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Décisions

CA Nancy, 2e ch. civ., 9 février 2012, n° 10-01773

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Euromac 2 (SARL)

Défendeur :

Pierson

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Claude-Mizrahi

Conseillers :

MM. Magnin, Martin

Avocats :

SCP Merlinge Bach-Wassermann Faucheur-Schiochet, SCP Leinster Wisniewski Mouton

TI Nancy, du 18 décembre 2009

18 décembre 2009

Le 31 janvier 2008, M. Olivier Pierson a passé commande à la SARL Euromac 2 de matériaux de construction pour un montant de 21 306,02 euro. Les plans de la construction ayant été modifiés, un nouveau devis a été établi le 18 février 2008 auquel M. Pierson a refusé de donner suite.

Par acte du 18 août 2008, la SARL Euromac 2 a assigné devant le Tribunal d'instance de Nancy M. Pierson aux fins de l'entendre condamner à lui payer la somme de 7 048,03 euro, montant de la clause pénale figurant aux conditions générales de vente apposées au recto du bon de commande, outre une indemnité de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Exposant qu'il a signé le devis litigieux suite à un démarchage à son domicile, M. Pierson a conclu à la nullité du bon de commande qui ne satisfait pas aux prescriptions légales, au rejet des demandes de la SARL Euromac 2 ainsi qu'à sa condamnation à lui payer les sommes de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts et 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 18 décembre 2009, le tribunal a débouté la SARL Euromac 2 de toutes ses demandes, débouté M. Pierson de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné la demanderesse aux dépens.

Pour statuer ainsi, le premier juge a rappelé qu'un contrat de commande conclu consécutivement à la visite d'un agent commercial à domicile relève des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, peu important la circonstance qu'un nouveau bon de commande ait été substitué au bon de commande initial dès lors que cette substitution ne constitue qu'une modification du premier contrat ; que ces dispositions sont applicables alors même que le démarchage a été effectué à la demande du client éventuel, a été accepté au préalable par lui ou précédé de pourparlers ; qu'en l'espèce, le bon de commande qui ne comporte pas les mentions imposées, à peine de nullité, par l'article L. 121-23 du Code de la consommation, est nul.

Suivant déclaration reçue le 18 juin 2010, la SARL Euromac 2 a régulièrement relevé appel de ce jugement dont elle a sollicité l'infirmation, demandant à la Cour, vu les dispositions de l'article 1134 du Code civil, de condamner M. Pierson à lui payer la somme de 7 048,03 euro avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 mars 2008 et capitalisation des intérêts, outre la somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour appel incident tardif et 1 200 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Pierson a conclu au rejet de l'appel principal et formé un appel incident aux fins de voir condamner la SARL Euromac 2 à lui payer la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour pratiques commerciales trompeuses, la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et injustifié, ainsi que 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Il a également demandé que la SARL Euromac 2 soit condamnée à une amende civile ainsi qu'à faire publier à ses frais l'arrêt à intervenir, et qu'à défaut, le ministère public soit autorisé à faire publier l'arrêt aux frais de l'appelante principale.

Sur ce, LA COUR :

Vu les dernières écritures déposées le 17 octobre 2011 par la SARL Euromac 2 et le 24 octobre 2011 par M. Pierson, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Attendu, sur la nullité du contrat, que suivant l'article L. 121-21 du Code de la consommation, est soumis aux dispositions protectrices des articles L. 121-22 à L 121-33, " quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services " ;

Attendu qu'il résulte de l'attestation délivrée le 18 octobre 2011 par M. Frédéric Rentz, qu'il a rencontré, début janvier 2008, dans les locaux de la société de M. Pierson deux commerciaux de la société Euromac 2 venus présenter leurs produits ; qu'à l'issue de cette rencontre, il a été convenu d'un rendez-vous fin janvier sur le site de production de la société Euromac 2 afin de mieux connaître le processus de fabrication ; que M. Claude Pierson, père de M. Frédéric Pierson, ainsi que Mme Sieglinde Pierson, sa mère, ont confirmé que début octobre 2007, puis le 20 novembre de la même année, M. Moxel, représentant la société Euromac 2 est venu à leur domicile, où réside leur fils, pour présenter à celui-ci sa société et conclure un marché pour l'achat de matériels destinés à la construction d'une maison d'habitation ; que les entretiens se sont déroulés en leur présence ;

Attendu que ces attestations sont écrites, datées et signées de la main de leur auteur ; que les témoins y attestent qu'ils ont connaissance qu'elles sont établies en vue de sa production en justice et qu'une fausse attestation de leur part les expose à des sanctions pénales ; qu'y sont jointes les pièces justifiant de leur identité ;

Que ces attestations sont donc conformes aux prescriptions de l'article 202 du Code de procédure civile, contrairement à ce que soutient l'appelante ;

Que, concordants et circonstanciés, les témoignages établissent que des pourparlers ont eu lieu entre les parties, suite au démarchage de la SARL Euromac 2, au domicile ou au lieu de travail de M. Pierson ; qu'il importe peu dès lors que le bon de commande ait été signé dans les locaux de la SARL Euromac 2 ;

