CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 28 juin 2012, n° 11-01674
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Paur
Défendeur :
Malcavat, Retaureau, M.A. Automobiles (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lefevre
Conseillers :
Mmes Leblanc, Lavau
Avocats :
SCP Ribaut, SCP Monin - d'Auriac, SCP Garnier, Me Behotas
Selon certificat de cession du 10 septembre 2008, Melle Jessica Paur a, par l'entremise de la société Acquesycer, vendu à M Vincent Malcavat et à Melle Virginie Retaureau un véhicule automobile Renault Mégane, immatriculé 7984 ZK 93, moyennant un prix de 7 500 euro.
Dès le 15 septembre 2008, M Vincent Malcavat et Melle Virginie Retaureau se plaignaient de dysfonctionnements et de vices du véhicule, expliquant qu'ils avaient constaté son " manque de reprise " et l'allumage du voyant de l'ordinateur de bord les avisant de la nécessité de " contrôler l'injection ".
Les acquéreurs ont ensuite saisi le Tribunal d'instance de Vincennes qui, le 12 mars 2009, a ordonné avant dire droit, une mesure d'expertise. Le technicien commis a déposé son rapport le 6 avril 2010 et l'instance s'est poursuivie devant la juridiction de regroupement, le tribunal d'instance de Nogent-sur-Marne.
Par jugement en date du 7 septembre 2010, le Tribunal d'instance de Nogent-sur-Marne a prononcé la résolution de la vente conclue entre Melle Jessica Paur et M Vincent Malcavat et Melle Virginie Retaureau (devenue entre-temps l'épouse de M Malcavat) et a condamné Melle Jessica Paur à leur rembourser le prix (7 500 euro) avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2009. De plus, il ordonnait la restitution du véhicule, enjoignant sous astreinte, à Melle Jessica Paur, de le reprendre et il condamnait in solidum Melle Jessica Paur et la société Acquesycer au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 2 500 euro, d'une indemnité de procédure de 1 500 euro et aux dépens comprenant le coût de l'expertise. La décision était assortie de l'exécution provisoire.
Melle Jessica Paur a relevé appel de cette décision, le 28 janvier 2011.
Dans le dernier état de ses conclusions du 2 mai 2012. Elle demande à la cour, infirmant cette décision, de la mettre hors de cause et de condamner solidairement M et Mme Malcavat à lui rembourser les sommes versées en exécution du jugement de première instance, et ce avec intérêts au taux légal à compter du jour du règlement.
Elle réclame également leur condamnation, in solidum avec M.A Automobiles (venant aux droits de Acquesycer) au paiement d'une indemnité de procédure de 2 000 euro. Subsidiairement, elle demande à la cour de prononcer une condamnation in solidum entre elle et son mandataire, M.A Automobiles et de dire que compte tenu de sa bonne foi, elle est déchargée de toute condamnation au titre des dommages et intérêts, frais irrépétibles et dépens. Enfin, elle s'oppose aux demandes de M et Mme Malcavat et de M.A Automobiles et réclame leur condamnation in solidum aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Au soutien de ces demandes, elle explique que souhaitant vendre son véhicule automobile elle l'a mis en dépôt vente auprès d'AKISIKAR (enseigne de la société Acquesycer) qui a passé une annonce sur " la centrale des particuliers " et l'a vendu à M Vincent Malcavat et Melle Virginie Retaureau avec une garantie de 12 mois. Saisie d'une réclamation des acquéreurs, Akisikar a repris le véhicule, le 24 septembre 2008 puis l'a restitué aux acquéreurs, affirmant avoir fait le nécessaire.
Elle ajoute qu'elle a fait procéder, quatre mois avant la vente au remplacement du moteur ; que le contrôle technique ne mentionne aucune anomalie technique relevant d'une obligation de contre-visite ; que l'expertise n'a pas mis en évidence, le défaut de puissance dénoncé mais des défauts affectant l'injection et les freins et retient que ces défauts trouvent leur cause dans les travaux mal exécutés par divers professionnels.
Elle en déduit, relevant que les acquéreurs bénéficiaient d'une garantie de 12 mois, suite à la vente et de la garantie due par le professionnel qui a procédé au remplacement du moteur en mai 2008, qu'il serait injuste qu'elle soit condamnée au titre de la garantie des vices cachés.
Elle dénonce également la contradiction de la décision de première instance, qui a retient la faute de la société Acquesycer, qui n'a rien fait pour remédier aux désordres lorsqu'elle a repris le véhicule en septembre 2008 et ne la sanctionne pas.
