Livv
Décisions

ADLC, 12 juillet 2012, n° 12-D-16

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de distribution de la presse

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Anne-Laure Meano, rapporteure, l'intervention de M. Etienne Pfister, rapporteur général adjoint, par M. Patrick Spilliaert, vice-président, président de séance, Mmes Pierrette Pinot, Reine-Claude Mader-Saussaye, M. Emmanuel Combe, membres.

ADLC n° 12-D-16

12 juillet 2012

L'Autorité de la concurrence (Section V), Vu la lettre enregistrée le 10 juillet 2008, sous les numéros 08-0076 F et 08-0077 M, par laquelle le Syndicat national des dépositaires de presse (SNDP) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), devenues Presstalis, et sollicité le prononcé de mesures conservatoires ; Vu la décision 09-D-02 du 20 janvier 2009 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par le Syndicat national des dépositaires de presse ; Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu les engagements proposés par Presstalis le 13 février 2012 ; Vu les observations présentées par le Syndicat national des dépositaires de presse le 20 mars 2012 et par le commissaire du gouvernement, le Conseil supérieur des messageries de presse, la société coopérative des Messageries lyonnaises de presse et sa filiale Forum Diffusion Presse, le 23 mars 2012 ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants du Syndicat national des dépositaires de presse, de la société Presstalis, entendus lors de la séance du 21 juin 2012 ; Les représentants du Conseil supérieur des messageries de presse et de l'Autorité de régulation de la distribution de la presse entendus sur le fondement de l'article L. 463-7 du Code de commerce ;

Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA SAISINE ET LE RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE

1. Par lettre enregistrée le 10 juillet 2008, sous les numéros 08-0076 F et 08-0077 M, le Syndicat national des dépositaires de presse (SNDP), a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les Nouvelles messageries de la presse parisienne (ci-après NMPP, désormais devenues Presstalis) et a demandé que des mesures conservatoires soient prononcées sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce.

2. Dans sa saisine, le SNDP dénonçait (1) les conditions de la rémunération des dépositaires négociées en septembre 2006 entre le SNDP et les NMPP/TP et aménagées depuis, dont le SNDP soutenait qu'elles avaient été imposées par les NMPP et présentaient un caractère inéquitable et discriminatoire ; (2) les contraintes imposées aux dépositaires désireux de nouer des relations directes avec les éditeurs ; (3) l'imposition d'une clause de révocation ad nutum dans le contrat de dépositaire et l'utilisation qui en est faite ; (4) les conditions de réduction du nombre de dépôts et de leur cession.

3. Dans sa décision 09-D-02 du 20 janvier 2009, le Conseil de la concurrence a rejeté la demande de mesures conservatoires. Il a considéré que, sur tous les aspects portant sur la rémunération des dépositaires (niveaux et différences de taux de commission), le SNDP n'apportait pas d'éléments probants.

4. En revanche, le Conseil a estimé que sur trois points, des clauses contractuelles ou des règles de fonctionnement du secteur pouvaient être de nature à permettre aux NMPP d'abuser de leur position dominante, ce qui justifiait de poursuivre l'instruction du dossier sur le fond. Ces trois points concernent l'établissement de relations directes entre dépositaires et éditeurs, la révocation ad nutum du mandat de dépositaire et enfin la procédure d'agrément des cessions de dépôts ou de leur rattachement à une nouvelle zone de diffusion par la commission d'organisation de la vente (COV).

5. Par courrier en date du 25 novembre 2011, les services d'instruction ont fait connaître à la société Presstalis leur évaluation préliminaire des pratiques en cause.

6. Par courrier du 23 décembre 2011, l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) a été consultée conformément aux dispositions de l'article R. 463-9 du Code de commerce, au sujet de la saisine 08-0076F et a souscrit à l'analyse des pratiques en cause faite dans la décision 09-D-02 et dans la note d'évaluation préliminaire établie par le rapporteur ; elle a précisé adhérer à la proposition du rapporteur d'examiner des engagements qui pourraient être formulés par la société Presstalis.

7. Presstalis a soumis le 13 février 2012 à l'Autorité de la concurrence une proposition d'engagements visant à répondre aux préoccupations de concurrence de l'Autorité exprimées dans l'évaluation préliminaire.

8. Cette proposition d'engagements a fait l'objet d'un test de marché lancé le 23 février 2012 afin de recevoir les observations des tiers intéressés.

9. Outre le commissaire du gouvernement, le Conseil supérieur des messageries de presse (ci-après CSMP), la société coopérative des Messageries lyonnaises de presse (MLP) et sa filiale Forum Diffusion Presse (FDP) ont répondu au test de marché le 23 mars 2012, ainsi que le SNDP, le 20 mars.

B. L'ORGANISATION DU SECTEUR DE LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE AU NUMÉRO

10. La distribution de la presse peut se faire par deux canaux : la vente par abonnement, distribution postale ou portage, et la vente au numéro. La vente au numéro représenterait, selon le rapport Schwartz remis en mai 2008 au ministre de la culture, 49 % de la distribution de la presse.

11. En ce qui concerne la vente au numéro, la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dite "loi Bichet", organise cette activité autour des principes de coopération, de liberté de distribution pour l'éditeur et de neutralité de la distribution. L'éditeur peut assurer lui-même "la distribution de ses propres journaux et publications périodiques par les moyens qu'[il] jugera les plus convenables à cet effet", ou se regrouper avec d'autres éditeurs au sein d'une société coopérative de messageries de presse. Ces sociétés coopératives constituées par les éditeurs peuvent remplir elles-mêmes la fonction de messageries, en assurant, par leurs propres moyens, le groupage et la distribution des parutions éditées par leurs adhérents. Mais les coopératives peuvent également confier à des entreprises commerciales l'exécution des opérations de groupage et de distribution des titres de leurs adhérents, auquel cas elles doivent détenir une participation majoritaire dans la direction de ces entreprises, leur garantissant l'impartialité de cette gestion et la surveillance de leur comptabilité.

12. Le circuit de distribution de la presse vendue au numéro compte trois niveaux allant du niveau le plus proche de l'éditeur jusqu'au niveau le plus proche de l'acheteur final :

• le niveau 1 est assuré par les messageries de presse, dont le rôle est de réceptionner, trier et répartir les titres de presse auprès des dépositaires ;

• le niveau 2 est constitué par les dépositaires ou grossistes-répartiteurs qui assurent la répartition des journaux auprès des diffuseurs ;

• le niveau 3 recouvre l'ensemble des diffuseurs de presse, c'est-à-dire les détaillants, qui assurent la vente de la presse auprès du consommateur final.

13. Chaque niveau est lié au niveau supérieur par des contrats de mandataires/commissionnaires.

14. Le secteur de la distribution de la presse a connu une importante évolution, postérieurement à la saisine du Conseil de la concurrence et à la décision 09-D-02, marquée notamment par la réforme des messageries NMPP et SAEM-TP, devenues Presstalis, et par la promulgation de la loi n° 2011-852 du 20 juillet 2011 relative à la régulation du système de distribution de la presse. Celle-ci a notamment instauré une régulation bicéphale de ce secteur, reposant sur la modification du statut et des missions du CSMP et sur la mise en place d'une autorité administrative indépendante, l'ARDP.

1. LE NIVEAU 1 DE LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE : LES MESSAGERIES

15. Jusqu'à récemment, trois messageries de presse distribuaient les titres au niveau national :

• les NMPP (qui a pris pour nom Presstalis en décembre 2009), SARL dont le capital social était détenu à 51 % par cinq coopératives d'éditeurs et à 49 % par la société Hachette SA, l'opérateur de l'entreprise, filiale du groupe Lagardère ;

• la Société Auxiliaire pour l'Exploitation des Messageries Transports de Presse (SAEM-TP), SARL dont le capital social était détenu à 51 % par trois coopératives d'éditeurs et à 49 % par une filiale du groupe Hachette et qui confiait sa logistique à Presstalis dans le cadre d'un contrat de sous-traitance ;

• les Messageries lyonnaises de presse (MLP), société coopérative regroupant des éditeurs uniquement de presse magazine et assurant directement la distribution de ses titres, par ses propres moyens, depuis 1994. Elles représentent 20 % de la vente au numéro de la presse, mettent en circulation plus de 2000 titres et regroupent 611 éditeurs/sociétaires (5).

16. À la suite, entre autres, des recommandations du rapport de l'Inspection générale des finances, dit "rapport Mettling", rendu le 2 avril 2010 au sujet de la situation de Presstalis (ex- NMPP), le fonctionnement de cette messagerie et de la SAEM-TP a été rationalisé.

17. Désormais une nouvelle société Presstalis a repris les activités des deux messageries, Presstalis/ex-NMPP et SAEM-TP.

18. Elle comporte seulement deux coopératives d'éditeurs, l'une pour les magazines et l'autre pour les quotidiens nationaux, lesquelles ont remplacé, le 1er janvier 2011, les huit coopératives des deux messageries soeurs NMPP et SAEM TP.

19. Presstalis est désormais une SAS, dont le capital est détenu à 100 % par les deux coopératives d'éditeurs (à hauteur de 75 % par la coopérative de distribution des magazines et de 25 % par la coopérative de distribution des quotidiens).

20. Fin mai 2011, Hachette a cédé pour 1 € symbolique ses parts dans le capital de Presstalis, la sortie du capital devenant effective le 1er juillet 2011.

21. Presstalis met en circulation 75 % de la vente au numéro de la presse et 100 % de la vente au numéro de la presse quotidienne nationale, soit plus de 3 700 titres, quotidiens et magazines, en France et à l'étranger. Elle regroupait 540 éditeurs/sociétaires au 1er octobre 2011 (2).

22. Depuis 2009, plusieurs titres sont passés de Presstalis à MLP : ainsi, les magazines de programmes télévisuels édités par le groupe Mondadori (Télé Poche, Télé Star), l'hebdomadaire "Télé Z", et le mensuel "Top Santé", l'hebdomadaire féminin Grazia. Même si Presstalis reste largement dominante au niveau 1, sa part de marché a donc légèrement baissé depuis 2009. Elle connait en outre d'importantes difficultés économiques et financières et a adopté en novembre 2011 un plan stratégique pluriannuel destiné à rétablir la situation.

