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Décisions

CA Angers, ch. com., 13 mars 2012, n° 11-00487

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ahamada

Défendeur :

Free (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vallee

Conseillers :

Mmes Rauline, Van Gampelaere

TGI Le Mans, du 29 déc. 2010

29 décembre 2010

Au cours du mois de février 2007, les époux Ahamada ont souscrit par Internet un abonnement téléphonique par Freebox haut débit moyennant un abonnement de 29, 99 euro par mois.

Une facture du mois de décembre 2007 relative aux consommations de novembre 2007 d'un montant de 22 773,87 euro n'a pas été réglée par les époux Ahamada qui ont résilié la convention.

La société Free a sollicité et obtenu du président du Tribunal d'instance du Mans une ordonnance du 30 juin 2008 enjoignant aux époux Ahamada d'avoir à lui payer la somme principale de 27 947,19 euro.

Statuant sur opposition des époux Ahamada, par jugement du 22 avril 2009, le Tribunal d'instance du Mans s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance du Mans.

Dans ses écritures, la société Free a sollicité la condamnation des époux Ahamada à lui payer la somme en principal de 22 939,19 euro outre celle de 1 000 euro à titre de dommages-intérêts avec capitalisation des intérêts à compter du 15 avril 2008.

Monsieur Ahamada a sollicité sa mise hors de cause aux motifs qu'il était séparé de corps et de biens de son épouse en vertu d'un jugement du 15 novembre 1999.

Madame Ahamada s'est opposée à la demande de la société Free et a sollicité, à titre reconventionnel, le remboursement d'une somme de 3 758,90 euro qu'elle a versée outre celle de 1 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, sollicitant à titre subsidiaire des délais de paiement.

Par jugement du 29 décembre 2010, le Tribunal de grande instance du Mans a condamné Madame Ahamada à payer à la société Free la somme principale de 22 939,19 euro avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 avril 2008, et capitalisation, accordé à la Madame Ahamada un délai de grâce de deux ans pour s'acquitter de sa dette, débouté la société Free pour le surplus, mis hors de cause Monsieur Ahamada et débouté Madame Ahamada de sa demande en répétition de l'indu.

LA COUR

Vu l'appel formé contre ce jugement par Madame Ahamada ;

Vu les dernières conclusions du 18 avril 2011, aux termes desquelles Madame Ahamada, appelante, demande à la cour, poursuivant l'infirmation du jugement, de débouter la société Free de sa demande en condamnation, de condamner la société Free à lui restituer la somme totale de 3 750,90 euro et, à titre subsidiaire de lui accorder des délais de paiement, et enfin condamner la société Free à lui payer la somme de 1 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

Vu les dernières conclusions du 15 juin 2011 aux termes desquelles la société Free, intimée et appelante incidente, demande à la cour, avec une indemnité de procédure, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à dire n'y avoir lieu à l'octroi de quelconque délai de grâce ;

DISCUSSION

L'appelante fait valoir que :

La convention n'existe pas. Aucun contrat souscrit et signé entre les parties n'est produit aux débats.

Les articles L. 111-1 et suivants du Code de la consommation qui imposent au professionnel de mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service n'ont pas été respectés, de même que les dispositions des articles L. 121-6 et suivants du Code de la consommation qui imposent la rédaction d'un contrat à distance portant droit de rétractation.

Le document écrit confirmant une souscription à l'offre Free Box haut débit et emportant dégroupement de la ligne téléphonique à compter du 4 décembre 2006 ne peut servir de base aux relations contractuelles entre les parties après le 1er octobre 2007 date à partir de laquelle les conditions contractuelles ont été modifiées alors que la société Free, maquant à son obligation d'information, n'a pas averti Madame Ahamada de ces modifications tarifaires.

Madame Ahamada conteste avoir accepté ses nouvelles conditions tarifaires en réglant la première facture du mois d'octobre 2007 et fait observer que celle du mois de novembre set relative à 838 heures de téléphone représentant 35 jours sur 31 sur ce mois.

Elle évoque enfin les nombreuses procédures judiciaires civiles et pénales mettant en cause la société Free.

La société Free réplique que ce sont les dispositions particulières des articles L. 121-16 et suivants qui prévalent et qui n'exigent nullement un écrit préalable ou concomitant à l'engagement et que la sanction du non-respect de l'article L. 121-19 du Code de la consommation est un seul allongement du délai de rétractation.

Elle précise que des conditions générales applicables à compter du 1er octobre 2007 qu'elle a produites ne résulte pas une modification des conditions antérieures et que ses tarifs à compter du 1er février 2007 étaient les mêmes que ceux pratiqués à compter du 1er juillet 2006. Elle fait valoir qu'elle produit les relevés téléphoniques justifiant les communications dont elle réclame paiement.

Sur la demande reconventionnelle, elle fait observer qu'elle n'a nullement contracté l'obligation de suivre la consommation téléphonique de Madame Ahamada et d'alerter celle-ci après un certain montant susceptible d'être facturé ; qu'elle a conseillé sa cliente de résilier le contrat après la consommation constatée fin novembre 2007. Elle ajoute que rien ne justifie que Madame Ahamada obtienne par sa demande la gratuité des communications qu'elle a effectivement passées. Elle s'oppose enfin aux délais aux motifs que Madame Ahamada ne produit aucune pièce sur sa situation financière.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale

Il résulte de l'article L. 121-16 du Code de la consommation que les dispositions de la sous-section 1 relatives aux contrats ne portant pas sur des services financiers de la section portant sur la vente de biens et fournitures de prestations de services à distance s'appliquent à toute vente d'un bien ou toute fourniture d'une prestation de service conclue, sans la présence physique simultanée des parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs communications à distance.

