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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. sect. 1, 10 avril 2012, n° 10-01518

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etablissements Ginesta Yam Service (SARL)

Défendeur :

Bouyrie, Kierzkowski, Yamaha Motor France (SA), PreviFrance Mutualité, RSI(Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Moulis

Conseillers :

M. Poque, M. Baïssus

Avocats :

SCP Cantaloube-Ferrieu Cerri, SCP Dessart Sorel Dessart, SCP Malet, SCP Cottin-Simeon-Margnoux, SCP Courtois-Finkelstein, SCP Rives-Podesta, SCP Camille & Associés, Me Cohen-Drai

TGI Toulouse, du 22 févr. 2010

22 février 2010

Le 18 septembre 2006, Monsieur Serge Bouyrie a acquis un quad auprès de Monsieur Stanislas Kierzkowski. Cette vente au eu lieu avec le concours de la société Yam Service qui est intervenue pour effectuer le changement de carte grise et les formalités d'assurance.

Ce quad avait été acheté par Monsieur Stanislas Kierzkowski auprès de la société Yam Service le 8 avril 2005.

Le 20 janvier 2007, Monsieur Serge Bouyrie qui roulait sur un chemin forestier a perdu le contrôle de son engin et a été sérieusement blessé dans cet accident.

Les experts des compagnies d'assurance de la victime et de la société Yamaha Motor France ont examiné contradictoirement le quad en juillet 2007 et déposé leurs rapports d'expertise.

Le juge des référés, par ordonnance du 31 juillet 2008 a débouté Monsieur Serge Bouyrie de ses demandes dirigées contre la société Yam Service sur le fondement de son devoir de conseil.

Par actes en date des 1er août et 8 septembre 2008, Monsieur Serge Bouyrie a fait citer devant le Tribunal de grande instance de Toulouse la société Yam Service, Monsieur Stanislas Kierzkowski, la société Yamaha Motor France et la société PreviFrance Mutualite au visa des articles 1382, 1615 et 1641 du Code civil en déclaration de responsabilité et indemnisation de ses préjudices.

Par jugement en date du 22 février 2010, le Tribunal de grande instance de Toulouse a, avec exécution provisoire :

- condamné in solidum la société Yam Service et la société Yamaha Motor France à payer à Monsieur Serge Bouyrie :

* la somme de 2 806,39 euro en réparation de son préjudice matériel,

* une provision de 4 000 euro sur l'indemnisation de son préjudice corporel,

* la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- enjoint à Monsieur Bouyrie de produire des justificatifs complémentaires de son préjudice professionnel,

- débouté les parties de toutes leurs demandes contre Monsieur Stanislas Kierzkowski,

- condamné in solidum la société Yam Service et la société Yamaha Motor France à payer à Monsieur Kierzkowski la somme de 1 196 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Yamaha Motor France à relever et garantir la société Yam Service de 10 % des condamnations prononcées au bénéfice de Monsieur Bouyrie,

- condamné la société Yam ServiceS à relever et garantir la société Yamaha Motor France de 90 % des condamnations prononcées au bénéfice de Monsieur Bouyrie,

- avant dire droit sur l'indemnisation du préjudice corporel de Monsieur Bouyrie, ordonné une expertise médicale.

Par déclaration en date du 22 février 2010, la SARL des Ets Ginesta - Yam ServiceS a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions du 12 juillet 2011, la société Yam Service sollicite:

Au principal,

- de juger que le véhicule n'était pas atteint de vices cachés au sens des articles 1648 et suivants du Code civil de fait de la modification mécanique essentielle opérée depuis la vente,

A titre subsidiaire, si la cour retenait l'existence d'un vice caché,

- de juger que Monsieur Bouyrie ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre le vice prétendument allégué et le sinistre,

- constater, à titre plus subsidiaire encore qu'il connaissait, avant la survenance de l'accident l'existence d'un vice susceptible d'affecter le véhicule litigieux,

- réformer en conséquence le jugement entrepris, juger que Monsieur Bouyrie est seul responsable de l'accident et le débouter de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire, si la cour entrait en voie de condamnation,

- condamner le constructeur, la société Yamaha Motor France, à la relever de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, en principal, frais et intérêts,

