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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 7 mai 2012, n° 11-03253

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Haettel

Défendeur :

FK Car Styling (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rastegar

Conseillers :

Mmes Schneider, Mazarin-Georgin

Avocats :

Me Demesy, SELARL Wemaere-Leven-Laissue

TI Haguenau, du 25 mai 2011

25 mai 2011

Le 15 mars 2008, M. Haettel a acquis un véhicule Peugeot 306 HDI auprès de la SARL FK Car Styling au prix de 5 990 euro.

Désireux de revendre son véhicule au cours de l'été 2009, il a appris que celui-ci avait subi " un passage au marbre " ce qu'a confirmé la note technique du cabinet d'expertise Casterot puis l'expertise amiable diligentée le 4 novembre 2009 par le Centre d'expertise et de contrôle automobile.

Par acte du 23 septembre 2010, M. Haettel a fait assigner la SARL FK Car Styling devant le tribunal d'instance de Haguenau pour obtenir la résolution de la vente et la condamnation de la SARL FK Car Styling à prendre en charge les frais de restitution du véhicule ainsi qu' à lui payer la somme de 5 990 euro au titre de la restitution du prix de vente, la somme de 168 euro au titre des frais d'immatriculation, de 1 102,23 euro au titre des frais d'assurance, et la somme de 1 000 euro à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance.

Concluant au rejet de la demande, la SARL FK Car Styling a à titre subsidiaire proposé la reprise du véhicule à hauteur de 2 800 euro.

Par jugement du 25 mai 2011, le tribunal d'instance a considéré :

- qu'il résultait du rapport d'expertise de M. Grosz que le véhicule ne présentait pas de vice de structure apparent empêchant ou diminuant son usage, que M. Haettel avait parcouru plus de 40 000 km sans problème et continuait à utiliser son véhicule, et que la réparation d'un choc AVG largement antérieure à la vente ne présentait pas de caractère rédhibitoire ;

- que M. Haettel ne justifiait pas que la connaissance de cette réparation ait rendu le véhicule impropre à son usage ou qu'il ne l'aurait pas acquis ;

- que la simple affirmation péremptoire selon laquelle le véhicule serait dangereux pour la sécurité des usagers ne pouvait suffire à établir l'existence d'un vice rédhibitoire.

Le tribunal d'instance a rejeté les demandes de M. Haettel et l'a condamné à payer à la SARL FK Car Styling la somme de 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Haettel a régulièrement interjeté appel de ce jugement

Vu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de l'appelant M. Haettel reçues au greffe le 17 novembre 2011 tendant à l'infirmation du jugement déféré, à ce que la cour prononce la résolution de la vente portant sur le véhicule Peugeot 306, lui donne acte de ce qu'il s'engage à restituer le véhicule, condamne la SARL FK Car Styling à prendre en charge les frais de restitution du véhicule et la condamne à lui payer la somme de 5 990 euro correspondant à la restitution du prix, la somme de 168 euro au titre des frais d'immatriculation, la somme de 1 102,23 euro au titre des frais d'assurance, subsidiairement dise et juge que la SARL FK Car Styling a engagé sa responsabilité contractuelle en ce qu'elle a failli à son obligation d'information, et condamne la SARL FK Car Styling à lui payer la somme de 7 260,23 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ainsi qu'une somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de l'intimée la SARL FK Car Styling reçues au greffe le 2 février 2012 tendant à la confirmation du jugement déféré, subsidiairement à ce que la cour condamne M. Haettel à lui payer la somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts ainsi qu'une somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les pièces de la procédure ;

Attendu que M. Haettel fonde sa demande sur les dispositions de l'article 1641 du Code civil prévoyant que " le vendeur est tenu de la garantie des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ".

Attendu que pour justifier de l'existence d'un vice caché, M. Haettel se prévaut des conclusions de l'expertise amiable contradictoire de M. Quentric expert au centre d'expertise et de contrôle automobile, selon lesquelles le véhicule a subi des réparations de carrosserie en partie avant-gauche au niveau du passage de roues, du longeron et de la tôle de séparation entre le compartiment moteur et le bloc de chauffage, des traces anciennes d'ancrage du véhicule en partie avant des bas de caisse sont visibles et que selon l'avis de l'expert, un équerrage du demi-bloc avant gauche a été réalisé nécessitant des travaux sur marbre et banc de redressage ;

que l'expert indique que le véhicule présentait un dysfonctionnement du système de coussin gonflable et un jeu au niveau de l'essieu arrière, que ces deux points contribuaient à la sécurité et qu'il déduisait de l'ensemble de ses observations que le véhicule était dangereux en l'état pour la sécurité des usagers depuis le 15 mars 2008.

Attendu que pour résister à la demande, la SARL FK Car Styling produit pour sa part le rapport d'expertise amiable contradictoire de M. Grosz du Cabinet d'expertises automobiles Barth ;

Que l'expert notait des traces de réparation suite à un choc avant gauche mais indiquait que les traces d'ancrage à l'avant des bas de caisse uniquement et non à l'avant et à l'arrière ne correspondaient pas à un passage au marbre mais à un ancrage pour étirage des tôles et redressage ;

Que l'expert estimait que le véhicule ne présentait pas de vice de structure apparent empêchant ou diminuant son usage, et que M. Haettel avait parcouru plus de 40 000 km en un an et demi sans aucune arrière-pensée et continuait à utiliser celui-ci tous les jours ;

Qu'il en concluait que la réparation du choc AVG largement antérieur à la vente, ne présentait pas de caractère rédhibitoire, que seule l'absence d'information quant à une réparation de carrosserie antérieure pouvait être reprochée au vendeur, sans préjudice pour l'acheteur.