Le contrat litigieux entre dans le cadre de ces dispositions particulières de cette sous-section qui ne comportent pas l'exigence d'un écrit. L'article L. 121-19 du même Code prévoit que la communication des informations peut être faite au consommateur par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition. L'article L. 121-20 sanctionne le défaut des informations prévues à l'article précédent du seul allongement du délai de rétractation.

Il n'est pas discuté par Madame Ahamada qu'elle a souscrit au mois de février 2007 auprès de la SAS Free un forfait Free Haut Débit comportant une connexion Internet en laissant la ligne téléphonique disponible, un forfait illimité et permanent, une offre sans engagement de durée, et l'ensemble des avantages de Free pour le montant de 29,99 euro par mois avec dégroupage total et option " portabilité du numéro ".

Diverses factures ont été adressées à l'intéressée à compter du 17 février 2007 et réglées jusqu'y compris celle du mois de novembre 2007 d'un montant de 3 262,59 euro. Ainsi, la preuve de l'existence du contrat est-elle établie par son exécution par Madame Ahamada. Elle l'est encore par le courrier non daté adressé par la SAS Free à Madame Ahamada lui rappelant cette souscription et que le dégroupage de sa ligne a bien été effectuée le 4 décembre 2006. Madame Ahamada ne peut donc soutenir ne pas être contractuellement liée avec la société Free par un contrat que son mari a d'ailleurs résilié. Les prélèvements effectués sur son compte montrent en tout état de cause que celle-ci a bien communiqué au fournisseur d'accès son compte bancaire.

Les conditions générales de vente alors applicables sont produites. Si la SAS Free a dans un premier temps produit les conditions générales applicables à compter du 1er octobre 2007, elle a ensuite versé aux débats les tarifs applicables à compter du 1er février 2007 (pièce n° 13) identiques à ceux pratiqués à compter du 1er juillet 2006 (pièce n° 12), accessibles sur son site, de sorte qu'il ne peut être utilement prétendu qu'il y ait eu novation. La liste des pays bénéficiant des appels illimités gratuits n'inclut pas les Comores et Mayotte. Le courrier précité versé aux débats par Madame Ahamada a d'ailleurs avisé celle-ci de ce que les appels gratuits et illimités concernaient les abonnés fixes en France métropolitaine.

Les factures et les relevés des détails des appels produits par la SAS Free (pièces 2, 2-1, 2-2, 3, 3-1, 3-2 et 5) justifient les sommes réclamées par la SAS Free même si le montant dû au titre des appels internationaux principalement à destination des Comores apparaît considérable, aucun élément ne permet de remettre en cause la fiabilité du décompte produit par la SAS Free. Il sera seulement observé que, contrairement à ce que soutient Madame Ahamada et ce qu'a analysé le tribunal dans ses motifs, l'examen du détail des appels en destination des Comores qui est le poste important de la réclamation montre que les communications téléphoniques vers cette destination se sont étalées du mois de février au mois de novembre 2011 ce qui justifie le nombre d'heures facturées qui ne pouvaient effectivement correspondre à des appels sur un seul mois. En effet, ce relevé des appels passés du poste de Madame Ahamada sépare les appels internationaux des autres communications et, mentionne du 17 février 2007 au 28 novembre 2007, un nombre considérable et pluri quotidien d'appels passés principalement vers les Comores pour un montant TTC de 21 917,80 euro. Augmentée de montants correspondant à des appels de mobile et autres numéros spéciaux, il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Madame Ahamada à payer à la société Free la somme de 22 939,19 euro avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 avril 2008 avec capitalisation.

Sur la demande reconventionnelle

La société Free n'avait pas à s'immiscer dans le choix des appels téléphoniques de sa cocontractante au-delà des informations qui ont été portées à la connaissance de celle-ci comme il a été dit ci-dessus. Au demeurant, Madame Ahamada ne formule aucune demande de dommages-intérêts en réparation du manquement au devoir de conseil et d'information qu'elle impute à la SAS Free, se bornant, dans son dispositif qui seul saisit la cour, l'appel ayant été formé le 17 février 2011, à conclure au débouté de la SAS Free aux motifs du manquement allégué. Le débouté s'impose par confirmation du jugement entrepris.

La demande en restitution de la somme de 3 750,90 euro au titre d'un contrat inexistant ne saurait prospérer puisque la cour a, ci-dessus, constaté l'existence de ce contrat et son exécution. La confirmation s'impose également de ce chef ainsi que de celui relatif au rejet de la demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral qu'aucun élément ne vient étayer.

Sur l'appel incident

Madame Ahamada, qui a déjà bénéficié des plus larges délais de paiement du fait de la procédure et qui ne justifie d'aucun paiement dans le cadre de l'exécution provisoire ordonnée par le tribunal, ne présente à la cour aucune proposition de plan d'apurement de sa dette qui serait soutenue par une actualisation de sa situation financière. Infirmant le jugement entrepris, il convient en conséquence de rejeter cette demande.

Sur les frais

Aucun critère d'équité ne justifie l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La partie qui succombe doit les dépens.

Par ces motifs, la cour, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a accordé un délai de paiement, Statuant à nouveau de ce seul chef, Rejette la demande de délai présentée par Madame Hadidja Ahamada., Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l' article 700 du Code de procédure civile, Condamne Madame Hadidja Ahamada. aux dépens d'appel recouvrés dans les conditions de l' article 699 du Code de procédure civile.