23. Ces départs successifs d'éditeurs ont amené le CSMP à décider fin 2011 le gel provisoire des transferts de titres, afin d'éviter la défaillance de Presstalis et une déstabilisation grave et brutale de la distribution de la presse à la veille d'échéances électorales majeures pour le pays. Par décision du 10 janvier 2012, l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) n'a cependant rendu que partiellement exécutoire la décision du CSMP. Elle a notamment estimé que si la situation justifiait l'adoption de mesures conservatoires et provisoires, afin, en particulier, d'éviter la disparition à terme de l'un des deux acteurs du marché, la mesure envisagée apportait cependant des restrictions graves à la liberté contractuelle des éditeurs de presse et à la liberté du commerce et de l'industrie, et restreignait la libre concurrence. Aussi a-t-elle conclu qu'elle ne pouvait, en l'état, rendre exécutoire le gel des transferts de titres décidé par le CSMP (3).

2. LE NIVEAU 2 DE LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE : LES DÉPOSITAIRES

24. Les dépositaires centraux de presse ont pour fonction de distribuer aux diffuseurs la presse qui leur est confiée par les deux messageries et par certains éditeurs (fonction de réception, implantation et répartition des titres). En outre, les dépositaires centraux de presse assument des fonctions de nature comptable (gestion des flux financiers et d'information des ventes de presse) et commerciale (animation du réseau afin de développer les ventes). Leur nombre a fortement diminué depuis quinze ans. Alors que plus de 1 200 dépositaires exerçaient cette activité en 1994, ils n'étaient plus que 147 sur le territoire métropolitain au 31 décembre 20114.

Le cas de Paris

25. À Paris et en proche banlieue parisienne, le rôle de dépositaire est assuré, pour les titres Presstalis, par sa filiale, la Société Presse Paris Services (SPPS). SPPS dispose d'un seul dépôt implanté à Bobigny (contre 3 en 2009).

26. Les MLP assurent elles-mêmes, depuis 1996, la distribution de leurs titres à Paris et en région parisienne.

Le cas de la province

27. En province, on compte quatre catégories de dépôts : les agences de la Société d'Agence et de Diffusion (SAD), les dépôts gérés rattachés à la société Soprocom, les dépôts gérés dépendant de la société Forum Diffusion Presse et les dépôts indépendants.

28. La SAD, créée en 1978, est une société anonyme dont le capital social est détenu à 100% (moins 6 actions) par Presstalis. Elle compte 20 agences implantées dans les grandes villes françaises.

29. La Société pour la Promotion et la Communication (Soprocom) est une société créée en 1975, sur laquelle Presstalis reconnait détenir un contrôle de fait. Elle détient 31 dépôts de presse en février 20125(contre 36 au 30 septembre 2008). Dans la pratique, la gestion de ces dépôts est intégrée au sein de directions opérationnelles mises en place par Presstalis, direction opérationnelle qui a en outre la responsabilité des dépôts relevant de la SAD. Ainsi, chaque directeur de dépôt géré est recruté en concertation avec Presstalis. Ces dépôts sont communément désignés sous les termes "dépôts gérés Soprocom".

30. Les MLP ont décidé d'intervenir dans le secteur de la distribution de la presse par les dépositaires (niveau 2) en 2007. Leur filiale Forum Diffusion Presse a pris des participations majoritaires dans 11 dépôts (contre cinq en 2009), désignés sous les termes " dépôts gérés Forum Diffusion Presse " (6)

31. Les dépositaires indépendants sont au nombre de 86. (7) Soprocom ou Forum Diffusion Presse peuvent détenir des participations minoritaires au capital de certains d'entre eux.

Les parts de volume d'affaires contrôlées par chaque catégorie de dépôt.

32. Les dépositaires ne sont pas en concurrence entre eux et bénéficient d'une exclusivité de distribution de la presse sur une zone géographique donnée appelée zone de chalandise.

33. Selon la saisine, les dépôts contrôlés par les NMPP assuraient en 2008 la distribution de plus de 55,80 % des ventes au prix fort (à la valeur faciale des exemplaires vendus) des titres NMPP et SAEM-TP, contre 53,03 % en 2007, 50,75 % en 2006 et 2005 et 49,18 % en 2004 et 2003. Cette estimation prend en compte l'évolution des statuts des dépôts et les rattachements, mais non les modifications de zone de chalandise qui peuvent accompagner les rattachements, ni les évolutions des volumes d'affaires d'une année sur l'autre.

34. Selon les données transmises directement par les messageries, la part du volume d'affaires distribué par les dépôts liés aux NMPP ou directement par les NMPP s'établissait à 50 % en 2005. Cette part est montée à 51,3 % en 2006, avant de retomber à 49,8 % en 2007, en raison du transfert partiel de la distribution des magasins Relay aux dépositaires. Elle est remontée à 54,5 % à la mi 2008, à la suite du rachat d'un certain nombre de dépôts et, s'agissant désormais de Presstalis, à 57 % au 31 octobre 2011. (8)

3. LE NIVEAU 3 DE LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE : LES DIFFUSEURS

35. Le niveau 3 comprend l'ensemble des diffuseurs de presse, c'est-à-dire les détaillants, qui assurent la vente de la presse auprès du consommateur final. Le diffuseur n'a pas le choix du dépositaire auprès duquel il doit se fournir en titres de presse.

36. La presse est vendue au consommateur final par des canaux très variés : kiosques, Maisons de la presse, Mag-Presse, Relay, Agora, mais aussi enseignes culturelles, rayons intégrés dans les hyper et supermarchés, stations-services, bars, etc. Deux enseignes (Maisons de la presse et Mag Presse) sont concédées aux exploitants par la Seddif, société à responsabilité limitée créée en 1979, filiale à 100 % de Presstalis, par le biais de licences d'exploitation de la marque et des signes qui y sont attachés. Les points de vente à l'enseigne Relay et Relais H appartiennent au groupe Lagardère.

4. LE CONSEIL SUPÉRIEUR DES MESSAGERIES DE PRESSE (CSMP) AVANT LA LOI DE 2011

37. La loi Bichet a créé le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), chargé de faciliter l'application de la loi et d'assurer plus particulièrement le contrôle comptable et la coordination de l'emploi des moyens de transport à longue distance utilisés par les messageries.

38. Avant la loi du 20 juillet 2011, le CSMP était une autorité purement consultative, à composition mixte, à la fois de représentation professionnelle et de représentation des pouvoirs publics, devenue progressivement le gardien et l'interprète de la loi.

39. La Commission de l'organisation de la vente (COV), commission permanente du CSMP, dont les membres votant étaient des représentants des éditeurs, était chargée de rendre des avis sur les mutations affectant les dépositaires centraux et l'implantation de nouveaux points de vente. Les dossiers étaient présentés par deux rapporteurs, représentant l'un les NMPP et l'autre les MLP.

40. Dans le contexte des recommandations du Livre vert des États généraux de la presse écrite, remis le 8 janvier 2009, ainsi que des propositions pour une réforme du Conseil supérieur des messageries de presse remises par Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence, le 9 juillet 2009, le CSMP a entamé spontanément un processus de réforme. Ainsi ont été instituées en 2009 :

• une commission des normes et bonnes pratiques professionnelles, chargée d'élaborer des propositions de normes votées ensuite en assemblée générale du CSMP (ainsi, en mai 2011, une bonne pratique sur la rémunération des dépositaires a-t-elle été adoptée) ;

• une commission de conciliation, chargée de tenter d'apporter une solution précontentieuse aux différends entre messageries ;

• une Commission du Réseau (CDR), remplaçant la Commission d'organisation de la vente (COV). La CDR, dont le fonctionnement est plus transparent que celui de la COV, doit obéir à des règles d'organisation publiques. Son secrétariat n'est notamment plus assuré par Presstalis et les dépositaires peuvent directement la saisir d'une proposition, sans passer par Presstalis.

41. Néanmoins, la portée de ces réformes internes était encore limitée par le fait que le CSMP ne pouvait rendre que des avis dépourvus de valeur contraignante.

5. LA RÉFORME DE 2011 : UNE RÉGULATION BICÉPHALE

42. La loi n° 2011-852 du 20 juillet 2011 relative à la régulation du système de distribution de la presse a modifié la loi Bichet en transformant les compétences et les missions de l'instance chargée de réguler la distribution, sans remettre en cause les principes fondamentaux du système de distribution.

43. Désormais, deux instances sont chargées de réguler le système coopératif : le CSMP, dont la composition est modifiée et les pouvoirs renforcés, et une autorité administrative indépendante, l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP).

44. Comme l'a rappelé le rapport de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi, une voie médiane a été choisie entre l'autorégulation et la régulation par une autorité indépendante, préconisée par le rapport Lasserre : "le CSMP demeurera une instance d'autorégulation du système de distribution de la presse, chargée d'une double prérogative de production normative et de règlement des différends, et l'ARDP n'interviendra qu'a posteriori pour rendre exécutoires ses décisions, exerçant un pouvoir réglementaire qui ne peut être délégué qu'à une autorité indépendante" (9) .

Le CSMP modifié

45. La composition du CSMP est modifiée, son assemblée générale comprenant désormais 20 membres - et non plus 27 - nommés par arrêté du ministre chargé de la communication, dont, notamment, neuf représentants des éditeurs sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives, trois représentants des sociétés coopératives de messageries de presse, deux représentants des entreprises commerciales et des messageries de presse concourant aux opérations matérielles de distribution de la presse, deux représentants des dépositaires et deux des diffuseurs. À l'exception de la présence d'un commissaire du gouvernement, la représentation de l'État est supprimée, comme celle des entreprises de transport. Le CSMP est donc essentiellement composé d'acteurs professionnels de la distribution, soumis au secret professionnel.