- condamner Monsieur Bouyrie au paiement de la somme de 5000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- le quad litigieux est un quad à usage agricole qui doit faire l'objet d'un entretien spécifique et que Monsieur Kierzkowski n'avait pas satisfait à l'obligation d'entretien qui était la sienne,

- lors de l'accident le quad avait été débridé, lui permettant de passer d'une vitesse homologuée de 25 km/h à 80 km/h,

- l'impropriété alléguée n'est que la conséquence d'une modification essentielle des éléments mécaniques et électroniques du quad d'origine et il n'y a pas de vice caché,

- les circonstances de l'accident ne reposent que sur les seules déclarations de Monsieur Bouyrie, qui ne rapporte pas la preuve que c'est la rotule de direction qui est à l'origine de la chute, alors même que c'est une vitesse excessive qui est à l'origine de l'accident,

- les parties sont en contradiction sur la nature de l'intervention sur l'engin le 19 janvier et il appartient au demandeur de rapporter la preuve de ce qu'il allègue,

- Monsieur Bouyrie n'est pas arrivé au guidon de son quad à la concession ce jour-là mais il est venu chercher une goupille, s'est renseigné sur les vices susceptible d'affecter les rotules de direction de son engin et un rendez-vous a alors été pris pour procéder aux vérifications,

-le constructeur avait engagé une campagne de rappel et en toute hypothèse sa responsabilité est engagée et elle doit être relevé et garantie par Yamaha Motor France.

Dans ses dernières conclusions du 13 octobre 2011, la société Yamaha Motor France sollicite :

- la réformation du jugement entrepris,

- de juger que sa responsabilité n'est pas engagée et que la société Yam Service est entièrement responsable à raison de sa faute personnelle,

Subsidiairement,

- de condamner la ste Yam Service à la relever et garantir de toutes condamnations mises à sa charge,

- de condamner la société Yam Service à lui payer la somme de 830,67 euro en remboursement des sommes payées à Monsieur Bouyrie en vertu du jugement du Tribunal de grande instance au titre de l'exécution provisoire,

- dire qu'en l'état Monsieur Bouyrie ne rapporte pas la preuve des préjudices matériels et corporels invoqués,

- de réformer le jugement en ce qu'il lui a alloué une somme de 2806,39 euro et une provision de 4 000 euro,

- de condamner la société Yam Service au paiement de la somme de 5 000 euro outre tous les dépens.

Elle fait valoir que :

-il est établi qu'elle a réalisé une campagne de rappel et d'information transmise à tous ses concessionnaires pour qu'ils procèdent au changement des rotules de direction de certains modèles de quad dont celui appartenant aujourd'hui à Monsieur Bouyrie,

- cette campagne constitue une information sur l'existence des vices et l'exercice de son devoir de mise en garde,

- Yam Service ne conteste pas avoir reçu cette mise en garde et au surplus elle a passé commande et reçu le kit de remplacement dont elle a supporté les frais,

- elle n'avait aucun moyen de se substituer à ce distributeur défaillant alors même qu'elle a tout fait pour informer le propriétaire de première main,

- elle doit être relevée et garantie par la société Yam Service de toute condamnation qui serait mise à sa charge,

- la réalité des préjudices subis par Monsieur Bouyrie n'est pas démontrée.

Dans ses conclusions du 2 mars 2011, Monsieur Stanilas Kierzkowski sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 1 196 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il fait valoir que :

- il avait acheté le quad le 19 mai 2005 auprès de la société Yam Service et sa revente à Monsieur Bouyrie s'est effectuée par l'intermédiaire de la SARL Yam Service,

- il n'a jamais été informé d'une quelconque défectuosité intrinsèque du véhicule affectant sa sécurité et rendant son utilisation dangereuse, alors qu'il l'a toujours soigneusement entretenu,

- les experts ont conclu que l'origine de l'accident était une défectuosité propre d'une des rotules de direction montées à l'origine sur l'engin,

- la société Yam Service, informée depuis octobre 2005 par la campagne de rappel de Yamaha Motor France de la nécessité impérative et immédiate de changer les rotules de direction sous peine d'accident, ne l'a jamais avisé alors qu'il s'est rendu à 5 reprises au moins dans ses locaux.

