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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 20 juin 2012, n° 10-00581

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Société Eutelec (Sarl), Allianz (SA), ASS.EL.SRL (Sté), Zodiac Pool Care Europe (SAS)

Défendeur :

Société Syselec (SA), Sélective Plating Srl (Sté), Axa France Iard (SA), Spa Société Riunione Adriatica Di Sicurta Ras (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cousteaux

Conseillers :

Mmes Salmeron, Croisille-Cabrol

Avocats :

SCP Dessart - Sorel - Dessart, SCP Rives - Podesta, SCP Malet, SCP Nidecker - Prieu - Philippot - Jeusset, SCP Boyer & Gorrias, SCP Cantaloube - Ferrieu - Cerri, Me de Lamy

T. com. Toulouse, du 9 déc. 2009

9 décembre 2009

FAITS ET PROCÉDURE

Entre octobre et décembre 2002, la SA Syselec (assurée auprès d'Axa) a livré à la SA Zodiac Pool Care Europe 5 600 cartes électroniques pourvues de borniers de liaison, destinées à être intégrées dans des robots aspirateurs nettoyeurs de piscines ; la SA Syselec s'était fournie pour les borniers auprès de la SA Eurelec (assurée auprès d'AGF), Syselec soudant ces borniers sur les cartes qu'elle fabriquait elle-même ; les borniers étaient fabriqués par la société de droit italien ASS.EL.SRL (assurée auprès de la société de droit italien Riunione Adriatica Di Sicurta) ; la société de droit italien Selective Plating SRL était sous-traitante d'ASS.EL pour la galvanisation de borniers.

En janvier 2003, Zodiac s'est aperçue de défectuosités parmi les 3 600 cartes qui avaient été montées dans les blocs moteurs des robots, car les borniers de liaison des cartes se détachaient tous seuls (1er sinistre) ; elle s'en est plainte auprès de Syselec par courrier du 3 février 2003. Puis, en mars 2003, elle s'est aperçue que les 2 000 cartes montées sur les coffrets de commande des robots présentaient les mêmes défauts (2e sinistre). Zodiac a remplacé à ses frais avancés les cartes défectueuses sur les blocs moteurs des robots et Syselec et Zodiac ont remplacé les cartes dans les coffrets de commande des robots.

Axa (assureur de Syselec) a confié au cabinet Polyexpert une expertise amiable au contradictoire de Zodiac, de Syselec, d'Eutelec et d'AGF, qui a donné lieu à un rapport du 28 mai 2003.

Par actes des 15, 19, 22 et 26 janvier 2004, Syselec a fait assigner respectivement Axa, AGF, Eutelec et Zodiac devant le Tribunal de commerce de Toulouse ; par acte du 9 septembre 2004, Eutelec et AGF ont fait assigner ASS.EL.SRL ; par actes des 10 janvier 2005 et 8 août 2005, ASS.EL.SRL a fait assigner respectivement Selective Plating SRL et Riunione Adriatica Di Sicurta.

L'expertise amiable n'étant pas opposable à ASS.EL, à son assureur Riunione Adriatica Di Sicurta et à Selective Plating, par jugement avant dire droit du 8 février 2006, le Tribunal a ordonné une expertise judiciaire ; M. Caracci, désigné par ordonnance du 18 mai 2006, a rédigé son rapport le 1er juillet 2008.

Par jugement du 9 décembre 2009, le Tribunal de commerce de Toulouse a :

- dit que l'action de Syselec ne pouvait être considérée comme prescrite sur le fondement des articles 1641 et 1648 du Code civil ;

- dit que l'origine des vices cachés était liée à un défaut de fabrication des borniers Euroclam livrés par ASS.EL à Eutelec ;

- débouté Zodiac de l'ensemble de ses demandes et de son appel en garantie contre Syselec ;

- débouté Syselec de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive contre Eutelec et de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice commercial ;

- condamné Eutelec à payer à Syselec la somme de 80 876,25 euro HT en principal avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné Eutelec à payer à Syselec la somme de 1 500 euro, à Axa France celle de 1 000 euro, à Selective Plating celle de 500 euro, condamné ASS.EL à payer à Eutelec celle de 1 500 euro ;

- condamné Eutelec aux dépens ;

- condamné ASS.EL à garantir Eutelec de l'ensemble des condamnations ;

- débouté ASS.EL de son appel en garantie contre Selective Plating ;

- condamné Reunione Adriatica Di Sicurta à garantir ASS.EL de l'ensemble des condamnations.

Ont relevé appel du jugement du 9 décembre 2009 :

- le 5 février 2010, la Sarl Eutelec et la SA Allianz Assurances, contre la SA Syselec ;

- le 11 février 2010, la SA Zodiac Pool Care Europe, contre la SA Syselec ;

- le 6 juillet 2010, la société ASS.EL.SRL, contre la SA Eutelec, la SA Allianz Assurances (venant aux droits d'AGF) et la société Selective Plating SRL.

Ont fait assigner en appel provoqué :

- par acte d'huissier du 24 août 2010, la SA Syselec, contre Axa France Iard ;

- le 26 mai 2011, la société ASS.EL.SRL, contre la société Riunione Adriatica Di Sicurta.

Les divers appels ont été joints.

