Livv
Décisions

CA Chambéry, 2e ch., 3 mai 2012, n° 11-00808

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bugnon

Défendeur :

Coulomb

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme De la Lance

Conseillers :

M. Allais, Mme Mertz

Avocats :

SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, SCP Forquin Remondin, SELARLU Levanti, SELARL Rebotier Rossi & Associés

TI Thonon-les-Bains, du 21 déc. 2010

21 décembre 2010

Monsieur Franck Coulomb a mis en vente sur internet un véhicule 4x4 de marque Kaiser Jeep et de type wagoneer année 1969.

Par courrier électronique du 26 mai 2009, une amie, Madame Nathalie Bugnon lui a fait connaître son accord pour acquérir ledit véhicule au prix de 9 600,00 euro.

Madame Nathalie Bugnon a versé trois acomptes, à savoir :

. 2 000,00 euro le 2 juin 2009,

. 2 000,00 euro le 1er juillet 2009

. un dernier acompte de 500,00 euro le 1er août 2009, le solde devant être financé au moyen d'un crédit.

Madame Nathalie Bugnon, avec l'accord du vendeur, a pris néanmoins possession du véhicule bien que le prix n'ait pas été intégralement payé.

Le 13 septembre 2009, le solde du prix n'ayant toujours pas été acquitté, Monsieur Franck Coulomb a repris le véhicule.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 octobre 2009, Madame Nathalie Bugnon a fait savoir à Monsieur Franck Coulomb qu'elle renonçait à la vente et l'a mis en demeure de lui restituer les acomptes versés.

Par courrier électronique du 27 octobre 2009 Monsieur Franck Coulomb s'est opposé à cette restitution et a sollicité le paiement du solde du prix.

Par acte d'huissier de justice du 7 décembre 2010, Madame Nathalie Bugnon a alors fait assigner Monsieur Franck Coulomb devant le tribunal d'instance de Thonon les Bains à l'effet de voir prononcer la résolution de la vente sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, aux motifs que le vendeur avait enlevé le différentiel l'empêchant d'utiliser le véhicule en quatre roues motrices et qu'elle avait été dans l'obligation d'effectuer diverses réparations. Elle demandait également la restitution de divers équipements lui appartenant.

Par jugement du 21 décembre 2010, le tribunal d'instance de Thonon les Bains a :

- débouté Madame Nathalie Bugnon de sa demande en résolution de la vente,

- débouté Madame Nathalie Bugnon de ses demandes tendant à se voir restituer la somme de 4 500,00 euro au titre des acomptes versés et la somme de 1 620,00 euro au titre des investissements réalisés sur le véhicule,

- condamné Madame Nathalie Bugnon à payer à Monsieur Franck Coulomb la somme de 5.100,00 au titre du solde du prix de vente, à charge pour le vendeur de lui remettre le véhicule,

- débouté Monsieur Franck Coulomb de sa demande au titre des frais de gardiennage,

- débouté Monsieur Franck Coulomb de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné Madame Nathalie Bugnon à lui payer une indemnité de 500,00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 1er avril 2011, Madame Nathalie Bugnon a interjeté appel de la décision.

Par conclusions récapitulatives du 29 juin 2011, elle demande à la Cour, aux visas des articles 1116, 1641, 1184 et 1915 du Code civil, de :

- réformer le jugement dans toutes ses dispositions,

- prononcer la résolution de la vente et ordonner la restitution de la somme de 4 500,00 euro au titre des acomptes versés,

- condamner Monsieur Franck Coulomb à lui payer la somme de 1 861,55 euro et de 2 000,00 euro à titre de dommages et intérêts pour la privation de jouissance,

- ordonner la restitution sous astreinte de 100,00 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt :

. d'une tente Quechua,

. de deux tapis de sol,

. d'un autoradio avec Bluetooth,

. d'une lampe baladeuse portable,

. d'un jerricane de 20 litres,

. de sangles,

. d'un chargeur compresseur batterie pneus,

. d'un fauteuil tissu pliable,

- condamner Monsieur Franck Coulomb à lui payer une indemnité de 2 000,00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SCP Forquin-Remondin, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

A l'appui de son appel, elle expose qu'elle a fait l'acquisition d'un véhicule 4x4 et qu'en réalité elle s'est aperçue à l'utilisation et lors du contrôle technique que ce véhicule ne disposait pas de cette fonction dans la mesure où il n'était pas muni de transmission avant.

Elle indique également que le contrôle technique a mis en évidence l'absence de frappe à froid sur le châssis, ce qui fait que non seulement elle ne peut pas être sûre de l'origine du véhicule mais que surtout une telle absence provoque obligatoirement une interruption du contrôle technique.

Elle estime en conséquence que le véhicule acheté présentant un vice caché, antérieur à la vente, elle est bien fondée à demander la résolution de celle-ci et la restitution des sommes versées.

