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Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 29 juin 2012, n° 11-02509

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

De Revenac (EARL)

Défendeur :

Babin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martin-Pigalle

Conseillers :

M. Chapelle, Mme Chassard

Avocats :

SCP Gallet-Allerit, SCP Musereau-Mazaudon-Provost-Cuif

TGI Saintes, du 05 avr. 2011

5 avril 2011

Le 21 avril 2007, Monsieur Yves Babin a vendu à l'Earl de Revenac un engin agricole automoteur d'occasion pour un prix de 10 764 euro.

Faisant état de dysfonctionnements, l'Earl de Revenac a fait assigner Monsieur Babin, au visa des articles 1641 et 1644 du Code civil, aux fins de voir prononcer la résolution de la vente et obtenir la condamnation du vendeur à lui payer des dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Une expertise a été ordonnée le 4 mars 2009 par le juge de la mise en état, et confiée à Monsieur Thuillier.

L'expert a déposé son rapport le 29 juillet 2010.

Par jugement du 5 avril 2011, le Tribunal de grande instance de Saintes a débouté l'Earl de Revenac de sa demande en résolution et de ses demandes indemnitaires complémentaires, et l'a condamnée à payer à Monsieur Babin la somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

LA COUR : - Vu l'appel interjeté le 16 mai 2011 par l'Earl de Revenac.

Vu les dernières conclusions du 8 août 2011 de l'Earl de Revenac, laquelle, poursuivant la réformation du jugement entrepris, demande à la cour, comme en première instance, de :

- prononcer la résolution de la vente,

- ordonner la restitution de l'engin à Monsieur Babin à ses frais, ainsi que la restitution du prix, soit 10 764 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamner Monsieur Babin au paiement des sommes de 319,28 euro au titre des frais de réparation effectués en vain sur l'engin, 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance, 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, et une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions du 7 octobre 2011 de Monsieur Yves Babin lequel conclut au débouté de l'Earl de Revenac et, poursuivant la réformation du jugement, demande à la cour de :

- déclarer irrecevable l'Earl de Revenac en son action rédhibitoire,

- subsidiairement, la débouter de son action compte tenu de l'exclusion de garantie prévue au contrat et du fait que l'anomalie constatée par l'expert deux ans et demi après la vente n'était pas décelable par le vendeur non professionnel avant la vente,

- constater au surplus que les parties ont admis en cours d'expertise de procéder à un échange standard du moteur objet des anomalies constatées, ce qui exclut que l'Earl de Revenac puisse maintenir aujourd'hui son action rédhibitoire qui n'est fondée sur aucun dysfonctionnement réel,

- confirmer, en toutes ses dispositions non contraires le jugement entrepris,

- et condamner l'Earl de Revenac à lui verser une indemnité de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens de l'instance.

Sur ce :

Considérant que l'engin agricole litigieux, d'une valeur à neuf de 190 000 euro, a été vendu d'occasion à l'Earl de Revenac pour un prix de 10 746 euro.

Que l'expert a précisé qu'il s'agissait d'un véhicule fabriqué en 1989 et comptant 3 760 heures de fonctionnement.

Considérant que cet engin a été vendu en état de marche, livré par Monsieur Babin sur le lieu d'exploitation de l'Earl de Revenac, et essayé en présence du gérant de cette dernière, Monsieur Vacque.

Considérant qu'il n'est pas établi que Monsieur Babin, qui développe une activité de culture céréalière, ait la qualité de vendeur professionnel.

1) Sur la clause d'exclusion de garantie :

Considérant que si la facture émise le 21 avril 2007 porte la mention " matériel livré et vendu en l'état ", cette mention, qui n'a pas été acceptée par l'Earl de Revenac lors de la commande du 13 avril 2007, est dépourvue de toute portée au regard de l'exclusion de garantie des vices cachés dont se prévaut Monsieur Babin.

Considérant que les premiers juges ont donc à bon droit estimé que Monsieur Babin ne pouvait, à ce titre, être exonéré de toute responsabilité au regard de la garantie des vices cachés, résultant des articles 1641 et suivants du Code civil.

2) Sur le vice caché allégué :

Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise, que deux mois avant la vente, Monsieur Babin, qui avait régulièrement entretenu son engin, avait fait procéder au remplacement de l'un des quatre moteurs hydrauliques (roue arrière droite).

Qu'à l'occasion des opérations d'expertise, il a été constaté que l'engin, que le gérant de l'Earl de Revenac avait du mal à faire démarrer, fonctionnait normalement, " malgré le moteur arrière droit à l'agonie ".

Considérant que des contrôles de pression ont été réalisés par l'expert et ont montré que moteur arrière droit présentait une fuite résiduelle, conduisant à une perte de puissance, avec un risque de blocage du frein, et par voie de conséquence à une panne immobilisante de l'engin.

Considérant que les premiers juges, suivant sur ce point l'avis de l'expert, ont estimé qu'il était difficile d'admettre que Monsieur Babin, vendeur non professionnel, ait eu connaissance de cette faiblesse du moteur arrière droit, quand bien même elle aurait existé en germe au moment de la vente.

Qu'au surplus, ils ont admis à juste titre que cette défaillance, liée à l'usure normale d'un matériel datant de plus de vingt ans, était réparable et ne constituait pas un vice rédhibitoire.

Considérant qu'il en est d'autant plus ainsi qu'en cours d'expertise, et en accord avec l'Earl de Revenac, Monsieur Babin a fait procéder au remplacement du moteur hydraulique défectueux par un professionnel, et a réglé la réparation pour un montant de 1 100 euro TTC.

Considérant qu'il n'est pas établi que l'engin ne pourrait pas être utilisé normalement aujourd'hui.

Qu'il ne pouvait être exigé de Monsieur Babin, qui a vendu l'engin pour 10 764 euro, de faire procéder au remplacement de ce moteur par un moteur neuf dont le prix est de 8 529,42 euro TTC, soit pratiquement le prix de vente de l'engin en son entier.

Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté l'Earl de Revenac de ses demandes en résolution du contrat de vente et en paiement de dommages et intérêts.

3) Sur la demande reconventionnelle :

Considérant que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'est pas établi que la présente procédure ait été introduite dans une intention malveillante.

Que par ailleurs, Monsieur Babin ne justifie pas du préjudice dont il demande réparation.

Considérant que le jugement entrepris, qui a condamné l'Earl de Revenac à verser des dommages et intérêts à Monsieur Babin sera donc infirmé de ce chef.

Par ces motifs : - Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné l'Earl de Revenac à payer des dommages et intérêts à Monsieur Babin. - Et statuant à nouveau, - Déboute Monsieur Babin de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts.