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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. B, 16 mars 2012, n° 11-00955

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Schall

Défendeur :

Etoile 90 Holding (SAS), Etoile 90 Services (SAS), Automobiles Citroen (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leiber

Conseillers :

Mme Schirer, M. Daeschler

Avocats :

SELARL Arthus, Me Crovisier, Wetzel, Feuerbach

TGI Strasbourg, du 14 déc. 2010

14 décembre 2010

En date du 28 novembre 2006 M. Pierre Schall a acquis auprès de la SAS Etoile 90 Holding un véhicule d'occasion Citroën C4 pour un prix de 15 000 euro. Ce véhicule étant tombé en panne en janvier 2007 M. Schall a fait établir deux rapports d'expertise, l'un le 17 mai 2007 par l'expert privé M. Barth et le second le 20 octobre 2007 par l'expert judiciaire M. Houzelle désigné en référé.

Invoquant à la fois la garantie contractuelle du vendeur et l'existence d'un vice caché, M. Schall a fait assigner le 20 avril 2009 les Sociétés Etoile 90 Holding et Etoile 90 Services, tout en ne déposant des conclusions qu'à l'encontre de la première citée.

Par jugement du 14 décembre 2010 le Tribunal de grande instance de Strasbourg a relevé qu'en sollicitant des dommages et intérêts comprenant le prix d'acquisition du véhicule et en s'engageant à restituer ce véhicule dès paiement de l'indemnité, M. Schall concluait implicitement mais nécessairement à la résolution de la vente, ce qui n'entrait pas dans le champ d'application de la garantie contractuelle, au demeurant expressément exclue pour un dysfonctionnement des injecteurs de gazole,

- que d'autre part l'expertise judiciaire n'a pas permis de déterminer l'origine de la panne et notamment son antériorité par rapport à la vente, sa cause pouvant selon l'expert provenir d'un approvisionnement par du gazole pollué.

Le tribunal a en conséquence débouté M. Schall de ses fins et conclusions en le condamnant aux frais et dépens, y compris ceux de la procédure de référé - expertise, a déclaré que la Société Etoile 90 Services, contre laquelle aucune demande n'avait été formée, était irrecevable en son appel en garantie, a constaté que celui formé par la Société Etoile 90 Holding était sans objet et a condamné ces deux sociétés en solidum à payer à la SA Automobiles Citroen, outre les dépens de leur appel en garantie, une somme de 1 600 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 18 février 2011 M. Pierre Schall a interjeté appel de ce jugement.

Selon conclusions récapitulatives du 27 septembre 2011 M. Schall, se référant aux rapports d'expertise du Cabinet Barth et de M. Houzelle, soutient que la panne et les dommages occasionnés au moteur sont en relation directe avec un dysfonctionnement du système d'injection, lié à un défaut du capteur de pression d'huile enregistré peu avant la panne dans la mémoire du calculateur moteur,

- qu'il s'agit d'un vice caché préexistant, puisque Citroen a rappelé les véhicules de même modèle en septembre 2007 pour une mise à jour du logiciel de ce calculateur et avait en l'espèce spontanément proposé de prendre en charge 75 % des frais de réparation avant de se rétracter eu égard au fait que la Société Etoile 90 Services avait elle-même fourni une garantie.

Il conclut à titre principal à la résolution de la vente et à la condamnation de la Société Etoile 90 Holding à lui rembourser le prix de 15 000 euro et à lui verser la somme de 16 693,31 euro à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, la défenderesse devant faire son affaire de la récupération du véhicule auprès du concessionnaire Citroen à Strasbourg.

Subsidiairement, se prévalant également de la garantie contractuelle de la Société Etoile 90 Services, il conclut à la condamnation in solidum des deux Sociétés Etoile 90 Holding et Services à lui payer la somme de 31 693,31 euro à titre de dommages et intérêts, en tant que de besoin après nouvelle expertise.

Il sollicite en outre la condamnation de la Société Etoile 90 Holding aux entiers frais et dépens et au paiement d'une somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que la condamnation de la Société Etoile 90 Services à lui payer la somme de 1 000 euro au même titre.

Par conclusions du 21 juin 2011 la Société Etoile 90 Services demande de constater qu'aucune conclusion n'est prise à son encontre (ce qui est inexact au vu des dernières conclusions déposées par l'appelant) et sollicite une indemnité de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Société Etoile 90 Holding conclut à la confirmation du jugement et sollicite une indemnité de procédure de 2 000 euro.

Elle fait valoir que les deux experts n'ont pas fourni de réponse claire et certaine sur l'origine de la panne, si ce n'est qu'elle est liée à un dysfonctionnement d'un injecteur dont l'antériorité à la vente n'est pas démontrée,

- que la garantie contractuelle ne pouvait pas non plus s'appliquer en-dehors du réseau Mercédes-Benz, qu'en outre cette garantie était exclue pour les injecteurs et qu'en tout état de cause elle ne couvrait que les frais de réparation et non le remboursement du prix d'achat et autres dommages et intérêts.