En instance d'appel :

- la SA Zodiac Pool Care Europe a déposé ses dernières conclusions le 4 février 2011 ;

- la SA Syselec a déposé ses dernières conclusions le 2 mars 2012 ;

- la SA Axa France Iard a déposé ses dernières conclusions le 2 avril 2012 ;

- la Sarl Eutelec et la SA Allianz Assurances ont déposé des conclusions le 7 juin 2010 ;

- la société ASS.EL.SRL a déposé ses dernières conclusions le 20 février 2012 ;

- la société Reunione Adriatica Di Sicurta a déposé ses dernières conclusions le 26 mars 2012 ;

- la société Selective Plating SRL a déposé des conclusions le 3 mars 2011.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 avril 2012.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SA Zodiac Pool Care Europe soutient que :

- l'expert judiciaire a établi que les désordres proviennent du manque d'adhérence de la couche de nickel sur le laiton des borniers des cartes électroniques (de sorte que les borniers se décollent) ce qui met en cause le traitement de surface des broches en laiton avant pose de la couche de finition en nickel ; la responsabilité de Syselec, ayant fourni les cartes à Zodiac, est donc engagée ; Syselec n'a pas contesté les préjudices de Zodiac lors des opérations d'expertises, amiables et judiciaires ; Zodiac a fourni à l'expert judiciaire les pièces justificatives de ses préjudices ; M. Caracci les a estimées non probantes, sans toutefois lui réclamer des pièces complémentaires ni évaluer lui-même ces préjudices ; c'est donc à tort que le Tribunal a débouté Zodiac de ses demandes pour absence de justificatifs des préjudices et rejeté sa demande subsidiaire d'expertise comptable, tout en condamnant Eutelec à indemniser Syselec de ses préjudices ;

- les frais de réparation réclamés par Zodiac à Syselec ne font pas double emploi avec ceux réclamés par Syselec à Eutelec car Zodiac et Syselec ne sont pas intervenues sur les mêmes cartes des robots (Zodiac a remplacé les cartes des blocs moteurs des robots et une partie des cartes des coffrets de commande, Syselec le reste des cartes des coffrets).

Elle sollicite, au visa des articles 1146 et 1147 du Code civil :

- la réformation du jugement ;

- la condamnation de Syselec à lui payer les sommes suivantes :

* 62 281,62 euro au titre des coûts de dépose et repose des cartes sur les robots ;

* 143 877,71 euro TTC au titre de l'embauche de personnel en intérim pour remplacer les cartes de janvier à août 2003 ;

* 13 003,75 euro HT au titre des frais de rapatriement des robots et des coffrets de commande contenant les cartes défectueuses, qui étaient déjà vendues aux clients ou encore en stock chez le prestataire logistique la société Giraud ;

* 4 012 euro HT au titre des frais d'expertise du laboratoire LCIE du 23 mai 2003 ;

* 6 648 euro au titre des coûts engendrés par les retards de livraison en février 2003 ;

* 4 855 euro au titre du coût lié à l'immobilisation des stocks de matières premières au cours de la période de réparations pendant 5 semaines ;

* 397,50 euro au titre des frais de déplacement pour remplacement des cartes chez les clients (2e sinistre) ;

soit un total de 237 895,58 euro pour le préjudice direct ;

* 50 000 euro en réparation de son préjudice indirect (perte d'image, de confiance et de clientèle) ;

le tout avec intérêts légaux à compter du courrier de réclamation du 3 février 2003 ;

* 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- subsidiairement, une expertise comptable aux frais avancés de Syselec ;

- la condamnation de Syselec aux dépens, dont distraction.

La SA Syselec soutient que :

- sur l'action de Zodiac à son encontre : Zodiac a refusé de communiquer à l'expert judiciaire les justificatifs de ses préjudices, qu'il lui réclamait ; les pièces nouvelles que Zodiac verse aux débats devant la Cour d'Appel, qui n'ont pas été examinées par M. Caracci, ne permettent pas d'établir le préjudice ; il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise dans le but de pallier la carence de Zodiac ;

- sur sa propre action à l'encontre d'Eutelec et d'Allianz :

* la concluante peut agir contre Eutelec et Allianz à titre principal sur le fondement des vices cachés et à titre subsidiaire sur le fondement contractuel ; la seule interdiction émise par la Cour de Cassation est de cumuler les deux actions ;

* son action pour vices cachés n'est pas prescrite, ni sous l'empire du régime antérieur à l'ordonnance du 17 février 2005 ni sous l'empire du nouveau régime : il s'est écoulé environ 7 mois entre juin 2003, moment où les parties ont eu connaissance du rapport du cabinet Polyexpert (qui a établi le vice caché), et les assignations de janvier 2004 ; d'ailleurs, le jugement du Tribunal de commerce du 8 février 2006 a reconnu que l'action de Syselec sur le fondement des vices cachés n'était pas prescrite ;

* son action pour non conformité n'est pas prescrite (délai de 10 ans) ;

* il ressort des rapports du LCIE et de M. Caracci que les désordres, portant sur les borniers fournis par Eutelec, sont dus au processus de traitement de surface avant dépose du nickel et sont étrangers aux opérations de soudure faites par Syselec ; l'expert, qui a répondu aux dires, a écarté les autres causes possibles ;

* Eutelec ne peut pas opposer à Syselec, 6 ans après le rapport de Polyexpert, ses conditions générales de vente, dont la concluante n'a jamais eu connaissance et qu'elle n'a jamais signées ;

- sur la garantie de son assureur Axa : cette garantie est acquise en cas de défaut des produits, pour les dommages imputables à une erreur commise dans la conception, la fabrication, la réalisation, le conditionnement ou la délivrance des travaux, et pour les frais de dépose et repose des produits livrés.

Elle sollicite :

- la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Zodiac et retenu la responsabilité d'Eutelec ;

- la réformation du jugement sur le quantum du préjudice de Syselec ;

- la condamnation d'Eutelec et d'Allianz à lui payer les sommes suivantes :

* 112 750,92 euro TTC au titre du préjudice matériel (91 728,35 euro HT au titre du coût de reprise des cartes et des coffrets : 4 782,5 heures de main d'œuvre au taux horaire de 19,18 euro HT + 2 545 euro HT au titre des frais de transport = 94 273,35 euro HT), avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2004 ;

* 20 000 euro au titre du préjudice commercial ;

* 10 000 euro de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

* 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la garantie d'Eutelec, d'Allianz, et à défaut de garantie par ces deux parties, la garantie d'Axa ;

- la condamnation d'Eutelec et d'Allianz aux dépens, dont distraction.

