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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 23 avril 2012, n° 09-04849

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Boucon

Défendeur :

Serrano (ès qual.) ; SDER 38

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Francke

Conseillers :

Mmes Kueny, Klajnberg

Avoué :

Selarl Dauphin & Mihajlovic

Avocat :

SCP Consom'actes

TGI Grenoble, du 12 oct. 2009

12 octobre 2009

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 5 mars 2008, Isabelle Boucon a commandé auprès de la société SDER 38 une pompe à chaleur pour un prix total de 17 800 euro TTC.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 28 mars 2008, la Sarl SDER 38 a informé Isabelle Boucon que le matériel commandé serait installé entre le 7 et le 21 avril.

Isabelle Boucon se prévalait de l'exercice de son droit de rétractation.

Par acte d'huissier en date du 2 juin 2008, la Sarl SDER 38 a fait assigner Isabelle Boucon sur le fondement des articles L. 121 -21 et suivants du Code de la consommation, 1134 et 1147 du Code civil

La Sarl SDER demandait au tribunal de :

-condamner la défenderesse à lui verser la somme de 17 800 euro augmentée des intérêts à compter du 28 mars 2008 ;

-condamner la même lui payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

-la condamner au paiement d'une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 12 octobre 2009, le Tribunal de grande instance de Grenoble a fait droit pour l'essentiel à ses demandes.

Isabelle Boucon a relevé appel de la décision le 24 novembre 2009.

Elle demande dans le dernier état de ses conclusions de :

" - Dire et juger nul et de nul effet le contrat régularisé le 5 mars 2008 entre elle même et la société SDER 38,

- Subsidiairement, constater que la société SDER 38 a manqué à son obligation préalable d'information et de conseil,

- Constater en tout état de cause le caractère inexécutable du contrat en raison de l'état de l'installation électrique existante,

- Prononcer en conséquence la résolution du contrat pour inexécution,

- Réformer le jugement entrepris, et débouter la société SDER 38 de l'intégralité de ses prétentions,

- Condamner Maître Serrano, es qualités de liquidateur, à lui payer la somme de 4 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel.

- Condamner le même aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la Selarl Dauphin & Mihajlovic, avoués "

Elle a fait assigner la Sarl SDER 38 par procès verbal de recherche du 21 octobre 2010 et Maître Serrano à sa personne en intervention forcée par acte du 30 mars 2010 en sa qualité de liquidateur de la Sarl SDER 38. La jonction a été prononcée.

Le présent arrêt sera réputé contradictoire, Maître Serrano n'ayant pas constitué avoué.

Isabelle Boucon soutient avoir été démarchée par téléphone puis avoir reçu la visite d'un vendeur de la Sarl SDER 38 le 5 mars 2008, avoir alors signé un bon de commande d'une pompe à chaleur pour 17 800 euro TTC, livraison et pose comprises.

Elle soutient avoir procédé à l'annulation de sa commande en retournant à la Sarl SDER 38 le bordereau détachable par lettre simple alors qu'elle aurait du le faire par lettre recommandée avec accusé de réception, que la Sarl SDER 38 a prétendu ne jamais avoir reçue, ce qui lui a permis d'obtenir le jugement attaqué.

Elle invoque la nullité du contrat puisque l'article L. 121-23 prévoit expressément que le contrat doit, à peine de nullité, comporter notamment le texte intégral des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la Consommation.

Qu'en l'espèce, manquent les dispositions suivantes :

- article L. 121-23 : "4° ; désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés "

"5° : ... notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de service "

"6° : ... en cas de vente à tempérament " " ... ainsi que taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé... "

"7°: ...L. 121-26"

- article L. 121-24 : les deux derniers alinéas de cet article ne sont pas reproduits ;

- article L. 121-25 : si le texte reproduit précise bien que le délai de 7 jours est prorogé s'il expire un samedi, dimanche ou un jour férié ou chômé, il ne mentionne toutefois pas, contrairement au texte légal, qu'il est prorogé jusqu'au " premier jour ouvrable suivant ".

qu'ainsi, les dispositions légales des articles L. 121-23 à L. 121-26 n'ont pas été intégralement reproduites, de sorte que le contrat sera jugé nul et de nul effet.