Qu'étant rappelé enfin que les conditions générales de vente figurant au dos du bon de commande signé par M. Pierson font expressément mention des dispositions sur le démarchage et la vente à domicile concernant la faculté de renonciation, c'est par une exacte appréciation des éléments de la cause que le premier juge a retenu que les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation étaient applicables au présent litige ;

Attendu sur la régularité du contrat au regard des dispositions impératives de l'article L. 121-23 du Code de la consommation, qu'il sera observé en premier lieu, que M. Pierson a apposé sa signature sur l'exemplaire du bon de commande que produit la société Euromac 2, suivie de la mention par laquelle il 'atteste avoir reçu un exemplaire original des bons de commande signés et le récapitulatif des bons de commande et avoir pris connaissance des conditions de vente au dos' ; que cette mention suffit à établir que ce document lui a été délivré ;

Attendu par ailleurs que s'il est reproduit aux conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande, ainsi qu'exigé par l'article L. 121-23 du Code de la consommation, le texte intégral des articles L. 121-22 à L. 121-26, en revanche, les mentions permettant la mise en œuvre de la faculté de renonciation ne sont pas mises en évidence par des caractères gras ou leur surlignement ;

Qu'en outre et surtout, en infraction avec l'article L. 121-24, le bordereau de rétractation ne peut être détaché de l'ensemble du bon de commande dont il fait partie intégrante dans la mesure où son découpage implique une amputation du corps du contrat ; qu'enfin, les mentions figurant au paragraphe 'annulation de commande' ne sont pas conformes aux prescriptions des articles R. 121-4 et R 121-5 du Code de la consommation ; que si figurent la référence des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation, ainsi qu'une rubrique " conditions " énonçant en lignes distinctes les instructions suivantes : " compléter et signer ce formulaire ", " l'envoyer par lettre recommandée avec avis de réception ", " utiliser l'adresse figurant au dos ", " l'expédier au plus tard le septième jour à partir du jour de la commande ", les mots " lettre recommandée avec avis de réception " ne sont pas en caractères gras ; que de même n'est pas complète et ne figure pas en caractères gras la mention " l'expédier au plus tard le 7ème jour à partir du jour de la commande ou si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le premier jour ouvrable suivant " ; qu'enfin, les indications concernant l'annulation de la commande, soit " la nature de la marchandise ou du service commandé, la date de la commande, le nom du client, l'adresse du client ", ne sont pas portées à raison d'une seule par ligne ;

Attendu que le contrat litigieux est dès lors entaché de nullité ; qu'il ne peut produire aucun effet de sorte qu'il échet de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL Euromac 2 de sa demande ;

Attendu, sur l'appel incident, que M. Pierson qui fait état de pratiques commerciales trompeuses, telles que définies par les articles L. 121-1 et L. 121-1-1 du Code de la consommation, pour solliciter la condamnation de la SARL Euromac 2 au paiement de la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts, ne rapporte pas la preuve que l'appelante principale aurait volontairement gardé le silence sur les droits dont il disposait concernant notamment la faculté de rétractation ou les éléments substantiels du contrat, ainsi le prix ou les conditions de vente et de paiement ;

Qu'il sera relevé à cet égard que figurent au recto du bon de commande signé par M. Pierson le prix, les modalités de paiement, la date et l'adresse de livraison et au verso les conditions générales de vente dont l'intimé a reconnu avoir eu connaissance ;

Que par ailleurs, si ces conditions générales de vente sont insuffisantes à satisfaire aux prescriptions protectrices relatives au démarchage à domicile, il ne peut être soutenu que la faculté de rétractation dont il disposait lui a été dissimulée ;

Qu'il échet de le débouter de ce chef de demande de même qu'il échet de le débouter de sa demande de dommages intérêts pour appel abusif ;

Que certes l'appel de la SARL Euromac 2 n'est pas fondé ; que pour autant les éléments du dossier ne permettent pas de le qualifier d'abusif, l'appelante n'ayant fait qu'exercer son droit au bénéfice du double degré de juridiction en exerçant cette voie de recours ;

Attendu en revanche, que l'équité commande que soit allouée à M. Pierson une indemnité de 1.000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu enfin qu'il n'y a pas lieu, compte tenu des circonstances de la cause, à publication du présent arrêt ;

Attendu que la SARL Euromac 2 qui succombe en ses prétentions sera déboutée de ses demandes de dommages et intérêts et du chef des frais irrépétibles et condamnée aux dépens ;

Par ces motifs - LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, - Reçoit la SARL Euromac 2 en son appel principal et M. Frédéric Pierson en son appel incident contre le jugement rendu le 18 décembre 2009 par le tribunal d'instance de Nancy ; - Confirme ce jugement en toutes ses dispositions ; - Y ajoutant, - Déboute M. Pierson de ses demandes de dommages et intérêts pour pratiques commerciales trompeuses et appel abusif.