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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 10, 31 janvier 2012, n° 10-07238

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Laroche

Conseillers :

Mmes Sarda, Zamponi

Avocat :

Me Toby

TGI Paris, 31e ch., du 23 juin 2010

23 juin 2010

LA PROCEDURE

La saisine du tribunal et la prévention

La SAS X a été citée directement devant le tribunal correctionnel, à la requête du procureur de la République suivant acte d'huissier, pour avoir, à Paris (75), du 26 décembre 2007 à fin novembre 2008, et courant 2007 et 2008, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription pénale, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en l'espèce, en présentant le contenu d'une offre "accès à plus de 200 chaînes TV", puis, "Accès à plus de 230 chaînes TV" signifiant l'accessibilité et non pas la gratuité pour 100 chaînes sur 200 (puis 230) dans le forfait de 29,99 euro,

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-1-1, L. 213-6 al. 1 du Code de la consommation, l'article 121-2 du Code pénal et réprimée par les articles L. 213-6 al. 1, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, les articles 131-38, 131-39 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8°, 9° du Code pénal

Le jugement

Le Tribunal de grande instance de Paris - chambre 31/2 - par jugement contradictoire, en date du 23 juin 2010,

Sur l'action publique :

- a déclaré la SAS X

non coupable de pratique commerciale trompeuse par personne morale, Paris (75), du 26 décembre 2007 à fin novembre 2008, et courant 2007 et 2008, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription pénale, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-1-1, L. 213-6 al. 1 du Code de la consommation, l'article 121-2 du Code pénal et réprimée par les articles L. 213-6 al. 1, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, les articles 131-38, 131-39 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8°, 9° du Code pénal

- l'a relaxée des fins de la poursuite pour ces faits.

L'appel

Appel a été interjeté par :

- M. le procureur de la République, le 28 juin 2010 contre la SAS X (appel principal).

DÉCISION :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

LA COUR statue sur l'appel du Ministère public à l'encontre du jugement déféré.

Les faits à l'origine des poursuites sont les suivants :

Les fonctionnaires de la DRCCRF ont dressé le 19 février 2009 un procès-verbal à l'encontre de la SAS X pour pratique commerciale trompeuse à la suite de la diffusion d'une annonce publicitaire relative à une offre d'abonnement mensuel au prix de 29,90 euro indiquant

" X

29,90 euro

"X"box HD incluse

Abonnement téléphonique inclus

Appel vers les fixes de 70 destinations

Accès à plus de 200 chaînes ".

La société par actions simplifiée SAS X appartient au groupe Y dont les activités se décomposent en deux secteurs ; le secteur du haut débit qui regroupe les activités d'accès exploitées sous la marque X, d'hébergement, de centres d'appel, les activités relatives au déploiement de la fibre optique et le secteur de la téléphonie traditionnelle qui regroupe les activités de téléphonie fixe commutée, de revente aux opérateurs, d'annuaire et l'activité e-commerce. Au 30 juin 2008, le secteur haut débit représentait plus de 98 % du chiffre d'affaires du groupe et la SAS X comptait plus de 3 millions d'abonnés soit 19,8 % des parts de marché.

Il lui était reproché d'avoir indiqué, à l'occasion d'une campagne d'affichage publicitaire s'étant déroulée du 26 décembre 2007 au 1er janvier 2008, que le prix proposé ne mentionnait pas que " l'accès à plus de 200 chaînes " n'était pas inclus en totalité dans cette offre, valable, seulement pour 100 chaînes, et que l'abonné, pour en bénéficier, devait effectuer une dépense supplémentaire. L'identification de la société et du prix proposé étaient par ailleurs mentionnés en caractères plus grands et de couleur rouge.

La société contestait les faits reprochés pour lesquels elle avait engagé un coût publicitaire de 18 millions d'euro tant pour la campagne d'affichage que pour celle reprise dans les medias. Elle ajoutait qu'elle avait modifié la présentation de son offre, conforme à l'époque de la première campagne, à l'avis du CNC du 27 mars 2007 relative à la publicité audiovisuelle dans le secteur des communications électroniques et appliqué au 1er septembre 2007 par le BVP selon les recommandations de la DRCCRF ;

Elle précisait qu'en matière de publicité il convenait de distinguer les prestations incluses dans l'offre et celles auxquelles il était possible d'accéder.

À l'audience publique de la cour, la société par actions simplifiée X, prévenue intimée, comparaît assistée de son conseil.

Le Ministère public requiert l'infirmation du jugement dont appel et la condamnation de la prévenue estimant que les faits reprochés constituent le délit de pratique commerciale trompeuse dans la mesure où la communication publicitaire faite autour de l'offre Internet, téléphonie et télévision comportait pour le contenu de l'offre portant sur la télévision une indication trompeuse en omettant une information substantielle à savoir que l'offre ne portait que sur 100 chaînes de télévision ; il requiert une amende de 20 000 euro.