Elle retient cette faute et le fait qu'elle n'a pas été informée des difficultés rencontrées par les acquéreurs, pour solliciter la condamnation de cet intermédiaire au remboursement du prix et ce, au visa des articles 1991 et suivants du Code civil.
Enfin, elle décrit sa situation et les difficultés qu'elle a rencontrées pour exécuter la décision de première instance, insistant sur le fait qu'il serait de bonne justice de la mettre hors de cause ou à tout le moins de mettre à la charge exclusive de son mandataire, les dommages et intérêts dus aux acquéreurs.
Dans leurs conclusions du 27 juin 2011, M et Mme Malcavat demande à la cour de confirmer le jugement rendu, à l'exception des dispositions qu'ils critiquent dans le cadre de leur appel incident. A ce titre, ils sollicitent la condamnation de M.A Automobiles au côté de Melle Jessica Paur sur le fondement de la garantie des vices cachès, vendeur et intermédiaire devant leur rembourser le prix de vente. Ils portent leur demande de dommages et intérêts à la somme de 10 000 euro et sollicitent la condamnation in solidum de Melle Jessica Paur et M.A Automobiles au paiement de cette somme. En raison d'un déménagement projeté, ils demandent à la cour de les autoriser à détruire le véhicule si Melle Jessica Paur et M.A Automobiles ne s'acquittent pas des condamnations prononcées. Enfin, ils sollicitent l'allocation d'une somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamnation de leurs adversaires aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Ils prient la cour de se reporter à la décision de première instance et à sa motivation afin de constater l'inanité des moyens de leurs adversaires. Ils estiment que M.A Automobiles doit être condamnée au côté du vendeur, retenant que c'est à tort et sans aucune motivation que le premier juge a écarté cette demande. En dernier lieu, ils expliquent que leur préjudice est très supérieur à la somme demandée, volontairement limitée à 2 500 euro eu égard au taux de compétence du tribunal d'instance, préjudice dont ils affirment qu'il s'est accru avec le temps.
Dans ses conclusions du 16 avril 2012, M.A Automobiles disant venir aux droits de la société Acquesycer demande à la cour de réformer la décision critiquée en ce qu'elle l'a condamnée. Elle conclut au rejet des prétentions de M et Mme Malcavat. Elle prétend au visa de l'article 564 du Code de procédure civile que Melle Jessica Paur est irrecevable en ses demandes. Enfin, elle réclame la condamnation de Melle Jessica Paur d'une part et de M et Mme Malcavat d'autre part, au paiement d'une indemnité de procédure de 2 000 euro et aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Elle met en avant son statut de mandataire, estimant que même en sa qualité de professionnel, elle n'est pas débitrice de la garantie des vices cachés ou de dommages et intérêts pour un préjudice qui n'est d'ailleurs pas justifié.
Sur ce, LA COUR :
Considérant qu'au visa de l'article 564 du Code de procédure civile qui prohibent les demandes nouvelles en appel, M.A Automobiles soutient à juste titre, que les demandes formées à son encontre par Melle Jessica Paur sont irrecevables ; qu'en effet, Melle Jessica Paur n'a, en première instance, formée aucune demande à l'encontre de son mandataire et elle est donc irrecevable à formuler en cause d'appel, une prétention déjà formée à l'encontre de celui-ci par les demandeurs ;
Considérant qu'en vertu des articles 1641 et suivants du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus, le vendeur de bonne foi étant tenu uniquement au remboursement du prix et des frais occasionnés par la vente ;
Qu'il est acquis aux débats, que propriétaire d'un véhicule automobile depuis le mois de janvier 2008, Melle Jessica Paur a fait procéder au remplacement du bloc moteur par un organe d'occasion, le 25 mai 2008 puis l'a vendu, en septembre 2008 par l'intermédiaire de la société Acquesycer mandatée le 26 juin 2008 ;
Que l'examen du véhicule par l'expert judiciaire a mis en évidence, une intervention lourde, faite à moindre coût, hors du réseau du constructeur automobile, sans contrôle et sans ré- initialisation de la gestion électronique ; que l'expert a également constaté des défauts du circuit d'injection (au niveau du circuit de régulation, pression de suralimentation), pouvant expliquer le manque de puissance du véhicule ; qu'il convient de relever que s'il n'a pas pu personnellement observer ce manque de puissance, c'est uniquement en raison de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de procéder, sans danger, à un essai routier, eu égard à l'état de pneumatiques ; qu'enfin, l'expert précise que les défauts relevés sont consécutifs à des travaux mal exécutés ;
