Cass. crim., 24 mars 2009, n° 08-84.073
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Farge
Avocats :
SCP Vuitton, Ortscheidt
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : - X, - Y, parties civiles, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 21 mai 2008, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Z, A et de la société A du chef d'infractions au Code de la consommation ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-21, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-26 et L. 121-28 du Code de la consommation, 2, 3, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Z, A et la société B des chefs de demande d'obtention de paiement ou d'accord avant la fin d'un délai de réflexion et de remise d'un contrat non conforme au client lors d'un démarchage à domicile ou dans un lieu non destiné au commerce de bien ou service proposé et, en conséquence, a débouté X et Y, parties civiles, de leurs demandes ;
" aux motifs que Y, médecin dermatologue, exerce dans une clinique esthétique située à Paris, X est la gérante de la société exploitant cette clinique et son époux en est le directeur ; que le docteur Y, ayant confié qu'il avait des difficultés à s'habiller, l'une des employées de la clinique lui indiquait que Z, compagne de A, lequel travaillait comme opérateur laser dans l'établissement, vendait des vêtements sur mesure ; qu'après que A ait présenté sa compagne au cours d'une visite à la clinique, aux différents intervenants, un premier rendez-vous était pris entre le docteur Y et Z, afin de prendre ses mesures et de choisir un tissu, étant précisé qu'un " toiliste " a ensuite été chargé de fabriquer un modèle et qu'un tailleur a ensuite réalisé le pantalon ; qu'après deux rendez-vous préalables et un essayage de pantalon, A a livré le vêtement à Y en lui demandant de remettre deux chèques, l'un pour la société B, l'autre pour le tailleur, d'un montant respectif de 508, 30 euro et de 1 112, 58 euro, ce que le client a fait ; qu'il a reçu ensuite, le 20 décembre 2006, une facture de la société B pour un montant de 1 112, 58 euro ; qu'à aucun moment, au cours de ces différentes opérations, le docteur Y n'a contesté le prix ou la confection du pantalon, qu'il a conservé ; qu'apprenant que Z vendait des vêtements sur mesure et que le docteur Y lui avait passé commande, X prenait un premier rendez-vous au cours duquel Z lui présentait son catalogue ; qu'elle se choisissait un pantalon en agneau et un manteau en cashmere ; que, par la suite, plusieurs rendez-vous étaient pris pour prendre les mesures, puis pour l'essayage des vêtements ; qu'un devis lui était adressé, à sa demande et le prix fixé à 6 518, 15 euro toutes taxes comprises ; que X versait à Z deux acomptes d'un montant respectif de 1 500 et de 1 512 euro au cours du mois de décembre 2006 ; que, par la suite, X faisait des difficultés pour la livraison des vêtements, ne souhaitant pas qu'elle se fasse à la clinique ; que Z lui adressait, le 21 décembre 2006, une facture conforme au devis, le solde à verser étant de 3 506, 15 euro ; que, par lettre recommandée adressée le 18 janvier 2007 à Z, X, qui, jusque-là, n'avait fait aucune objection au contrat, lui demandait le remboursement des sommes versées en acompte, une proposition de contrat faisant courir le délai de rétractation de sept jours prévu en cas de démarchage à domicile ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que, si A a présenté sa compagne, Z, lors d'une visite à celle-ci à la clinique et si le docteur Y, comme X, ont appris qu'elle avait créé une société ayant pour objet la fabrication et la vente de vêtements haut de gamme sur mesure, ils ont sollicité Z afin que celle-ci leur fasse des propositions ; que, par la suite, Z a proposé à l'un comme à l'autre de ces clients un choix de tissus et de modèles, ils ont commandé des vêtements et l'exécution des contrats s'est poursuivie, ponctuée de prises de mesures et d'essayages, sans que l'une ou l'autre des parties civile ne fasse d'objection ; que, dès lors, il ne s'agit pas de ventes à domicile, le processus contractuel s'étant poursuivi pendant plusieurs semaines et les parties civiles ayant eu toute liberté pour mettre fin au contrat avant que les vêtements commandés eussent été entièrement confectionnés ;
