Livv
Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 10 mai 2012, n° 11-04768

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Decoo

Défendeur :

Hautekeur

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Merfeld

Conseillers :

Mmes Doat, Metteau

Avocats :

Mes Levasseur, Franchi

TI Saint-Omer, du 19 mai 2011

19 mai 2011

Le 30 octobre 2009 Monsieur Teddy Hautekeur a vendu à Monsieur Jérémy Decoo un véhicule automobile de marque Volkswagen, modèle golf, pour le prix de 4 300 euro.

Par acte d'huissier du 17 février 2011 Monsieur Decoo a fait assigner Monsieur Hautekeur devant le Tribunal d'instance de Saint Omer pour voir annuler la vente sur le fondement de l'article 1641 du Code civil et obtenir le remboursement du prix de 4 300 euro avec intérêts au taux légal à compter de la vente, ainsi que du coût de la prime d'assurance et des frais de gardiennage.

Subsidiairement il demandait une expertise du véhicule.

Par jugement du 19 mai 2011 le tribunal a :

- débouté Monsieur Decoo de sa demande d'annulation de la vente et de ses demandes subséquentes,

- rejeté la demande d'expertise,

- condamné Monsieur Decoo aux dépens et à verser à Monsieur Hautekeur une somme de 450 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le premier juge a retenu que si le véhicule était en mauvais état il était atteint de vices apparents qu'un simple examen visuel ou un essai sur route auraient détectés immédiatement et que s'agissant de l'impossibilité de faire démarrer le véhicule il n'était pas démontré que ce défaut était antérieur à la vente puisque le véhicule a fonctionné après la vente.

Monsieur Decoo a relevé appel de ce jugement le 4 juillet 2011.

Il demande à la Cour d'infirmer le jugement, d'annuler la vente en application des articles 1641 et suivants du Code civil, de condamner Monsieur Hautekeur à lui restituer le prix de 4 300 euro avec intérêts au taux légal à compter de la vente et à lui rembourser le coût de la prime d'assurance du véhicule et les frais de gardiennage.

Subsidiairement il sollicite l'organisation d'une expertise afin de décrire les désordres et les dysfonctionnements dont le véhicule est affecté et dire s'ils existaient, même à l'état de germe, antérieurement à la vente.

Il se porte demandeur d'une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il déclare qu'après avoir acquis le véhicule, sur le chemin du retour et dans les jours qui ont suivi immédiatement la vente, il s'est aperçu que le véhicule était affecté de multiples dysfonctionnements dont il a fait part au vendeur par lettre du 5 novembre 2009 : défaut d'étanchéité des portières, défaut affectant la boîte de vitesse, bruit à la marche arrière, que Monsieur Hautekeur n'ayant pas donné suite à cette correspondance il a fait appel à un expert en automobile, le cabinet Watel, que quelques jours avant la première réunion d'expertise le véhicule est tombé en panne, que l'expert a constaté qu'il ne démarrait pas et qu'il y avait un problème d'alimentation en carburant empêchant le fonctionnement du moteur ainsi que d'autres désordres visibles à l'oeil nu, qu'il émettait également des doutes sur la réalité d'un kilométrage de 135.000 km affiché au compteur pour un véhicule mis en circulation il y onze ans, que par courrier du 19 février 2010 l'assureur de protection juridique de Monsieur Hautekeur a missionné le cabinet RABACHE en qualité d'expert qui a examiné le véhicule au cours d'une réunion contradictoire et que son rapport est accablant pour Monsieur Hautekeur, que néanmoins l'assureur de Monsieur Hautekeur n'a donné aucune suite de sorte qu'il a dû saisir le tribunal.

Il déclare que son action n'est pas fondée sur les conclusions des experts concernant les désordres apparents mais sur les vices énumérés dans son courrier du 5 novembre 2009 et sur la panne qui a définitivement immobilisé le véhicule et qui le rend impropre à son usage.

