CA Douai, 1re ch. sect. 1, 13 février 2012, n° 11-03557
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Vallier (Epoux)
Défendeur :
3D Fermetures (Sarl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Merfeld
Conseillers :
Mmes Metteau, Doat
Avocats :
SCP Congos, Vandendaele, SCP Deleforge, Franchi
Le 28 octobre 2008 Monsieur Christophe Vallier et son épouse, Madame Annie Deschamps, ont passé commande auprès de la Sarl 3D Fermetures, exerçant sous l'enseigne Select Fermetures, de la fourniture et de la pose d'une véranda pour un montant de 41 587,93 euro.
Les acquéreurs se sont acquittés de deux acomptes par chèques l'un d'un montant de 4 158,93 euro encaissé en février 2009, l'autre d'un montant de 8 117,58 euro encaissé en avril 2009.
Par courrier du 6 mars 2009 les époux Vallier ont demandé la résiliation du contrat et la restitution du premier acompte qui venait d'être encaissé, invoquant d'une part la non obtention du prêt destiné à financer l'opération et d'autre part le défaut d'attestation de l'architecte nécessaire à la délivrance du permis de construire.
N'ayant pu obtenir satisfaction ils ont saisi le Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer par assignation du 28 octobre 2009 sollicitant l'annulation du contrat pour non respect des articles 1134 et suivants du Code civil et L. 121-23 du Code de la consommation sur le démarchage à domicile, la restitution des acomptes versés et des dommages-intérêts.
A titre subsidiaire ils ont demandé la résiliation judiciaire du contrat avec paiement de dommages-intérêts.
Par jugement du 16 novembre 2010 le tribunal les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés à verser à la société 3D Fermetures la somme de 750 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les époux Vallier ont relevé appel de ce jugement le 13 décembre 2010.
Par conclusions du 19 mai 2011 ils demandent à la cour de l'infirmer, à titre principal de prononcer la nullité du contrat pour dol ou non respect des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, à titre subsidiaire de dire que le bon de commande n'était qu'une offre d'achat, faute de confirmation par la société et sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt, en conséquence dire régulière la demande de résiliation des époux Vallier.
Ils demandent la condamnation de la société 3D Fermetures à leur restituer les deux acomptes d'un montant de 12 302,58 euro, avec intérêts au taux légal à compter des conclusions d'appel.
Ils sollicitent en outre sa condamnation à leur verser la somme de 13 302,58 euro à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de conseil et une indemnité de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils soutiennent :
- que dès le début des relations commerciales ils ont indiqué qu'ils auraient recours à un crédit pour mener leur projet à bien, que lors de la signature du bon de commande la société 3D Fermetures leur a proposé un contrat de crédit affecté en rédigeant deux simulations de prêt, qu'ils ont préféré se tourner vers leur banque, que cependant le représentant de la société leur a fait signer un bon de commande au comptant en leur déclarant que le modèle de véranda choisi ne serait plus en stock si une option n'était pas bloquée, qu'ils pensaient qu'ils pourraient revenir sur leur engagement si le prêt sollicité auprès de leur banque était refusé, que le représentant de la société 3D Fermetures a sciemment omis de les informer que cela ne serait pas possible, ce qui constitue une réticence dolosive,
- qu'ils ont été contactés téléphoniquement par la société 3D Fermetures, qu'éventuellement intéressés par une véranda, ils ont accepté de recevoir la visite d'un représentant de la société, qu'après la prise des mesures ils ont à nouveau été sollicités à leur domicile pour la signature du bon de commande, que le bon de commande signé comporte au verso les dispositions des articles L. 121-21 à L. 121-26 du Code de la consommation, ainsi que le formulaire de rétractation, ce qui en toute hypothèse emporte soumission à la réglementation sur le démarchage à domicile, que le contrat ne comporte pas les mentions exigées à peine de nullité par l'article L. 121-23 : adresse du lien de conclusion du contrat, délais de livraison, détail des marchandises et de la facture,
- que la société 3D Fermetures ne les a pas informés sur l'incidence de la non obtention du crédit sollicité et de l'obligation de recours à un architecte pour la demande de permis de construire, engageant ainsi sa responsabilité, que cette faute leur a occasionné un préjudice matériel de 12 302,58 euro et un préjudice moral qui peut être évalué à 1 000 euro.
La société 3D Fermetures a conclu le 4 octobre 2011 à la confirmation du jugement et à la condamnation des époux Vallier à leur verser la somme de 2 000 euro.
Elle réplique :
- que lors de la signature du bon de commande les époux Vallier ont prévu un règlement comptant, que le rendez-vous avec la banque a eu lieu le 12 novembre 2008 postérieurement à la signature du bon de commande, qu'aucune précipitation ne peut lui être reprochée, que les époux Vallier n'apportent pas la preuve d'une manœuvre ou d'une réticence dolosive,
- que le contrat litigieux n'est pas un contrat de vente à domicile puisque les époux Vallier se sont rendus au point de vente d'Amiens, ce qui a entraîné bien évidemment le déplacement de Monsieur Dozinel à leur domicile afin de prendre les mesures et concrétiser le bon de commande,
- que les époux Vallier ont probablement contracté avec un autre fournisseur et souhaitent se désengager du premier contrat signé,
- qu'ils ne justifient d'aucun préjudice.