Par conclusions récapitulatives du 9 novembre 2011 la SAS Automobiles Citroen conclut à l'irrecevabilité des demandes dirigées contre elle (sic), à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelant aux dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 11 janvier 2012 ;

Vu le dossier de la procédure et les documents annexes versés aux débats ;

Attendu que selon facture du 28 novembre 2006 la Société Etoile 90 Holding a vendu à M. Pierre Schall un véhicule d'occasion de marque Citroen, type C4 HDI 2.0, affichant 44 200 kms, pour un prix de 15 000 euro avec une garantie Etoile de 12 mois ;

Attendu qu'après six semaines d'utilisation, ce véhicule est définitivement tombé en panne, le moteur étant hors d'usage ;

Attendu que la garantie Etoile, apparemment non souscrite par le garage vendeur, étant restée sans effet, M. Schall a été contraint de déposer son véhicule auprès du concessionnaire Citroen ;

Attendu que malgré des pourparlers entre le Garage Citroen et le Garage Etoile 90 (Mercedes) et diverses propositions de prise en charge partielle par l'un et l'autre, M. Schall n'a pas réussi à obtenir satisfaction, son véhicule n'ayant jamais été réparé, observation faite qu'au surplus ces frais de réparation atteignaient sinon dépassaient sa valeur vénale ;

Attendu qu'après deux expertises, l'une amiable mais diligentée contradictoirement par le Cabinet Barth et la seconde ordonnée en référé, le demandeur a engagé cette procédure fondée à la fois sur la garantie contractuelle et la garantie des vices cachés ;

Attendu que s'il est vrai que ces deux experts ne sont pas allés au bout de toutes les investigations possibles, ils admettent tous deux que la panne trouve son origine dans un dysfonctionnement du système d'injection,

- que par contre l'hypothèse émise par l'expert judiciaire d'un approvisionnement en gazole pollué n'a pas été vérifiée et n'est pas démontrée ;

Attendu qu'il résulte des constatations non contestées de l'expert Barth que le moteur contenait 7 litres d'huile au lieu des 4 litres prévus par le constructeur,

- que cette huile, que l'expert a fait analyser, comportait un niveau " alarmant ", supérieur à 20 %, de dilution par le gas-oil provenant des injecteurs,

- que compte tenu de l'incompressibilité du liquide huile, celui-ci est rentré dans les cylindres, entraînant la casse des bielles et du moteur ;

Attendu que l'expert a eu outre relevé dans la mémoire des calculateurs, un défaut enregistré 200 kms avant la panne, à savoir un 'défaut capteur de pression d'huile', de sorte que M. Schall n'a pas pu se rendre compte de cette surpression ;

Attendu que l'injection prolongée et anormale de gazole dans les chambres de combustion sans qu'un dysfonctionnement du moteur ait été détecté par le calculateur constitue un vice caché, corroboré par le fait que le constructeur a ultérieurement rappelé ce type de véhicule pour une " mise à jour du calculateur " ;

Attendu qu'eu égard à la très faible durée d'utilisation du véhicule par M. Schall, il doit être admis que ce vice préexistait à la vente du 28 novembre 2006 ;

Attendu qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement et de prononcer la résolution de la vente, sans qu'il y ait lieu d'examiner plus avant la question de la garantie contractuelle ;

Attendu que M. Schall est fondé à réclamer à son vendeur la restitution du prix de 15 000 euro ainsi que les frais annexes :

* 614,87 euro au titre de l'assurance du véhicule,

* 282,00 euro au titre de la location d'une voiture de remplacement,

* 398,87 euro pour 4 pneus selon facture du 8/12/06 (annexe n° 22 - et non selon devis provisoire annexe n° 19).

Soit 1 295,74 euro

Attendu que la privation de jouissance sera indemnisée à hauteur de 4 000 euro correspondant à peu près aux intérêts dont M. Schall a été privé sur la somme de 15 000 euro depuis 2007, aucune condamnation spécifique aux intérêts n'étant demandée dans les conclusions de l'appelant qui aurait pu faire double emploi ;

Attendu qu'en ce qui concerne l'intervention de la Société Automobiles Citroen il doit être constaté que ni l'appelant M. Schall, ni les deux Sociétés Etoile 90 Holding et Services n'ont formulé la moindre réclamation on demande à son encontre,

- que les conclusions de la Société Citroen devant la Cour sont totalement inutiles et sans objet, et qu'il n'y a pas lieu de lui accorder une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que par contre M. Schall, qui dans sa déclaration d'appel a intimé la Société Automobiles Citroen sans raison ni intérêt, devra supporter les dépens nés de son intervention.

Par ces motifs : - Infirme le jugement rendu le 14 décembre 2010 par le Tribunal de grande instance de Strasbourg, sauf en ce qu'il a condamné in solidum les Sociétés Etoile 90 Holding et Etoile 90 Services aux dépens de l'appel en garantie et à payer à la Société Automobiles Citroen un montant de 1.600 euro (mille six cents euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Statuant à nouveau : - Prononce la résolution du contrat de vente du 28 novembre 2006 concernant le véhicule d'occasion de marque Citroen, type C4 HDI ; - Condamne la Société Etoile 90 Holding à rembourser à M. Pierre Schall la somme de 15 000 euro (quinze mille euros) correspondant au prix de vente et à lui verser la somme de 5 295,74 euro (cinq mille deux cent quatre-vingt quinze euros et soixante-quatorze cents) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ; - Dit que la Société Etoile 90 Holding devra faire son affaire de la récupération du véhicule auprès du concessionnaire Citroen à Strasbourg.