Axa France Iard, assureur de Syselec :

- reprend les observations de son assurée sur l'action de Zodiac à l'encontre de Syselec, l'absence de prescription de l'action pour vices cachés de Syselec à l'encontre d'Eutelec et d'Allianz et l'absence de responsabilité de Syselec dans les désordres ;

- soutient, sur la propre garantie envers Syselec, que :

* le contrat exclut de la garantie la prestation de l'assuré et le remplacement des produits défectueux vendus par lui ; Syselec ne peut donc pas réclamer la garantie de son préjudice chiffré à 94 273,35 euro HT ;

* seuls les préjudices indirects peuvent être pris en charge au titre des " dommages immatériels non consécutifs à des dommages matériels garantis ", avec une franchise de 10 % d'un minimum de 551 euro et d'un maximum de 2 205 euro.

Elle demande :

- à titre principal, qu'il soit statué ce que de droit sur les prétentions de Syselec à l'encontre d'Eutelec et la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté la responsabilité de Syselec et d'Axa ;

- à titre subsidiaire, si la Cour retenait une responsabilité de Syselec et d'Axa, la garantie d'Eutelec et d'" AGF " (sic) et qu'il soit dit qu'Axa n'est pas tenue à garantie ;

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour retenait la garantie d'Axa, la limitation de cette garantie aux dommages immatériels non consécutifs à des dommages matériels garantis, avec application de la franchise ;

- en toute hypothèse, la condamnation de tous succombants à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont distraction.

La Sarl Eutelec et sa compagnie d'assurance la SA Allianz Assurances soutiennent que :

- Syselec, qui agit contre elles à titre principal sur le fondement des vices cachés et à titre subsidiaire sur le fondement contractuel, ne peut pas à son choix opter pour l'un ou l'autre de ces régimes pour un même désordre ;

- l'action pour vices cachés est prescrite car le bref délai est expiré (seul le régime antérieur à l'ordonnance du 17 février 2005 étant applicable) : Syselec a été informée des défauts des borniers par courrier de Zodiac du 3 février 2003, Polyexpert a rédigé son rapport le 28 mai 2003, et Syselec n'a agi contre Eutelec et AGF que par assignation du 19 janvier 2004 ; il ne peut pas être opposé aux concluantes le jugement du Tribunal de commerce du 8 février 2006, avant dire droit, qui dans ses motifs a dit que l'action de Syselec sur le fondement des vices cachés n'était pas prescrite mais ne l'a pas repris dans son dispositif ;

- Eutelec a respecté son obligation contractuelle de livrer à Syselec les borniers fabriqués par ASS.EL, sans y apporter une valeur ajoutée ; or, les désordres ne sont pas de son fait mais sont dus au traitement de surface des broches en laiton ;

- à titre subsidiaire, les conditions générales de vente figurant au dos des documents contractuels, non dénoncées par Syselec, limitent la garantie à la remise en état ou au remplacement des marchandises affectées d'un vice ou d'un défaut de conformité à l'exclusion de tout dédommagement ; si une condamnation devait intervenir, elle devrait être limitée au montant des commandes livrées par Eutelec ou aux 80 876,25 euro HT retenus par le premier juge.

Elles sollicitent, au visa des articles 1134, 1641 et suivants du Code civil :

- la réformation du jugement en ce qu'il a condamné Eutelec à réparer le préjudice de Syselec ;

- qu'il soit jugé que l'action est prescrite ;

- le débouté de Syselec ;

- à titre subsidiaire, la limitation des condamnations au montant des contrats conclus avec Syselec ;

- en toute hypothèse, la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné ASS.EL et son assureur Riunione Adriatica Di Sicurta à les garantir ;

- la condamnation de tout succombant à leur payer la somme de 2.000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile , ainsi qu'aux dépens, dont distraction.

La société ASS.EL.SRL conclut :

- au caractère infondé de l'action de Zodiac ;

- à la prescription de l'action pour vices cachés engagée en janvier 2004 par Syselec (informée du vice caché entre février et mars 2003) à l'encontre d'Eutelec et Allianz et a fortiori à la prescription de l'action engagée en septembre 2004 par Eutelec (informée du vice caché entre février et mai 2003) et Allianz à l'encontre d'ASS.EL ;

- au non-cumul du régime des vices cachés et du régime contractuel et par suite à l'absence de responsabilité contractuelle pour défaut de conformité d'Eutelec envers Syselec ;

- à l'absence de preuve d'imputabilité des désordres à ASS.EL : l'expert judiciaire a retenu comme cause un mauvais traitement de surface du corps des broches en laiton engendrant un manque d'adhérence de la couche de nickel, alors que le manque d'adhérence n'est pas substantiel et qu'il n'existe qu'un début de décollement de la couche de nickel sur l'une des deux broches de l'unique bornier examiné ; il a écarté les autres causes possibles sans répondre aux dires ni s'interroger sur les marbrures (couches de résine consécutives à une humidité lors du nettoyage fait par Syselec avant soudure), sur les remontées de la brasure dans les vias (trous métallisés de la carte électronique) témoignant d'une mauvaise soudure par Syselec, sur le décollement de la brasure du circuit imprimé témoignant d'une mauvaise qualité de ce circuit ; les décollements n'ayant pas concerné tous les borniers fabriqués par ASS.EL mais seulement une partie, ils ont pu être provoqués par un mauvais assemblage ponctuel des borniers sur les cartes réalisé par Syselec, qui n'a pas justifié d'une mise en œuvre fiable ;

- à l'absence de lien avéré entre la qualité des borniers fabriqués par ASS.EL et le démontage systématique de toutes les cartes, et au fait que le nombre de borniers concernés par des décollements est inconnu alors que, sur une carte, sont assemblées plusieurs types de borniers ;

- à la garantie de Selective Plating : en 2002 et même avant, seule cette société a effectué des opérations de métallisation et d'étamage pour le compte d'ASS.EL sur les borniers (cf. déclaration du Président du Collège des Commissaires d'ASS.EL), et cette société ne l'avait jamais contesté jusqu'en 2008 ; les borniers concernés par les désordres n'ont pas été métallisés et étamés par une autre société et stockés pendant des années (compte tenu du nombre important de borniers fabriqués et de leur livraison rapide aux clients) ; Selective Plating ne peut pas opposer à ASS.EL l'absence de réserves à la réception, car les tests de conformité ne sont effectués que sur des échantillonnages restreints ; Selective Plating ne peut pas non plus tirer argument de la différence d'aspect entre les borniers qu'elle livre à ASS.EL, brillants, et les borniers litigieux, sombres car ils ont été manipulés en vue de leur assemblage ;