SUR CE :
1°) sur le dol
Attendu que le contrat conclu le 28 octobre 2008 par les époux Vallier et la société 3D Fermetures exerçant à l'enseigne Select Fermetures porte sur la fourniture et la pose d'une véranda pour une somme de 41 587,93 euro,
que le contrat prévoit que le règlement sera effectué au comptant payable comme suit : un premier acompte de 10 % 4 158,79 euro, un deuxième acompte de 20 % 8 317,58 euro, 27 032,14 euro au démarrage du chantier et un solde de 5 % 2 079,42 euro,
que les époux Vallier ont payé les deux premiers acomptes par chèques ;
qu'il résulte du courrier de la Caisse d'Epargne de Picardie en date du 28 mai 2009 les informant du refus de leur demande de prêt que ce n'est que le 12 novembre 2008, soit après la signature du contrat, qu'ils se sont présentés à la banque pour déposer cette demande ;
Attendu que selon l'article 1116 du Code civil le dol ne se présume pas et il doit être prouvé ;
que les époux Vallier qui invoquent une réticence dolosive de la société venderesse procèdent par simple affirmation dénuée de tout élément probant ; que la cour ne voit pas dans leur pièce n° 11 (liste manuscrite de pièces à fournir pour un prêt) la preuve de l'existence du dol allégué ;
2°) sur le non respect de la législation sur le démarchage à domicile
Attendu que l'article L. 121-21 du Code de la consommation prévoit qu'est soumis à la législation sur le démarchage à domicile quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services;
que dès lors il importe peu de savoir si le représentant de la SCI 3D Fermetures s'est rendu au domicile des époux Vallier après les avoir contactés téléphoniquement ainsi que ceux-ci le prétendent ou après avoir reçu leur visite dans son magasin d'Amiens ainsi que la société venderesse l'affirme ;
que la société 3D Fermetures écrit dans ses conclusions que Monsieur Dozinel s'est déplacé au domicile des époux Vallier afin de pouvoir prendre les mesures et concrétiser le bon de commande ;
qu'il est mentionné dans le contrat au paragraphe " signature du client " que l'acte a été signé par celui-ci le 28 octobre 2008 à Rivery, lieu du domicile des époux Vallier,
que la société 3D Fermetures ne justifie pas que l'action commerciale se serait réalisée antérieurement à la signature dans un lieu destiné à la vente ;
qu'il convient d'ailleurs de relever que le contrat reproduit intégralement les dispositions légales sur le démarchage à domicile et comporte tel qu'exigé par l'article L. 121-24 du Code de la consommation le formulaire détachable d'annulation de commande permettant au client, pour les ventes suite à un démarchage à domicile, de renoncer à sa commande dans un délai de sept jours en application de l'article L. 121-25 ;
qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le contrat est soumis à la loi sur le démarchage à domicile,
Attendu que conformément à cette législation et plus spécialement à l'article L. 121-23 du Code de la consommation le contrat remis au client doit comporter, à peine de nullité, les conditions d'exécution du contrat et notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services ;
que le contrat conclu par les époux Vallier et la société 3D Fermetures ne comporte aucun délai de livraison des éléments commandés, ni d'exécution des travaux de pose ; qu'il n'est donc pas régulier au regard de l'article L. 121-23 dont le non respect est sanctionné par la nullité,
qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement, d'annuler le contrat et de condamner la société 3D Fermetures à restituer aux époux Vallier les sommes de 4 185 euro et 8 117,58 euro soit 12 302,58 euro au total, versées à titre d'acomptes, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2011, date des conclusions devant la cour, conformément à la demande ;
3°) sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil
Attendu que les époux Vallier qui invoquent le manquement de la société 3D Fermetures à son obligation d'information et de conseil demandent en réparation une somme de 13 302,58 euro à titre de dommages-intérêts ;
que cette somme est constituée, pour 12 302,58 euro, du montant des acomptes dont la cour a déjà ordonné la restitution après avoir annulé le contrat et pour 1 000 euro d'une indemnité demandée pour un préjudice moral dont il n'est pas justifié et dont les éléments ne sont d'ailleurs pas caractérisés ;
que la demande de dommages-intérêts doit être rejetée ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des époux Vallier les frais irrépétibles qu'ils ont dû exposer en la procédure ; que la société 3D Fermetures sera condamnée à leur verser la somme de 1 800 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
que succombant en ses prétentions elle sera déboutée de sa demande sur le même fondement, le jugement devant être infirmé en ce qu'il lui a alloué une indemnité de procédure en première instance ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant contradictoirement, Infirme le jugement et statuant à nouveau, Annule le contrat conclu le 28 octobre 2008 par la Sarl 3D Fermetures et Monsieur et Madame Vallier, Condamne la société 3D Fermetures à restituer à Monsieur et Madame Vallier la somme de 12 302,58 euro montant, des acomptes versés, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2011, Déboute les époux Vallier de leur demande de dommages-intérêts, Déboute la société 3D Fermetures de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne aux dépens de première instance et d'appel, La condamne en outre à verser aux époux Vallier la somme de 1 800 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.