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Décisions

CA Chambéry, 2e ch., 23 février 2012, n° 10-02435

CHAMBÉRY

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Marin

Défendeur :

Masson, Mondillon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme De La Lance

Conseillers :

Mme Mertz, M. Allais

Avocats :

SCP Dormeva-Puig, SCP Bollonjeon-Arnaud-Bollonjeon, SCP Mermet-Baltazard-Luce & Noetinger-Berlioz, SELAS Riera-Trystram-Azema

TI Thonon-les-Bains, du 12 oct. 2010

12 octobre 2010

Par acte d'huissier de justice du 27 mai 2010, Mademoiselle Laëtitia Masson et Monsieur Joaquim Mondillon ont fait assigner Monsieur Joanny Marin devant le tribunal d'instance de Thonon les Bains, à l'effet de voir prononcer la résolution de la vente du véhicule automobile Mercedes Vito V 230 intervenue le 2 juin 2009 et d'obtenir en conséquence la restitution du prix de vente, soit la somme de 5 500,00 euro outre 2 500,00 euro à titre de dommages et intérêts et 1 500,00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 12 octobre 2010, le Tribunal d'instance de Thonon les Bains a sur le fondement de l'article 1641 du Code civil :

- prononcé la résolution de la vente,

- dit que Mademoiselle Laëtitia Masson et Monsieur Joaquim Mondillon devront restituer le véhicule à Monsieur Joanny Marin,

- condamné Monsieur Joanny Marin à restituer à Mademoiselle Laëtitia Masson et Monsieur Joaquim Mondillon la somme de 5 500,00 euro au titre du prix de vente,

- condamné Monsieur Joanny Marin à leur payer la somme de 1 000,00 euro à titre de dommages et intérêts et la somme de 800,00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Monsieur Joanny Marin aux dépens.

Par déclaration du 2 novembre 2010, Monsieur Joanny Marin a interjeté appel de la décision.

Par conclusions récapitulatives du 2 mars 2011, il demande à la Cour, aux visas de l'article 1641 du Code civil et des rapports d'expertise de Monsieur Payre du 9 février 2010 et de Monsieur Laurent du 24 novembre 2009, de :

- dire et juger que le vice dont était atteint le véhicule Mercédès était apparent lors de la vente du 2 juin 2009, dès lors que Mademoiselle Laëtitia Masson a essayé le véhicule et a reconnu que les vitesses étaient difficiles à passer,

- débouter en conséquence Mademoiselle Laëtitia Masson et Monsieur Joaquim Mondillon de leurs demandes de restitution du prix ou de réduction du prix,

- condamner solidairement Mademoiselle Laëtitia Masson et Monsieur Joaquim Mondillon à lui payer une indemnité de 2 000,00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SCP Bollonjeon-Arnaud-Bollonjeon, avoués à la Cour, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

A l'appui de son appel il expose que le véhicule vendu totalisait 222.222 Km, que la vente a été signée après que Mademoiselle Laëtitia Masson l'ait essayé, que celle-ci exerce la profession de chauffeur poids lourds, qu'elle a elle-même constaté que la troisième craquait.

Il précise que les deux experts commis, dans le cadre de l'expertise amiable, ont conclu tous les deux que l'essai routier avait permis de constater la difficulté de passage de la troisième vitesse (usure du synchroniseur), que si effectivement le vice existait bien avant la vente, Mademoiselle Laëtitia Masson, du fait de sa profession et de l'essai effectué, avait cependant parfaitement connaissance de l'existence de ce vice lors de la vente.

De son côté, par conclusions récapitulatives du 23 juin 2011, Mademoiselle Laëtitia Masson et Monsieur Joaquim Mondillon demandent à la Cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement,

- prononcer la résolution de la vente sur le fondement des vices cachés,

- condamner Monsieur Joanny Marin à leur payer une indemnité de 800,00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,

A titre subsidiaire :

- prononcer la nullité de la vente pour vice du consentement,

- condamner Monsieur Joanny Marin à leur restituer la somme de 5 500,00 euro outre intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2009, eux-mêmes s'engageant à restituer le véhicule,

En toute hypothèse :

- condamner Monsieur Joanny Marin à leur payer la somme complémentaire en appel de 2 500,00 euro à titre de dommages et intérêts, la somme de 3 000,00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SCP Dormeval-Puig, avoués à la cour conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Ils font valoir que les désordres sont survenus quelques heures après la vente, soit sur le trajet retour, qu'après s'être informés auprès du vendeur de ce problème de passage de la troisième vitesse, celui-ci a déclaré qu'il ne s'agissait que d'un simple réglage à faire, qu'en réalité le concessionnaire de la marque leur a indiqué le lendemain que la boîte était à changer du fait de l'usure du synchroniseur.

Ils indiquent que le désordre était donc bien antérieur à la vente, non apparent pour un profane et rendant le véhicule impropre à l'usage pour lequel il est destiné.