46. Les pouvoirs du CSMP sont élargis. Il devient une personne morale de droit privé, ayant la capacité d'ester en justice. Son contrôle porte sur le bon fonctionnement de l'ensemble du système coopératif du réseau de distribution, c'est-à-dire des trois niveaux, et non plus seulement sur le niveau 1.

47. Il doit prendre les mesures nécessaires pour garantir en particulier une distribution optimale de la presse d'information générale et politique et devra fixer les règles et les missions des dépositaires et des diffuseurs correspondant aux niveaux 2 et 3 du réseau, dans le cadre d'un schéma directeur annuel. Le CSMP assure aussi le contrôle comptable des sociétés coopératives de messageries de presse. Il a enfin un rôle de médiation dans la résolution des différends entre les acteurs de la distribution. Avant l'engagement d'une action contentieuse, une procédure de conciliation est ainsi obligatoirement engagée devant lui (article 18-11 de la loi Bichet modifiée). Les décisions à caractère individuel prises par le CSMP peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal compétent, selon le cas le tribunal de grande instance ou de commerce (article 18-13 al. 6).

48. Le 1er décembre 2011, le CSMP a adopté, en application de l'article 18-5 de la loi précitée, un nouveau règlement intérieur, public et disponible sur son site Internet.

La commission du réseau

49. L'article 18-6 de la loi Bichet modifiée, dispose désormais que pour l'exécution de ses missions, le CSMP :

"4° Fixe le schéma directeur, les règles d'organisation et les missions du réseau des dépositaires centraux de presse et des diffuseurs de presse répondant à l'efficience économique et à l'efficacité commerciale ; (...)

"6° Délègue, dans des conditions fixées par son règlement intérieur, à une commission spécialisée composée d'éditeurs le soin de décider, selon des critères objectifs et non discriminatoires définis dans un cahier des charges, de l'implantation des points de vente de presse, des nominations et des mutations de dépositaires centraux de presse avec ou sans modification de la zone de chalandise (...)".

50. Aux termes de l'article 18 dernier alinéa de la loi, "les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement de[s] commissions spécialisées sont fixées par le règlement intérieur du Conseil supérieur des messageries de presse".

51. Le règlement intérieur précise quels critères sont pris en compte par la commission du réseau (CDR) et affirme qu'elle "veille à ne pas favoriser, sans raison objective, les dépôts intégrés verticalement aux sociétés de messageries de presse et/ou les points de vente qui leur sont liés". Selon l'article 9.1, "Le développement de la capillarité au niveau 3 (Diffuseurs) et la mise en œuvre du Schéma Directeur du réseau de niveau 2 (Dépositaires), tel que défini par les éditeurs et entériné par le Conseil Supérieur des Messageries de Presse, constituent les orientations fondamentales qui doivent guider les décisions d'agrément". Les décisions de refus d'agrément sont motivées. Un représentant de la direction du réseau de chaque société de messagerie de presse est appelé à assister aux séances de la CDR afin de concourir à l'information de ses membres (article 9.3.5).

52. Les membres de la CDR sont choisis par le président du CSMP, après consultation des conseils d'administration des coopératives, parmi les éditeurs représentatifs du pluralisme de la presse, pour un mandat de deux ans, renouvelable : trois sont issus des coopératives regroupant exclusivement des éditeurs de quotidiens ou comprenant une majorité de membres éditeurs de quotidiens ; dix sont issus des coopératives regroupant exclusivement des éditeurs de publications ou comprenant une majorité de membres éditeurs de publications ; le nombre des représentants issus de chacune de ces coopératives est déterminé au prorata du chiffre d'affaires (article 9.2.2). Ces représentants sont le plus souvent directeur commercial, directeur de la diffusion ou directeur des ventes. Le président du CSMP désigne le président et le vice-président de la CDR. Le secrétariat de la commission est assuré par le Secrétariat permanent du CSMP.

L'ARDP

53. L'ARDP comprend trois membres, nommés par arrêté du ministre chargé de la communication : un conseiller d'État, un magistrat de la Cour de cassation et un magistrat de la Cour des comptes.

54. D'une part, elle arbitre les différends en cas d'échec de la procédure de conciliation devant le CSMP et, d'autre part, elle rend exécutoires les décisions de portée générale prises par le CSMP. Ses décisions sont motivées et susceptibles de recours en annulation ou en réformation devant la Cour d'appel de Paris, lesquels ne sont pas suspensifs.

55. Les décisions rendues exécutoires sont contraignantes et s'imposent donc à tous les acteurs. Le président du CSMP ou celui de l'ARDP peut saisir le juge afin de mettre fin à tout manquement constaté aux obligations résultant de ces décisions.

56. Le décret n° 2012-373 du 16 mars 2012, pris pour l'application des articles 18-12 et 18-13 de la loi Bichet modifiée, a précisé les modalités de règlement des différends par l'ARDP, ainsi que les conditions de recours devant les juridictions compétentes.

57. Le CSMP et l'ARDP veillent, dans leur champ de compétences, au respect de la concurrence et des principes de liberté et d'impartialité de la distribution et sont garants du respect des principes de solidarité coopérative et des équilibres économiques du système collectif de distribution de la presse.

58. Aux termes de l'article 18-8 de la loi, ils "saisissent l'Autorité de la concurrence de faits dont ils ont connaissance et susceptibles de contrevenir aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 du Code de commerce. Ils peuvent également la saisir pour avis de toute autre question relevant de sa compétence. L'Autorité de la concurrence communique à l'Autorité de régulation de la distribution de la presse, pour avis, toute saisine entrant dans le champ des compétences de celle-ci. Elle peut également saisir le Conseil supérieur des messageries de presse et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse, pour avis, de toute question relative au secteur de la distribution de la presse".

6. LE SYNDICAT NATIONAL DES DÉPOSITAIRES DE PRESSE

59. Le Syndicat national des dépositaires de presse est un syndicat professionnel dont la mission est "d'assurer la défense de la profession et sa représentation, notamment auprès des pouvoirs publics, des éditeurs et des entreprises de messageries".

60. Selon l'ancien président du SNDP, "depuis l'origine, le SNDP représente les dépôts privés et les dépôts gérés, qu'ils soient ou non adhérents. (...) Tous les dépôts privés ne versent pas leur cotisation, il en est de même des dépôts gérés". À la date du 22 septembre 2008, une dizaine de dépôts gérés par la Soprocom avaient réglé une cotisation au SNDP. Par ailleurs, selon la saisine du SNDP, 89 dépôts privés indépendants et MLP sur 109 sont adhérents du SNDP. En raison de son statut particulier, la SAD n'a jamais été membre adhérent du SNDP. Elle a toutefois longtemps versé une contribution au SNDP.

C. LES RELATIONS ENTRE LES MESSAGERIES DE PRESSE ET LES DÉPOSITAIRES

61. De façon plus précise, s'agissant du niveau 2, sont présentées ci-dessous les relations contractuelles entre les dépositaires et les messageries et le processus de décision relatif aux rachats et rattachements de dépôts.

1. LES CONTRATS ENTRE MESSAGERIES ET DÉPOSITAIRES

62. Les messageries mandatent les dépositaires pour la distribution de leurs titres. Un contrat de mandataire/commissionnaire est signé entre chaque messagerie et le dépositaire.

63. Ces contrats sont conclus intuitu personae. L'article 3 du contrat Dépositaire/NMPP, qui subsiste après la création de Presstalis, précise que "le présent contrat prend fin par le décès ou la cessation d'activité du dépositaire central. Il ne peut être transmis à un héritier, donataire ou acquéreur, sans l'accord préalable écrit des NMPP". Le contrat Dépositaire/MLP "n'est ni cessible en cas d'arrêt d'activité du dépositaire, ni transmissible après son décès à un éventuel héritier ou donataire ou acquéreur, sans l'accord express de MLP".

64. Ces contrats sont en outre révocables ad nutum. Il résulte de la jurisprudence prise en application de l'article 2004 du Code civil que le mandant est en principe libre de révoquer le mandat quand bon lui semble, sauf à commettre un abus de droit, lequel ouvre droit à indemnisation (Civ, 2 mai 1984). Toutefois, la Cour de cassation recherche si un motif légitime a bien été invoqué pour justifier la révocation du mandat. Ainsi a-t-elle considéré, s'agissant d'une révocation anticipée d'un mandat à durée déterminée, que cette révocation "pour des motifs légitimes et sans abus de droit, n'ouvre pas droit à indemnité au profit du mandataire" (Civ, 1ère, 28 janvier 2003, soulignement ajouté). De même, dans une affaire de distribution de presse, la Cour a rejeté un pourvoi au motif "qu'après avoir relevé que le contrat prévoit qu'il est résiliable ad nutum, que (...) la société a résilié le contrat en se référant à cet accord [le plan de restructuration du réseau] et que deux diffuseurs étaient rattachés au dépôt de presse litigieux, la cour d'appel a pu retenir que la résiliation du contrat avait un motif légitime" (Com, 26 mai 1999, soulignement ajouté).

65. Une zone géographique est affectée à chaque dépôt, la liste des points de vente qu'il approvisionne sur cette zone étant précisée.

66. L'article 18-6 de la loi Bichet, modifiée par la loi n°2011-852 du 20 juillet 2011 précitée, dispose que le CSMP : "3° Définit les conditions d'une distribution non exclusive par une messagerie de presse, dans le respect des principes de solidarité coopérative et des équilibres économiques des sociétés coopératives de messageries de presse, et les conditions d'une distribution directe par le réseau des dépositaires centraux de presse sans adhésion à une société coopérative de messageries de presse ; (...) 8° Homologue les contrats-types des agents de la vente de presse au regard de la présente loi et des règles qu'il a lui-même édictées ; 9° Fixe les conditions de rémunération des agents de la vente de presse, après consultation de leurs organisations professionnelles ; (...)".

2. LE PROCESSUS DE DÉCISION RELATIF AUX RATTACHEMENTS ET AUX RACHATS DE DÉPÔTS

67. Lors de la mutation d'un dépositaire, le mandat de distribution de la presse sur une zone de chalandise passe d'un dépositaire à un autre dépositaire ou à une société contrôlée par une messagerie. Les rachats doivent être distingués des rattachements.