Il considère que le raisonnement du premier juge qui a exclu l'antériorité de ce vice par rapport à la vente au motif qu'il ne s'est pas manifesté le jour même de la vente est erroné car la jurisprudence admet l'application de l'article 1641 du Code civil lorsque le vice n'existe qu'en germe avant la vente.

Il fait observer que l'expert Rabache écrit dans son rapport que la voiture est impropre à son usage puisqu'un défaut majeur ayant trait à l'alimentation électrique de l'électrovanne de pompe d'injection ne permet pas son démarrage normal et conclut son rapport en disant qu'il ne peut qu'approuver le sens de la démarche de l'acquéreur, ce qui, émanant de l'expert d'assurance mandaté pour le compte de Monsieur Hautekeur, aurait dû, à tout le moins, ébranler la conviction du premier juge.

Monsieur Hautekeur a conclu à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la condamnation de Monsieur Decoo à lui verser la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient comme en première instance que les vices dont le véhicule était atteint étaient apparents (défaut de fixation de la roue arrière gauche, déformation des pneumatiques, absence de fixation de la batterie, défaut d'aspect d'une réparation de carrosserie, défaut de fixation d'un barillet de porte) et fait valoir que l'absence d'alimentation électrique de l'électrovanne de pompe à injection ne peut être antérieure à la vente puisque le véhicule a roulé plus de 1 800 km avant que la panne ne survienne. Il estime que cette panne relève de la vétusté dont tout acquéreur d'un véhicule d'occasion doit avoir conscience. Il ajoute que la panne ne rend pas le véhicule impropre à son usage puisqu'une simple réparation suffira.

Il s'oppose à la demande d'expertise rappelant que l'article 146 du Code de procédure civile interdit au juge de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve en ordonnance une mesure d'instruction.

Sur ce :

Attendu que le véhicule vendu le 30 octobre 2009 par Monsieur Hautekeur à Monsieur Decoo est un véhicule Volkswagen, modèle Golf, mis en circulation le 28 octobre 1998 et présentant 137 995 km au compteur ;

Que l'expert du cabinet Watel s'est étonné de la réalité de ce kilométrage mais a indiqué qu'il ne disposait d'aucun élément factuel lui permettant d'affirmer son caractère erroné ;

Qu'en toute hypothèse l'inexactitude du kilométrage affiché au compteur du véhicule lors de la vente relève du manquement à l'obligation de délivrance conforme et non pas de la garantie des vices cachés, seul fondement de l'action de Monsieur Decoo ;

Attendu que selon l'article 1641 du Code civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;

Attendu que le tribunal a indiqué que les défauts relevés par les experts pouvaient être constatés par un simple examen visuel ou par un essai sur route et qu'il s'agit donc de vices apparents qui n'entrent pas dans le cadre de la garantie légale de l'article 1641 du Code civil, ce que Monsieur Decoo ne conteste pas, précisant que son action n'est pas fondée sur ces désordres ;

Qu'il déclare qu'il invoque d'une part les vices qui se sont révélés quelques jours après la vente, énumérés dans son courrier du 5 novembre 2009 et d'autre part la panne qui a définitivement immobilisé le véhicule.

a) Sur les vices énumérés dans le courrier du 5 novembre 2009 :

Attendu que dans sa lettre du 5 novembre 2009 Monsieur Decoo invoque :

- la détérioration du barillet de la portière du véhicule dont il s'est rendu compte le jour même de la vente à midi ; qu'il s'agit d'un vice apparent,

- les portières fuyardes qui laissent passer l'eau et l'air ; qu'il s'agit d'un vice apparent qui pouvait être constaté après un simple essai du véhicule,

- le défaut de la marche arrière qui fait un bruit saccadé dès qu'elle est enclenchée ; qu'il s'agit là aussi d'un vice apparent pouvant être constaté lors d'un essai du véhicule,

