Livv
Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 27 mars 2012, n° 11-00058

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Nissan West Europe (SAS)

Défendeur :

Cresta, Pigeon San (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Legras

Conseillers :

Mme Salmeron, M. Delmotte

Avocats :

SCP Dessart Sorel Dessart, SCP Boyer Gorrias, Me De-Lamy

TGI Toulouse, du 15 nov. 2010

15 novembre 2010

Le 15 juillet 2002 M. Jean-Paul Cresta, demeurant à Toulouse, faisait l'acquisition auprès du garage Nissan Motor Espana à Barcelone (Espagne) d'un véhicule automobile Nissan X TRAIL 2.2 VDI neuf.

Le 29 mai 2007 il confiait son véhicule au garage Nissan Pigeon, réparateur agrée à Merignac (33) en raison d'un bruit de moteur anormal. Il reprenait possession de son véhicule le 7 septembre 2007 après règlement d'une facture de 1 855,96 euro TTC.

Le 24 septembre 2007 le véhicule tombait en panne et était conduit au garage Cars Diffusion à Limoges qui trouvait de la limaille dans le circuit de carburant et préconisait le remplacement de toutes les pièces en contact avec le carburant.

Jean-Paul Cresta mandatait le cabinet d'expertise Midi-Pyrénées Expertise à Toulouse aux fins d'expertise amiable contradictoire du véhicule. Des représentants de la SARL Pigeon San et de la société Nissan France étaient présents aux opérations d'expertise. Le rapport en était déposé le 14 mai 2008, attribuant la cause des désordres d'une part à l'intervention défectueuse du garage Pigeon d'autre part concluant à la non-conformité de pièces (pompe à carburant et volant-moteur) présentant une usure anormale, et chiffrant le montant des réparations à un total de 23 346,70 euro.

A défaut d'obtenir un règlement amiable Jean-Paul Cresta, par actes des 9 et 12 décembre 2008, faisait assigner la SARL Pigeon San et la SAS Nissan West Europe devant le tribunal de grande instance de TOULOUSE aux fins de voir condamner la première à lui payer la somme de 10 352,81 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation au titre du coût des réparations rendues nécessaires par son intervention insuffisante, somme à actualiser en fonction du devis définitif des travaux, et la seconde à lui payer la somme de 10 710,12 euro avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2008 au titre du coût des réparations rendues nécessaires du fait de la non-conformité de la pompe à carburant et du volant-moteur, somme là encore à actualiser. Il demandait d'autre part leur condamnation solidaire à payer les sommes de 1 538,06 euro correspondant aux frais exposés du fait de la panne, 11 350 euro au titre de l'immobilisation du véhicule, arrêtée au 1er novembre 2009, et 15 euro par jour à compter du 2 novembre 2009 outre 3 000 euro pour préjudice moral.

La SARL Pigeon San confirmait son accord pour supporter le coût de remplacement du moteur soit la somme de 10 352,80 euro et concluait au débouté pour le surplus. La SAS Nissan West Europe concluait au débouté et, subsidiairement, à la réduction des sommes demandées et à l'organisation d'une expertise.

Par jugement du 15 novembre 2010 le tribunal a :

' Condamné la SARL Pigeon San à payer à Jean-Paul Cresta la somme de 10 352,81 euro avec actualisation en fonction de l'indice INSEE entre le 14 mai 2008 et le 15 novembre 2010 et intérêts au taux légal sur la somme actualisée à compter de cette date, ainsi que la somme de 31,10 euro avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2010;

' Condamné la SAS Nissan West Europe à payer à Jean-Paul Cresta la somme de 10 710,12 euro avec la même actualisation et application des intérêts au taux légal;

' Condamné in solidum les sociétés Pigeon San et Nissan West Europe à payer au même la somme de 8 250 euro avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2010 ainsi que 650 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Nissan West Europe a interjeté appel de ce jugement le 7 janvier 2011. Elle a conclu en dernier lieu le 29 juillet 2011 à l'infirmation sur les dispositions la concernant avec la mise hors de cause et le débouté des autres parties de leurs demandes à son encontre et elle demande la condamnation de Jean-Paul Cresta à lui payer 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle fait valoir :