Les rachats

68. Les rachats de dépôts, à zone de chalandise inchangée, n'ont pas d'impact sur la carte du réseau mais seulement sur la propriété des dépôts. Pour mémoire, la décision n° 09-D-02 a indiqué que la Commission d'organisation de la vente, qui a été remplacée par la CDR, ne statuait pas sur les mutations des dépôts appartenant aux messageries mais en était seulement informée.

Les rattachements

69. Dans le cadre de la restructuration du réseau, la réduction du nombre de dépôts se fait en redistribuant les diffuseurs qui étaient affectés à un dépôt donné à un ou plusieurs dépôts voisins. Le rattachement peut être partiel, quand le dépôt garde une partie des diffuseurs, ou total, ce qui se traduit par la disparition du dépôt rattaché. Les projets de rattachement donnaient toujours lieu à une décision de la COV, justifiée par le principe selon lequel les éditeurs ont la maîtrise de la structure du réseau.

70. Désormais, la CDR se prononce systématiquement, "sur l'implantation des points de vente de presse, des nominations et des mutations de dépositaires centraux de presse avec ou sans modification de la zone de chalandise" (article 18-6, 8°de la loi Bichet).

71. En particulier, le règlement intérieur du CSMP prévoit que la CDR : "-examine les "Propositions dépositaire", qui sont les propositions concernant la création, la modification partielle ou totale de la zone de chalandise ; l'association logistique de dépôts de presse ; le transfert, à titre gratuit ou onéreux, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit d'un contrat de dépositaire ; la nomination d'un dépositaire ou d'un directeur d'agence ; ou tout autre événement susceptible d'affecter substantiellement l'exécution d'un contrat de dépositaire ; -examine les "Propositions diffuseur", qui sont les propositions concernant la création de points de vente de détail ou tout événement susceptible d'affecter substantiellement l'exécution d'un contrat de diffuseur" (articles 9.1.2 et 9.1.3 du règlement intérieur du 1er décembre 2011). La rationalisation du réseau

72. Comme l'a rappelé la décision n° 09-D-02 du Conseil de la concurrence, les éditeurs et les messageries de presse considèrent dans leur majorité qu'une réduction du coût de distribution peut être obtenue en rationalisant le réseau et en réduisant le nombre de dépôts. La décision a également décrit les circonstances dans lesquelles les NMPP se sont dotées, en 2007, d'un plan cadre de réforme intitulé "Défi 2010", visant un réseau limité à 135 dépôts, et ont communiqué ce plan à la COV, au SNDP et aux MLP.

73. Dès 2009, dans le cadre de sa réforme interne, le CSMP a adopté un schéma directeur, projet de restructuration du réseau, qu'il a rendu disponible sur son site Internet, ramenant la "cible" à environ 123 dépôts.

74. Depuis, constatant que la détérioration des ventes s'était révélée supérieure aux prévisions les plus défavorables retenues lors de l'élaboration du schéma directeur de 2009, le CSMP a engagé un processus de réactualisation de ce schéma. Compte tenu des divergences de points de vue des acteurs concernés du niveau 2 (Presstalis, MLP, SNDP), le Président du CSMP a sollicité un expert extérieur pour l'assister dans ces travaux ; le cabinet Kurt Salmon a ainsi été chargé, le 20 mars 2012, d'une mission visant à l'élaboration d'un projet de schéma directeur et à la définition des procédures qui seront mises en œuvre pour faire évoluer rapidement les acteurs du niveau 2 vers la situation "cible" prescrite par ledit schéma ; le rapport devrait être remis le 29 mai 2012 et faire ensuite l'objet d'une consultation publique avant l'adoption d'une décision par l'assemblée générale du CSMP (10).

D. LES MARCHÉS CONCERNÉS

75. Ainsi que l'a rappelé la décision du Conseil de la concurrence n° 09-D-02 précitée, les pratiques dénoncées par le SNDP mettent en cause le fonctionnement de la concurrence sur plusieurs marchés : le marché de la distribution de la presse par les messageries (niveau 1) ; les marchés des dépositaires-grossistes (niveau 2) ; les marchés de la cession des dépôts.

1. LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE AU NUMÉRO

76. Le Conseil a considéré à plusieurs reprises que le marché de la distribution de la presse au numéro constituait un marché distinct de celui de la vente par abonnement (voir notamment les décisions n° 03-D-09, n° 06-D-16 et n° 07-D-23) et qu'il existait un marché de la distribution de la presse au numéro par les messageries de presse (niveau 1). Deux messageries opèrent désormais sur ce marché : Presstalis et les MLP.

77. Presstalis assure 100 % de la vente au numéro de la presse quotidienne nationale et 64% des titres magazines. Elle met en circulation 75 % de la vente au numéro de la presse et plus de 3 700 titres, quotidiens, hebdomadaires, mensuels en France mais aussi dans une centaine de pays. Ses deux coopératives regroupaient 540 éditeurs/sociétaires au 1er octobre 2011.

78. Les MLP assurent la distribution de 36 % des titres magazines ; elles représentent 20 % de la vente au numéro de la presse. Elles mettent en circulation plus de 2 000 titres et regroupaient 611 éditeurs/sociétaires à fin novembre 2010 (11).

79. Presstalis assure le contrôle, en outre, d'une part importante du niveau 2 du réseau de distribution à travers les 20 agences de la SAD, la SPPS et les dépôts gérés Soprocom. Enfin, Presstalis est présente au niveau 3, via sa filiale la Seddif, par l'intermédiaire de 712 adhérents au concept Maison de la Presse et 1 066 au concept Mag presse.

80. Presstalis est donc susceptible d'occuper une position dominante sur le marché de la distribution de la presse au numéro.

2. LES MARCHÉS DES DÉPOSITAIRES DE PRESSE

81. En province, la distribution en gros de la presse au numéro aux points de vente par les dépositaires est organisée par les éditeurs en une juxtaposition de monopoles locaux. Les dépositaires livrent les points de vente qui leur sont affectés par chaque messagerie et ne se font pas concurrence entre eux.

82. La rémunération des dépositaires était encadrée par l'article 11 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987, jusqu'à son abrogation par la loi précitée du 20 juillet 2011 (12). Elle fait l'objet d'une négociation d'ensemble entre chaque messagerie et le SNDP.

83. Désormais, dans le cadre de sa mission générale visant à assurer le bon fonctionnement du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau et en application du paragraphe 9 de l'article 18-6 de la loi Bichet modifiée, le CSMP "fixe les conditions de rémunération des agents de la vente de presse après consultation de leurs organisations professionnelles".

84. Ainsi, des travaux sont actuellement menés par le CSMP pour introduire des "unités d'œuvre" dans la rémunération des dépositaires, dans l'intérêt d'une régulation plus efficace de la distribution de la presse. En effet, le mode de rémunération actuel "ad valorem" apparaît trop dissocié des coûts de traitement et des particularités des divers réseaux de diffuseurs de presse desservis. L'objectif du CSMP est d'encourager l'amélioration de la performance et la recherche de gains de productivité et de faciliter la réforme structurelle du niveau 2 (13).

85. À Paris, Presstalis, d'une part, et les MLP, d'autre part, assurent elles-mêmes la livraison des diffuseurs, par l'intermédiaire de filiales dédiées.

3. LES MARCHÉS DE LA CESSION DES DÉPÔTS

86. Lorsqu'un dépositaire décide de céder son fonds de commerce, il doit trouver un acquéreur, qui peut être soit un candidat dépositaire, soit un dépositaire qui souhaiterait rattacher la zone de chalandise concernée, soit une société liée à une messagerie (SAD, Soprocom, Forum Diffusion Presse). Le prix de cession des dépôts fait l'objet d'une négociation au cas par cas, sur la base d'une formule de valorisation en usage dans le secteur.

87. Chaque transaction constitue un marché en soi et s'analyse également comme la confrontation entre une demande et une offre sur un marché plus large, susceptible de se réduire aux cessions de dépôts de presse agréés par les messageries pour la distribution de la presse au numéro et d'être de dimension nationale. Sur ce type de marché, assimilable à un marché fonctionnant par appel d'offres, les transactions sont peu nombreuses.

E. SUR LA DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE DES DÉPOSITAIRES

88. L'article L. 420-2, alinéa 2, du Code de commerce prohibe "(...) dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur (...)".

89. Dans un arrêt du 25 janvier 2005, la cour d'appel de Paris a rappelé que "l'état de dépendance économique, pour un distributeur, se définit comme la situation d'une entreprise qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à son ou ses fournisseurs un ou plusieurs autres fournisseurs répondant à sa demande d'approvisionnement dans des conditions techniques et économiques comparables ; qu'il résulte des éléments susmentionnés que tel était le cas de la société Reims Bio, sans qu'il puisse lui être opposé que cette situation résultait d'une stratégie délibérée de sa part, dès lors, tout d'abord, que l'état de dépendance économique, au sens de l'article L. 420-2, alinéa 2, du Code de commerce, est une situation objective dont l'origine est indifférente". Selon une pratique décisionnelle constante (cf. notamment les décisions n° 04-D-28 et n° 06-D-16), le Conseil tient compte pour caractériser l'existence d'une telle situation de la "notoriété de la marque du fournisseur, de l'importance de la part de marché du fournisseur, de l'importance de la part de fournisseur dans le chiffre d'affaires du revendeur" mais considère que "la seule circonstance qu'un distributeur réalise une part très importante voire exclusive de son approvisionnement auprès d'un seul fournisseur ne suffit pas à caractériser son état de dépendance économique au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce".

90. En l'espèce, les NMPP ont fait valoir dans leurs observations dans le cadre de l'instruction de la décision n° 09-D-02 "qu'il est de jurisprudence constante que l'état de dépendance économique ne peut s'apprécier qu'entre deux opérateurs précisément identifiés et non entre un opérateur et l'ensemble de ses partenaires pris globalement.". Elles s'appuient en particulier sur la décision n° 03-D-42 dans laquelle le Conseil a estimé que "les situations de dépendance s'inscrivent dans le cadre de relations bilatérales entre deux entreprises et doivent donc être évaluées au cas par cas et non pas pour toute la profession".

