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Décisions

CA Agen, ch. corr., 12 février 2009, n° 07-00513

AGEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme O'Yl

Conseillers :

Mmes Marguery, Martres

Avocat :

Me Mascaras

TGI Auch, du 18 oct. 2007

18 octobre 2007

ARRET

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 7 août 2006, Mme Esquerra, âgée de 58 ans, se présentait à la gendarmerie de Marciac pour y déposer plainte pour escroquerie. Elle expliquait qu'en écoutant la station RDM Radio Mirande, elle avait entendu une voyante que son fils avait par la suite contactée. Ses prévisions étaient essentiellement négatives et son fils avait été amené à lui verser un certain nombre de sommes pour conjurer le sort. Elle chiffrait le montant total des sommes ainsi versées à la somme de 23 933 euro, qu'elle avait versé entre le 19 mai 2006 et le 7 juillet 2006.

Le 11 août 2006, Mme Duffau, âgée de 58 ans, se présentait également à la gendarmerie pour y déposer plainte pour des faits similaires à l'encontre de cette voyante identifiée comme étant X. Elle estimait son préjudice à la somme de 8 970 versée entre le 3 mai 2006 et le 23 juin 2006.

Jean-Michel Esquerra confirmait les déclarations de sa mère et indiquait que si dans un premier temps, les prédictions de la voyante étaient vraies, celle-ci l'avait ensuite contacté à plusieurs reprises pour l'informer de "malheurs" et en demandant le versement de sommes importantes pour enrayer le sort.

L'enquête permettait d'établir que X exerçait une activité bénévole d'animateur d'une émission de voyance à la station de radio RDM. Cela lui permettait d'entrer en contact avec un certain nombre de personnes qu'elle rencontrait ensuite soit dans un local mis à sa disposition par la station de radio, soit dans un hôtel.

Les services de la répression des fraudes estimaient au vu des éléments recueillis que l'activité de Mme X était une activité commerciale, et que, démarchant ses futurs clients au moyen d'une publicité faite sur les ondes de la station RDM, elle devait se soumettre aux dispositions du Code de la consommation sur le démarchage à domicile. Or, en l'espèce, elle n'établissait pas de contrat contenant le formulaire de rétractation, et n'avisait pas les clients de leur faculté de rétractation dans les 7 jours. En outre, elle percevait des sommes avant l'expiration de ce délai, n'établissait pas de note mentionnant le prix de la prestation rendue, et ne respectait pas les règles d'information du consommateur sur les prix et conditions de vente des services qu'elle proposait, Monsieur Bonnet, gérant de la station RDM à Mirande, pouvait être poursuivi pour complicité de démarchage à domicile.

X contestait les infractions qui lui étaient reprochées en indiquant qu'elle ne se livrait pas à une activité commerciale et qu'elle était totalement ignorante de la législation sur le démarchage à domicile. Lors de son inscription à l'Urssaf en avril 2006, elle n'avait pas été informée de ses obligations en la matière.

Elle était citée devant le Tribunal correctionnel d'Auch pour infractions à la législation sur le démarchage à domicile, s'agissant de la remise d'un contrat, de l'absence de formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans le délai de 7 jours de la commande, de l'absence de remise d'un contrat précisant les modalités d'exercice de la faculté de renonciation dans les 7 jours et de la vente d'un bien ou prestation de service sans respect des règles d'information du consommateur sur les prix et conditions de vente.

Par décision en date du 18 octobre 2007, le tribunal a déclaré X coupable de l'ensemble des faits qui lui était reprochés, et l'a condamnée à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve outre la peine de 500 euro d'amende.

Sur l'action civile, le tribunal a déclaré Jean-Michel Esquerra, Anne Esquerra et Marie-France Duffau irrecevables en leur demande s'agissant de leur préjudice financier, et a condamné X à leur payer à chacun la somme de 2 000 euro au titre de leur préjudice moral et 200 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Poursuivi pour complicité du délit de démarchage à domicile, Christophe Bonnet a été renvoyé des fins de la poursuite.

Le 24 octobre 2007, X a relevé appel des dispositions pénales de cette décision. Le ministère public a relevé appel incident.

Devant la cour, X a donné mandat à son conseil de la représenter.

Le ministère public a requis conformément à la loi.

X demande à la cour de la relaxer des fins de la poursuite. Elle soutient notamment qu'elle n'exerçait pas une activité commerciale, qu'elle était inscrite à l'Urssaf au titre d'une profession libérale et que la loi sur le démarchage à domicile ne lui est pas applicable.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que le démarchage à domicile est défini aux termes de l'article L. 121- 21 du Code de la consommation comme: "quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou fourniture de services" ; qu'il précise "qu'est également soumis aux dispositions de la présente section le démarchage dans des lieux non destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé et notamment l'organisation par un commerçant ou à son profit de réunions ou d'excursions afin de réaliser les opérations définies à l'alinéa précédent" ;

Attendu qu'X s'est inscrite à l'Urssaf pour exercer une activité libérale ;

Que les dispositions du Code de la consommation n'excluent pas les activités exercées à titre libéral, et qu'au contraire, le terme utilisé de "quiconque" permet d'établir que la loi ne limite pas les opérations de démarchage à domicile aux opérations commerciales mais à tout professionnel de quelque nature qu'il soit ;

Attendu qu'en l'espèce, l'opération a consisté pour X à contacter des clients à leur domicile par le biais d'une publicité effectuée sur les ondes d'une station de radio ; que les auditeurs de cette station étaient invités à téléphoner à la radio pour la contacter puis à la rencontrer ; qu'il s'agit donc bien d'une opération de démarchage ;

Que l'opération a consisté à vendre aux clients une prestation de service s'agissant d'une prédiction de l'avenir et de conjurer le sort moyennant le paiement d'un prix ;

Qu'il en résulte que les opérations auxquelles s'est livré X sont donc soumises aux dispositions sur le démarchage à domicile ;

Attendu qu'il est constant et reconnu que la prévenue n'a pas:

- remis de contrat aux clients contactés ;

- remis de contrat comportant un formulaire détachable destiné à faciliter la renonciation dans les 7 jours de La commande ou de l'engagement ;

- remis de contrat précisant les modalités d'exercice de la faculté de renonciation dans les sept jours

Qu'elle n'a pas non plus, en sa qualité de professionnel vendeur d'une prestation de services respecté les règles d'information du consommateur sur les prix et conditions de vente ;

Que les infractions qui lui sont reprochées sont donc établies et qu'il y a donc lieu de confirmer la décision déférée sur la déclaration de culpabilité ;

Attendu sur la peine que les premiers juges ont prononcé une peine &emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve permettant de favoriser la réinsertion du condamné et l'indemnisation des parties civiles ; que cette peine apparaît adaptée aux circonstances de l'espèce, à la gravité de l'infraction et à la personnalité de X ; que la décision doit donc être confirmée sur ce point.

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort. En la forme, Reçoit l'appel jugé régulier de X et du Ministère Public, Et au fond, Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions.