CA Pau, 1re ch., 26 juin 2012, n° 11-02341
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Auto Clean Occa's (Sarl)
Défendeur :
Taborcia
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pons
Conseillers :
MM Castagne, Augey
Avocats :
SCP Duale - Ligney, Mes Lauriol, Dutin
Le 7 décembre 2009, M. Bruno Taborcia, domicilié à Arsac (33) a acquis de la Sarl Auto Clean Occa's, exploitant un commerce de vente de véhicules automobiles à Mont-de-Marsan (40), un véhicule Ford Ka d'occasion pour un prix de 3 200 euro, payé comptant.
Exposant avoir immédiatement constaté, pendant le trajet même de retour à son domicile, un défaut de l'embrayage du véhicule ayant entraîné son immobilisation définitive dès le 19 décembre 2009, M. Taborcia a fait assigner la Sarl Auto Clean Occa's devant le tribunal d'instance de Mont-de-Marsan qui, par jugement du 24 mai 2011, a :
- prononcé, en application de l'article 1644 du Code civil, la résolution de la vente,
- condamné la Sarl Auto Clean Occa's à rembourser à M. Taborcia la somme de 3 200 euro, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2009,
- dit que la Sarl Auto Clean Occa's devra faire son affaire et à ses frais de la reprise du véhicule sur son lieu actuel de stationnement,
- condamné la Sarl Auto Clean Occa's à payer à M. Taborcia les sommes de 151,50 euro au titre du remboursement des frais d'immatriculation, de 3 000 euro au titre du préjudice de jouissance et de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la Sarl Auto Clean Occa's aux dépens.
La Sarl Auto Clean Occa's a interjeté appel de cette décision selon déclaration enregistrée au greffe de la cour le 20 juin 2011.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 5 janvier 2012.
Dans ses dernières conclusions déposées le 11 juillet 2011, la Sarl Auto Clean Occa's demande à la Cour, réformant le jugement entrepris :
- à titre principal, de débouter M. Taborcia de ses demandes et de lui donner acte de ce qu'elle accepte de procéder à la remise en état de l'embrayage du véhicule, à charge pour le propriétaire d'acheminer le véhicule dans ses ateliers,
- à titre subsidiaire, de dire que la résolution de la vente ne peut justifier que la restitution du prix de vente et celle du véhicule dont les frais d'acheminement devront être supportés par M. Taborcia,
- en toute hypothèse, de condamner M. Taborcia à lui payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens, avec autorisation pour la SCP de Ginestet - Dualé - Ligney de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Exposant que M. Taborcia a refusé son offre de réparation à charge pour lui d'assumer les frais de rapatriement du véhicule, elle soutient en substance :
- que la résolution judiciaire d'une convention suppose un manquement à une obligation contractuelle si grave que l'anéantissement de la transaction est la seule solution pour que le créancier de l'obligation bafouée soit rempli de ses droits,
- que l'intimé a fait le choix d'acheter un véhicule d'occasion avec la vétusté que cela implique, de la même manière que faire cette acquisition loin de son domicile a également relevé d'une option qui ne lui a pas été imposée,
- que M. Taborcia n'a signalé le défaut d'embrayage que le 6 janvier 2010 après avoir parcouru plus de 700 km et l'offre de réparer émise dès le 7 janvier 2010 doit être déclarée satisfactoire dès lors qu'en matière contractuelle, le créancier doit mettre son débiteur en mesure de remplir son obligation,
- qu'en toute hypothèse, l'usure de l'embrayage sur un véhicule d'occasion ne peut être considérée comme un vice caché justifiant l'anéantissement de la vente alors même que les contrôles techniques auxquels a été soumis le véhicule n'ont rien décelé d'anormal,
- que M. Taborcia ne justifie pas d'un quelconque préjudice de jouissance dont il serait en toute hypothèse seul à l'origine pour avoir refusé sans motif légitime l'offre de réparation de l'appelante.
Dans ses dernières conclusions déposées le 23 septembre 2011, M. Taborcia demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la Sarl Auto Clean Occa's à lui payer la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de Me Lauriol.
Il soutient pour l'essentiel :
- qu'il est constant que l'embrayage était hors service antérieurement à la vente et que ce défaut rendait le véhicule impropre à sa destination,
- qu'en sa qualité de vendeur professionnel, la Sarl Auto Clean Occa's est présumée connaître l'existence du vice et est tenue de tous dommages-intérêts envers l'acquéreur,
- qu'il appartenait à la Sarl Auto Clean Occa's de faire procéder à la réparation immédiate de l'avarie signalée le jour même de la vente et de mettre à sa disposition un véhicule de remplacement en sorte qu'elle ne peut prétendre lui faire supporter le coût de rapatriement du véhicule litigieux.
MOTIFS
Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
En l'espèce, il résulte de l'expertise extrajudiciaire à laquelle la Sarl Auto Clean Occa's a été régulièrement convoquée et dont elle a pu discuter les conclusions que le véhicule litigieux (qui, à la date de son examen par l'expert, avait parcouru 620 km depuis son acquisition) est immobilisé consécutivement à la défaillance de son mécanisme d'embrayage provoquée par une usure des garnitures du disque d'embrayage et par une fatigue du diaphragme.
La circonstance que le véhicule litigieux est un véhicule d'occasion n'est pas en l'espèce de nature à exclure la mise en œuvre de la garantie des vices cachés dès lors que, compte tenu de son relativement faible kilométrage, l'acquéreur pouvait légitimement s'attendre à pouvoir l'utiliser, sans être immédiatement tenu de procéder à un changement du mécanisme d'embrayage.
Par ailleurs tant la faible distance parcourue entre l'acquisition du véhicule et la dénonciation formelle de la panne que le court laps de temps s'étant écoulé entre ces deux dates établissent que l'usure anormale et donc le défaut préexistaient nécessairement à la vente.
La proposition de la Sarl Auto Clean Occa's consistant en une offre de réparation du véhicule à charge pour M. Taborcia d'assumer les frais de son transport jusqu'au garage de l'appelante ne peut être déclarée satisfactoire dès lors que s'agissant d'une panne entrant dans le champ de la garantie contractuelle, il convient de considérer que l'appelante est débitrice envers M. Taborcia d'une obligation de réparation dont, en l'absence de toute stipulation contraire dans les pièces versées aux débats, l'exécution doit être réalisée, en application de l'article 1247 du Code civil, dans le lieu où était, au temps de l'obligation (et donc en l'espèce de l'immobilisation définitive du véhicule), la chose qui en fait l'objet.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente sur le fondement de l'article 1641 du Code civil en constatant que le défaut dont s'agit a entraîné l'immobilisation du véhicule et empêché son usage normal et en ce qu'il a rappelé qu'en sa qualité de vendeur professionnel, la Sarl Auto Clean Occa's est réputée en connaître les vices et, à défaut de démonstration de la preuve contraire, tenue, en application de l'article 1645 du Code civil, de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a :
- ordonné la restitution à M. Taborcia du prix de vente (3 200 euro), avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2009,
- ordonné la restitution du véhicule litigieux à la Sarl Auto Clean Occa's, à charge pour celle-ci de récupérer le véhicule sur son lieu actuel de stationnement, sans frais pour M. Taborcia,
- condamné la Sarl Auto Clean Occa's à rembourser à M. Taborcia la somme de 151,50 euro au titre des frais d'établissement de la carte grise et celle de 3 000 euro en réparation d'un préjudice de jouissance dont le premier juge a exactement apprécié l'importance en considération de la durée d'immobilisation du véhicule.
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à M. Taborcia, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 1 000 euro au titre des frais irrépétibles par lui exposés en première instance et de lui allouer de ce chef une indemnité de 1 000 euro au titre des frais par lui exposés en cause d'appel.
La Sarl Auto Clean Occa's sera condamnée aux entiers dépens, d'appel et de première instance.
Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Vu le jugement du tribunal d'instance de Mont-de-Marsan en date du 24 mai 2011, En la forme, déclare l'appel de la Sarl Auto Clean Occa's recevable, Au fond : - Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - Ajoutant à la décision entreprise, condamne la Sarl Auto Clean Occa's à payer à M. Bruno Taborcia, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 1 000 euro (mille euro) au titre des frais irrépétibles par lui exposés en cause d'appel, - Condamne la Sarl Auto Clean Occa's aux entiers dépens d'appel et de première instance, - Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.