91. Les NMPP citaient également la décision n° 06-D-16 : "le grief d'abus de dépendance économique a été notifié de façon globale en visant tous les diffuseurs de presse, sans considération de leurs situations individuelles, par exemple sans distinguer ceux qui exerçaient une activité de vente de journaux à titre accessoire et ceux pour qui cette vente constituait leur activité principale ou unique, ni distinguer entre les commerçants déjà titulaires d'un agrément et ceux qui présentaient un dossier à la COV. Ainsi, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence ou non d'un abus, l'état de dépendance économique des dépositaires et des diffuseurs de presse non adhérents aux concepts NMPP pris dans leur généralité n'est pas établi".

92. Toutefois, s'agissant de la décision n° 03-D-42, la saisine suggérait l'existence d'une "dépendance que subirait une profession entière (les concessionnaires motos) vis-à-vis de l'ensemble des constructeurs du fait des contrats de distribution" et le Conseil a écarté l'existence d'une relation de dépendance économique entre l'ensemble des fournisseurs et l'ensemble des distributeurs. S'agissant de la décision n° 06-D-16, l'ensemble "des dépositaires et diffuseurs non adhérents aux concepts NMPP" constituait un groupe dont le Conseil a souligné l'hétérogénéité.

93. Dans le cas d'espèce, les dépositaires centraux de presse constituent un groupe homogène en ce qui concerne la part de leur chiffre d'affaires réalisé avec Presstalis, et la dépendance économique n'est alléguée qu'à l'égard de Presstalis. Aux termes de la décision 09-D-02, "globalement, la part des NMPP/TP dans le chiffre d'affaires devrait être de l'ordre de celle réalisée par les deux messageries sur le niveau 1, soit près de 85 %, hormis pour les dépositaires qui assurent également la distribution de titres de la presse quotidienne régionale mais la situation peut varier selon des dépositaires. Une étude fournie par le SNDP montre que sur un échantillon de vingt-trois dépôts, la part des NMPP dans le chiffre d'affaires est comprise entre 63,2 % et 85,7 % selon une estimation basée sur les liasses fiscales et entre 69,7 % et 90,5 % selon une estimation exploitant le "tableau commercial presse" issu du suivi réseau Presse 2000 (cote 2139). Le chiffre d'affaires réalisé avec les titres distribués par les MLP, de l'ordre de 15 %, ne peut suffire à assurer la rentabilité d'un dépôt, hormis sur une zone géographique aussi dense que la région parisienne".

94. Outre la large dominance de l'ensemble Presstalis, l'organisation particulière de la distribution de la presse selon le principe de neutralité et sous forme de monopoles locaux au niveau 2 contraint fortement la gestion des dépôts (zone desservie, rémunération). Les dépositaires sont donc susceptibles d'être en situation de dépendance économique à l'égard de Presstalis.

F. LA MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE D'ENGAGEMENT

95. Le 13 février 2012, Presstalis a transmis à l'Autorité de la concurrence une proposition d'engagements, en réponse aux préoccupations de concurrence formulées dans le courrier du 25 novembre 2011.

1. LES PRÉOCCUPATIONS DE CONCURRENCE FORMULÉES PAR LE RAPPORTEUR

a) La possibilité de relations directes entre dépositaires et éditeurs

96. Dans la décision n° 09-D-02, le Conseil avait remarqué que "la rédaction de l'article 2 du contrat Dépositaire/NMPP est suffisamment ambiguë pour pouvoir être interprétée comme interdisant aux dépositaires signataires de nouer des relations directes avec un éditeur pour assurer la distribution d'un ou plusieurs titres sur leur zone de chalandise".

97. Une distribution directe au niveau des dépositaires pourrait entraîner, dans certains cas, des externalités négatives sur le système mutualisé de distribution de la presse ; c'est pourquoi elle ne peut être inconditionnelle. Ce n'est toutefois pas aux messageries de définir seules les conditions d'une telle distribution. En effet, la loi n° 47-585 du 2 avril 1947, modifiée par la loi n° 2011-852 du 20 juillet 2011 relative à la régulation du système de distribution de la presse, dispose que c'est au CSMP que revient la mission de définir "les conditions d'une distribution directe par le réseau des dépositaires centraux de presse sans adhésion à une société coopérative de messageries de presse" (art. 18-6 3°).

98. Dans ces conditions, le maintien de l'ambiguïté de l'article 2 du contrat Dépositaire/Presstalis, qui pourrait être interprété comme interdisant par principe aux dépositaires signataires de nouer des relations directes avec des éditeurs, est de nature à restreindre la capacité concurrentielle des dépositaires indépendants vis-à-vis des messageries sur le marché de la distribution de la presse.

b) La révocation des dépositaires

99. Dans la décision n° 09-D-02, le Conseil n'avait pas remis en cause "la possibilité laissée aux messageries de résilier unilatéralement les mandats des dépositaires", avançant comme justifications possibles "le monopole local donné aux dépôts et l'absence de risque commercial encouru, du fait de la reprise des invendus par les éditeurs".

100. Le Conseil soulignait toutefois que la clause du contrat Dépositaire/NMPP permettait un préavis de 48 heures et ne prévoyait "pas d'indemnité sauf abus dans l'exercice du droit de révocation".

101. Si une indemnisation est prévue à l'article 3 du Contrat Dépositaire/Presstalis, en cas de cession, "par tout nouveau titulaire du contrat à l'ancien titulaire ou à ses ayants droit", le Conseil relevait que cette précision ne faisait pas disparaître toute ambiguïté puisque "lorsque le dépôt est rattaché à un autre ou lorsqu'un autre contrat est signé avec un nouveau dépositaire, il peut être soutenu que l'ancien contrat disparaît et qu'il n'y a donc pas de nouveau titulaire devant indemniser le dépositaire révoqué".

102. Aussi, le Conseil de la concurrence, ayant souligné que "les incertitudes qui entourent les conditions de révocation des dépositaires sont de nature à donner lieu à des abus", donnait des exemples où la crainte de ne pas être indemnisé après résiliation du contrat était susceptible d'avoir modifié les décisions économiques prises par des dépositaires indépendants.

103. Le maintien de l'ambiguïté de la clause de révocation "ad nutum" du contrat Dépositaire/Presstalis, qui peut en l'état être interprétée comme permettant une révocation sans indemnité après un préavis de durée extrêmement réduite, même en l'absence de faute grave du dépositaire alors que de telles conditions dans la révocation des dépositaires ne paraissent pouvoir se justifier que par des circonstances exceptionnelles, est de nature à restreindre la capacité concurrentielle des dépositaires indépendants vis-à-vis des messageries sur le marché de la distribution de la presse et les marchés connexes de la cession des dépôts.

c) La procédure d'agrément des cessions et rattachements des dépôts

104. La procédure d'agrément des cessions et rattachements des dépôts était du ressort de la COV au stade de l'instruction des mesures conservatoires. Les services d'instruction ont pris acte, dans leurs préoccupations de concurrence, de la modification sensible des pratiques sectorielles et de l'évolution récente du cadre législatif.

105. L'assemblée générale de novembre 2009 du CSMP a décidé d'attribuer les missions de la COV à une commission du réseau au sein du CSMP. Le secrétariat de cette commission n'est plus assuré par Presstalis et les dépositaires peuvent directement la saisir d'une proposition, sans passer par une messagerie. Les dates des séances, la liste des projets de cession ou de rachat examinés, la décision prise par la commission sont consultables sur le site du CSMP.

106. En application de l'article 9.7.3 du règlement intérieur du CSMP, les décisions de refus d'agrément doivent être motivées. Le règlement intérieur (article 9.7.2) précise également quels critères doivent être pris en compte. Le schéma directeur, projet de restructuration du réseau, voté en assemblée générale du CSMP, est disponible sur Internet.

107. Les décisions, qui n'étaient que susceptibles d'un réexamen, seront susceptibles de recours devant la juridiction compétente en application de la loi n° 2011-852 du 20 juillet 2011 relative à la régulation du système de distribution de la presse.

108. Il demeure que dans le cadre de l'instruction des propositions des dépositaires, le CSMP peut demander un éclairage ou un avis aux messageries.

109. Dans la décision n° 09-D-02 précitée, le Conseil de la concurrence avait relevé que, "compte-tenu du rôle important joué par les NMPP dans le fonctionnement de la COV, il ne peut être exclu, à ce stade de l'instruction, que les NMPP favorisent leurs propres projets aux dépens de projets alternatifs et abusent ainsi de la position dominante qu'ils détiennent sur le marché de la distribution de la presse sur les marchés connexes de la cession des dépôts" (§ 108). Comme l'avait rappelé le Conseil, "le fait pour une entreprise en position dominante de s'intégrer verticalement ne peut en soi être considéré comme un abus" (§109). Toutefois, de par cette intégration verticale, sur certains dossiers, la position qu'exprimeront les messageries est susceptible d'être influencée par le fait que les dépositaires présentant un dossier peuvent être en concurrence avec les messageries sur les marchés de la cession des dépôts et les messageries pourraient chercher à favoriser leurs propres dépôts ou solutions logistiques en faisant une présentation non objective des projets des dépositaires.

110. Il appartient au CSMP de veiller au respect d'une procédure contradictoire, mais encore faut-il que le format choisi par la messagerie pour donner sa position sur un projet au CSMP permette à ce dernier de prendre sa décision en se fondant sur des critères objectifs et vérifiables dans le cadre d'une instruction contradictoire. On peut ainsi craindre que l'absence de trace écrite de la position de Presstalis soit susceptible de rendre le processus moins transparent et vérifiable, ce qui facilite la possibilité pour Presstalis de présenter le cas échéant des positions non objectives.

111. En l'absence d'une clarification sur le format que peut prendre l'expression de la position de Presstalis devant le CSMP lorsque Presstalis est appelée à se prononcer sur un projet impliquant le niveau 2 de la distribution de la presse, notamment lors de l'instruction des dossiers de dépositaires par la Commission du réseau du CSMP, il ne peut être exclu que Presstalis puisse avoir un moyen de favoriser ses propres dépôts ou ses propres solutions logistiques.