Ils font valoir enfin que le vendeur est d'une particulière mauvaise foi pour leur avoir dit que le moteur avait été changé alors qu'il ne leur a jamais produit la facture pourtant demandée.

Ils s'estiment dès lors fondés à agir tant sur le fondement des vices cachés que sur celui de la nullité du contrat pour vice du consentement, en particulier pour erreur sur les qualités essentielles de la chose vendue provoquée par dol.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 décembre 2011.

Sur quoi, LA COUR :

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées et régulièrement communiquées.

Attendu que conformément à l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ;

Attendu qu'il n'est pas contestable que la vente du véhicule est intervenue après que Mademoiselle Laetitia Masson l'ait personnellement conduit ;

Attendu qu'il est justifié que la cession a été réalisée le 2 juin 2009 et que le 6 juin 2009, le garage Fraisse-à-Villars (42) et concessionnaire de la marque Mercedes-Benz, confirmait à Mademoiselle Laetitia Masson qui lui avait apporté le véhicule, que la boîte de vitesse était à changer ;

Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise du cabinet Payre, missionné le 26 juin 2009, que si effectivement la boîte de vitesse du véhicule était à changer du fait de l'usure du synchroniseur de troisième et de quatrième, et que ce vice était bien antérieur à la vente, Mademoiselle Laetitia Masson a eu cependant connaissance de l'existence de ce vice au jour de la vente dans la mesure où elle a confirmé devant l'expert que lors de l'essai, elle avait signalé que les vitesses étaient difficiles à passer ;

Attendu que, conformément à l'article 1642 du Code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ;

Attendu que Mademoiselle Laetitia Masson, sans être une professionnelle de l'automobile, exerce cependant la profession de chauffeur routier, ce qui lui permet, par son habitude de la conduite, de se rendre compte plus facilement d'un dysfonctionnement mécanique affectant un véhicule ;

Attendu qu'en l'espèce, Mademoiselle Laetitia Masson, qui souhaitait acquérir ce véhicule tout en sachant qu'il était d'occasion et qui a effectivement reconnu avoir noté un dysfonctionnement mécanique de la boîte de vitesse alors qu'elle était en train de le conduire, ne peut, dès lors, raisonnablement soutenir que le vice n'était pas apparent au moment de la vente, dans la mesure où l'examen ultérieur confirmera l'usure effective de la boîte de vitesse constatée par l'intéressée elle-même ;

Attendu qu'à titre subsidiaire, Mademoiselle Laetitia Masson sollicite la nullité de la vente en invoquant l'erreur sur les qualités substantielles du véhicule provoquée par le dol, du fait du comportement déloyal du vendeur qui lui aurait indiqué que la boîte de vitesse ne nécessitait qu'un simple réglage, que le kilométrage annoncé n'était pas conforme à la réalité et qu'enfin elle n'avait pu obtenir le rapport du contrôle technique ;

Attendu que Mademoiselle Laetitia Masson avait répondu à une annonce sur internet qui précisait : " vente d'un véhicule Mercédes Vito 7 places turbo diesel, année modèle 1997, kilométrage caisse 220.000,00 km, moteur 138.000,00 km ".

Qu'elle a souhaité faire l'acquisition de ce véhicule d'occasion, tout en reconnaissant qu'il totalisait en réalité au compteur lors de l'essai 222.222 km ;

Que tout en sollicitant la facture d'achat du moteur et après avoir constaté que les vitesses passaient avec difficulté, elle est néanmoins repartie le jour même avec le véhicule après avoir acquitté le prix de 5 500,00 euro ;

Attendu qu'il n'est justifié d'aucune manœuvre dolosive de la part du vendeur, qui en outre n'est pas un vendeur professionnel mais un simple particulier, qui aurait contraint Mademoiselle Laetitia Masson à s'engager malgré le fait qu'elle se soit rendue compte par elle-même d'anomalies sur ce véhicule et alors même qu'elle n'était pas en possession de la facture concernant le changement de moteur ;

Attendu que de même il ne peut être soutenu qu'il y a eu erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, dès lors que Mademoiselle Laetitia Masson a pu se rendre compte par elle-même, lors de l'essai, des problèmes mécaniques affectant la boîte de vitesse ;

Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement qui a prononcé la résolution de la vente par application de l'article 1641 du Code civil et de débouter Mademoiselle Laetitia Masson de sa demande en nullité de la vente sur le fondement des vices du consentement ;

Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité de ne pas faire application des dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que Monsieur Joaquim Mondillon et Mademoiselle Laetitia Masson succombant à leurs prétentions, ils seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs : - LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, - Infirme le jugement du 12 octobre 2010 du Tribunal d'instance de Thonon-les-Bains dans toutes ses dispositions, - Statuant à nouveau, - Dit et juge que le vice dont était atteint le véhicule Mercédès Type Vito était apparent lors de la vente du 2 juin 2009, - Déboute Mademoiselle Laetitia Masson et Monsieur Joaquim Mondillon de leurs demandes tant sur le fondement des vices cachés que sur celui des vices du consentement.