- la détérioration de la cale de protection située en dessous de la voiture, frottant contre les roues lorsqu'elles sont braquées ; que ce désordre ne rend pas le véhicule impropre à son usage, ni ne diminue l'usage qui peut être attendu d'un véhicule d'occasion de plus de dix ans d'âge ;

Attendu qu'aucun des désordres signalés dans le courrier du 5 novembre 2009 ne répond donc aux conditions exigées par l'article 1641 du Code civil ;

b) Sur la panne :

Attendu qu'en novembre 2009 Monsieur Decoo a dû stationner son véhicule sur le parking d'un supermarché à la suite d'un arrêt moteur survenu soudainement après son départ d'un établissement voisin ;

que le cabinet WATEL, expert désigné par l'assureur de Monsieur Decoo, a constaté que la batterie était à plat ; qu'il a procédé à un nouvel essai avec une batterie d'appoint mais n'a pas été en mesure de faire fonctionner le moteur ; qu'à l'aide d'un testeur il a constaté l'absence d'alimentation électrique de l'électrovanne de pompe à injection ; qu'aucun renseignement ne figure dans son rapport d'expertise sur l'origine et la cause de ce défaut ;

Attendu que Monsieur Delattre, expert désigné par l'assureur de Monsieur Hautekeur, écrit dans son rapport :

A l'issue de cet examen visuel nous tentons de procéder ensuite au démarrage du moteur.

Celui-ci se révèle infructueux compte tenu que nous sommes en présence d'un défaut d'alimentation en carburant dont un diagnostic plus approfondi nous permettrait d'appréhender l'origine de cette panne ; - Quoi qu'il en soit, cette voiture est aujourd'hui impropre à son usage étant donné que nous avons constaté un défaut majeur ayant trait à l'alimentation électrique de l'électrovanne de pompe d'injection qui, ainsi, ne permet pas le démarrage normal du moteur de cette voiture et son usage ;

Attendu que les deux experts s'accordent sur l'existence d'un défaut d'alimentation électrique de l'électrovanne de pompe d'injection mais ne se prononcent pas sur l'origine et la cause de ce vice de sorte qu'il n'est pas possible d'affirmer qu'il existait, même en germe, avant la vente ;

Qu'en effet Monsieur Hautekeur fait pertinemment observer que Monsieur Decoo a pu parcourir 1 800 km avec le véhicule avant qu'il tombe en panne;

Que Monsieur Decoo n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'antériorité du vice ;

Attendu que l'article 146 du Code de procédure civile dispose qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ; que selon l'alinéa 1er de cet article une expertise ne peut être ordonnée par le juge du fond que si la partie qui allègue un fait ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver ; que tel n'est pas le cas pour Monsieur Decoo;

qu'en effet deux expertises extra-judiciaires ont été diligentées ; que Monsieur Decoo qui ne pouvait ignorer qu'il devait apporter la preuve que le vice rendant le véhicule impropre à son usage existait avant la vente, devait demander aux experts désignés par les compagnies d'assurance de procéder à des investigations complémentaires ainsi que le suggérait d'ailleurs Monsieur Rabache en notant dans son rapport qu'un diagnostic plus approfondi lui permettrait d'appréhender l'origine du défaut d'alimentation en carburant ;

que la demande d'expertise judiciaire présentée par Monsieur Decoo subsidiairement au Tribunal un an et quatre mois après la vente est en fait destinée à pallier son défaut de diligence antérieur ; que c'est à bon droit que le tribunal l'a rejetée;

Attendu qu'il apparaît en définitive que Monsieur Decoo ne démontre pas l'existence d'un vice susceptible de justifier la demande de résolution de la vente et dommages-intérêts qu'il a introduite sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil ; que le jugement qui l'a débouté de toutes ses prétentions doit donc être confirmé ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Hautekeur les frais irrépétibles qu'il a dû exposer ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement qui a condamné Monsieur Decoo à lui verser une somme de 450 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et d'y ajouter une indemnité procédurale de 800 euro pour ses frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs : - LA COUR statuant contradictoirement, - Confirme le jugement.