' Que le véhicule en cause, acquis en Espagne, n'est jamais passé par son réseau de distribution, elle est étrangère à la chaîne des ventes dont il a fait l'objet, n'est pas représentante du constructeur ni une filiale et est donc sans aucun lien de droit avec Jean-Paul Cresta;

' Que le rapport d'expertise privé sur lequel celui-ci se fonde ne remplit pas les conditions d'impartialité et d'objectivité pour lui être valablement opposé et la preuve d'un défaut préexistant à la vente du véhicule n'est pas rapportée;

' Que la garantie contractuelle du constructeur était échue depuis juillet 2005 et les conditions de mise en œuvre de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies;

' Que la preuve des préjudices invoqués n'est pas rapportée;

' Que Jean-Paul Cresta bénéficie d'un contrat de protection juridique auprès de l'Automobile Club du Midi qui a assumé tous les frais de la présente procédure et qui n'y est pas présent.

Jean- Paul Cresta, intimé et appelant incident, a conclu le 15 juillet 2011 à la confirmation du jugement sauf à ce qu'il soit fait droit à sa demande de condamnation in solidum des deux sociétés à lui rembourser l'intervention du garage Reagroup Nsn France soit 1 506,96 euro. Il demande la condamnation des deux sociétés à lui payer la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Il répond :

' Que la SARL Pigeon San qui n'a pas contesté sa responsabilité doit régler l'entier préjudice en résultant, y compris l'immobilisation du véhicule;

' Que l'expert a établi que l'usure anormale de la pompe à carburant et du volant-moteur à l'origine des dépôts de limaille ne pouvait provenir que d'un défaut de fabrication répondant à la définition du vice caché, ces constatations étant opposables à Nissan France qui a assisté aux opérations et n'a produit aucun avis technique contraire;

' Que Nissan West Europe est le distributeur en France des véhicules de la marque, filiale du constructeur Nissan Motor co Ltd, tous les distributeurs devant conformément au droit communautaire assurer la garantie et les services de réparation et d'entretien quel que soit leur lieu d'achat dans le marché commun;

' Qu'elle assume en tant que représentant du constructeur les obligations de celui-ci et elle a pu dans le cadre de l'expertise le qualifier de client;

' Qu'il justifie avoir acquitté les frais d'intervention du garage Reagroup dont il demande remboursement.

La SARL Pigeon San, intimée et appelante incidente, a conclu le 6 juin 2011 à l'infirmation du jugement sur sa condamnation au titre de l'immobilisation du véhicule. Elle demande 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle précise :

' Que suite à l'expertise amiable elle a accepté de prendre en charge la remise en état de l'entier moteur chiffrée par l'expert à la somme de 10 352,81 euro TTC;

' Que c'est en raison du refus de Nissan West Europe de prendre en charge le remplacement des pièces usées prématurément que les réparations n'ont pu être effectuées et que le véhicule a été longuement immobilisé;

' Que la facture de 1 506,96 euro correspondant au remplacement bielle piston et injecteur ne peut être mise supplémentairement à sa charge.

MOTIFS ET DECISION

' Sur la responsabilité de la SARL Pigeon San :

La SARL Pigeon San a procédé entre juin et septembre 2007 sur le véhicule de M.Cresta en qualité de réparateur agrée de la marque Nissan à une intervention mécanique ayant consisté dans le remplacement d'un injecteur, d'un piston et d'une bielle. Il est ressorti de l'expertise dont elle ne conteste ni le caractère contradictoire à son égard ni les conclusions que le remplacement de ces pièces aurait nécessité le remplacement de tous les coussinets de bielle, son intervention n'ayant été conforme ni aux règles de l'art ni aux préconisations du constructeur, et l'expert a chiffré le montant des réparations aux sommes de 10 352,81 euro imputable à Pigeon San et de 10 710,12 euro imputable à Nissan France, nom commercial de la SAS Nissan West Europe.