- à la garantie de Riunione Adriatica Di Sicurta au titre de la police responsabilité civile : l'assureur ne peut pas lui opposer l'article 15 de la police excluant les frais de retrait et de remplacement du produit défectueux et les frais de réparation car les dommages allégués par Syselec ont été subis par des robots de piscine ou des cartes moteurs, et non par les borniers fabriqués par ASS.EL, et cet article ne précise pas clairement s'il vise les frais supportés par ASS.EL ou les frais supportés par des tiers ; en outre, l'article 11 de la police couvre les dommages causés aux tiers par les produits commercialisés par ASS.EL, de sorte que l'article 15 viderait de sa substance le contrat d'assurance.

Elle sollicite, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil :

- l'infirmation du jugement en ce qu'il a accueilli le recours d'Eutelec à son encontre : à titre principal, l'irrecevabilité des actions de Syselec et d'Eutelec et à titre subsidiaire le débouté de Zodiac et d'Eutelec et la mise hors de cause de la concluante ;

- à titre plus subsidiaire, l'infirmation du jugement en ce qu'il a débouté ASS.EL de son appel en garantie contre Selective Plating ;

- à titre infiniment subsidiaire, la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Riunione Adriatica Di Sicurta à garantir ASS.EL ;

- en tout état de cause, la condamnation d'Eutelec ou de toute autre partie succombante à lui payer la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamnation d'Eutelec ou de toute autre partie succombante aux dépens, dont distraction.

La société Riunione Adriatica Di Sicurta, assureur d'ASS.EL, conclut :

- au rejet des prétentions de Zodiac ;

- au non-cumul du régime des vices cachés et du régime contractuel ;

- à la prescription de l'action pour vices cachés engagée par Syselec ;

- à l'absence de preuve d'imputabilité des désordres à ASS.EL ;

- à la garantie de Selective Plating ;

- au rejet ou à la réduction des demandes de Syselec à un maximum de 49 500 euro HT (correspondant à environ 3 000 cartes défectueuses) ;

- sur sa propre garantie : à l'exclusion, en vertu de l'article 15 de la police, des frais de retrait et de remplacement du produit défectueux et des frais de réparation (seuls les dommages occasionnés aux tiers par le défaut des produits sont couverts) ; ce type d'exclusion a été validé par la jurisprudence ; sont donc exclus de la garantie par la concluante le préjudice matériel de Syselec (frais de retrait et de remplacement des boîtiers et des borniers) et le préjudice matériel de Zodiac (coûts de dépose et repose des cartes litigieuses et de rapatriement).

Elle demande, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil :

- la réformation du jugement ;

- à titre principal, l'irrecevabilité de l'action de Syselec et par suite le rejet des appels en garantie contre ASS.EL et la concluante ;

- à titre subsidiaire, le débouté des demandes à son encontre et sa mise hors de cause ;

- à titre très subsidiaire, la garantie de Selective Plating ;

- à titre infiniment subsidiaire, la limitation du coût de reprise des borniers à 49 500 euro HT ;

- en tout état de cause :

* n'y avoir lieu à garantie par la concluante du coût de reprise des produits, des frais de retrait et de réparation ;

* l'application d'une franchise de 10 % ;

* la condamnation de toute partie succombante à lui payer la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont distraction.

La société Selective Plating SRL soutient que :

- il n'est pas prouvé que la concluante soit intervenue sur les borniers litigieux et qu'ASS.EL lui ait confié l'exclusivité des opérations de métallisation : la concluante a affirmé dès 2003 qu'elle n'avait pas métallisé les borniers en question ; M. Caracci a fait part des incertitudes sur l'origine des borniers en raison de l'absence de traçabilité des opérations ; la déclaration du Président du Collège des Commissaires d'ASS.EL est sans valeur probante dès lors qu'elle émane d'un organe interne d'ASS.EL et qu'elle n'exclut pas que les borniers aient été traités par une autre société avant 2002 et soient restés stockés dans les entrepôts d'ASS.EL ; les borniers qu'elle livre à ASS.EL présentent certaines caractéristiques leur permettant de passer avec succès les tests en laboratoire effectués selon les normes UNI (absence d'oxydation, de grumeaux, d'éraflures, caractéristiques d'adhérence, aptitudes à être soudés, épaisseur'), que ne présentent pas les borniers litigieux livrés à Zodiac ;

- l'action de Syselec est prescrite au visa de l'article 1641 et irrecevable au visa de l'article 1134 ;

- il n'est pas établi que la cause des désordres réside dans un défaut de fabrication des borniers lors de la métallisation et qu'elle n'ait pas une autre cause trouvant son origine lors de l'assemblage par Syselec des borniers sur les cartes.

Elle sollicite, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil :

- à titre principal, la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté ASS.EL de son appel en garantie contre Selective Plating ;

- à titre subsidiaire, l'infirmation du jugement en ce qu'il a écarté la prescription de l'action de Syselec et homologué les conclusions de l'expert judiciaire sur la cause des désordres, et la mise hors de cause de la concluante ;

- la condamnation d'ASS.EL ou de toute autre partie succombante à lui payer la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont distraction.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur la cause des désordres :

L'expert judiciaire M. Caracci a effectué ses opérations de manière contradictoire, après avoir convoqué toutes les parties ; il a rédigé des pré-rapports qu'il leur a communiqués ; il a recueilli leurs pièces ; il a reçu leurs dires et y a répondu (y compris au dire du 29 avril 2008 d'ASS.EL, contrairement à qu'affirme cette dernière). Compte tenu du grand nombre de borniers incriminés (plusieurs milliers), il était évidemment impossible à M. Caracci de les examiner tous un par un ; il a donc décidé d'adresser pour analyse au sapiteur le laboratoire Centech une carte avec un bornier encore soudé, et deux autres borniers dessoudés ; en cours d'expertise, ASS.EL n'a pas demandé à l'expert d'étendre ses observations à un plus grand nombre de borniers ; au contraire, dans ses dires, elle remettait en cause le principe même d'une analyse par Centech. Le laboratoire Centech a rédigé un rapport d'analyses du 6 juin 2007. M. Caracci a analysé ces analyses et a alors donné son avis sur les causes des désordres, dans son rapport final du 1er juillet 2008, qui est extrêmement détaillé et clair.

