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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. A, 16 mai 2012, n° 11-00171

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Delas

Défendeur :

Soupre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lafon

Conseillers :

MM. Sabron, Lippmann

Avocats :

SCP Arsene-Henry - Lancon, SCP Gautier Fonrouge, SELARL Magret-Janoueix, Me Durand-Daudignon

TGI Bordeaux, du 27 juillet 2010

27 juillet 2010

Le 23 juin 2006 M. Fabrice Delas a vendu à M. et Madame Soupre un véhicule Opel zafira d'occasion mis en circulation en juillet 2003 et affichant au compteur 95 281 km au prix de 11 600 euro.

Il avait fait procéder la veille au remplacement des pneus avant par des pneus d'occasion pour un prix de 120 euro.

La visite du véhicule a eu lieu sur un parking.

Le soir de la prise de possession, les époux Soupre ont constaté qu'un de ces pneus était à plat.

Le lendemain, ils ont fait procéder au remplacement des pneus avant par le garage Point S Da Silva.

M. Soupre qui se plaignant de ce que le véhicule était délicat à conduire l'a ramené le 3 juillet 2006 au garage Point S afin qu'il procède à un contrôle du train avant.

Par courrier du 5 juillet 2006, les époux Soupre ont mis en demeure M. Delas de leur restituer le prix de vente contre restitution du véhicule qui, selon eux, était affecté par un vice caché.

Le conseil de M. Delas leur a répondu par lettre du 18 juillet 2006 que son client n'était pas opposé au principe de la résolution de la vente sous réserve que le véhicule soit examiné par le garage Pigeon, concessionnaire Opel, auquel il avait été confié deux mois avant la vente.

Par acte du 22 novembre 2006 les époux Soupre ont fait assigner M. Delas devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de résolution de la vente pour vices cachés.

Un jugement avant dire droit du 26 novembre 2008 a confié une mesure d'expertise à M. Serge Gonzalez qui a déposé son rapport définitif le 8 mai 2009.

Outre la défectuosité des pneus avant remplacés la veille de la vente, l'expert a relevé que le véhicule était instable à la conduite par suite d'un déport du bloc avant dont la cause résultait d'un choc brutal sur la bande de roulement du pneumatique avant gauche.

La dérive du véhicule provenait du berceau moteur qui, sous l'effet du choc, s'était déformé au niveau des points de fixation.

La remise en état nécessitait le remplacement du bloc moteur pour un coût de 1 583,20 euro TTC.

L'expert ajoutait que, si le véhicule avait subi le 7 avril 2006 un accident qui l'avait fortement endommagé sur le flanc gauche avec projection sur la droite, les travaux de réparation réalisés par le garage Pigeon pour un montant 8 944 euro TTC ne présentaient aucun défaut.

Le tribunal a par jugement du 27 juillet 2010 :

- prononcé la résolution de la vente et condamné M. Delas à la restitution de la somme de 11 600 euro, sous astreinte ;

- dit que M. Delas pourrait reprendre à ses frais le véhicule dès qu'il aurait remboursé intégralement le prix de vente ;

- condamné ce dernier à payer aux époux Soupre les sommes suivantes :

* 287,59 euro au titre du changement des deux pneus avant ;

* 38,16 euro au titre du contrôle du train avant ;

* 176 euro au titre de la carte grise ;

* 289,15 euro au titre de l'assurance ;

* 4 565,60 euro au titre " du remboursement du crédit souscrit pour l'achat d'un nouveau véhicule " ;

* 500 euro pour préjudice moral ;

* 1 600 euro au titre du préjudice de jouissance ;

* 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur Fabrice Delas a relevé appel de ce jugement par déclaration du 11 janvier 2011.

Dans ses dernières conclusions, il demande à la cour de débouter les époux Soupre de leurs demandes en invoquant les moyens suivants :

- la défectuosité des pneus avant ne constitue pas un vice caché au sens des dispositions de l'article 1641 du Code civil et la responsabilité en incombe au garage Auto Service C'propre qui les a vendus et montés ;

- la demande est tout aussi infondée au regard du déport du train avant dès lors que les époux Soupre qui ont utilisé le véhicule jusqu'à la date du rapport d'expertise ne démontrent pas l'antériorité du vice dont l'expert n'a pas établi la corrélation avec l'accident du 7 avril 2006 ;

- les acquéreurs avaient été informés de cet accident et la qualité de la réparation, réalisée sous le contrôle d'un expert, avait constitué un argument de vente.

- le contrôle effectué le 3 juillet par le garage Point S Da Silva n'a mis en évidence aucun dysfonctionnement au niveau du train qui, pour l'ensemble de ces raisons, ne peut pas être antérieur à la vente.

- le premier juge a dénaturé le rapport de l'expert judiciaire en affirmant qu'il en résultait que le déport du train avant avait été provoqué par l'accident dont les conséquences avaient été réparées deux mois avant la vente.

A titre subsidiaire, l'appelant demande à la cour de dire que les défauts ne justifient pas la résolution de la vente puisqu'ils sont aisément réparables, de le dire redevable des sommes de 287,59 euro au titre du remboursement des deux pneus avant et de 1 583,20 euro au titre des frais de remplacement du berceau moteur et de débouter les époux Soupre de toutes leurs autres demande, spécialement en ce qui concerne le remboursement du crédit souscrit pour l'acquisition d'un nouveau véhicule qui n'est pas une conséquence du vice.