A titre subsidiaire, si par impossible la Cour ne retenait pas l'action fondée sur les vices cachés, elle demande la nullité de la vente pour vice du consentement, dans la mesure où Monsieur Franck Coulomb, qui était un ami, lui a sciemment caché lors de la vente, les vices dont étaient affectés le véhicule, un tel comportement étant alors constitutif d'un dol.

Au titre de ses préjudices, elle rappelle qu'elle a effectué pour 1 861,55 euro de réparations sur le véhicule et qu'ayant été par la suite privée du véhicule abusivement conservé par Monsieur Franck Coulomb, elle est également fondée à demander des dommages et intérêts complémentaires à hauteur de 2 000,00 euro pour cette perte de jouissance.

Elle demande enfin par application de l'article 1915 du Code civil la restitution de ses objets personnels qui se trouvaient dans la jeep.

De son côté, par conclusions récapitulatives du 29 août 2011, Monsieur Franck Coulomb a formé un appel incident et demande à la Cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement et condamner Madame Nathalie Bugnon à lui payer le solde du prix de vente, soit la somme de 5 100,00 euro outre intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2010 contre restitution du véhicule,

A titre subsidiaire si la résolution de la vente est prononcée :

- condamner Madame Nathalie Bugnon à lui restituer le véhicule automobile équipé d'un pot d'échappement conforme aux indications du constructeur, équipé de 4 roues route à liseré blanc, avec un tableau de bord réparé, ainsi qu'il en était au jour de la livraison, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous peine d'une astreinte de 100,00 euro par jour de retard,

- condamner Madame Nathalie Bugnon à lui payer une somme de 4 500,00 euro à titre d'indemnisation pour l'usure du véhicule,

- ordonner la compensation entre la somme due par Madame Nathalie Bugnon au titre de l'indemnisation et celle due par lui au titre de la restitution des acomptes,

En toute hypothèse :

- condamner Madame Nathalie Bugnon à lui payer une indemnité de 2 000,00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SCP Bollonjeon - Arnaud - Bollonjeon, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Il indique que la frappe à froid sur le châssis n'est obligatoire que sur les véhicules mis en circulation depuis 1981, ce qui n'est pas le cas du véhicule JEEP qui date de 1969.

Pour ce qui est de l'absence de transmission avant, il indique que ce véhicule n'est pas équipé d'un 4x4 permanent, qu'il faut obligatoirement placer un arbre de transmission pour rouler en quatre roues motrices, la pose ou la dépose de cet arbre de transmission se faisant simplement et rapidement manuellement.

Il fait valoir que c'est en réalité suite à la modification opérée par Madame Nathalie Bugnon sur le pot d'échappement qu'il est devenu impossible de placer cet arbre de transmission, que cette impossibilité de rouler en quatre roues motrices étant le fait de l'acquéreur, elle ne peut en conséquence demander la résolution de la vente pour vice caché.

Il indique que les objets réclamés ont été restitués en juin 2010.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 février 2012.

Sur quoi, LA COUR :

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées et régulièrement communiquées.

Sur la demande de résolution de la vente :

Attendu qu'il est constant que le 26 mai 2009, date de son courrier électronique d'acceptation, Madame Nathalie Bugnon a fait l'acquisition d'un véhicule automobile de marque Kaiser-Jeep, modèle Séries J-100, finitions Wagoneer et immatriculé pour la première fois le 11 juillet 1969 au prix de 9 600,00 euro à la suite d'une annonce parue sur internet ;

Attendu que Madame Nathalie Bugnon sollicite la résolution de la vente tant sur le fondement des vices cachés que sur celui des vices du consentement ;

Attendu que conformément à l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui en diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande de résolution du contrat, Madame Nathalie Bugnon invoque l'absence de frappe à froid sur le châssis du véhicule et un défaut de transmission avant empêchant l'utilisation du véhicule en quatre roues motrices, défauts qui auraient été décelés lors du contrôle technique effectué le 27 octobre 2009 alors même qu'elle avait déjà pris possession du dit véhicule dès le mois de juin 2009, ainsi que cela résulte des pièces versées aux débats ;

Attendu que l'obligation concernant la frappe à froid sur le châssis n'est obligatoire que pour les véhicules mis en circulation depuis 1981 et ce conformément à la Circulaire Technique CT 08-2010 du 3 décembre 2010 portant application des modifications de l'arrêté du 18 juin 1991 applicables au 1er janvier 2011 ;

Qu'il résulte d'ailleurs du manuel d'instruction technique des transports du 23 mars 2011, que les véhicules dont la première mise en circulation date de plus de 30 ans au jour du contrôle ne doivent faire l'objet d'aucune contre visite pour le défaut portant sur l'absence de frappe à froid, ces défauts ne devant d'ailleurs pas être mentionnés lors du contrôle ;

