relation commerciale a été exécutée par la société Agence Conseil 3P Pred désignée dans les contrats Agence Conseil 3P Pred ou AC3P, ses initiales;

Considérant qu'il est établi et non sérieusement démenti que la société Sanofi-Aventis n'a pas transféré à la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France le contrat qu'elle avait conclu avec la société Agence Conseil 3P Pred expirant le 31 décembre 2005, société avec laquelle elle entretenait des relations commerciales depuis l'année 2000;

Mais considérant peu important l'absence de reprise formelle par la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France, lors de l'acquisition des marques précitées, des contrats conclus antérieurement entre la société Agence Conseil 3P Pred et la société Sanofi-Aventis, qu'il convient de rechercher si dans les faits la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France a repris le programme mis au point pour la société Sanofi-Aventis et ainsi continué la relation commerciale initialement nouée, induisant la reprise de l'ancienneté de cette relation;

Considérant que précédemment à l'acte de cession des marques, le 3 juin 2005, Pierre Yves Le Maout dirigeant de la société Agence Conseil 3P Pred a adressé à la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France un mail ainsi libellé: Mon nom est Pierre Yves Le Maout, directeur général de PRED, qui présente les gammes Fluocaril et Parogencyl aux dentistes français depuis bientôt 5 ans. J'ai demandé à Madame Dominique Fisch votre Email, car nous devons connaître votre position concernant le renouvellement ou non de notre contrat de manière assez urgente. Comme vous devez le savoir, notre contrat avec Sanofi expire fin 2005 (...) Nous avons mis un terme à nos discussions avec une autre entreprise leader sur le marché. Ce fabricant demeure prêt à travailler avec nous, mais a besoin d'une réponse avant la fin juin. Cela signifie que je serais contraint de commencer à négocier avec eux les conditions d'un contrat, si je n'ai pas d'engagement de PG avant cette date. Nous serions très heureux de continuer à présenter Fluocaril et Parogencyl dans le futur, en particulier après la reprise, par vous, de ces branches, dans la mesure où nous pouvons imaginer que vous voulez développer le business (...) Vous obtiendrez facilement des informations de Mme Fisch sur la qualité de notre équipe et nos résultats pendant les différentes années et je suis à votre disposition pour vous rencontrer quand vous le souhaitez (...);

que le 7 juin 2005, Phil Thomas de la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France a répondu en ces termes: Merci beaucoup de rentrer en contact avec moi si rapidement (...) Bien que nous soyons encore dans la procédure de transitions (...), nous sommes parfaitement conscients du partenariat fructueux qui existe entre Pred et les marques Fluocaril et Parogencyl. C'est un partenariat auquel nous tenons. A ce stade, ma prévision est donc que nous voudrons vraiment continuer ce partenariat en 2006 et au-delà. Naturellement nous voudrions avoir une réunion avec vous pour comprendre de manière plus complète l'opération. Je comprends de nos engagements contractuels avec Sanofi-Aventis, que nous devons convenir formellement avec vous des conditions pour 2006 avant la fin septembre 2005. Toutefois, je serais bien sûr très content de vous rencontrer ce mois-ci et, je l'espère, de nous mettre d'accord sur le principe de la continuation du programme pour 2006 afin de vous dispenser d'explorer des solutions alternatives inutilement (...);

Que le 1er juillet 2005, la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France a précisé attendre avec impatience un partenariat solide et pérenne;

Qu'il en résulte que dès le mois de juillet 2005, les parties ont engagé des discussions sur le principe de la continuation du programme de la société Agence Conseil 3P Pred pour l'année 2006 et sur leur collaboration dans le futur;

Qu'au regard de ces discussions, la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France a d'ailleurs assisté au séminaire organisé par la société Agence Conseil 3P Pred au mois de septembre 2005, se présentant comme le successeur de la société Sanofi-Aventis;

Considérant qu'il n'est pas démenti que la société Sanofi-Aventis a continué à promouvoir les produits couverts par ces deux marques jusqu'à la fin du mois de décembre 2005, date à laquelle expirait le contrat de la société Agence Conseil 3P Pred ;