Que de la même manière, les articles R. 121-3 à R. 121-5, auxquels renvoie l'article L. 121-24, précisent les mentions devant figurer sur ce formulaire.

Que l'article R. 121-5 énumère les mentions devant obligatoirement figurer sur le formulaire, dont notamment la mention : " l'expédier au plus tard le 7e jour à partir du jour de la commande ou, si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le 1er jour ouvrable suivant ",

étant encore précisé, que l'article R. 121-5 impose que cette mention soit soulignée ou imprimée en caractères gras dans le formulaire.

Qu'en l'espèce, le formulaire se contente de porter la mention : " l'expédier au plus tard le 7e jour à partir du jour de la commande ".

que le contrat est là encore entaché de nullité.

Elle demande à titre subsidiaire la résolution pour inexécution, puisque la Sarl SDER 38 n'a pas réalisé de diagnostic thermique permettant l'évaluation de la consommation future de chauffage avec des radiateurs, que la fiche technique d'installation est demeuré vierge, que la visite technique prévue le 12 mars 2008, soit à l'intérieur du délai de rétractation, n'a pas été effectuée, qu'enfin le diagnostic effectué le 9 décembre 2009 par EDF montre que son installation électrique est très vétuste et ne peut recevoir une pompe à chaleur.

MOTIFS DE LA DECISION

La référence dans le bon de commande du 5 mars 2008 à la faculté de renonciation de l'article L. 121-25 du Code de la consommation place le contrat sous les règles régissant le démarchage à domicile édictées par les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, aucune des exclusions de l'article L. 121-22 n'étant invoquée.

Ce bon de commande, édité sur une page unique, cantonne la désignation de l'installation de chauffage par pompe à chaleur commandée à l'occasion d'un démarchage à domicile non contesté d'un coût TTC de 17 800 euro à sa marque (SDER HT 13CM) par la seule mention : " Pac Complet Air Eau comprenant kit support mural liaison cuivre pose ".

Ces informations sont manifestement insuffisantes au regard des exigences de l'article L. 121-23 du Code de la consommation qui requiert :

-4° : " désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,

- 5° conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités, et le délai de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services (ici 45 jours).

Ces modalités d'exécution du contrat, complexes compte tenu de l'objet de la commande, sont en l'espèce pour le moins sommaires : rédigées à la main par le représentant commercial, elles sont constituées par des relevés de chiffres de démonstration d'économies d'énergie attendues selon le représentant sous l'intitulé fallacieux de " bilan thermique ", la " fiche technique d'installation " n'est pas renseignée, seul figure sur ce document un croquis grossier qui ne fournit aucune information exploitable, sans aucune précision, rédigé par le même représentant commercial. Ces documents produits par la SDER 38 n'ont été établis qu'en un seul exemplaire, demeuré en possession du vendeur. Ils ne répondent pas compte tenu de l'importance et du caractère technique de ce type d'installation à l'exigence de précision de l'article L. 121-23 4° du Code de la consommation.

Les conditions d'exercice de la faculté de renonciation paraissent enfin ne pas avoir davantage été indiquées à Isabelle Boucon qui est dans ces conditions bien fondée à invoquer la nullité du contrat prévue par l'article L. 121-23 du Code de la consommation pour sanctionner ces manquements.

Le jugement sera ainsi infirmé.

Il apparaît inéquitable de laisser à Isabelle Boucon l'entière charge des frais qu'elle a du engager à l'occasion de la présente procédure.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi, Infirme le jugement du Tribunal de grande instance de Grenoble du 12 octobre 2009, Statuant a nouveau, - prononce la nullité du contrat du 5 mars 2008 entre Isabelle Boucon et la Sarl SDER 38, - déboute la Sarl SDER 38 de ses demandes, - fixe à la somme de 1 800 euro la somme due à Isabelle Boucon par Maître Serrano, en sa qualité de liquidateur de la Sarl SDER 38, - laisse les dépens à la charge de Maître Serrano es qualités et autorise la Selarl Dauphin & Mihajlovic avoués à les recouvrer directement contre lui.