Cass. 1re civ., 22 octobre 2009, n° 08-15.171
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Domaine de la Commanderie (EARL)
Défendeur :
Coopérative des agriculteurs du Chinonais, Isk Biosciences Europe Sa Itt Tower( Sté), Syngeta Agro (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bargue
Avocats :
Me Spinosi, SCP Didier, Pinet, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu qu'imputant à l'utilisation du produit " Mission " les dommages subis par ses vignes, l'exploitation agricole à responsabilité limitée Domaine de la Commanderie (l'EARL) a recherché la responsabilité de la Coopérative agricole des agriculteurs du Chinonais (la COPAC) auprès de laquelle elle avait acquis le produit, et des sociétés Syngenta Agro SAS, distributeur et IBE, fabricant; qu'elle fait grief à l'arrêt attaqué ( Orléans, du 27 mars 2008 ) de l'avoir déboutée de ses demandes,- 1) alors que, d'une part, est défectueux le produit qui, du fait de son utilisation, agit activement comme facteur déclenchant dans la réalisation directe d'un dommage causé aux biens ; qu'en l'espèce, la cour d'appel reprenait les conclusions de l'expertise judiciaire selon lesquelles le désherbant " Mission " est apparu comme l'une des causes cumulatives dans la réalisation du dommage, tout en retenant également qu'il en avait même été le facteur déclenchant ; qu'ainsi, elle a implicitement mais nécessairement considéré que sans le produit litigieux, le dommage ne se serait pas réalisé ; qu'en jugeant pourtant que ni l'implication du produit dans la réalisation du dommage, ni le fait qu'il en ait été le facteur déclenchant ne suffisaient à établir son caractère défectueux, la cour d'appel a violé l'article 1386-4 du code civil ;- 2) alors que, d'autre part, est défectueux le produit qui endommage précisément le bien qu'il est censé protéger ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, en portant atteinte à la vigne qu'il était pourtant censé protéger des mauvaises herbes, le produit litigieux, qui révélait par là son dysfonctionnement, n'était pas défectueux, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-4 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté, appréciant souverainement la teneur et la portée du rapport d'expertise, que le produit ne présentait pas de défaut intrinsèque, que les désordres observés ne relevaient pas d'une toxicité directe du flazasulfuron sur la vigne, mais résultaient de causes cumulatives, le produit litigieux ayant agi comme révélateur des désordres existants, et que si les experts avaient pu, à titre d'hypothèse de travail, présenter la molécule comme un facteur aggravant exposant la vigne à une contrainte supplémentaire, c'était pour exprimer que le traitement avait pu faciliter ou favoriser l'apparition de désordres physiologiques en relation avec d'autres facteurs de sensibilisation ; qu'ayant relevé à juste titre que la simple implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir son défaut au sens des articles 1386-1 du Code civil ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage, elle a estimé, sans avoir à se livrer à une recherche inopérante, que le demandeur ne rapportait pas la preuve qui lui incombait ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que l'EARL Domaine de la Commanderie fait encore grief à l'arrêt d'avoir écarté la responsabilité des défendeurs pour manquement à leurs obligations d'information et de conseil :- 1) alors que, d'une part, le vendeur est tenu, vis à vis de l'acheteur, d'une obligation de renseignement, d'information et de conseil de la chose vendue, tout comme de mise en garde en cas de danger ; il est également tenu de s'informer des besoins de l'acheteur et d'informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose vendue ; qu'en l'espèce, en jugeant que la COPAC, distributrice du désherbant litigieux, n'avait pas l'obligation de s'informer sur les spécificités sanitaires, géologiques et hydrologiques des vignes du Domaine de la Commanderie dont dépendait l'emploi du désherbant, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1604 du code civil ; - 2) alors que, d'autre part, la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en relevant, d'un côté, que la COPAC, distributrice du désherbant litigieux, n'avait pas l'obligation de s'informer sur les spécificités sanitaires, géologiques et hydrologiques des vignes du Domaine de la Commanderie dont dépendait l'emploi du désherbant, ce dont il résultait que la COPAC n'avait pas spécialement informé l'EARL Domaine de la Commanderie des conditions d'utilisation du désherbant en fonction des caractéristiques de son exploitation, tout en relevant, d'un autre côté, qu'averti d'avoir à tenir compte des facteurs particuliers de son exploitation, l'EARL Domaine de la Commanderie n'est pas fondée à imputer aux intimées des désordres survenus en raison de la méconnaissance de ces données, la cour d'appel, qui a statué par motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que l'attention de l'utilisateur avait été attirée sur les limites et les précautions d'emploi figurant sur les brochures et les emballages et que la société acheteuse, ainsi avertie d'avoir à tenir compte des facteurs particuliers de son exploitation qu'elle était à même de connaître et d'apprécier, avait utilisé le produit sans véritablement y être sensible et attentive ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Que le moyen, non fondé en sa première branche, manque en fait dans la seconde ;
Rejette le pourvoi.