Mais considérant que la société Agence Conseil 3P Pred soutient que l'avenant signé au mois de novembre 2005, avec la société Sanofi-Aventis, alors qu'elle n'était plus propriétaire à cette époque des marques Parogencyl et Fluocaril, a été nécessairement conclu sur la demande expresse de la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France ;

Que force est de constater alors que la société Agence Conseil 3P Pred avait atteint au mois de novembre 2005, le nombre de contacts contractuels initialement prévu avec la société Sanofi-Aventis, que l'avenant régularisé entre ces sociétés, portant sur l'ajout de 3 500 contacts de professionnels ne peut avoir qu'été sollicité par la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France qui souhaitait éviter, ainsi qu'elle le déclare elle-même, de laisser sans promotion jusqu'au mois de janvier 2006, les marques qu'elle venait d'acquérir;

Que le mail émanant de la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France le 4 novembre 2005, précise d'ailleurs à cet effet: Concernant le point sur la continuité des visites dentaires en décembre 05, je vous ai confirmé notre souhait de bien sûr poursuivre une activité normale de décembre 06 auprès des dentistes ciblés sur les marques Fluocaril et Parogencyl. Toutefois, votre contrat avec sanofi-aventis ne le permettant pas actuellement du fait du nombre limité de visites sur l'année (39.500), il faut, selon notre département juridique, que sanofi-aventis qui est partie prenante du contrat jusque fin décembre 2005 établisse avant fin novembre un avenant au contrat actuel. Cet avenant précisera la période concernée, le nombre de visites prévues et le budget supplémentaire que cela représente;

Considérant que les parties s'opposent sur la continuité de la nature des prestations fournies par la société Agence Conseil 3P Pred ;

Que la société Agence Conseil 3P Pred soutient que ses obligations et sa rémunération sont demeurées inchangées avant et après la cession des gammes Fluocaril et Parogencyl, que si les missions ont été élargies à la présentation des gammes Oral B Braun, l'objet du contrat est demeuré identique, ainsi que la reconduction tacite du contrat et le périmètre de l'exclusivité;

Que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France fait au contraire valoir que le contrat signé avec la société Agence Conseil 3P Pred a été entièrement négocié avec des conditions complètement différentes avec celui initialement signé avec la société Sanofi-Aventis;

Considérant qu'il ressort de l'examen des contrats en présence que si la gamme de produits a été élargie, leur objet reste le même, que le calcul de la rémunération est demeurée inchangée à savoir une rémunération par contact augmentant chaque année de fait, une rémunération variable pour atteinte d'objectifs;

Qu'aux termes des contrats Sanofi-Aventis, la société Agence Conseil 3P Pred s'est interdite de promouvoir toute spécialité pharmaceutique concurrente du/des produit(s):

Que dans le contrat signé avec la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France, la société Agence Conseil 3P Pred s'est interdit aux termes de l'article 2.5 de promouvoir tout produit concurrent du/des produit(s) à l'exception du produit Alodont Antiseptique de la société Pfizer ( médicament avec AMM) et du produit Dentex de la société Colgate (médicament AMM) ;

Que cette différence du périmètre de non concurrence apparaît formelle;

Que seule diffère la faculté de renouvellement par tacite reconduction prévue par le contrat Procter & Gamble Pharmaceuticals France et exclue par les contrat conclus avec la société Sanofi-Aventis en 2004 et 2005, mais que, de fait, les contrats ont toujours été reconduits;

Considérant qu'il en résulte que l'économie des conventions reste la même, de sorte que la continuité de la nature et des modalités des prestations fournies par la société Agence Conseil 3P Pred est démontrée, peu important qu'il n'y ait pas eu de renouvellement de contrat ou de conclusion de contrat identique;

Considérant que cette continuité est corroborée par les attestations établies par Mme Vaudois-Fisch et Gilles Alberti, respectivement responsable du marketing et directeur délégué de la société Sanofi-Aventis;

Que Mme Vaudois-Fisch atteste : j'ai été en contact direct avec la société Pred lorsqu'elle présentait les marques Fluocaril et Parogencyl et j'ai assuré le transfert des dossiers pour la partie marketing à la société Procter & Gamble. Je suis en mesure de certifier que lorsque Procter & Gamble a repris les gammes, elle a aussi poursuivi la collaboration avec Pred, dans l'objectif de maintenir la même stratégie promotionnelle, en particulier auprès des dentistes, selon la même méthodologie (...);