Les désordres consistent en un décollement des borniers fixés sur les cartes.

ASS.EL attribue ces décollements à la mauvaise qualité de l'assemblage et des soudures réalisés par Syselec en s'appuyant sur diverses constatations faites par le laboratoire Centech : des marbrures (couches de résine consécutives à une humidité lors du nettoyage fait par Syselec avant soudure), des remontées de la brasure dans les vias (trous métallisés de la carte électronique) et des décollements de la brasure du circuit imprimé.

Néanmoins, M. Caracci répond, à ces observations émises par dire, que les marbrures ne sont qu'en surface et que les remontées de brasure n'entraînent que des fissurations et non des ruptures totales. Il estime qu'il existe un manque d'adhérence de la couche de métallisation en nickel posée sur le laiton des broches des borniers avant toute soudure et donc que le problème réside dans le bornier lui-même (problème dans le traitement de surface du corps de la broche en laiton avant dépose de la couche de finition en nickel) et non dans le processus de soudure du bornier sur la carte ; il indique que les analyses du laboratoire Centech confirment celles qui avaient été faites précédemment par le laboratoire LCIE (sapiteur de Polyexpert, qui avait réalisé l'expertise amiable au contradictoire des parties françaises mais non des parties italiennes), et notamment l'analyse à titre de comparaison sur un bornier neuf qui n'avait jamais été soudé sur une carte, qui présentait lui aussi un manque d'adhérence.

II - Sur l'action de Zodiac à l'encontre de Syselec :

Zodiac et Syselec sont liées par un contrat de vente, Syselec fournissant à Zodiac les cartes sur lesquelles elle a soudé les borniers défectueux. Zodiac est donc recevable et bien fondée à agir à l'encontre de Syselec sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, ce que d'ailleurs Syselec ne conteste pas.

Il est incontestable que Zodiac a subi un préjudice personnel : Syselec n'est pas la seule à avoir effectué des reprises sur les cartes pourvues de borniers défectueux, Zodiac en a fait aussi.

Lors des opérations d'expertise judiciaire, Zodiac n'a fourni à M. Caracci que très peu de pièces justifiant de son préjudice (cf. annexe 4) ; l'expert les a jugées à juste titre insuffisantes mais, au lieu de demander à Zodiac les pièces qu'il estimait nécessaires ou de tenter d'évaluer lui-même ce préjudice, il s'est contenté de dire que Zodiac n'établissait pas son préjudice ; Zodiac n'a fait aucun dire. En cours de procédure, Zodiac verse aux débats de nombreuses pièces que les parties adverses peuvent discuter ; il convient donc de statuer en l'état au vu de ces pièces sans ordonner une expertise comptable.

Zodiac allègue les préjudices suivants :

- coûts de dépose et repose des cartes litigieuses : 62 281,62 euro ; Zodiac, qui n'indique cette réclamation que dans le dispositif de ses conclusions et non dans ses motifs, n'explique pas à quoi correspond cette somme ni le mode de calcul adopté ; il semblerait que ce poste de préjudice corresponde au coût de son personnel salarié ; néanmoins, les tableaux figurant dans les conclusions n'établissent pas que Zodiac ait payé des heures supplémentaires à ses salariés pour effectuer les opérations de reprise ; ce poste sera donc écarté ;

- embauche de personnel en intérim pour remplacer les cartes : 143 877,71 euro TTC ; ce montant correspond au total des factures d'intérim de Kelly Services de janvier à août 2003 ; néanmoins, en dehors du sinistre litigieux, Zodiac fait déjà appel à du personnel intérimaire ; elle ne peut donc pas prétendre à être indemnisée de tous ses frais d'intérim y compris pour les travaux habituels, mais seulement du surcoût d'intérim lié aux désordres ; lors des opérations d'expertise, elle a indiqué qu'elle avait dû remplacer 2 979 cartes ; pendant l'expertise et dans ses conclusions, elle évalue le nombre d'heures passées à la reprise à 3 987,50 heures, ce qui revient à environ 1 heure 20 par carte ; cette évaluation est acceptable et sera retenue ; l'indemnisation sera fixée sur la base de l'heure d'intérim facturée par Kelly Services, soit 3 987,50 heures x 14,99 euro HT l'heure = 59 772,63 euro HT ;

- frais de rapatriement des robots et des coffrets de commande contenant les cartes défectueuses : 13.003,75 euro HT se décomposant comme suit :

rapatriement des produits en clientèle : 8 373,77 euro HT (cf. factures) ;

rapatriement des produits en stock pour le 1er sinistre : 3 576,98 euro HT ; Zodiac fait une évaluation à partir des mouvements de palettes qu'elle attribue au transport des matériels litigieux ; néanmoins, la facture de Giraud LOGISTICS du 28 février 2003 ne permet pas d'identifier les transports imputables au sinistre et ceux dus à l'activité normale, de sorte que ce poste sera écarté ;

rapatriement des produits en stock pour le 2e sinistre : 1 053 euro HT (cf. facture de HEPPENER du 31 mars 2003) ;

La Cour retiendra donc 8 373,77 euro + 1 053 euro = 9 426,77 euro HT

- frais d'expertise du laboratoire LCIE : 4 012 euro HT (cf. facture du 23 mai 2003) ; ce montant sera retenu ;

- coûts engendrés par les retards de livraison en février 2003 : 6 468 euro correspondant à 1 200 appareils d'un prix unitaire de 980 euro, non livrés dans les délais, engendrant 6,6 % de frais ; Zodiac ne produit aucune pièce justificative de ce préjudice, qui sera donc rejeté ;