Dans ses dernières conclusions du 12 octobre 2012, Monsieur Serge Bouyrie demande la confirmation du jugement ainsi que la condamnation de tout succombant au paiement de la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il relève que la société Yam Service a déposé des conclusions d'appelant aux termes desquelles elle reprend mot à mot les conclusions de première instance, sans aucunement discuter la motivation du jugement.

Il affirme qu'il résulte des eux rapports d'expertise que l'accident est incontestablement dû à la rupture de la rotule avant gauche de la colonne de direction qui a désolidarisé la roue du système directionnel et qu'il a donc été causé par une déficience de l'engin qui constitue un vice caché.

Il soutient que la société Yam Service ne peut nier avoir été informée par le constructeur de la défectuosité des rotules puisqu'elle a commandé ces pièces auprès de Yamaha Motor France et qu'elle a facturé à cette société des frais de main d'œuvre relatifs à la réparation de ce quad ; qu'elle n'a jamais informé Monsieur Kierzkowski ni lui-même de la nécessité d'effectuer les réparations alors qu'elle a participé à la vente et qu'elle a donc a manqué à son obligation de conseil sur le fondement de l'article 1615 du Code civil. Subsidiairement, il déclare que la société devra être condamnée sur le fondement de l'article 1382 car elle a indiscutablement commis une faute en ne les informant pas de la dangerosité du quad.

Il déclare que les vies cachés étaient connus au moins de la société Yam Service et de la société Yamaha Motor France et qu'en tant que professionnels ils doivent être déclarés responsables sur le fondement de l'article 1641 du Code civil ainsi que Monsieur Kierzkowski, son vendeur sur le même fondement.

Enfin il conteste avoir eu un quelconque comportement fautif.

Bien que régulièrement assignées à personne habilitée, Prévifrance Mutualité et la RSI n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est en date du 24 octobre 2011.

MOTIFS DE LA DECISION

- sur les vices affectant le véhicule

Il appartient à Monsieur Bouyrie, demandeur à l'action en garantie des vices cachés de rapporter la preuve que le quad qu'il a acquis le 18 septembre 2006 était atteint de défauts cachés qui le rendent impropre à son usage ou qui en diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis.

Il résulte du rapport de l'expert Bessonne que la rupture de la rotule de direction gauche du quad est la cause de la perte de contrôle du véhicule et du sinistre de Monsieur Bouyrie ;

Le cabinet Gab Robins a également conclu que le faisceau d'indices techniques versés aux dossiers tend à privilégier comme origine de l'accident de quad dont Monsieur Bouyrie a été victime, une défectuosité propre d'une des rotules de direction montées à l'origine sur l'engin.

Cet expert a éliminé l'hypothèse d'un violent effort au niveau de la roue gauche ainsi que d'une éventuelle conduite dangereuse et les affirmations de la société Yam Service sur un éventuel débridage de l'engin ou son changement de destination ne sont étayées par aucun élément, les experts n'ayant rien constaté sur ce point.

Par ailleurs la société Yamaha Motor France a organisé en octobre 2005 une campagne de remplacement des rotules de direction sur les quads modèle KODIAK 150. Elle précisait sur le rapport qu'elle a adressé à ses concessionnaires que le vice affectant la rotule de direction pouvait entraîner une sortie de la rotule de son logement, ce qui nécessitait un remplacement obligatoire des rotules de direction des quads concernés par ce défaut.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le quad de Monsieur Bouyrie était atteint d'un désordre consistant en la non-conformité de la rotule de direction de la roue avant gauche qui n'était pas visible pour un acheteur normalement diligent. Il s'agit donc d'un vice caché qui rend le quad impropre à l'usage auquel on le destine, à savoir la circulation en terrain notamment accidenté.

Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, il est dans incidence que Monsieur Bouyrie ait eu connaissance quelques jours avant l'accident des défauts affectant le type de quad qu'il possédait alors qu'aucun élément du dossier ne démontre qu'il ait pu avoir connaissance de ce type de désordres au jour de la vente.

