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Décisions

CA Limoges, ch. civ., 14 février 2012, n° 11-00223

LIMOGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Toyota France (SAS)

Défendeur :

Fourgeau

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jaouen

Conseillers :

MM. Baluze, Soury

Avocats :

Mes Coudamy, Garnerie, Thierry, Claude, SELARL Dauriac-Coudamy-Cibot

TGI Limoges, du 20 janv. 2011

20 janvier 2011

LA COUR : - Le 6 février 2004, les époux Fourgeau ont acquis un véhicule neuf de marque Toyota modèle Yaris Verso auprès de la société Carnot automobiles, concessionnaire Toyota à Limoges, pour un prix de 17 000 euro TTC.

Le 11 décembre 2007, les époux Fourgeau ont constaté une anomalie de fonctionnement de leur véhicule et le garagiste consulté (garage Robert en banlieue de Pau) les a informés de la nécessité de remplacer le joint de culasse.

La société Toyota France (la société Toyota) ayant refusé sa garantie, les époux Fourgeau ont saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Nanterre qui a ordonné, le 12 février 2008, une expertise confiée à M. Bonneu, lequel a déposé son rapport le 14 novembre 2008.

Les époux Fourgeau ont ensuite saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Limoges qui, par ordonnance du 17 juillet 2009, a condamné la société Toyota à leur verser une provision de 4 525,67 euro à valoir sur la réparation de leur préjudice.

Les époux Fourgeau ont assigné au fond la société Toyota devant le tribunal de grande instance de Limoges pour obtenir, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, la réparation de leur préjudice.

En défense, la société Toyota a conclu au rejet des prétentions des époux Fourgeau et elle a formé une demande reconventionnelle tendant à leur condamnation à raison d'écrits diffamatoires.

Par jugement du 20 janvier 2011, le tribunal de grande instance a notamment:

- rejeté la demande de la société Toyota fondée sur le caractère diffamatoire des écrits des époux Fourgeau,

- constaté que le véhicule était, au moment de sa vente, affecté d'une vice caché le rendant impropre à sa destination,

- prononcé la résolution de la vente du véhicule et ordonné, en conséquence, la reprise du véhicule par la société Toyota et la restitution par cette société de l'intégralité du prix payé par les époux Fourgeau, provision à déduire,

- condamné la société Toyota à payer aux époux Fourgeau des dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices complémentaires,

- ordonné l'exécution provisoire.

La société Toyota a relevé appel de ce jugement.

MOYENS et PRÉTENTIONS

La société Toyota soutient, à titre principal, que les époux Fourgeau ne démontrent pas l'existence d'un vice caché ; qu'ils ne sont pas recevables à agir en résolution de la vente dès lors qu'elle avait acquiescé à leur action estimatoire et que ceux-ci ont accepté la provision allouée par le juge des référés qui correspond au coût de remise en état du véhicule ; qu'en tout état de cause, elle n'a pas la qualité de vendeur du véhicule à l'égard des époux Fourgeau et ne peut que restituer le prix de vente du véhicule qu'elle a reçu du garage Carnot, soit 13 575 euro HT ; qu'elle réclame une somme de 11 673 euro au titre de la dépréciation du véhicule ; qu'elle n'a pas à aller récupérer ce véhicule puisque ce sont les époux Fourgeau qui sont tenus de le lui restituer. Très subsidiairement, pour le cas où l'action estimatoire serait retenue, la société Toyota demande de constater qu'elle a indemnisé le coût des travaux de remise en état qui correspondant à la provision allouée aux époux Fourgeau par le juge des référés. Enfin, la société Toyota s'oppose aux demandes d'indemnisation des préjudices complémentaires invoqués par les époux Fourgeau.

Les époux Fourgeau concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la résolution de la vente et la restitution de l'intégralité du prix d'achat du véhicule. Appelants incidents, ils demandent l'indemnisation de leurs préjudices complémentaires (location d'un véhicule, achat d'un véhicule de remplacement, frais de carburant, achat d'un GPS,...) ainsi que des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral.

MOTIFS

Attendu que la société Toyota ne critique pas le chef de décision la déboutant de son action en diffamation ; que cette décision sera donc confirmée.