Que l'existence d'un vice caché, antérieur à la vente est ainsi amplement démontrée et il s'agit indéniablement d'un vice rédhibitoire, les acquéreurs pouvant donc solliciter et obtenir la résolution de la vente qui emporte la remise des parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant l'acte annulé, seuls le vendeur et l'acquéreur étant tenus aux restitutions réciproques ; qu'en d'autres termes, M et Mme Malcavat ne peuvent solliciter la condamnation de l'intermédiaire, même professionnel et/ou de mauvaise foi, à rembourser un prix qui n'est que la contrepartie de la restitution du véhicule ;
Que Melle Jessica Paur justifie qu'elle a repris possession du véhicule, le 11 février 2012, M et Mme Malcavat renonçant au bénéfice de l'astreinte (sa pièce 19); que la demande des M et Mme Malcavat d'être autorisés à détruire le véhicule est donc devenue sans objet et sera rejetée ;
Considérant que la connaissance par Melle Jessica Paur des défauts de la chose vendue n'est ni alléguée ni démontrée, que dès lors, elle ne peut être condamnée à la moindre somme en sus du remboursement du prix, M et Mme Malcavat ne distinguant pas dans leur demande de dommages et intérêts, les frais de vente et l'indemnisation de leur préjudice ; que la décision entreprise sera donc infirmée sur ce point ;
Considérant enfin, que la société Acquesycer est intervenue à cette vente, en vertu d'un mandat du 26 juin 2008 ; qu'en sa qualité mandataire, professionnel de la vente d'automobiles, elle était tenue à une obligation renforcée d'information à l'égard des acquéreurs et devait à ce titre, les informer du changement du bloc moteur mais aussi attirer leur attention sur les conditions particulières de cette intervention, faite à l'économie, sans le contrôle d'usage et sans réinitialisation de l'ordinateur de bord (aucune de ces prestations n'étant facturée à ce titre) ;
Que par ailleurs et ainsi qu'il ressort du mandat signé par Melle Jessica Paur (article 10), la société Acquesycer pouvait et a, en l'espèce, proposé au vendeur une garantie de douze mois ; qu'à la restitution du véhicule, dans les jours qui ont suivi l'achat, elle devait comme débitrice de cette garantie, rechercher la cause des défauts dénoncés voire les réparer ou les faire réparer ; qu'elle ne pouvait, comme elle dit l'avoir fait, se contenter de remettre le véhicule au compagnon de Melle Jessica Paur pour qu'il procède aux réparations (ce qui est nié par celle-ci) ou se contenter de procéder à un simple essai routier (comme le soutiennent les acquéreurs) ;
Que ces fautes sont à l'origine d'un préjudice de M et Mme Malcavat, qui, privés d'une information loyale par l'intermédiaire professionnel, se sont portés acquéreurs d'un véhicule vicié puis qui n'ont pas bénéficié de la garantie contractuelle due par ce professionnel et ont ainsi perdu une chance de voir réparer leur véhicule ;
Qu'en revanche, leur préjudice ne présente pas l'importance alléguée devant la cour et ne dépasse pas l'évaluation qu'en a fait le premier juge ; qu'en effet, si aux frais de réparation et de garage du véhicule litigieux et aux frais de location d'un véhicule de remplacement, ils peuvent légitimement ajouter les frais financiers générés par l'achat d'un nouveau véhicule à la fin janvier 2009 ainsi que la perte de jouissance jusqu'à cette nouvelle acquisition, ils ne peuvent réclamer ni l'assurance du véhicule nécessaire à l'utilisation du véhicule (et non à sa conservation) ni la part de capital incluse dans les mensualités de leur prêt ni à une perte de jouissance passé ce second achat ;
Que M.A Automobiles sera donc condamnée, seule, au paiement d'une somme de 2 500 euro à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que Melle Jessica Paur et M.A Automobiles seront condamnés aux dépens ; qu'en équité, seuls M et Mme Malcavat se verront octroyer l'indemnité de procédure qu'il réclame, celle-ci étant mise à la charge de M.A Automobiles qui voit rejeter l'intégralité de ses prétentions ;
Par ces motifs : - LA COUR, - Déclare irrecevables les demandes de condamnation de M.A Automobiles présentées par Melle Jessica Paur ; - Confirme le jugement du 7 septembre 2010 sauf en ce qu'il a condamné Melle Jessica Paur au paiement de dommages et intérêts au côté de la société Acquesycer ; - Statuant à nouveau, - Déboute M et Mme Malcavat de leur demande de dommages et intérêts à l'encontre de Melle Jessica Paur ; - Condamne M.A Automobiles à payer à M et Mme Malcavat la somme de 2 500 euro à titre de dommages et intérêts ; - Rejette les autres demandes des parties.