- sur les vendeurs tenus à garantie

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que chacun des vendeurs était tenu à garantie et que Monsieur Bouyrie n'avait eu aucun comportement fautif.

Monsieur Bouyrie ne sollicite que l'indemnisation de son préjudice matériel et corporel résultant de l'accident du 20 janvier 2007.

Il n'est pas contestable que la société Yamaha Motor France connaissait le vice dont le quad était affecté et elle doit être, sur le fondement de l'article 1645 du Code civil tenue de tous les dommages et intérêts envers l'acquéreur.

En ce qui concerne la société Yam Service, qui a servi d'intermédiaire dans la vente entre Monsieur Kierzkowski et Monsieur Bouyrie, elle avait également connaissance du vice. Elle avait vendu le quad à Monsieur Kierzkowski et avait été informé par Yamaha Motor France, en sa qualité de revendeur professionnel, des désordres affectant ce type d'engin.

La société Yam Service sera tenue, in solidum avec la société Yamaha Motor France de tous les dommages et intérêts envers Monsieur Bouyrie.

En ce qui concerne la demande de Monsieur Bouyrie à l'encontre de Monsieur KIERZKVSKI, aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'il connaissait le vice dont son quad était affecté, le courrier que lui a adressé Yamaha Motor France ne lui étant pas parvenu ( n'habite pas à l'adresse indiqué ) et Yam Service ne lui a jamais adressé d'information ou de demande d'avoir à lui présenter l'engin, alors qu'il était client et le faisait entretenir dans leur atelier ( cf factures des 31 octobre et 2 décembre 2006 ). Il est donc un vendeur de bonne foi qui n'avait pas connaissance du vice au moment de la vente et qui ne peut être condamné au paiement de dommages et intérêts.

- sur le montant de l'indemnisation

Le premier juge, en se fondant sur le rapport du cabinet Bessonne a justement évalué le préjudice matériel du demandeur, tant en ce qui concerne le montant des réparations que les dommages vestimentaires.

En ce qui concerne le préjudice corporel de la victime, les certificats médicaux versés aux débats démontrent qu'il a été victime d'une fracture de la clavicule droite suivie d'une période d'immobilisation et de soins. La provision, justement évaluée à la somme de 4 000 euro sera confirmée ainsi que la mesure d'expertise.

- sur les demande de garanties :

* de la société Yam Service

Monsieur Kierzkowski n'a pas eu connaissance du défaut affectant le quad qu'il a vendu à Monsieur Bouyrie et la société Yam Service ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre le prétendu non entretien de la machine et la survenance de l'accident. Par ailleurs cette société qui était représenté aux opérations d'expertise n'a jamais soulevé ce point.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Yam Service de sa demande de garantie à l'encontre de Monsieur Kierzkowski.

S'il n'est pas contestable que le vice affectant le quad qui constitue le vice caché à l'origine de l'accident est un défaut relevant du constructeur, la société Yamaha Motor France cette dernière a lancé une campagne d'information auprès de ses revendeurs dont Yam Service pour le remplacement des rotules de direction de certains types de véhicules et cette dernière a bien reçu ce courrier puisqu'elle a commandé les kit de remplacement correspondant au quad portant le numéro de série objet du litige.

La société Yam Service n'a jamais contacté le propriétaire de ce quad, alors que Yamaha Motor France lui avait communiqué le non de chacun des propriétaires de première main répertoriés dans ses registres, pour l'informer du désordre et lui proposer le remplacement, alors même qu'elle possédait la pièce. Elle a donc gravement manqué, en sa qualité de professionnel, à son obligation de conseil et de diligence et si elle avait effectué la réparation, l'accident ne se serait pas produit.

C'est donc à bon droit que le premier juge a estimé que la faute de Yam Service avait contribué à la réalisation du dommage à hauteur de 90 % et condamné la société Yamaha Motor France, constructeur et fournisseur de la pièce défectueuse à garantie à hauteur de 10 %.

* de la société Yamaha Motor France

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a condamné la société Yam Service à relever et garantir la société Yamaha Motor France des condamnations prononcées au bénéfice de Monsieur Bouyrie à hauteur de 90 %.

Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Par ces motifs - LA COUR, - Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.