Attendu que le véhicule Kaiser-Jeep ayant été immatriculé pour la première fois le 11 juillet 1969, il n'existait en conséquence aucune obligation légale ou réglementaire de procéder à la frappe à froid sur le châssis moteur du véhicule ;

Que l'absence de cette frappe à froid n'est donc pas constitutive d'un vice caché ;

Attendu que le véhicule vendu, est un véhicule Jeep de type Wagoneer datant de 1969 ;

Que conformément aux documents techniques versés aux débats, il s'agit d'un véhicule 4x4 non permanent, dans la mesure où il n'existe pas de différentiels entre le pont avant et le pont arrière, le véhicule en utilisation normale étant un véhicule à propulsion deux roues motrices ;

Qu'il est nécessaire d'installer un arbre de transmission aux roues avant pour l'utilisation en 4x4 ;

Attendu que le contrôle technique réalisé le 5 avril 2006 ne fait nullement mention d'une absence de ce mécanisme ;

Attendu qu'il est justifié à l'inverse que Madame Nathalie Bugnon a fait procéder à la modification de l'échappement du véhicule en juillet 2009 (facture Burgisser du 10 juillet 2009 ) ;

Attendu qu'il résulte de l'attestation du garage ATS du 20 juillet 2011, que le montage de l'arbre de transmission avant sur le véhicule est devenu impossible du fait d'un col de cygne d'échappement non conforme ;

Attendu que dès lors l'impossibilité d'installer l'arbre de transmission aux roues avant pour une utilisation du véhicule en quatre roues motrices résultant d'une modification non conforme effectuée par l'utilisatrice, celle-ci ne peut en conséquence invoquer un quelconque vice caché ;

Attendu que conformément à l'article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ;

Qu'il appartient à Madame Nathalie Bugnon de rapporter la preuve de ces manœuvres dolosives ;

Attendu qu'en l'espèce, comme indiqué précédemment, la frappe à froid ne relevait d'aucune obligation légale ou réglementaire compte tenu de la date de mise en circulation du véhicule, que Monsieur Franck Coulomb n'avait donc aucune obligation particulière à respecter et n'était nullement tenu à informer l'acheteuse de l'absence de cette frappe à froid ;

Attendu qu'en ce qui concerne l'utilisation du véhicule en mode 4x4, Madame Nathalie Bugnon ne rapporte pas la preuve que le véhicule en était dépourvu et qu'il ne fonctionnait pas avant la transformation qu'elle a elle-même opérée sur le pot d'échappement ;

Qu'il convient dès lors et pour l'ensemble de ces raisons de confirmer le jugement qui a débouté Madame Nathalie Bugnon de sa demande de résolution de vente ;

Attendu que conformément à l'article 1134 du Code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ;

Attendu que la vente étant confirmée, il convient de faire droit à la demande de Monsieur Franck Coulomb tendant au paiement du solde du prix, à charge pour le vendeur une fois le prix payé de restituer le véhicule ;

Que le jugement ayant condamné Madame Nathalie Bugnon à payer à Monsieur Franck Coulomb la somme de 5 100,00 euro à ce titre sera donc confirmé ;

Attendu que les intérêts au taux légal sont dus à compter du 21 décembre 2010, date du jugement de première instance, en l'absence de sommation ou de mise en demeure préalable du créancier ;

Sur la demande de restitutions des objets :

Attendu que Madame Nathalie Bugnon ne justifie pas que Monsieur Franck Coulomb soit toujours en possession des objets dont elle demande la restitution sous astreinte, qu'elle sera en conséquence déboutée de ce chef de demande ;

Sur la demande en dommages et intérêts pour privation de jouissance :

Attendu que Madame Nathalie Bugnon ne peut invoquer une privation de jouissance du véhicule et une retenue abusive de celui-ci par Monsieur Franck Coulomb, alors qu'elle ne s'est pas acquittée de la totalité du prix de vente et qu'elle a par ailleurs pris l'initiative de demander la résolution de la vente pour vices cachés par lettre recommandée du 27 octobre 2009 ;

Qu'elle sera en conséquence déboutée de ce chef de demande ;

Sur la demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en instance d'appel.

Attendu que Madame Nathalie Bugnon succombant à ses prétentions, elle sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs : - LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, - Confirme le jugement du 21 décembre 2010 du Tribunal d'instance de Thonon les Bains dans toutes ses dispositions, - Y ajoutant, - Dit que les intérêts au taux légal sur la somme de 5 100,00 euro au titre du solde du prix de vente sont dûs à compter du 21 décembre 2010, - Déboute Madame Nathalie Bugnon de sa demande de restitution des objets sous astreinte retenus par Monsieur Franck Coulomb, - Déboute Madame Nathalie Bugnon de sa demande à titre de dommages et intérêts pour privation de jouissance.