112. Au vu de ces éléments, les pratiques constatées sont susceptibles d'être qualifiées au titre de l'article L. 420-2 du Code de commerce et, le cas échéant, de l'article 102 TFUE.

2. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR PRESSTALIS

113. Selon les dispositions du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, modifié par l'article 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, l'Autorité de la concurrence peut "accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5".

a) La proposition d'engagement de Presstalis

114. Pour répondre à ces préoccupations de concurrence et mettre fin à la procédure, Presstalis a soumis le 13 février 2012 à l'Autorité de la concurrence une proposition d'engagements visant à répondre à la préoccupation de concurrence émise par l'Autorité. Presstalis propose de mettre en œuvre les trois engagements suivants :

115. "Premier engagement : jusqu'à l'adoption par le Conseil supérieur des messageries de presse d'une décision définissant les conditions d'une distribution directe par le réseau des dépositaires centraux de presse sans adhésion à une société coopérative de messagerie de presse en application des dispositions de la loi 47-585 du 2 avril 1947, et que cette décision soit devenue exécutoire, Presstalis s'engage à ne pas résilier de contrat avec les dépositaires de presse assurant la distribution de publications d'un éditeur qui s'adresse à eux en direct dès lors que cette distribution n'interfère de quelque manière que ce soit dans la bonne exécution du contrat avec le dépositaire concerné".

116. "Deuxième engagement : sous réserve de dispositions contraires du contrat de dépositaire homologuées par le Conseil supérieur des messageries de presse en application des dispositions de la loi 47-485 du 2 avril 1947, Presstalis s'engage, sauf en cas de faute grave du dépositaire de presse, à ne pas résilier de contrat de dépositaire sans respecter un préavis de trois mois lors de la révocation d'un dépositaire lié par contrat avec elle".

117. "Troisième engagement : Presstalis s'engage, dans le respect du Règlement intérieur du Conseil supérieur des messageries de presse et plus particulièrement du fonctionnement de la Commission du Réseau tel que prévu à l'article 9 dudit Règlement intérieur(http://www.csmpresse.fr/images/stories/csmp/reglement_interieur_01.12.11.pdf),à consigner par écrit les éléments qu'elle aurait donnés en réponse aux questions posées par la Commission du Réseau dans le cadre de la procédure d'agrément des cessions et rattachements de dépôts de presse, et à conserver cet écrit pendant une année suivant la séance de la Commission du Réseau concernée".

b) Les réponses au test de marché

118. Les engagements proposés par Presstalis ont été mis en ligne le 23 février 2012.

119. Le 20 mars 2012, le SNDP a présenté des observations.

120. Le 23 mars 2012, le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), la société coopérative des Messageries lyonnaises de presse (MLP) et sa filiale Forum diffusion presse (FDP) ont également présenté des observations ; MLP et FDP se sont prononcées dans la même unique contribution. (14)

II. Discussion

A. SUR L'APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE

121. Dans ses lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (JOUE 2004, C 101, p. 81), la Commission européenne rappelle que les articles 81 et 82 du traité CE, devenus les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), s'appliquent aux accords horizontaux et verticaux et aux pratiques abusives d'entreprises qui sont "susceptibles d'affecter le commerce entre États membres", et ce "de façon sensible".

1. SUR L'AFFECTATION DU COMMERCE ENTRE ÉTATS MEMBRES

122. Les abus de position dominante commis sur le territoire d'un seul État membre sont susceptibles, dans certains cas, d'affecter le commerce intracommunautaire, ainsi que le souligne la Commission au point 93 de ses lignes directrices : "lorsqu'une entreprise qui occupe une position dominante couvrant l'ensemble d'un État membre constitue une entrave abusive à l'entrée, le commerce entre États membres peut normalement être affecté".

123. Dans le cas d'espèce, les pratiques dénoncées couvrent l'ensemble du territoire français, partie substantielle du marché communautaire.

124. En effet, en l'espèce, les relations contractuelles entre éditeurs, messageries et dépositaires de presse et les procédures d'agrément des cessions et rattachements de dépôts, concernent l'organisation de la distribution de la presse au numéro sur l'ensemble du territoire français. De plus, comme il a été décrit plus haut, Presstalis est susceptible de détenir une position dominante sur le marché de la distribution de la presse au numéro, qui est un marché de dimension nationale ; de plus, les dépositaires de presse, qui constituent un groupe homogène en ce qui concerne la part de leur chiffre d'affaires réalisé avec Presstalis, sont susceptibles d'être en situation de dépendance économique à l'égard de celle-ci.

125. Il est donc présumé que le commerce entre États membres est susceptible d'être affecté.

2. SUR LE CARACTÈRE SENSIBLE DE L'AFFECTATION DU COMMERCE ENTRE ÉTATS MEMBRES

126. S'agissant du caractère sensible de l'affectation des échanges entre États membres, la Commission précise, au point 96 desdites lignes directrices, que "toute pratique abusive qui rend plus difficile l'entrée sur le marché national doit donc être considérée comme affectant sensiblement le commerce".

127. Dans le cas d'espèce, les stipulations contractuelles critiquées comportent des ambiguïtés. Il en résulte notamment que des dépositaires sont susceptibles d'être dissuadés de nouer des relations directes avec des éditeurs, y compris des éditeurs établis dans d'autres États membres. Ces stipulations sont de nature à restreindre la capacité concurrentielle des dépositaires indépendants vis-à-vis des messageries sur le marché de la distribution de la presse et les marchés connexes de la cession des dépôts. En outre, l'intégration verticale de Presstalis jointe à sa possibilité de donner son avis au CSMP pour l'instruction des cessions et rattachements de dépôts, impliquent qu'il ne peut être exclu qu'elle ait le moyen de favoriser ses propres dépôts, ce qui est de nature à interdire l'accès au marché à des concurrents.

128. Les pratiques examinées, si elles étaient avérées, sont donc susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre Etats membres et d'être qualifiées au regard de l'article 102 TFUE.

B. OBSERVATIONS GÉNÉRALES

1. SUR LES RÉPONSES REÇUES DANS LE CADRE DU TEST DE MARCHÉ

129. Le SNDP et MLP/FDP considèrent que les engagements de Presstalis sont insuffisants et doivent être précisés.

130. MLP/FDP considèrent que ces imprécisions offrent à Presstalis, en pratique, des moyens trop aisés d'échapper au respect de ses propres engagements.

131. Le CSMP, qui adresse ses observations "conjointement avec l'ARDP" (15), approuve pour l'essentiel les engagements proposés et fait valoir qu'il est en mesure d'assurer la mission de régulation qui lui incombe sur le fondement des dispositions législatives de 2011.

2. SUR LA PERTINENCE DE LA PROCÉDURE D'ENGAGEMENT

132. Les pratiques relevées dans la présente affaire ne sont pas de nature à avoir déjà causé un dommage à l'économie important. En outre, la mise en place d'une régulation du secteur de la distribution de la presse incluant des dispositifs de recours devant les juridictions compétentes, instaurée par la loi 2011-852 du 20 juillet 2011, justifie de privilégier le maintien ou le rétablissement volontaire de la concurrence sur le marché par le recours à la procédure d'engagement.

C. SUR L'APPRÉCIATION DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR PRESSTALIS

1. SUR LE PREMIER ENGAGEMENT : NE PAS RÉSILIER DE CONTRAT AVEC LES DÉPOSITAIRES ASSURANT LA DISTRIBUTION DE PUBLICATIONS D'UN ÉDITEUR QUI S'ADRESSE À EUX EN DIRECT

133. Les MLP et le SNDP estiment cet engagement insuffisant et souhaitent que l'article 2 du contrat type entre Presstalis et les dépositaires soit supprimé au motif que la loi Bichet établit désormais clairement le droit des dépositaires à établir des relations directes avec les éditeurs et désigne le CSMP pour définir les conditions de ces relations (article 18-6-3°).

134. À titre subsidiaire, le SNDP et MLP constatent que la condition à laquelle l'engagement est soumis ("dès lors que cette distribution n'interfère de quelque manière que ce soit dans la bonne exécution du contrat avec le dépositaire concerné"), qui est relativement large et imprécise, permet en réalité à Presstalis d' "interpréter cette condition à sa guise, en fonction de ses intérêts dans chaque cas" (16) et donc, d'une part, de réduire à néant l'intérêt de l'engagement et, d'autre part, de rendre difficile le contrôle de son application. Les MLP soulignent notamment l'inutilité de cette condition au vu de l'article 3 du contrat qui confère de toutes les façons à Presstalis une faculté de résiliation "ad nutum", critiquée par ailleurs. Le SNDP en déduit la nécessité d'énumérer, après avis du SNDP, les cas précis pouvant donner lieu à résiliation. Les MLP en déduisent au contraire la nécessité de supprimer cette condition.

135. S'agissant du cadre temporel fixé pour l'engagement, prévu "jusqu'à l'adoption par le Conseil supérieur des messageries de presse d'une décision [exécutoire] définissant les conditions d'une distribution directe par le réseau des dépositaires centraux de presse sans adhésion à une société coopérative de messagerie de presse", les MLP et le SNDP s'inquiètent de la neutralité du CSMP au regard de la position majoritaire qu'y occuperait Presstalis. Ils estiment donc que la proposition actuelle devrait être complétée par un engagement de Presstalis de faciliter la distribution directe et l'adoption dans les meilleurs délais d'une décision du CSMP.