Que Mr Alberti atteste : J'ai été amené à coordonner le transfert des activités santé-bucco dentaire de Sanofi-Aventis vers Procter & Gamble. Dans ce cadre, j'ai évidemment été en contact direct avec la société Pred lorsqu'elle présentait les gammes Fluocaril et Parogencyl pour Sanofi-Aventis et avec Procter & Gamble lorsqu'ils ont repris les gammes. Je suis en mesure de certifier que lorsque Procter & Gamble a repris les gammes, cette société n'avait aucune expérience de la visite dentaire (...) Il était donc logique de poursuivre le partenariat engagé depuis plusieurs années avec Pred, qui bénéficiait d'une excellente connaissance des produits et des stratégies mises en places chez les dentistes (...);

Considérant par voie de conséquence, que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France a continué la relation initialement nouée entre la société Agence Conseil 3P Pred et la société Sanofi-Aventis;

Que les relations commerciales se sont poursuivies entre les parties peu important qu'elles aient été régies par des contrats distincts, de sorte que réformant le jugement entrepris, au jour de la rupture du contrat, la relation était ancienne de huit années;

Sur la durée du préavis:

Considérant que la société Agence Conseil 3P Pred soutient qu'au regard de l'ancienneté de sa relation commerciale, du temps de visite qu'elle consacrait à la présentation des produits Procter (50 %), de l'imprévisibilité de la rupture et des particularités du marché sur lequel elle intervient la durée du préavis suffisant devrait être fixée à 18 mois;

Qu'elle expose n'avoir eu aucune marge de négociation quant à la détermination de la durée contractuelle de préavis et que le préavis de six mois accordé s'est révélé insuffisant, n'a pu être pleinement exécuté, de sorte qu'elle n'a pas pu effectuer les visites contractuelles prévues;

Considérant que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France lui oppose un préavis contractuel de 6 mois fixé à la demande même du dirigeant de la société Agence Conseil 3P Pred;

Qu'elle rappelle qu'au mois de juin 2005, la société Agence Conseil 3P Pred a fait savoir qu'un délai de 6 mois lui était nécessaire pour se positionner suite à la cessation du contrat avec la société Sanofi-Aventis;

Qu'elle ajoute que dès le mois d'octobre 2005, la société Agence Conseil 3P Pred avait signé des contrats avec les sociétés Colgate et Pfizer, ce qui démontre que le préavis contractuel de 6 mois était suffisant;

considérant que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France ne conteste pas qu'il appartient au juge d'apprécier si le préavis contractuel est suffisant au sens de l'article L. 442-6-5 du Code de commerce compte tenu de la durée des relations commerciales ou des usages susceptibles d'être applicables;

considérant que la société Agence Conseil 3P Pred fait justement observer que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France a souhaité accroître son volume d'activité, lui demandant, par mail du 11 septembre 2006, un temps de visite de 55% ;

Que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France ne saurait prétendre que le marché allant des brosses à dents, dentifrices, à une large palette de produits (instruments dentaires, anesthésiants, amalgames, biomatériaux) laissait à la société Agence Conseil 3P Pred une marge de manœuvre très importante dans ce secteur;

Qu'en effet, force est de constater que le marché des seuls soins dentaires et brosses à dents était le coeur de métier de la société Agence Conseil 3P Pred laquelle relève que le marché sur lequel elle intervenait offre peu de débouchés en raison du nombre limité de marques-phares et de fabricants de produits dès lors que quatre multinationales vendent plus de 75% des produits, Procter & Gamble Pharmaceuticals France détenant, pour les brosses à dents électriques plus de 90% du marché;

Qu'au surplus, ainsi que le rappelle la société Agence Conseil 3P Pred, elle se trouvait dans une situation d'autant plus difficile qu'elle avait résilié le contrat la liant avec la société Colgate le 22 septembre 2006 et qu'elle n'a pu depuis conclure à nouveau avec cette société;

que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France ne saurait opposer à la société Agence Conseil 3P Pred le fait qu'elle ait considéré en juin 2005 qu'un délai de six mois constituait un préavis suffisant, dès lors qu'à cette date, les produits Sanofi-Aventis ne représentaient que 25% de son volume d'activité, situation différente à partir de 2007, époque à laquelle les produits Procter & Gamble ont représenté 50% de son volume d'activité;