- coût lié à l'immobilisation des stocks de matières premières au cours de la période de réparations pendant 5 semaines : 4 855 euro correspondant à un stock de 765 000 euro engendrant 6,6 % de frais ; Zodiac ne produit aucune pièce justificative de ce préjudice, qui sera donc rejeté ;

- frais de déplacement pour remplacement des cartes chez les clients (2e sinistre) : 3 397,50 euro (cf. tableau) ; ce poste sera retenu ;

- atteinte à l'image : 50 000 euro ; Zodiac produit une attestation de son directeur général délégué faisant état de dépenses de publicité passées de 113 400 euro en 2002 à 324 314 euro en 2003 ; néanmoins, elle n'établit pas de ce que cette augmentation serait due au sinistre ; elle ne justifie pas non plus de pertes de clients ou de marchés ni de la réalité d'une publicité défavorable à son encontre, par voie de presse par exemple ; ce préjudice sera donc rejeté ;

total : 76 608,90 euro HT soit 91 624,24 euro TTC

Il convient donc de condamner Syselec à payer à Zodiac la somme de 91 624,24 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt (article 1153-1 du Code civil, s'agissant d'une indemnité).

III - Sur l'action de Syselec à l'encontre d'Eutelec et d'Allianz :

Syselec agit à l'encontre d'Eutelec et d'Allianz pour être garantie à la fois pour les dommages causés à Zodiac qu'elle est condamnée à réparer et pour ses propres dommages.

Sur la recevabilité de l'action :

Syselec et Eutelec sont liées par un contrat de vente, Eutelec fournissant à Syselec les borniers. Syselec soutient que les borniers sont affectés d'un vice caché ; elle ne peut donc effectivement agir que sur le fondement de l'action pour vices cachés (articles 1641 et suivants du Code civil), et ne peut pas, à titre subsidiaire, au cas où son action pour vices cachés serait prescrite, agir sur le fondement de la non-conformité.

S'agissant de la question de la prescription, le jugement du 8 février 2006 ordonnant une expertise judiciaire avait dit, dans ses motifs, que l'action de Syselec " ne pouvait pas être considérée comme prescrite sur le fondement des articles 1641 et 1648 du Code civil en présence d'une non-conformité " ; toutefois, il n'a pas, dans son dispositif, qui seul a autorité de chose jugée, rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et déclaré l'action de Syselec recevable ; le Tribunal a d'ailleurs qualifié son jugement d'avant-dire droit. La question n'était donc pas tranchée par ce jugement et devait être examinée au fond et d'ailleurs le jugement dont appel du 9 décembre 2009 a évoqué cette question et a expressément statué sur la prescription dans son dispositif.

Syselec a engagé son action à l'encontre d'AGF (Allianz) et d'Eutelec par assignations des 19 et 22 janvier 2004 ; à l'époque, s'appliquait l'article 1648 du Code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2005 portant réforme de la prescription, qui disposait que l'action devait être intentée à bref délai.

Par lettre du 3 février 2003, Zodiac s'est plainte auprès de Syselec de défauts sur les cartes car les borniers se détachaient ; néanmoins, à l'époque, Zodiac et Syselec ignoraient la cause de ces détachements et ce courrier ne faisait pas ressortir l'existence de vices cachés sur les borniers eux-mêmes ; c'est le cabinet Polyexpert, ayant réalisé l'expertise amiable et rédigé un rapport du 28 mai 2003, qui a mis en évidence des vices cachés concernant les borniers. Ce rapport constitue donc le point de départ du bref délai. Syselec ayant actionné Eutelec et AGF moins de 8 mois après, il convient de considérer qu'elle a agi à bref délai de sorte que le jugement du 9 décembre 2009 sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé de l'action :

Le rapport d'expertise de M. Caracci écarte la responsabilité de Syselec lors des opérations de soudure et d'assemblage des borniers sur les cartes, et met en évidence un défaut lié aux borniers fournis par Eutelec. Aucune des parties ne conteste le fait que ce défaut ne pouvait pas être détecté par Syselec lors de la livraison des borniers.

Sur les préjudices subis par Syselec :

A titre préliminaire, Eutelec entend opposer à Syselec ses conditions générales de vente stipulant que " le vendeur garantit l'acheteur contre tous les vices cachés de la marchandise dans les conditions prévues par la loi ; la garantie est limitée à la remise en état ou au remplacement des marchandises affectées d'un vice ou d'un défaut de conformité à l'exclusion de tout dédommagement à quelque titre que ce soit ", et en déduire une limitation de sa garantie au montant des commandes qu'elle a livrées à Syselec.

Néanmoins, Eutelec ne produit qu'une copie de ses conditions générales, non signées par Syselec ; elle ne prouve pas que ces conditions figureraient au dos de bons de commande, factures et bons de livraison qu'elle a émis au nom de Syselec (ces pièces, annexées au rapport de M. Caracci, ne sont qu'en copie, sans verso, et au demeurant non signées par Syselec). Ces conditions ne sont donc pas contractuelles à l'égard de Syselec et lui sont inopposables. En toute hypothèse, Eutelec ne précise pas dans ses conclusions quel était le montant de ses commandes.

Par ailleurs, Eutelec ne conclut pas à la non-application de l'article 1645 dont il ressort que le professionnel, tenu de connaître les vices de la chose qu'il vend, doit tous dommages-intérêts à l'acheteur.

Le préjudice subi par Syselec consiste en premier lieu à devoir indemniser le préjudice de 91 624,24 euro TTC subi par Zodiac.