136. Dans ses observations au test de marché, le CSMP indique que "compte tenu de la situation économique générale de la presse caractérisée par une baisse tendancielle de la vente au numéro de 6 % par an en moyenne, (il) se consacre (...) en priorité aux mesures de régulation les plus structurantes en vue de préserver la viabilité du cadre coopératif issu de la loi Bichet" (actualisation du schéma directeur des dépositaires de presse) et qu'il "ne prévoit pas d'examiner la question des relations directes entre éditeurs et dépositaires avant l'année prochaine". Lors de la séance du 21 juin 2012, le CSMP a réitéré son intention de remplir la mission qui lui est conférée par l'article 18-6 8° de la loi Bichet modifiée et de procéder à l'homologation des contrats-types des agents de la vente de presse en 2013. Dans l'attente, le CSMP est donc d'accord avec l'engagement proposé sous réserve que, "dans le cas où un éditeur prendrait une initiative en matière de relations directes avec les dépositaires posant problème au regard des principes de solidarité coopérative ou des équilibres économiques du secteur, cet engagement n'empêche pas Presstalis (ou tout autre acteur du secteur) de saisir le CSMP (...) d'une procédure de conciliation (...), puis (...) l'ARDP (...)".

Appréciation de l'Autorité

137. La préoccupation de concurrence exprimée dans l'évaluation préliminaire résulte de la possibilité d'interpréter l'article 2 du contrat litigieux comme interdisant aux dépositaires signataires de nouer des relations directes avec un éditeur pour assurer la distribution d'un ou plusieurs titres sur leur zone de chalandise. Or, comme le relèvent d'ailleurs le SNDP et les MLP, la loi 2011-852 du 20 juillet 2011, a expressément reconnu la possibilité pour les éditeurs de confier directement la distribution de leurs titres aux dépositaires de presse (article 18-6 3° de la loi Bichet modifiée). Dès lors, une interprétation du contrat contraire à la loi n'apparaît plus possible, si bien que la suppression pure et simple de l'article 2 du contrat litigieux excéderait les préoccupations de concurrence.

138. Cependant, il est exact que la condition exprimée dans la phrase "dès lors que cette distribution n'interfère de quelque manière que ce soit dans la bonne exécution du contrat avec le dépositaire concerné" pose une difficulté. Par cette formulation trop vaste et trop vague, Presstalis se réserve en effet la possibilité de définir seule, selon des critères indéterminés, les conditions dans lesquelles une distribution directe entre éditeurs et dépositaires pourrait intervenir, ce qui ne permet pas de lever les préoccupations de concurrence.

139. En effet, si l'évaluation préliminaire a effectivement constaté que la distribution directe ne pouvait être inconditionnelle, en raison des externalités négatives qu'elle pourrait entraîner, dans certains cas, sur le système mutualisé de distribution de la presse, elle avait précisé que ce n'était toutefois pas aux messageries de définir seules les conditions d'une telle distribution. En effet, la loi Bichet modifiée dispose que c'est au CSMP que revient la mission de définir "les conditions d'une distribution directe par le réseau des dépositaires centraux de presse sans adhésion à une société coopérative de messageries de presse" (art. 18-6 3°).

140. Il convient donc que Presstalis s'engage à ne pas résilier de contrat avec les dépositaires de presse assurant directement la distribution de publication d'un éditeur au seul motif de cette distribution directe.

141. La proposition du SNDP d'imposer à Presstalis, dans le cadre des engagements, d'énumérer, après avis du SNDP, les cas précis pouvant donner lieu à résiliation, n'est pas pertinente, car elle conduirait l'Autorité de la concurrence à se substituer au CSMP dans l'accomplissement de la mission qui lui est confiée par la loi.

142. Par ailleurs, il ne saurait être exigé de Presstalis de "s'engager à faciliter la distribution directe et l'adoption rapide d'une décision du CSMP", ce qui n'est ni vérifiable ni pertinent dans la mesure où la loi Bichet prévoit un certain nombre de contrôles et de voies de recours s'agissant des décisions de portée générale prises par le CSMP. Ces dernières sont ainsi transmises à l'ARDP, autorité indépendante, qui peut décider de les rendre exécutoires par décision(s) motivée(s) et susceptibles de recours devant la cour d'appel de Paris, ou refuser de le faire, auquel cas s'engage un dialogue entre elle et le CSMP (article 18-13 de la loi Bichet). L'Autorité de la concurrence, au travers des engagements qu'elle exige, ne saurait préjuger du mauvais fonctionnement de ces institutions.

143. Il convient en outre de rappeler que désormais, la procédure de conciliation devant le CSMP et l'arbitrage par l'ARDP, en cas d'échec, permet, en tout état de cause, de tenter d'apporter une solution non contentieuse à des différends individuels susceptibles de survenir entre messageries et dépositaires, dans l'attente d'une décision de portée générale du CSMP.

144. Lors de la séance du 21 juin 2012, Presstalis, prenant en compte ces observations, a proposé de formuler l'engagement de la façon suivante : "Jusqu'à l'adoption par le Conseil supérieur des messageries de presse d'une décision définissant les conditions d'une distribution directe par le réseau des dépositaires centraux de presse sans adhésion à une société coopérative de messagerie de presse en application des dispositions de la loi 47-585 du 2 avril 1947, et que cette décision soit devenue exécutoire, Presstalis s'engage à ne pas appliquer le second alinéa de l'article 2 du contrat de dépositaire et en conséquence à ne pas résilier de contrat avec les dépositaires de presse assurant directement la distribution de publications d'un éditeur dès lors que cette distribution directe ne compromet pas de manière substantielle la bonne exécution de la distribution objet du contrat avec le dépositaire concerné".

145. Ainsi formulé, l'engagement est suffisamment précis. En outre, il écarte l'application du second alinéa de l'article 2, qui, comme l'ont confirmé les débats lors de la séance, est spécifiquement la clause du contrat susceptible d'entraver la distribution en direct de titres de presse.

2. SUR LE DEUXIÈME ENGAGEMENT RELATIF AUX CONDITIONS DE RÉVOCATION DES DÉPOSITAIRES

146. Le CSMP se déclare en accord avec l'engagement et indique que "Sur ce point également, le CSMP remplira pleinement la mission qui lui a été spécialement confiée par le législateur (...)" ; il rappelle qu'il a déjà adopté, le 21 février 2012 une décision, rendue exécutoire par l'ARDP, fixant la durée de préavis à respecter par les éditeurs qui retirent la distribution d'un titre à une messagerie de presse et précise que ses décisions en matière d'homologation de contrats type entre messageries et dépositaires, "s'inscriront dans la même orientation".

147. Pour le SNDP et les MLP, cet engagement est insatisfaisant, au motif notamment qu'il est difficilement contrôlable. Ces deux entités critiquent l'absence d'engagement relatif à l'indemnisation du dépositaire révoqué, qui figure pourtant parmi les préoccupations de concurrence exprimées par le rapporteur. Le SNDP et les MLP demandent donc que le droit à indemnisation soit mentionné dans l'engagement ; le SNDP ajoute que Presstalis doit aussi s'engager à observer les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail lorsqu'elle reprend le dépôt (17).

148. La question de l'articulation entre cet engagement et l'élaboration d'un contrat type par le CSMP est également soulevée, puisque l'engagement est pris "sous réserve de dispositions contraires du contrat de dépositaire homologuées par le Conseil supérieur des messageries de presse en application des dispositions de la loi 47-485 du 2 avril 1947". Le SNDP considère que les engagements devront en tout état de cause s'imposer au CSMP et que la réserve litigieuse doit être supprimée.

149. Pour le SNDP et les MLP, les motifs de la révocation doivent être indiqués, ainsi que les cas constitutifs d'une faute grave autorisant le non-respect du préavis (MLP).

150. Le SNDP considère que cet engagement est sans portée réelle puisqu'il ne fait que formaliser la pratique actuelle de Presstalis, qui, de fait, "laisse en effet fréquemment un délai de l'ordre de trois mois aux dépositaires dont le mandat est révoqué". Il considère, comme les MLP, que ce délai de préavis de 3 mois est en tout état de cause insuffisant et qu'un délai de 6 mois, pouvant aller jusqu'à 18 mois selon le SNDP, serait adéquat, sauf faute grave. Ce dernier ajoute que ce délai doit s'appliquer également "dans l'hypothèse où le contrat serait substantiellement modifié et où la CDR refuserait d'agréer un dépositaire lors de la reprise d'un dépôt par un successeur exerçant déjà des fonctions de fait au sein du dépôt".

Appréciation de l'Autorité

151. À titre liminaire, il convient de rappeler que, contrairement au point de vue développé par le SNDP, les engagements pris par Presstalis devant l'Autorité de la concurrence n'ont pas vocation à imposer au CSMP les termes du contrat type qu'il lui appartient d'homologuer en application des dispositions de l'article 18-6 8° de la loi Bichet.

152. La préoccupation de concurrence porte, en l'espèce, sur l'ambiguïté de l'article 3 du contrat litigieux qui tend à laisser penser qu'une révocation sans indemnité après préavis très réduit de 48 heures est possible, même sans faute grave du dépositaire. Dès lors, sur les questions du délai de résiliation et de la condition de la faute grave, l'engagement apporté met fin à l'ambiguïté et apporte donc une réponse suffisante.

153. Les arguments développés par le SNDP et les MLP visant à rallonger la durée des préavis relèvent de la réflexion qui sera menée par l'autorité régulatrice. D'ailleurs, la décision précitée du CSMP, rendue exécutoire par l'ARDP, relative au contrat type entre messageries et éditeurs, fixe différents délais de résiliation progressifs, selon une grille qui dépend de l'ancienneté des relations commerciales et du nombre annuel moyen d'exemplaires mis en distribution18. C'est dans le cadre des discussions et de consultations menées au sein de l'autorité régulatrice que les divers critères à prendre en compte doivent être analysés, en tenant compte de la spécificité du fonctionnement du niveau 2 de distribution de la presse (monopole local donné aux dépôts et absence de risque commercial encouru, du fait de la reprise des invendus par les éditeurs). Dans l'attente du contrat type homologué dans les conditions prévues par la loi, la durée de 3 mois est donc suffisante pour répondre à la préoccupation de concurrence.

154. Par ailleurs, il est inexact de prétendre, comme le font les MLP, que l'engagement n'est pas vérifiable alors que l'article 3 alinéa 1 du contrat stipule que la résiliation doit être effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception et que ladite lettre permet donc d'attester du point de départ du délai et donc de sa computation.