Sur l'existence d'un vice caché

Attendu que c'est par des motifs pertinents que la cour d'appel adopte que les premiers juges, se fondant sur le rapport d'expertise judiciaire, ont retenu que le véhicule acquis par les époux Fourgeau était affecté, à la date de sa vente, d'un vice caché qui le rendait impropre à sa destination.

Sur la résolution de la vente

Attendu que les époux Fourgeau ont choisi d'exercer, à titre principal, l'action rédhibitoire qui leur est offerte par l'article 1644 du Code civil; que la société Toyota leur conteste la possibilité d'exercer cette action en soutenant qu'un accord est intervenu entre les parties sur la réparation du véhicule.

Mais attendu que les premiers juges ont exactement retenu, par des motifs que la cour d'appel adopte, que ni l'offre de la société Toyota de réparation du véhicule, qui n'a pas été acceptée par les époux Fourgeau, ni l'encaissement par ces derniers de la provision allouée par le juge des référés sur la base du prix des travaux de réparation, ne pouvait caractériser une volonté claire et non équivoque de leur part d'exercer l'action estimatoire de l'article 1644 du Code civil; que c'est à juste titre que le tribunal de grande instance a déclaré les époux Fourgeau recevables à poursuivre la résolution de la vente du véhicule.

Et attendu que les époux Fourgeau sont fondés à diriger leur action en résolution contre la société Toyota en sa qualité d'importateur du véhicule litigieux, même si cette société ne leur a pas directement vendu ledit véhicule ; qu'en effet, l'expertise a révélé que le vice caché existait dès la construction du véhicule puisqu'il procédait d'un défaut dans la qualité du joint de culasse utilisé lors du montage du moteur ; qu'en l'état de ce vice caché qui rendait le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné, c'est à juste titre que les premiers juges ont prononcé la résolution de la vente.

Sur les conséquences de la résolution de la vente

Attendu qu'en conséquence de la résolution de la vente, les acheteurs sont tenus de rendre le véhicule et le vendeur de restituer le prix perçu.

Attendu que la société Toyota critique le chef de décision lui ordonnant de reprendre le véhicule à ses frais en soutenant que cette solution est en contradiction avec l'obligation incombant aux époux Fourgeau de restituer ce véhicule à leur vendeur, le garage Carnot de Limoges ;

Mais attendu que dès lors que le vice affectant le véhicule était de nature à l'empêcher de fonctionner normalement, c'est à juste titre que les premiers juges ont décidé qu'il ne pouvait être imposé aux époux Fourgeau d'assurer une restitution qui les exposerait à des frais auxquels ils ne peuvent être tenus et que la société Toyota devrait prendre à sa charge la récupération du véhicule ; qu'en tout état de cause, le débat sur la restitution est devenu sans objet puisqu'il est constant que la société Toyota a désormais récupéré le véhicule.

Attendu que les premiers juges ont condamné la société Toyota, vendeur originaire, à restituer aux époux Fourgeau, sous-acquéreurs, le prix du véhicule qu'ils avaient versé au garage Carnot, vendeur intermédiaire, soit la somme de 17 000 euro TTC provision à déduire.

Mais attendu que l'action rédhibitoire exercée par les époux Fourgeau étant celle de leur auteur, c'est à dire celle du vendeur intermédiaire contre le vendeur originaire, ce dernier ne peut être tenu de restituer davantage qu'il n'a reçu, sauf à devoir des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé ; que la société Toyota justifie n'avoir perçu de son propre acheteur, la société Carnot, qu'un prix de 13 575,40 euro HT au titre de la vente du véhicule litigieux ; qu'elle ne peut être tenue de restituer aux époux Fourgeau que cette somme de laquelle doit être déduite la provision de 4 525,67 euro qui leur a été versée en exécution de l'ordonnance de référé du 17 juillet 2009, soit la somme de 9 049,73 euro, laquelle produira intérêts aux taux légal à compter de l'assignation du 9 décembre 2009.

Et attendu que les premiers juges ont exactement retenu qu'en matière de garantie des vices cachés, lorsque l'acquéreur exerce comme en l'espèce l'action rédhibitoire prévue par l'article 1644 du Code civil, le vendeur, tenu de restituer le prix perçu, n'est pas fondé à obtenir une indemnité liée à l'utilisation de la chose vendue ou à l'usure résultant de cette utilisation, y compris sur le fondement juridique de l'enrichissement sans cause.