Considérant qu'eu égard à la durée des relations commerciales, 8 ans, et du marché concerné, la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France ne peut se référer au préavis fixé au contrat conclu avec la société Agence Conseil 3P Pred pour prétendre qu'un préavis de 6 mois est légitime;

Qu'un délai de un an aurait constitué un délai raisonnable et suffisant pour permettre à la société Agence Conseil 3P Pred de réorganiser ses activités;

Sur l'indemnisation du préjudice:

Considérant que la société Agence Conseil 3P Pred est fondée à solliciter la réparation du préjudice subi du fait du caractère brutal de la rupture;

que ce préjudice, s'entendant de la perte de chance de réaliser la marge bénéficiaire brute au cours de la durée de préavis dont a été privée la société Agence Conseil 3P Pred ( 12 mois - 6 mois = 6mois), calculée à partir de la moyenne du chiffre d'affaires annuel réalisée au cours des deux années précédant la rupture, telle qu'indiquée dans l'attestation du commissaire aux comptes, sera réparée par une indemnité fixée à la somme de 350 000 euro;

Considérant que la société Agence Conseil 3P Pred sollicite en outre le remboursement des frais de licenciement qu'elle a supportés en raison de la perte du contrat avec la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France;

Mais considérant que le coût des licenciements, qui est une conséquence de la rupture et non de la brutalité de la rupture, ne constitue pas un préjudice indemnisable à ce titre;

Considérant que la société Agence Conseil 3P Pred demande également le remboursement des investissements liés au logiciel informatique Teams;

Que cette demande, qui est l'accessoire des prétentions soumises au premier juge, n'est pas nouvelle, est recevable;

Que cependant, la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France fait justement valoir que si elle a suggéré la mise en place de ce système informatique, qu'elle a financé pour moitié, il n'est nullement démontré que ce logiciel ne peut pas être utilisée pour d'autres clients de la société Agence Conseil 3P Pred;

Que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France soutient également avec pertinence que le coût de fonctionnement de ce logiciel est intégré dans la rémunération de la société Agence Conseil 3P Pred;

Que cette dernière sera déboutée de sa demande à ce titre;

Sur la violation de l'obligation de bonne foi au sens de l'article 1134 du Code civil:

Considérant que la société Agence Conseil 3P Pred reproche à la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France un comportement déloyal au moment de la rupture;

Qu'elle fait valoir que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France l'a entretenue dans l'illusion que la relation commerciale perdurerait, a donné un motif mensonger à la rupture, l'a contrainte à cesser de présenter les bains de bouche Colgate, lui a imposé une modification contractuelle unilatérale, mène à son encontre une politique de dénigrement;

Qu'elle prétend que ces faits constituent des fautes qui font dégénérer en abus l'exercice du droit de rompre et ajoutent à son préjudice matériel, un préjudice moral dont elle demande réparation à hauteur de la somme de 50.000 euro;

Considérant que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France soulève l'irrecevabilité de cette demande au visa de l'article 564 du Code de procédure civile;

Mais considérant que cette prétention n'est que l'accessoire ou le complément des demandes soumises au tribunal;

Considérant que si le 1er janvier 2007, la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France a substitué aux contrats renouvelables un contrat à durée indéterminée et a organisé au mois d'octobre 2007, les conditions matérielles du déploiement d'un outil informatique dans les locaux de la société Agence Conseil 3P Pred, il n'en demeure pas moins qu'en lui signifiant la rupture du contrat par lettre du 24 juin 2008 avec effet au 31 décembre 2008, la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France n'a pas entretenu la société Agence Conseil 3P Pred dans l'illusion que leur relation commerciale se poursuivrait;

Considérant qu'il n'est pas démenti que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France n'avait pas l'obligation d'indiquer à la société Agence Conseil 3P Pred le motif de la rupture;

Que si le motif visé à la lettre de résiliation est inexact, il n'est pas établi que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France a eu recours à un motif fallacieux et mensonger en faisant état d'un appel d'offres pour lequel la société Agence Conseil 3P Pred n'aurait pas été retenue;