1) alors qu'est constitutif du démarchage à domicile le fait de démarcher une personne physique à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat de biens ; que la cour d'appel ne pouvait donc décider que les ventes considérées ne constituaient pas des démarchages à domicile après avoir constaté qu'elles avaient eu lieu dans la clinique où travaillaient Y et X, après déplacement de la venderesse, Z, présentation par elle d'un catalogue de vêtements et prise des mesures pour les confectionner ;
2) alors que l'article L. 121-21 du Code de la consommation est applicable à quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail pour proposer la vente, la location ou la location-vente de marchandises ou objets quelconques ou pour offrir des prestations de service, alors même que ce démarchage a été effectué à la demande d'un éventuel client, a été accepté au préalable par ce dernier ou a été précédé d'une entrevue au cours de laquelle aucun engagement n'a été souscrit par l'intéressé ; qu'en statuant comme elle l'a fait au motif que Y, comme X, " ont sollicité Z afin que celle-ci leur fasse des propositions ", la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
3) alors, en toute hypothèse, que, lorsque le professionnel se déplace sur le lieu de travail à la demande du consommateur, pour y vendre un bien, il y a démarchage s'il prend l'initiative des pourparlers qui se transforment en offre, puis en contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si l'engagement des parties civiles n'avait pas été déterminé par les déplacements sur leur lieu de travail et les initiatives prises par Z lors de ces déplacements, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen ;
4) alors, en toute hypothèse, qu'il y a démarchage lorsque la vente est réalisée sur le lieu de travail du consommateur, après présentation de ce professionnel par un tiers qui a préalablement prospecté la clientèle pour son compte ; qu'il résulte des constatations du jugement et de l'arrêt, que A a mis en relation le docteur Y et X avec Z, représentant la société B, ayant pour objet la confection et la vente de vêtement sur mesure et que celle-ci, pour conclure les ventes, a obtenu un rendez-vous avec eux afin de leur proposer la confection de vêtements sur mesure ; qu'en ne s'expliquant sur ces circonstances d'où il résultait que les parties civiles avaient été démarchées par A au profit de Z, représentant la société B, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen ;
Vu les articles L. 121-21, L. 121-23 et L. 121-28 du Code de la consommation ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes, qu'est soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 du Code susvisé, quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de service ;
Attendu qu'il résulte notamment de l'arrêt attaqué qu'ayant appris par A que sa compagne Z, gérante de la société B, offrait la fabrication sur mesure de vêtements haut de gamme, X et Y ont sollicité celle-ci pour qu'elle leur fasse des propositions ; qu'après leur avoir été présentée sur leur lieu de travail, Z y est revenue avec son catalogue et a reçu leur commande respective ; que les parties civiles, qui n'ont pas signé le contrat prévu à l'article L. 121-23, ont versé des acomptes sur le prix des vêtements à recevoir ;
Attendu que les parties civiles ont fait citer A, Z et la société B devant le tribunal correctionnel pour répondre du délit prévu et puni par l'article L. 121-28 ; qu'ils ont été condamnés par les premiers juges ;
Attendu que, pour relaxer les prévenus et débouter les parties civiles de leurs demandes, l'arrêt retient que les faits ne constituent pas des ventes à domicile, le processus contractuel s'étant poursuivi pendant plusieurs semaines et les parties civiles ayant eu toute liberté pour mettre fin au contrat avant que les vêtements commandés aient été entièrement confectionnés ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants et alors qu'il résulte de ses propres constatations que le principe et les conditions essentielles de l'achat des vêtements avaient été arrêtés au lieu de travail des parties civiles, où Z s'était rendue à leur demande, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs : LA COUR - Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 21 mai 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, sur les seuls intérêts civils, - Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.