M. Delas sollicite une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. et Madame Soupre qui contestent avoir été informés de l'accident survenu le 7 avril 2006 et avoir essayé le véhicule sur route lors de la vente qui a eu lieu sur un parking, ont conclu à la confirmation pure est simple du jugement.

Ils sollicitent une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

LES MOTIFS DCE LA DECISION :

L'expert judiciaire relève que le déport du train avant rend la conduite du véhicule difficile et dangereuse ; il s'agit d'un vice qui rend la chose impropre à l'usage auquel on la destine et qui justifie par conséquent la résolution de la vente dans le cadre de la garantie des vices cachés régie par les articles 1641 et suivants du Code civil.

Il est exact que le demandeur à l'action en garantie des vices cachés doit établir que le vice préexistait, circonstance sur laquelle porte la principale contestation de l'appelant.

Il est exact, également, que l'expert n'a pas établi de relation formelle entre le vice qui affecte le train avant et l'accident du 7 avril 2006, survenu deux mois avant la vente, dont les conséquences au niveau de la carrosserie ont été réparées dans les règles de l'art.

Toutefois, si les causes de la " dérive " qui rend le véhicule dangereux à la conduite n'ont été diagnostiquées qu'à l'issue des opérations d'expertise judiciaire qui ont eu lieu trois ans après la vente, les effets de ce vice ont été ressentis dès le début du mois de juillet 2006, alors que les époux Soupre n'étaient en possession du véhicule que depuis quelques jours.

En effet, la vente a été conclue le 23 juin 2006 et c'est le 3 juillet 2006 que M. Soupre a ramené le véhicule au garage Point P DA SILVA qui avait procédé au remplacement des deux pneus avant, défectueux, afin qu'il contrôle, cette fois, le train roulant, la constatation ayant était faite entre les deux interventions d'un comportement anormal à la conduite.

Par ailleurs l'expert judiciaire n'a fait ressortir aucune circonstance qui permette de soutenir que le choc brutal sur la bande de roulement du pneu avant gauche qui est à l'origine du déport du bloc avant ait pu avoir lieu pendant la période d'utilisation du véhicule par les acquéreurs.

Il est ainsi démontré que ce déport était bien antérieur à la vente, M. Soupre en ayant constaté les effets sur la conduite du véhicule au cours de la semaine qui a suivi cette dernière et manifesté dès le 5 juillet 2006, deux semaines après la prise de possession, la défiance que lui inspirait l'usage de la chose vendue en adressant à l'appelant une lettre lui demandant d'annuler la transaction pour vice caché.

Ainsi si l'on admettait que les acquéreurs aient été informés de l'accident du 7 avril 2006 et de la réparation réalisée par le garage Pigeon, ce qu'ils ont toujours contesté, et, même, qu'il n'y ait pas de relation établie entre le dit accident et le vice constitué par le déport du bloc avant, il reste que ce déport qui n'était pas réparé à la date de la vente et qui n'a pas été signalé par le vendeur constitue un vice caché qui justifie la résolution de la vente sur le fondement des textes précités.

M. Delas ne peut pas imposer aux acquéreurs une solution consistant dans le remboursement des frais de remise en état dans la mesure où ces derniers bénéficient en vertu des dispositions de l'article 1644 du Code civil du droit d'opter pour la résolution de la vente.

L'appelant connaissait le vice puisque celui-ci se manifeste à la conduite du véhicule.

Son comportement en ce qui concerne le remplacement des pneus avant dont les acquéreurs avaient signalé l'usure lors de la visite préalable à la vente est révélatrice de sa mauvaise foi puisqu'il a sollicité d'un garagiste peu scrupuleux la vente à moindre prix de pneus d'occasion dont chacun sait que la solidité et la sécurité ne sont pas assurées.

Les époux Soupre étaient par conséquent en droit de réclamer sur le fondement de l'article 1645 du Code civil outre la restitution du prix et le remboursement des frais de la vente, tous dommages-intérêts en relation avec le vice.

Le premier juge a procédé à une estimation équitable du préjudice moral, causé par le sentiment de danger éprouvé par les acquéreurs à l'usage du véhicule, et de la privation de jouissance, les intimés ayant cessé d'utiliser leur voiture dès le mois de novembre 2006, plus de deux ans avant l'ouverture des opérations d'expertise.

Par ailleurs, la somme de 4 564,602 euro qui a été allouée au titre du crédit contracté par les intimés en vue de l'achat d'un nouveau véhicule ne représente pas le montant de ce crédit qui s'est élevé à la somme de 11 500 euro, remboursable en 60 mensualités, mais son coût comme cela résulte du contrat produit par les époux Soupre.

Ce surcoût auquel ces derniers n'auraient pas été exposés si le véhicule acquis de M. Delas n'avait pas été affecté d'un vice rédhibitoire est une conséquence dommageable de ce vice.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Les intimés sont en droit de réclamer sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais occasionnés par la procédure d'appel qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité complémentaire que la cour fixe à 3 000 euro.

Par ces motifs : LA COUR - Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris.