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Décisions

CA Chambéry, 2e ch., 2 février 2012, n° 10-00013

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Reverdy (ès qual.), Smart Gestion - Apteo (SARL), Bauland (ès qual.), Smart Gestion (SARL)

Défendeur :

N'gomba

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme De la Lance

Conseillers :

Mme Mertz, M. Allais

Avoués :

SCP Dormeval - Puig, SCP Forquin - Remondin

Avocats :

Mes De Certeau, Bosson

TI Saint-Julien-en-Genevois, du 9 nov. 2…

9 novembre 2009

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :

La société Smart Gestion Apteo qui commercialise des services de connexion internet et de téléphonie a confirmé le 15 octobre 2007 l'inscription de Madame Valérie N'gomba pour son service "Apteo Perso à la seconde" pour sa ligne téléphonique suite à la régularisation de son bulletin de souscription pour la formule "Perso Fizz" le 14 octobre 2007.

Madame Valérie N'gomba indique avoir reçu à son domicile le 4 octobre 2007 la visite de deux personnes se prétendant envoyées par la mairie de Gaillard (74) pour proposer aux bénéficiaires du RMI une offre particulièrement intéressante de téléphonie.

Elle dit avoir refusé de souscrire l'abonnement puisqu'elle venait de contacter France Télécom, et fait valoir qu'elle s'est contentée de répondre aux questions des démarcheurs sans signer aucun bulletin de souscription.

Le 15 octobre 2007, elle a reçu d'Apteo la confirmation d'une souscription puis chaque mois depuis cette date une facture, la dernière facture atteignant au mois de juillet 2009, la somme de 1 683,02 euro.

Devant le refus de Madame Valérie N'gomba de régler cette somme, la société Smart Gestion Apteo a obtenu le 9 juillet 2008 une ordonnance portant injonction de payer pour la somme de 1 563,02 euro rendue par le juge de proximité d'Annemasse.

Madame Valérie N'gomba a régulièrement formé opposition à cette ordonnance par déclaration au greffe de la juridiction le 30 mars 2009.

Par jugement réputé contradictoire du 9 novembre 2009, la juridiction de proximité de Saint-Julien en Genevois-greffe détaché d'Annemasse, a :

- reçu l'opposition de Madame Valérie N'gomba, l'a dit régulière et a annulé l'ordonnance contestée,

- prononcé la nullité pour dol du bulletin de souscription présenté le 4 octobre 2007 par deux représentants de la société Smart Gestion Apteo à Madame Valérie N'gomba à son domicile, ainsi que du contrat de téléphonie subséquent,

- débouté la société Smart Gestion Apteo de sa demande en paiement des factures émises pour un total de 1 563,02 euro,

- condamné la société Smart Gestion Apteo à payer à Madame Valérie N'gomba la somme de 1 500,00 euro à titre de dommages et intérêts ainsi qu'aux entiers dépens de première instance.

Par déclaration du 5 janvier 2010, la société Smart Gestion Apteo a interjeté appel de la décision.

Par arrêt avant dire droit du 17 février 2011, la Cour d'appel de Chambéry a :

- invité les parties à communiquer les documents suivants :

> l'original du bulletin de souscription Apteo daté du 14 octobre 2007,

> l'original du document d'identité de Madame Valérie N'gomba,

> l'original du titre de séjour de Madame Valérie N'gomba,

> les originaux de tous documents authentiques ou sous seings privés portant la signature de Madame Valérie NGOMBA et portant des dates antérieures au 4 octobre 2007.

Par jugement du 14 juin 2011, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé le redressement judiciaire de la société Smart Gestion Apteo et a désigné la Selarl Bauland-Gladel-Martine en qualités d'administrateur judiciaire.

Le jugement d'ouverture de la procédure a été publié au BODACC le 30 juin 2011.

Par conclusions récapitulatives du 24 novembre 2011, la société Smart Gestion Apteo demande à la cour de :

- reformer le jugement rendu,

- condamner Madame Valérie N'gomba à lui payer la somme de 1 563,02 euro outre intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2008, date de la lettre de mise en demeure,

- débouter Madame Valérie N'gomba de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Madame Valérie N'gomba à lui payer une indemnité de 1 000,00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SCP Dormeval-Puig, avoués à la Cour conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

A l'appui de son appel elle expose que Madame Valérie N'gomba ne peut contester la validité de son engagement dans la mesure où elle reconnaît avoir porté elle même la signature figurant sur le bon de souscription, qu'elle ne rapporte nullement la preuve qu'elle aurait été victime de manœuvres dolosives de la part de la société Smart Gestion Apteo, qu'elle est bien à l'origine des consommations téléphoniques qui lui ont été facturées, que sa maîtrise de la langue française est totale, qu'enfin n'ayant pas déclaré sa créance à la procédure collective, elle est forclose pour prétendre à voir fixer sa créance au passif de la société.

Elle précise enfin, à la suite des documents de comparaison versés aux débats, que Madame Valérie N'gomba ne reproduit jamais la même signature d'un acte à l'autre.

De son côté, par conclusions récapitulatives du 23 septembre 2010, Madame Valérie N'gomba demande à la cour de :

- prononcer la nullité du bulletin d'inscription et de l'engagement contractuel subséquent pour dol,

- débouter la société Smart Gestion Apteo de sa demande en paiement,

- condamner la société Smart Gestion Apteo à lui payer la somme de 1 500,00 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamner la société Smart Gestion Apteo aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Elle indique qu'elle n'a pas signé le bulletin de souscription, que la comparaison entre le signe apposé sur le bulletin de souscription (O barré) et la signature figurant sur les autres documents de comparaison qu'elle produit le prouve.

Elle précise qu'elle ne maîtrise pas la langue française, surtout à l'écrit, qu'elle n'a pas compris les documents reçus ultérieurement d'Apteo, qu'elle a bien été victime d'un dol.

Elle conteste enfin les relevés de communications produits.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 décembre 2011.

Sur quoi, LA COUR :

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées et régulièrement communiquées ;

Attendu que conformément à l'article 287 du Code de Procédure Civile, si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte ;

Attendu qu'en l'espèce suite à la contestation par Madame Valérie N'gomba de sa signature portée sur le bulletin de souscription du 4 octobre 2007, la Cour d'appel de Céans a ordonné la communication aux débats et en original de divers documents antérieurs à la date de souscription contestée et portant la signature de l'intimée ;

Attendu qu'il résulte des éléments de comparaison versés aux débats, (copie du titre de séjour de Madame Valérie N'gomba, annexe de son contrat de travail du 6 janvier 1992, état des lieux du 30 août 2007), que la signature figurant sur le bulletin de souscription du 4 octobre 2007 ne correspond nullement aux signatures portées sur les documents de comparaison ;

Qu'à l'inverse la signature portée sur les trois documents de comparaison sont parfaitement identiques, qu'il ne peut donc être soutenu que la signature de Madame Valérie N'gomba varie d'un acte à l'autre ;

Attendu que la société Smart Gestion fait valoir que nonobstant cette différence de signature, Madame Valérie N'gomba se trouverait néanmoins engagée au regard de sa volonté réelle de souscrire à l'offre qui lui était proposée ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que les représentants de la société Smart Gestion se sont présentés au domicile de Madame Valérie N'gomba, comme étant envoyés par la Mairie de la Ville de Gaillard pour proposer aux bénéficiaires du RMI une offre de téléphonie spécifique et attrayante ;

Attendu qu'une telle action constitue en réalité une pratique de démarchage à domicile soumise à des règles strictes de protection du consommateur, qui en l'espèce n'ont pas été respectées ;

Qu'en effet la société Smart Gestion ne justifie pas avoir satisfait aux obligations imposées par les dispositions d'ordre public prévues aux articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, notamment par la délivrance d'une information précise sur la nature et les caractéristiques des services proposés, les conditions d'exécution du contrat et ses modalités de renonciation ;

Attendu que si effectivement les conditions générales d'utilisation figurent bien au recto de l'offre de souscription, il est également avéré que Madame Valérie N'gomba qui est de nationalité Congolaise et qui maîtrise difficilement la langue française, n'était pas en mesure de comprendre la portée exacte d'un tel engagement ;

Attendu qu'en effet Madame Valérie N'gomba maintient dans ses écritures que le démarchage de la société Smart Gestion n'avait pour objectif que de l'informer d'une offre spécifique de téléphonie et qu'elle n'avait nullement l'intention d'y souscrire ;

Attendu que cette absence de volonté de souscrire à une nouvelle offre de téléphonie est parfaitement justifiée dans la mesure où Madame Valérie N'gomba avait, quinze jours auparavant, soit le 18 septembre 2007, contracté avec la société France Télécom pour la mise en service d'une ligne téléphonique et qu'elle avait utilisé cette ligne dès sa mise en service (courrier de France Télécom et factures détaillées de septembre 2007 à avril 2009) ;

Attendu que la société Smart Gestion fait valoir enfin que les relevés des consommations de Madame Valérie N'gomba émanant de sa ligne ouverte chez Apteo font présumer de la réalité de l'utilisation du téléphone par le souscripteur et des communications passées par lui ;

Attendu que Madame Valérie N'gomba produit quant à elle ses relevés de consommation auprès de France Télécom pour la même période, que dès lors la présomption invoquée par la société Smart Gestion cède devant la preuve rapportée par Madame Valérie N'gomba qu'elle ne peut être à l'origine des consommations très importantes qui lui ont été facturées par la société Smart Gestion ;

Attendu qu'il convient dès lors pour l'ensemble de ces raisons, la preuve que Madame Valérie N'gomba a effectivement signé et sciemment consenti à l'offre de téléphonie du 4 octobre 2007 n'étant pas rapportée, de confirmer le jugement qui a prononcé la nullité du contrat et qui a débouté la société Smart Gestion de sa demande en paiement ;

Attendu que la demanderesse ne justifie pas avoir subi du fait de la mauvaise foi de la société défenderesse un préjudice moral spécifique, qu'il y a donc lieu de rejeter sa demande de dommages et intérêts et d'infirmer le jugement sur ce point ;

Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité, la société Smart Gestion succombant par ailleurs à ses prétentions, de la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement de la Juridiction de Proximité de Saint-Julien en Genevois-Annemasse du 9 novembre 2009 en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne l'allocation de dommages et intérêts, Statuant à nouveau sur ce point, Déboute Madame Valérie N'gomba de sa demande à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, Y ajoutant, Déboute la société Smart Gestion de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en instance d'appel, Condamne la société Smart Gestion aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.