Syselec subit également un préjudice propre en raison des réparations qu'elle a effectuées personnellement, qu'elle évalue comme suit :

- coût de reprise de 3 600 cartes et de 1 666 coffrets (4 782,5 heures de main d'œuvre à 19,18 euro HT l'heure) : 91 728,35 euro HT

- frais de transport : 2 545 euro HT

soit un total de 94 273,35 euro HT soit 112 750,92 euro TTC

Syselec a fourni à M. Caracci des factures d'intérim et des bulletins de paie pour les ateliers de réparations électroniques et électromécaniques. M. Caracci a examiné ces pièces et a retenu le nombre de cartes et de coffrets allégués (3 600 et 1 666), ainsi que le nombre d'heures allégué (4 782,5, soit 45 minutes par carte et 1 heure 15 par coffret), mais non le taux horaire allégué de 19,18 euro ; en effet, il a estimé qu'étaient intervenus à la fois du personnel salarié et du personnel intérimaire, mais que rien n'indiquait que les salariés aient fait des heures supplémentaires, de sorte que seul le coût du personnel intérimaire devait être indemnisé ; l'expert a retenu des taux horaires moyens de 13,797 euro HT pour les intérimaires affectés à l'atelier électronique et 19,205 euro HT pour les intérimaires affectés à l'atelier électromécanique, avec un temps passé pour moitié dans chaque atelier, soit un coût moyen de 16,50 euro HT l'heure. Il a estimé que Syselec ne justifiait pas de frais variables de structure de 55 % du coût horaire de revient. Il a donc retenu 4 782,5 heures x 16,50 euro = 79 911,25 euro HT, ainsi que 1 965 euro HT de factures de transport justifiées, soit un total de 80 876,25 euro HT.

Dès lors que Zodiac se plaignait de détachements de borniers sur une grande partie des cartes, il était normal que Syselec intervienne sur le reste des cartes concernées par les lots défectueux et qu'elle fasse une reprise intégrale de toutes les cartes et coffrets, sans attendre que les matériels soient livrés aux clients et cassent ce qui aurait généré des coûts de reprise encore supérieurs.

Il convient donc d'homologuer le rapport d'expertise sur ce point et de retenir un montant de 80 876,25 euro HT soit 96 728 euro TTC.

S'agissant du préjudice commercial de 20 000 euro allégué, Syselec se plaint d'une perte d'image vis-à-vis de Zodiac. Néanmoins, elle ne produit aucune pièce en justifiant (courrier de Zodiac indiquant que désormais elle ne lui passerait plus de commandes, pièces comptables attestant d'une perte de chiffre d'affaires lié à la perte d'un marché'), de sorte qu'elle sera déboutée de cette demande.

Enfin, compte tenu de la complexité du litige et de la nécessité d'une expertise technique, il ne peut pas être reproché à Eutelec et Allianz de ne pas avoir indemnisé Syselec à première demande ; Syselec sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive.

Sur la garantie d'Allianz au profit d'Eutelec :

La compagnie Allianz ne conteste pas sa garantie au titre du contrat d'assurance qui la lie à Eutelec.

Il convient donc de condamner Eutelec, solidairement avec son assureur Allianz (que le Tribunal a omis) à garantir Syselec de la condamnation prononcée au profit de Zodiac de 91 624,24 euro en principal et à payer à Syselec la somme de 96 728 euro TTC au titre de son préjudice personnel avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 9 décembre 2009 (article 1153-1 du Code civil, s'agissant d'une indemnité).

IV - Sur le recours en garantie de Syselec à l'encontre d'Axa :

Syselec ne demande la garantie de son assureur Axa qu'à titre subsidiaire, pour le cas où Eutelec et Allianz ne la garantiraient pas. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette demande.

V - Sur le recours en garantie d'Eutelec et d'Allianz à l'encontre d'ASS.EL :

Eutelec et ASS.EL sont liées par un contrat de vente, ASS.EL fournissant à Eutelec les borniers atteints de vices cachés.

S'agissant de la question de la prescription, Eutelec et AGF ont été assignées par Syselec les 19 et 22 janvier 2004 et ont fait leur recours en garantie contre ASS.EL par assignation du 9 septembre 2004, soit moins de 8 mois après ; en effet, Eutelec et AGF, qui ne subissaient aucun préjudice personnel du fait des borniers défectueux, n'allaient pas agir à titre préventif contre ASS.EL avant même d'être assignées par Syselec ; le recours en garantie formé par Eutelec et Allianz contre ASS.EL a donc été formé dans le bref délai.

Il convient donc de condamner ASS.EL à garantir Eutelec et Allianz au titre des condamnations qui ont été prononcées contre elles.

Eutelec et Allianz n'ont pas fait assigner Riunione Adriatica Di Sicurta (qui a été assignée par ASS.EL) ; dans le corps de leurs conclusions, elles ne demandent pas à être directement garanties par l'assureur ; dans le dispositif, elles demandent la confirmation du jugement " en ce qu'il a condamné ASS.EL et Riunione Adriatica Di Sicurta à les garantir ", mais ce n'est pas ce qu'a considéré le jugement (qui a condamné ASS.EL à garantir Eutelec et condamné Riunione Adriatica Di Sicurta à garantir ASS.EL). La cour considère donc qu'Eutelec et Allianz ne forment pas de demande directe contre Riunione Adriatica Di Sicurta.

VI - Sur le recours en garantie d'ASS.EL à l'encontre de Selective Plating :

ASS.EL et Selective Plating sont liées par un contrat de sous-traitance portant sur la métallisation de borniers. ASS.EL entend agir contre Selective Plating en garantie des désordres causés par la métallisation qu'elle a effectuée ; Selective Plating lui rétorque que les borniers dont la métallisation a été défectueuse n'ont pas été métallisés par elle mais par un tiers.

Les borniers, qui ne sont pas numérotés, ne sont pas identifiables et n'ont pas de traçabilité ; il n'est pas possible de dire qu'ils ont été métallisés par telle ou telle société en fonction de leur seul aspect.