Attendu que les conclusions de l'expertise de M. Quentric procèdent d'un amalgame entre le défaut résultant du choc avant gauche subi par la carrosserie du véhicule dont M. Haettel n'avait pas connaissance lors de la vente, et deux désordres connus de lui puisqu'ils figuraient sur le contrôle technique remis à l'acheteur à savoir : " demi-train arrière: jeu mineur rotule ou articulation et coussin gonflable : détérioration ou témoin de mauvais fonctionnement allumé " ;

Que ces derniers désordres connus de l'acquéreur ne peuvent constituer des vices cachés lors de la vente et être invoqués au soutien d'une action en résolution de la vente ;

Qu'ainsi les conclusions de l'expert ne saurait être retenues en ce qu'elles indiquent que ces deux désordres contribuent à la sécurité, de sorte que le véhicule est dangereux en l'état pour la sécurité des usagers ;

Que s'agissant du seul désordre objet du litige, à savoir la réparation ancienne du véhicule suite à un choc avant gauche, l'expert n'indique pas en quoi les réparations anciennes effectuées sur le véhicule, dont la qualité n'a pas été discutée, seraient de nature à compromettre la sécurité des usagers.

Attendu que pour autant, le choc important subi par le véhicule ayant nécessité pour le moins un étirage et redressage des tôles sinon des travaux sur marbre, constitue un " défaut " grave qui n'a pas été révélé à l'acquéreur M. Haettel ;

que si ce défaut n'a pas empêché un usage normal de ce véhicule pendant plus d'un an et demi et le parcours de 40 000 km (au moment des deux expertises) pour autant, l'existence d'un choc grave subi par le véhicule est de nature à peser sur l'opinion que l'on se fait du véhicule et de sa fiabilité au moment de son achat et sur les perspectives de revente du véhicule, lesquelles participent de l'usage du véhicule au sens de l'article 1641 du Code civil ;

Qu'il doit en être déduit qu'à l'évidence si M. Haettel avait eu connaissance du choc subi par le véhicule, il ne l'aurait pas acquis ou n'en aurait donné qu'un prix moindre, ce dont témoigne sa réaction lorsque ce défaut lui a été révélé et sa renonciation à la revente de son véhicule ;

Qu'il doit en être conclu que la SARL FK Car Styling doit sa garantie conformément aux dispositions de l'article 1641 du Code civil.

Attendu que M. Haettel a opté pour la résolution de la vente comme l'y autorise l'article 1644 du Code civil ;

Qu'au demeurant, ce choix correspond à la solution la plus adéquate en l'espèce, dès lors qu'il est légitime qu'en pareil contexte l'acquéreur n'ait pas à supporter l'aléa résultant de la revente du véhicule ;

Qu'ainsi, il y a lieu d'ordonner la résolution de la vente entre les parties et de donner acte à M. Haettel de ce qu'il s'engage à restituer le véhicule ;

que chacune des parties étant tenue à restitution, M. Haettel devra supporter les frais afférents à la restitution de son véhicule auprès de la SARL FK Car Styling.

Attendu que vendeur professionnel, la SARL FK Car Styling est censée avoir eu connaissance des vices de la chose, de sorte qu'elle est tenue à la restitution du prix mais aussi à d'éventuels dommages-intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1645 du Code civil ;

que cependant en considération de ce que M. Haettel a pu utiliser normalement son véhicule sans éprouver un réel trouble de jouissance jusqu'à ce que le défaut lui soit révélé, il n'y a pas lieu de condamner la SARL FK Car Styling au remboursement du prix de la carte grise et de la cotisation d'assurance qui précisément constituent les frais inhérents à l'usage habituel du véhicule.

Attendu que la SARL FK Car Styling a formé une demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts au titre de la dépréciation du véhicule en raison de son utilisation par l'acheteur.

Attendu cependant " qu'en matière de garantie des vices cachés, lorsque l'acquéreur exerce l'action rédhibitoire prévue par l'article 1644 du Code civile, le vendeur tenu de restituer le prix reçu, n'est pas fondé à obtenir une indemnité liée à l'utilisation de la chose vendue ou à l'usure résultant de cette utilisation " ;

que cette solution a été affirmée à maintes reprises par la cour de cassation (1ère chambre civile de la cour de cassation du 21 mars 2006 pourvoi n° 03-16.075 ; 30 septembre 2008 pourvoi n° 07-16.876 ), comme découlant nécessairement des dispositions de l'article 1644 du Code civil particulières à l'action rédhibitoire, visant la " restitution du prix " sans aucune considération pour la perte de valeur de la chose quel que soit le temps écoulé depuis la vente ;

Qu'ainsi, il y a lieu de débouter la SARL FK Car Styling de sa demande reconventionnelle tendant au paiement d'une somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts au titre de la dépréciation du véhicule.

Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. Haettel l'intégralité des frais non compris dans les dépens ;

Qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 800 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR : - Déclare l'appel recevable ; - Au fond le dit bien fondé et y fait droit ; - Infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau, - Prononce la résolution de la vente portant sur le véhicule Peugeot 306 immatriculé sous le numéro 118 BBF 67 ; - Donne acte à M. Haettel de ce qu'il s'engage à restituer le véhicule à la SARL FK Car Styling ; - Dit et juge que les frais de cette restitution sont à la charge de M. Haettel ; - Condamne la SARL FK Car Styling à payer à M. Haettel la somme de 5 990 euro (cinq mille neuf cent quatre-vingt-dix euro) correspondant à la restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ; - Déboute M. Haettel de sa demande au titre des frais d'immatriculation et de cotisation d'assurance ; - Déboute la SARL FK Car Styling de sa demande reconventionnelle tendant au paiement d'une indemnité pour dépréciation du véhicule.