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Décisions

Cass. com., 22 mai 2012, n° 11-18.124

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

Me Blondel, SCP Didier, Pinet, SCP Vincent, Ohl

Cass. com. n° 11-18.124

22 mai 2012

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 février 2011, RG n° 09-06538), que la coopérative Saveol (la coopérative) a acheté en 2002 à la société Agri semences, des semences de tomates, que celle-ci avait achetées à la société Euroseed Trade BV ; que la coopérative a revendu ces semences à la société Val d'Or Plants et à la société Tecnosem, productrices de plants de tomates, qui ont vendu les plants, à la fin de l'année 2002, à divers producteurs, dont la société Kerleroux ; que les producteurs ont constaté début 2003 que les plants étaient affectés d'une maladie virale ; qu'en février 2003, la coopérative a assigné les producteurs, les sociétés Val d'Or Plants et Tecnosem devant le juge des référés pour obtenir la désignation d'un expert qui a déposé son rapport le 18 avril 2006 ; que le 29 avril 2008, la société Kerleroux a assigné en paiement de diverses sommes les sociétés Val d'Or Plants et Tecnosem qui ont appelé en garantie la coopérative ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la coopérative fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevables les actions récursoires en garantie des vices cachés formées par les sociétés Val d'Or Plants et Tecnosem à son encontre, alors, selon le moyen, que le point de départ du bref délai applicable à l'action récursoire en garantie des vices cachés exercée par le vendeur intermédiaire à l'encontre de son propre fournisseur court du jour de la mise en cause de ce vendeur intermédiaire par le client final ; que ce point de départ correspond donc à l'accomplissement, par le client final, de la diligence interruptive de la prescription de sa propre action contre le vendeur intermédiaire ; que la cour ayant décidé que la prescription applicable à l'action initiale en garantie formée par les maraîchers à l'encontre des producteurs de pieds de tomates s'était trouvée utilement interrompue par les diligences qu'ils avaient accomplies au cours de la procédure de référé-expertise, celle-ci ne pouvait ensuite reporter jusqu'au jour de l'assignation au fond des maraîchers le point de départ du bref délai applicable à l'action récursoire en garantie formée à l'encontre de la coopérative Saveol ; que la cour a donc violé l'article 1648 du Code civil, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 ;

Mais attendu que le bref délai dont dispose le vendeur pour exercer l'action récursoire en garantie à l'encontre de son fournisseur ne court pas de la date de l'assignation en référé-expertise dont l'objet tend à déterminer les causes du dommage invoqué par l'acquéreur mais de la date de l'assignation au fond du vendeur, qui marque la volonté de l'acquéreur de mettre en œuvre la garantie du vice caché ; qu'ayant constaté que les sociétés avaient été assignées au fond le 29 avril 2008 et que par acte du 21 mai 2008, elles ont appelé en garantie la coopérative, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action récursoire, exercée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce, était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la coopérative fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à garantir les sociétés Val d'Or Plants et Tecnosem des condamnations prononcées à leur encontre, ensemble de l'avoir également condamnée à les indemniser de leur préjudice personnel, alors, selon le moyen : - 1) que, la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer aux autres parties à l'instance ; que cette communication étant de droit, elle ne peut s'y soustraire en prétendant que son contradicteur est déjà en possession du document en cause ; qu'en estimant que la coopérative Saveol était mal fondée à se plaindre du défaut de communication du rapport d'expertise judiciaire de M. X, sur lequel les juges se sont pourtant largement fondés, motif pris de la communication qui lui aurait été nécessairement faite de ce rapport dans le cadre de la procédure d'expertise qu'elle avait initiée, la cour viole, par refus d'application, l'article 132 du Code de procédure civile, ensemble les articles 15 et 16 du même Code et l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; - 2) qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Saveol, qui faisait valoir qu'aucune pièce justificative n'avait été versée aux débats à l'effet d'établir le circuit commercial des semences litigieuses, depuis leur production jusqu'à la revente des plants à différents producteurs, la cour entache sa décision d'une insuffisance de motifs, violant les articles 455 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu, d'une part, qu'en l'absence d'incident au sens de l'article 133 du Code de procédure civile, les conclusions se bornant à alléguer un défaut de communication de pièces étaient inopérantes ; que dès lors, la cour d'appel a, sans violer le principe de la contradiction ni l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt constate par motifs propres et adoptés, que la coopérative était partie à la procédure de référé désignant l'expert pour l'avoir initiée et a eu pleine connaissance du rapport d'expertise et qu'à ce rapport sont annexées toutes les pièces produites aux débats ; qu'il relève ensuite que la coopérative a acheté à la société Agri semences un lot n° 377 131 211 1 F qu'elle a revendu aux sociétés Tecnosem et Val d'Or Plants ; qu' appréciant souverainement la portée des preuves qui lui étaient soumises, l'arrêt retient enfin que les analyses réalisées ont démontré que ces semences livrées dans des sacs hermétiquement clos, étaient contaminées par le virus de la mosaïque du Pépino, lequel est à l'origine du sinistre ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument omises, a sans violer l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus.

Par ces motifs : Rejette le pourvoi .