Considérant sur la rupture du contrat de la société Colgate, que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France relève que le contrat de la société Colgate contient une clause de non concurrence: pendant la durée de la collaboration entre les parties, la société Pred s'interdit de confier au réseau Pred Medical tout bain de bouche non remboursé;

Que dans ces circonstances, la société Agence Conseil 3P Pred ne pouvait à la fois promouvoir le bain de bouche Dentex et les bains de bouche Fluocaril et Parogencyl non remboursés, de sorte que la société Agence Conseil 3P Pred ne saurait prétendre que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France aurait manqué à son obligation de bonne foi en lui demandant de cesser de présenter le produit Dentex de la société Colgate;

considérant sur la modification contractuelle à compter du mois de janvier 2008, que l'article 11 des contrats signés entre la société Agence Conseil 3P Pred et la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France stipulait : à la demande de la société PGPF, Pred s'engage à autoriser PGPF à utiliser tout ou partie de son fichier dentistes à des fins de contrôle de l'activité promotionnelle de Pred ainsi qu'à des fins de prospection commerciale;

qu'en 2007, a été ajoutée la clause suivante: Il est précisé que les informations figurant dans tout ou partie du fichier de Pred utilisé par PGPF selon les modalités convenues ci-dessus, deviendront la propriété de PGPF en cas de réponse des destinataires des messages de prospection commerciale envoyés par PGPF;

Qu'il n'est nullement démontré que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France aurait modifié unilatéralement la page du contrat comportant cette clause alors que la société Agence Conseil 3P Pred avait déjà signé le contrat;

Qu'il résulte au contraire d'un mail de Mme Ferzli du 9 février 2007, que le projet de contrat a été modifié et renvoyé à la société Agence Conseil 3P Pred pour discussion et signature;

Que la société Agence Conseil 3P Pred n'établit pas davantage qu'il y ait eu modification unilatérale du contrat et non pas renégociation ainsi que le soutient la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France;

Que dans ces circonstances, la société Agence Conseil 3P Pred ne démontre pas plus l'appropriation illicite de fichiers et d'un savoir faire;

considérant enfin, que les propos tenus par la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France dans ses conclusions signifiées au cours du présent litige ne sauraient constituer une politique de dénigrement ainsi que le prétend la société Agence Conseil 3P Pred même si celle-ci soutient que la présentation des faits est inexacte et que les reproches qui y sont exprimés ne sont pas fondés;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Agence Conseil 3P Pred sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral;

Sur les autres demandes:

Considérant que contrairement à ce que soutient la société Agence Conseil 3P Pred, la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France, aux termes de ses dernières conclusions, ne sollicite pas à titre reconventionnel qu'il lui soit fait injonction de supprimer de son site internet toute mention des produits Fluocaril, Parogencyl et Oral'B sous astreinte, de sorte qu'il n'y a pas lieu de constater, ainsi que le demande la société Agence Conseil 3P Pred, que cette prétention est devenue sans objet;

Considérant que ne sont pas remises en cause devant la cour les dispositions du jugement entrepris qui ont condamné la société Agence Conseil 3P Pred à rembourser à la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France la somme de 151 880, 91 euro;

Mais considérant que la société Agence Conseil 3P Pred sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a assorti cette condamnation d'intérêts au taux légal avec anatocisme et en ce qu'elle a été condamnée au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Or considérant que le tribunal a justement assorti la condamnation des intérêts capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

Considérant que le jugement sera réformé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance;

Considérant que le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes qui ont été versées par la société Agence Conseil 3P Pred au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en exécution du jugement de première instance, sans qu'il y ait lieu de l'ordonner;

Que la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France supportera les entiers dépens de première instance et d'appel;

Qu'il y a lieu en outre de la condamner à verser à la société Agence Conseil 3P Pred la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par décision contradictoire, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Agence Conseil 3P Pred à payer à la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France la somme de 151 880, 91 euro avec intérêts au taux légal et anatocisme, Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau: Condamne la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France à payer à la société Agence Conseil 3P Pred la somme de 350 000 euro à titre de dommages et intérêts, Condamne la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France à payer à la société Agence Conseil 3P Pred la somme de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Procter & Gamble Pharmaceuticals France aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.