Sur les préjudices annexes

Attendu qu'en sa qualité de vendeur professionnel de véhicules, la société Toyota est présumée connaître le vice qui affectait l'automobile vendue aux époux Fourgeau ; que cette société est tenue, outre la restitution du prix perçu, à la réparation de l'intégralité des préjudices provoqués par le vice.

Attendu que c'est par des motifs pertinents que la cour d'appel adopte que le tribunal de grande instance a alloué aux époux Fourgeau :

- une somme de 136,17 euro en remboursement des frais d'assurance du véhicule pour la seule période comprise entre la panne et la résiliation de la police,

- une somme de 1 305,86 euro au titre des frais justifiés de location d'un véhicule de remplacement depuis la panne jusqu'au 12 mars 2008,

-une somme de 1 148,16 euro au titre des frais justifiés de gardiennage du véhicule dans le garage Robert,

-une somme de 200,20 euro au titre des frais de transport du véhicule immobilisé au domicile des parents de M. Fourgeau,

Ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

Attendu que les chefs de décision rejetant des demandes des époux Fourgeau en remboursement du coût de la sommation interpellative du 17 décembre 2007, de leurs frais de déplacement à l'audience du Tribunal de commerce de Nanterre et de leurs frais de taxi, qui ne sont pas critiqués, seront confirmés.

Attendu qu'en mai 2008, les époux Fourgeau ont acquis un véhicule d'occasion Renault Twingo mis en circulation en 1998 pour le prix de 3 008 euro, afin de remplacer leur Toyota Yaris en panne et d'éviter de continuer à supporter des frais de location de véhicule ; que les contraintes liées à l'acquisition de ce véhicule de remplacement, dont l'achat n'était pas prévu dans le budget des époux Fourgeau, constitue un préjudice en lien direct avec le vice affectant leur Toyota dont ils sont fondés à être indemnisés ; que, toutefois, le montant de cette indemnisation ne peut correspondre à la valeur d'achat dudit véhicule qui est entré dans le patrimoine des époux Fourgeau ; que le préjudice de ces derniers doit s'apprécier au regard des contraintes financières imposées par la nécessité pour eux d'acquérir un véhicule de remplacement dans des conditions pas forcément avantageuses ; que s'agissant d'un véhicule ancien (10 ans) dont le prix d'achat s'élevait au montant de 3 008 euro et dont la décote sera très faible, l'indemnisation qui sera allouée aux époux Fourgeau sera fixée à la somme de 1 000 euro, laquelle produira intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

Attendu, s'agissant des demandes des époux Fourgeau tendant à être indemnisés du surcoût de carburant et de l'achat d'un GPS, que ces prétentions ont été à juste titre rejetées par les premiers juges aux termes d'une motivation pertinente que la cour d'appel adopte ; qu'en ce qui concerne plus particulièrement le GPS, il convient de relever que les époux Fourgeau ont acquis un modèle amovible qu'ils pourront conserver en cas de revente de leur Renault Twingo et installer sur un autre véhicule, en sorte que l'indemnisation de cet achat ne se justifie pas.

Attendu enfin que le préjudice moral des époux Fourgeau n'est pas caractérisé ; que le jugement, qui a rejeté leur demande à ce titre, sera confirmé de ce chef.

Par ces motifs - LA COUR - Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; - Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Limoges le 20 janvier 2011, sauf en ses dispositions : - condamnant la société Toyota France à rembourser à M. Lionel Fourgeau et à son épouse Mme Isabelle Fourgeau la somme de 17 000 euro, provision à déduire, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2009, - rejetant la demande des époux Fourgeau tendant à être indemnisés de l'achat du véhicule Renault Twingo ; - Statuant à nouveau de ces chefs, - Condamne la société Toyota France à payer à M. Lionel Fourgeau et à son épouse Mme Isabelle Fourgeau : - la somme de 9 049,73 euro, provision allouée par l'ordonnance de référé du 17 juillet 2009 déduite, au titre de la restitution du prix perçu par la société Toyota France, - la somme de 1 000 euro au titre de l'acquisition d'un véhicule de remplacement, - ces sommes étant assorties des intérêts aux taux légal à compter de l'assignation du 9 décembre 2009.