La SARL Pigeon San ne conteste pas sa responsabilité sur le fondement contractuel et a dès la première instance accepté de s'acquitter de la somme de 10 352,81 euro correspondant au coût du remplacement du bloc moteur évalué par l'expert, elle a été condamnée sur cette base et elle ne forme appel incident que sur sa condamnation au titre de l'immobilisation du véhicule.

Le premier juge a fixé sur ce point une indemnité de 8 000 euro calculée sur une base de 250 à 300 euro par mois sur environ deux ans qui n'est pas discutée par les parties. La SARL Pigeon San considère en revanche que le véhicule n'a été longuement immobilisé que du fait du refus de Nissan West Europe de prendre en charge les frais lui revenant.

Il s'avère cependant qu'aucune somme n'a été versée à ce titre avant la signification du jugement comportant exécution provisoire et la SARL Pigeon San est au même titre que pourrait l'être Nissan West Europe responsable de l'immobilisation du véhicule.

Jean-Paul Cresta demande la condamnation des deux sociétés à lui payer la somme de 1 506,96 euro TTC montant d'une facture du 29 septembre 2008 du garage Reagroup NSN de Ramonville-Saint-Agne (31) représentant des frais de recherche de panne et d'intervention. Dès lors qu'il s'agit de frais induits par la panne du 24 septembre 2007 et qu'il est justifié que cette facture a été acquittée il sera fait droit à la demande à l'encontre de la SARL Pigeon San, ce par réformation.

' Sur la responsabilité de la SAS Nissan West Europe :

La SAS Nissan West Europe dénie le caractère impartial et objectif, sinon contradictoire, des opérations d'expertise amiable auxquelles elle était représentée et dont elle n'a pas à l'époque remis en question les conclusions, faisant le 3 octobre 2007 à Jean-Paul Cresta une offre qualifiée de commerciale de règlement d'une somme de 1 850 euro TTC correspondant au remplacement de la pompe à injection. Pour autant il ne peut être conclu à une reconnaissance de responsabilité, celle-ci ayant au contraire été expressément contestée dès le 12 août 2008 (courrier de Nissan West Europe à l'Automobile Club du Midi).

Le premier juge a considéré qu'elle était toujours intervenue à la procédure en assumant le rôle du constructeur du véhicule alors qu'elle savait qu'il avait été acheté en Espagne, et qu'il résultait des pratiques habituelles en matière de distribution commerciale automobile qu'en tant que filiale du constructeur elle représentait celui-ci en France en assumant les garanties encourues.

Il est ressorti de l'expertise amiable, dont les conclusions ne sont pas utilement contestées, que la destruction du moteur du véhicule avait pour cause d'une part l'insuffisance des réparations effectuées par Pigeon San, de la responsabilité de celle-ci, d'autre part la non-conformité de deux pièces distinctes du bloc moteur (pompe à injection et volant moteur) présentant une usure prématurée anormale et devant être changées avec les éléments du circuit de carburant détériorés par les dépôts de limaille métallique provenant de l'usure prématurée de la pompe.

La responsabilité de cette non-conformité ne peut être recherchée que sur le fondement de la garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du code civil dans la mesure où la non-conformité des pièces en cause provenait d'un vice de fabrication et préexistait à la vente du véhicule.

Or la garantie des vices cachés, à supposer les conditions d'exercice de l'action réunies, n'est due que par le vendeur du véhicule, ce que n'est pas la SAS Nissan West Europe qui n'est pas davantage importateur dudit véhicule et qui n'a vocation à représenter le constructeur que dans le cadre des garanties contractuelles consenties par celui-ci et de la couverture des services de réparation et d'entretien effectués dans le cadre du réseau aux termes d'accords commerciaux habituels en matière de commerce automobile.

La SAS Nissan West Europe doit donc être déclarée hors de cause, là encore par réformation.

Il n'y a pas lieu de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs - LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, - Infirme le jugement en ce qu'il a prononcé condamnation à l'encontre de la SAS Nissan West Europe et la Déclare hors de cause; - Confirme pour le surplus sauf à faire droit à la demande de Jean-Paul Cresta de condamnation de la SARL Pigeon San au paiement de la somme de 1 506,96 euro; - Deboute les parties de leurs demandes contraires et plus amples.