155. Enfin, il n'appartient pas à l'Autorité d'imposer à Presstalis de s'engager sur le respect des dispositions du Code du travail relatives au transfert des contrats de travail en cas de modification de la situation juridique de l'employeur, ce qui, en outre, n'est pas pertinent, étant sans rapport avec les préoccupations de concurrence exprimées.

156. En revanche, il exact que l'engagement proposé ne mentionne pas la question de l'indemnité due au dépositaire en cas de résiliation, hors cas d'abus du droit de révocation. Il ne répond donc que partiellement à la préoccupation de concurrence. Par ailleurs, comme le premier engagement, ce deuxième engagement devrait prendre fin une fois que l'ARDP aura rendu exécutoire la décision d'homologation du contrat type prise par le CSMP.

157. En séance, Presstalis a proposé l'engagement suivant, faisant suite aux diverses critiques soulevées : "Jusqu'à l'homologation d'un nouveau contrat de dépositaire par le Conseil supérieur des messageries de presse en application des dispositions de la loi 47-585 du 2 avril 1947, et que cette décision soit devenue exécutoire, Presstalis s'engage, sauf en cas de faute grave du dépositaire de presse, à ne pas résilier de contrat de dépositaire sans respecter un préavis de trois mois lors de la révocation d'un dépositaire lié par contrat avec elle. Le dépositaire pourra exercer son droit à indemnisation selon les usages de la profession mentionnés à l'alinéa 4 de l'article 3 du contrat de dépositaire, à savoir la valeur patrimoniale des éléments corporels et incorporels".

158. Dans ces conditions, l'engagement ainsi rédigé répond aux préoccupations de concurrence exprimées.

3. SUR LE TROISIÈME ENGAGEMENT RELATIF A LA CONSIGNATION PAR ÉCRIT DES RÉPONSES APPORTÉES PAR PRESSTALIS AUX QUESTIONS DE LA CDR

159. Le SNDP et les MLP estiment cet engagement insuffisant et demandent qu'il soit étendu.

160. Selon le SNDP et les MLP, l'engagement devrait porter non seulement sur les réponses de Presstalis aux questions qui lui sont posées par la CDR, mais aussi sur les rapports d'audits fournis au CSMP pour l'examen d'une candidature d'un dépositaire et sur toutes observations que Presstalis serait amenée à produire devant la CDR (également celles concernant la nomination d'un dépositaire ou d'un diffuseur, la création d'un point de vente, par exemple et pas seulement s'agissant des cessions et des rattachements de dépôts).

161. Pour le respect du contradictoire, les MLP et le SNDP soulignent que ces réponses écrites devaient être également communiquées au dépositaire candidat, et aux MLP elles-mêmes.

162. Le SNDP souhaite que Presstalis s'engage clairement à respecter les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 "informatique et libertés", afin d'éviter le risque de constitution d'un fichier de données personnelles découlant selon elle de l'engagement n° 3.

163. Les MLP ajoutent que Presstalis devrait en outre s'engager "à proposer au sein du CSMP, et à voter en faveur de la modification du règlement intérieur [du CSMP]" afin, en substance, d'améliorer la transparence et le contradictoire des procédures de la CDR et de "prévoir des voies de recours effectives auprès de l'ARDP et de la Cour d'appel de Paris".

164. Le CSMP fait valoir que les dispositions réglementaires actuelles font que la situation "n'a plus aucun rapport avec les circonstances prévalant en juillet 2008, au moment [de la saisine] (...)". Le CSMP prend néanmoins acte de l'engagement et indique que "cette proposition ne pose pas de problème particulier au regard du fonctionnement actuel de la commission du réseau, étant bien précisé que les représentants des éditeurs qui siègent à cette Commission se prononcent au vu de l'ensemble des éléments figurant dans les dossiers qui leur sont soumis et non pas des seules observations qui peuvent leur être fournies par les messageries".

Appréciation de l'Autorité

165. Lors de la séance du 21 juin 2012, Presstalis a proposé de préciser et d'élargir le champ de l'engagement rédigé désormais de la façon suivante : "Presstalis s'engage, dans le respect du Règlement intérieur du Conseil supérieur des messageries de presse et plus particulièrement du fonctionnement de la Commission du Réseau tel que prévu à l'article 9 dudit Règlement intérieur (http://www.csmpresse.fr/images/stories/csmp/reglement_interieur_01.12.11.pdf), à consigner par écrit les éléments qu'elle serait amenée à donner à la Commission du Réseau dans le cadre d'un projet impliquant le niveau 2 (dépositaires) de la distribution de la presse, lors de la procédure d'agrément des cessions et rattachements de dépôts de presse ou de diffuseurs de presse, et à conserver cet écrit pendant une année suivant la séance de la Commission du Réseau concernée".

166. Comme l'a rappelé l'évaluation préliminaire, c'est au CSMP et à la CDR qu'il appartiendra de veiller au respect d'une procédure contradictoire s'agissant de l'agrément des cessions et rattachements de dépôts. Presstalis devra naturellement s'y conformer, au même titre que toute autre personne entendue par le CSMP.

167. Par ailleurs, le respect des dispositions issues de la loi de 1978 incombe à Presstalis, comme à tout autre, de façon générale et sans qu'il soit besoin d'engagement à ce sujet, qui ne serait, en outre pas pertinent au regard de la préoccupation de concurrence exprimée.

168. Au vu de ces éléments, l'engagement n° 3 est en l'état pertinent, crédible et vérifiable, et répond à la préoccupation de concurrence exprimée en déterminant comment Presstalis doit exprimer sa position devant le CSMP lorsqu'elle est appelée à se prononcer sur un projet impliquant le niveau 2 de la distribution de la presse, notamment lors de l'instruction des dossiers de dépositaires par la Commission du réseau du CSMP. En effet, l'évaluation préliminaire faisait état de craintes "que l'absence de trace écrite de la position de Presstalis soit susceptible de rendre le processus moins transparent et vérifiable, ce qui facilite la possibilité pour Presstalis de présenter le cas échéant des positions non objectives".

4. QUATRIÈME ENGAGEMENT -MISE EN OEUVRE

169. Enfin, en séance, un quatrième engagement a été ajouté, relatif à la mise en œuvre des trois premiers, visant à informer les dépositaires qui ont conclu ou concluront un contrat avec Presstalis des trois engagements précédents qui modifient l'application du contrat de dépositaire Presstalis :

"Presstalis mettra en œuvre les présents engagements à compter de la notification à Presstalis de la décision de l'Autorité de la concurrence qui les rend obligatoires.

Cette mise en œuvre fera l'objet d'une information aux dépositaires de presse liés par contrat avec Presstalis à qui seront adressés les présents engagements par lettre recommandée avec accusé de réception dans le mois suivant leur notification à Presstalis par l'Autorité de la concurrence.

De même, Presstalis informera, dans les mêmes formes, tout nouveau dépositaire de presse avec lequel elle viendrait à signer un contrat, des engagements en vigueur à la date de signature dudit contrat".

170. Cet engagement n'a suscité aucune opposition.

DÉCISION

Article 1er : L'Autorité de la concurrence accepte les engagements, dans leur version du 21 juin 2012, pris par Presstalis, qui sont rendus obligatoires et font partie intégrante de la présente décision à laquelle ils sont annexés.

Article 2 : La saisine enregistrée sous les numéros 08-0076 F et 08-0077 M est close.

Notes :

1 Source : site Internet du CSMP. Données actualisées fin novembre 2010.

2 Source : site Internet du CSMP.

3 Voir décision CSMP, communiqué de presse et décision de l'ARDP du 10 janvier 2012, observations en réponse du CSMP.

4 Source : site Internet du CSMP.

5 Source : site Internet SNDP.

6 Source : réponse MLP/FDP au test de marché 23/03/2012.

7 Source SNDP.

8 Source site internet CSMP : http://www.csmpresse.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=175&Itemid=200.

9 http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r3601.asp10

10 Voir communiqué de presse CSMP du 22 mars 2012

11 Source, site Internet du CSMP : http://www.csmpresse.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=174&Itemid=199 et http://www.csmpresse.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=237&Itemid=122

12 Article 11 de la loi n° 87-39 (abrogé par loi n° 2011-852 du 20 juillet 2011 - art. 6) : "Afin d'assurer le respect du principe de neutralité dans les conditions de distribution de la presse, la rémunération des agents de la vente de publications quotidiennes et périodiques est déterminée en pourcentage du montant des ventes desdites publications réalisées par leur intermédiaire, dans des conditions fixées par décret.(...)".

13 CSMP, consultation publique du 20 décembre 2011 : http://www.csmpresse.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=317&Itemid=331

14 Dans leur réponse commune au test de marché, MLP et FDP se présentent comme concurrentes du groupe Presstalis, aux niveaux 1 et 2 de la distribution de la presse. Au niveau 1, MLP constate qu'elle est le seul concurrent de Presstalis ; elle explique par ailleurs avoir été obligée de procéder à une intégration verticale afin de rester compétitive sur le marché face à l'omniprésence de Presstalis, tout en demeurant "beaucoup plus faible" que son concurrent.

15 Page 1, dernier paragraphe des observations.

16 MLP.

17 Article L. 1224-1 du Code du travail "Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise".

18 Concernant les durées de préavis aux contrats de groupage et de distribution, la décision retient notamment une grille fonction de l'ancienneté des relations commerciales et du nombre annuel moyen d'exemplaires mis en distribution au cours des 3 dernières années. Les durées sont progressives, de 3 mois pour une ancienneté de moins de 3 ans, à 12 mois pour une ancienneté de 15 ans et plus. Deux seuils, fixés à 500 000 et 200 000 exemplaires, viennent plafonner ces durées, respectivement à 9 mois et à 6 mois. Concernant les durées de préavis de retrait des sociétés coopératives, la décision retient une grille identique. La décision s'applique à toute notification adressée par un éditeur à une société coopérative ou à une société commerciale de messageries de presse postérieurement à la date de son adoption par le Conseil supérieur. (Source : communiqué de presse du CSMP).