En 2002, Selective Plating a traité plus de 7 millions de borniers pour le compte d'ASS.EL. ASS.EL soutient que Selective Plating est son seul sous-traitant depuis des années et produit une attestation de M. Nardone, Président du Collège des Commissaires de la société ASS.EL, en date du 22 décembre 2006, affirmant qu'au cours de l'exercice 2002, les opérations d'étamage des borniers ont été réalisées exclusivement par Selective Plating ; néanmoins, Selective Plating indique, sans être contredite par ASS.EL, que cette attestation émane d'un organe interne à la société donc dépourvu d'impartialité ; surtout, cette attestation ne concerne que l'année 2002 et n'établit pas l'exclusivité de la sous-traitance au profit de Selective Plating avant 2002. Or, la cour ignore à quelle date la métallisation défectueuse a été réalisée et ne dispose pas d'informations sur la durée du processus de fabrication, d'importation et de distribution (fabrication des borniers en Italie par ASS.EL, métallisation en sous-traitance, importation des borniers par Eutelec, fabrication et assemblage des cartes par Syselec, livraison à Zodiac) ; compte tenu d'une livraison des cartes concernées entre octobre et décembre 2002 à Zodiac, il n'est pas impossible que les borniers défectueux aient été métallisés avant 2002 et la Cour n'a pas la preuve qu'avant 2002, c'était déjà Selective Plating qui faisait exclusivement la sous-traitance. ASS.EL ne verse pas aux débats le contrat de sous-traitance avec Selective Plating (qui aurait pu contenir une clause d'exclusivité), ni des pièces comptables attestant de l'identité de ses sous-traitants.

Enfin, ASS.EL ne peut pas utilement soutenir qu'avant 2008, Selective Plating n'avait jamais contesté avoir réalisé la métallisation des borniers litigieux : il n'est versé aux débats aucun courrier de réclamation auprès de Selective Plating ; celle-ci n'a été assignée qu'en 2005 ; lors des opérations d'expertise judiciaire, elle a effectivement émis cette contestation. M. Caracci a pris note des arguments de part et d'autre et dit qu'il ne pouvait pas trancher cette contestation.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté ASS.EL de son appel en garantie contre Selective Plating.

VII - Sur le recours en garantie d'ASS.EL à l'encontre de Riunione Adriatica Di Sicurta :

Riunione Adriatica Di Sicurta oppose à son assurée ASS.EL une exclusion de garantie pour les coûts de reprise des produits, les frais de retrait et de réparation, en vertu de l'article 15 de la police d'assurance, excluant " les frais de remplacement du produit, ou de ses parties ainsi que les frais de réparations ou les montants équivalents à la contre-valeur du produit " et " les frais ou les charges pour le retrait du marché des produits défectueux ou présumés défectueux couverts par l'assurance ".

Néanmoins, l'article 11 " objet de l'assurance " stipule que l'assureur couvre l'assuré " de ce qu'il est tenu de payer puisque civilement responsable conformément à la loi au titre de dédommagement (capital, intérêts, frais) des dommages involontairement causés à des tiers dus à un défaut des produits couverts par la police après leur livraison à un tiers pour des dommages aux choses ".

Il en résulte que l'assureur ne pourrait pas couvrir les dommages subis par son assuré qui aurait lui-même réparé ou retiré du marché les borniers défectueux qu'il a fabriqués, mais qu'il couvre les dommages subis par des tiers en raison de la défectuosité des borniers.

En l'espèce, le sinistre subi par ASS.EL consiste en l'obligation de garantir les dommages subis par Zodiac et Syselec, Syselec ayant monté les borniers sur des cartes et Zodiac ayant intégré ces cartes dans des robots de piscine qui ont subi des dommages et sont tombés en panne ; Riunione Adriatica Di Sicurta doit donc garantir ASS.EL, sous déduction d'une franchise contractuelle de 10 % (article 14) avec un minimum de 30 000 000 lires italiennes (page 7 des conditions particulières).

VIII - Sur le recours en garantie de Riunione Adriatica Di Sicurta à l'encontre de Selective Plating :

Selective Plating ayant été mise hors de cause, ce recours sera rejeté.

IX - Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

ASS.EL et Riunione Adriatica Di Sicurta supportant la charge finale des condamnations supporteront aussi les entiers dépens.

L'équité commande de faire application de l'article 700 comme suit : Syselec sera condamnée à payer à Zodiac une somme de 3 000 euro, Eutelec et Allianz à payer à Syselec une somme de 3 000 euro, et ASS.EL à payer à Eutelec et Allianz une somme de 1 500 euro, avec application des règles de garantie déjà énoncées. Les autres parties conserveront leurs frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement du 9 décembre 2009 en ce qu'il a : dit que l'action de Syselec en garantie des vices cachés n'était pas prescrite ; Dit que l'origine des vices cachés était liée à un défaut de fabrication des borniers Euroclam livrés par ASS.EL à Eutelec ; Débouté Syselec de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive contre Eutelec et de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice commercial ; Débouté ASS.EL de son appel en garantie contre Selective Plating ; L'infirme pour le surplus ; statuant à nouveau et y ajoutant : Déboute la SA Zodiac Pool Care Europe de sa demande d'expertise comptable ; Condamne la SA Syselec à payer à la SA Zodiac Pool Care Europe les sommes suivantes : - 91 624,24 euro TTC en réparation de ses préjudices matériels, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; - 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne solidairement la Sarl Eutelec et la SA Allianz à garantir la SA Syselec au titre des condamnations prononcées contre cette dernière ; Condamne solidairement la Sarl Eutelec et la SA Allianz à payer à la SA Syselec les sommes suivantes: - 96 728 euro TTC en réparation de ses préjudices matériels, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 9 décembre 2009 ; - 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne ASS.EL.SRL à garantir la Sarl Eutelec et la SA Allianz au titre des condamnations prononcées contre ces dernières ; Condamne ASS.EL.SRL à payer à la Sarl Eutelec et à la SA Allianz la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Riunione Adriatica Di Sicurta SPA à garantir ASS.EL.SRL au titre des condamnations prononcées contre cette dernière, sous déduction d'une franchise de 10 % avec un maximum de 30 000 000 lires italiennes ; Déboute Riunione Adriatica Di Sicurta SPA de son recours en garantie contre Selective Plating SRL ; Rejette le surplus des demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne in solidum ASS.EL.SRL et Riunione Adriatica Di Sicurta SPA aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.