Le conseil de la société prévenue plaide la confirmation du jugement entrepris et la relaxe de sa cliente en raison de l'absence des éléments matériels ou intentionnels constituant le délit de publicité trompeuse et/ou de nature à induire en erreur. Il indique que la société X a élaboré une fiche d'information validée par la DGCCRF ; que dans la procédure de souscription à l'offre toutes les mentions sont spécifiées sur le site ou sur l'imprimé ; qu'enfin il y a lieu de constater qu'aucun plaignant ou association de consommateurs ne s'est constitué dans cette affaire.

Sur ce, LA COUR,

Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 3 janvier 2008, est interdite toute publicité comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs éléments ci-après: "... quantité, ... prix et conditions de vente de biens ou services qui font objet de la publicité."

Que dans sa rédaction nouvelle, l'article L. 121-1 II dispose qu'une pratique commerciale est également trompeuse si... "elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte".

Considérant que par procès-verbal en date du 9 octobre 2008, les services de la répression des fraudes ont demandé à la SAS X de s'expliquer sur le contenu de l'offre commerciale dite "triple play" de X et notamment sur la signification de la mention relative à "l'accès à plus de deux cents chaînes TV" mentionné dans les publicités ;

Que par procès-verbal en date du 23 février 2009, ces services ont fait parvenir au procureur de la République les réponses de la société X. Qu'ils estiment que la diffusion sur la période fin 2007 à fin novembre 2008 des publicités dans lesquelles elle mettait en avant "l'accès à plus de 200 chaînes" contenu dans son offre d'abonnement à 29,99 euro, alors que l'accès à 100 chaînes TV seulement était disponible pour ce prix et que 100 chaînes supplémentaires n'étaient accessibles qu'en souscrivant des options, payantes en sus du prix annoncé, sans que soit indiquée la mention restrictive indispensable à la bonne compréhension de l'offre, constitue une négligence manifeste et que l'information donnée au consommateur n'est pas loyale.

Considérant que pour s'exonérer de sa responsabilité, la SAS X fait valoir qu'en matière de publicité l'emploi de mots distincts pour distinguer ce qui était " inclus " dans l'offre et donc gratuit et ce à quoi il était simplement possible d'atteindre en l'espèce par l'emploi du mot " accès " est tout à fait régulier et que la publicité litigieuse avait fait l'objet d'une fiche d'information précontractuelle validée tant par le Conseil National de la Consommation le 15 mars 2006 pour la téléphonie que par le Bureau de vérification de la publicité pour la publicité audiovisuelle le 27 mars 2007.

Mais considérant que la SAS X ne justifie pas de l'obtention de ces validations ; qu'elle a persisté dans sa présentation au cours de l'année 2008 adaptant le nombre de chaînes disponibles accessibles pour tenir compte de l'enrichissement de l'offre de programmes télévisés proposés aux consommateurs avant de la modifier; que l'infraction qui lui est reprochée ne porte que sur le volet télévisuel de l'offre ;

Que pour convaincre les consommateurs, l'offre publicitaire de la SAS X développait un argumentaire relatif à une offre globale ne comportant pas de précision sur le nombre de chaînes de télévision incluses dans le forfait ni sur le coût supplémentaire induit pour accéder à la totalité des chaînes annoncées ;

Que la consultation du Littré ne saurait être un préalable à tout examen d'une offre publicitaire ; que dans l'esprit du consommateur moyen que le législateur a entendu protéger, l'offre globale " triple play" impliquait la possibilité d'accéder aux différents services proposés pour un prix unique de 29 euro 99 par mois ;

Qu'enfin les affiches publicitaires en raison de la police de caractères et de la couleur utilisées et l'information parcellaire diffusée ne permettaient pas au consommateur de connaître avec exactitude la nature des engagements des parties ;

Qu'en trompant ainsi les consommateurs sur les caractéristiques essentielles des prestations télévisuelles proposées, la SAS X s'est rendue coupable de pratiques commerciales trompeuses au sens de l'article L. 120-1 du Code de la consommation dans la rédaction résultant de la loi du 4 août 2008.

Que l'infraction est caractérisée en tous ses éléments ; que le jugement sera infirmé sur la déclaration de culpabilité et que la cour déclarera la SAS X coupable de pratique commerciale trompeuse dans les termes visés à la prévention ;

Qu'en répression la cour condamnera la SAS X à une amende de quinze mille euro qui constitue une juste application de la loi pénale tenant compte de la nature et de la gravité des faits et des antécédents judiciaires de la société prévenue.

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement par arrêt contradictoire, Reçoit le ministère public en son appel, Infirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité, Déclare la SAS X coupable des faits visés à la prévention, En répression la condamne à une amende de 15 000 euro.