Livv
Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ. B, 7 mai 2012, n° 10-01263

NÎMES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Defour

Défendeur :

Girardon Mercurol (SAS), Groupe AVS (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Muller

Conseillers :

Mmes Berthet, Almuneau

Avocats :

SCP Guizard - Servais, SCP Pomies-Richaud-Vajou, SCP Curat - Jarricot, Me Fontaine

TGI Privas, du 11 déc. 2009

11 décembre 2009

Exposé du litige :

Sur la base d'un bon de commande du 16 décembre 2004, Mme Annick Defour a confié à M. Claude Thiriet exerçant sous l'enseigne BatiFrance Services, la pose de dalles sur les plages d'une piscine, pour un montant de 2 194,40 euro TTC.

Le 11 avril 2005, Mme Annick Defour a acheté auprès de la SAS Girardon Mercurol, des dalles et du mortier pour une somme de 1 792,95 euro TTC.

Le 3 mai 2005, M. Thiriet a établi une facture pour un montant de 1 888,85 euro TTC, resté impayé par Mme Defour qui a refusé de prendre réception des travaux en dénonçant un défaut de planéité, des épaufrures, des fissurations et des décollements des dalles posées.

En l'absence de solution transactionnelle, Mme Defour a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Privas qui par ordonnance du 18 mai 2006 a confié une mesure d'expertise à M. Bernard Rebaudet.

Le rapport d'expertise a été déposé le 25 avril 2007.

Par jugement du 11 décembre 2009, le Tribunal de grande instance de Privas:

- a condamné in solidum M. Thiriet et la SAS Girardon Mercurol à payer à Mme Defour, la somme de 750 euro, toute cause de préjudice confondue,

- a condamné Mme Defour à payer à M. Thiriet et à la Sarl AVS Concept, la somme de 1 888,55 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2005,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,

- a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- a partagé les dépens en disant qu'ils seraient supportés par chaque partie à hauteur d'un tiers.

Le 10 mars 2010, Mme Annick Defour a relevé appel de ce jugement.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 27 juillet 2011, Mme Annick Defour demande à la cour au visa des articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil, du DTU 52.1, du rapport d'expertise:

- de réformer le jugement,

- de constater que les travaux de dallage ne sont pas conformes aux règles de l'art,

- de condamner in solidum M. Thiriet et la société Girardon Mercurol de payer la somme de 21 283,10 euro au titre des travaux de reprise, la somme de 1 000 euro en réparation de son préjudice moral, la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, aux entiers dépens.

La Sarl Groupe AVS venant aux droits de la Sarl AVS Concept et M. Claude Thiriet ont formé appel incident et ont conclu les 7 et 11octobre 2011, au visa des dispositions des articles 1384 aliéna 5, 1134 et 1147 du Code civil:

- au rejet des demandes, fins et prétentions de Mme Defour,

- à la mise hors de cause pure et simple de M. Claude Thiriet,

- à titre reconventionnel, à la condamnation de Mme Annick Defour à payer à la Sarl Groupe AVS, la somme de 1 885,55 euro avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2005,

- à titre subsidiaire, à la limitation de la responsabilité de la société Groupe AVS, à hauteur de 50 % des travaux de remise en état chiffrés par l'expert judiciaire, soit à la somme de 375 euro toutes cause de préjudices confondues, à la compensation des créances respectives,

- à la condamnation de Mme Annick Defour à payer à la société Groupe AVS, la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société Girardon Mercurol a également formé appel incident et par conclusions du 24 octobre 2011, demande à la cour:

- de débouter Mme Defour de son appel,

- de condamner Mme Defour au paiement de la somme de 5 000 euro de dommages-intérêts pour procédure abusive, au paiement de la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, aux entiers dépens de première instance et d'appel .

Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour renvoie aux écritures des parties pour l'exposé complet de leurs moyens, lesquels seront repris dans la suite de la décision.

La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 24 février 2012.

Exposé des motifs :

Il ressort du rapport d'expertise déposé le 25 avril 2007 par M. Bernard Rebaudet qu'une quinzaine de dalles posées sur les plages de la piscine présentent des microfissures et que quelques autres sonnent partiellement le creux, sans que pour autant un défaut d'adhérence soit établi.

Mme Annick Defour qui réclame une réfection globale du revêtement des plages de sa piscine, met en cause à la fois la responsabilité contractuelle de M. Claude Thiriet sur la base du contrat de louage d'ouvrage conclu et la responsabilité de la société Girardon Mercurol, en sa qualité de vendeur des dalles et du mortier de pose.

Sur la mise en cause de la responsabilité contractuelle de M. Claude Thiriet :

M. Thiriet a conclu à sa mise hors de cause en se prévalant de sa qualité de salarié de la Sarl Groupe AVS venant aux droits de la Sarl AVS Concept, exerçant sous l'enseigne BâtiFrance Services.

Il ressort en effet des documents produits aux débats que M. Claude Thiriet avait la qualité de salarié de la Sarl AVS Concept qui a été ensuite absorbée à partir du 26 décembre 2009 par la Sarl Groupe AVS.

Si le contrat qui a été signé le 18 juin 2004 entre la Sarl AVS Concept et M. Claude Thiriet confère à celui-ci une large autonomie dans l'organisation de son activité et dans la recherche de clients, il n'en demeure pas moins soumis à la législation applicable au contrat de travail, avec obligation pour M. Thiriet de respecter les instructions et les consignes qui lui sont données, avec obligation d'utiliser les tenues et le matériel fournis par la société, avec obligation de respecter une clause de non-concurrence en cas de rupture du contrat. La souscription des assurances professionnelles est à la charge de la société Groupe AVS.

Le devis qui a été établi par M. Claude Thiriet sous l'enseigne BâtiFrance Services, précise que le chèque devra être libellé à l'ordre de AVS Concept dont le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, est mentionné.

M. Claude Thiriet doit donc être considéré comme le préposé de la Sarl Groupe AVS qui admet sa responsabilité de commettant et sa qualité de locateur d'ouvrage.

M. Claude Thiriet en sa qualité de salarié de la Sarl Groupe AVS venant aux droits de la Sarl AVS Concept, doit être mis hors de cause.

Mme Defour fait grief au locateur d'ouvrage de ne pas avoir effectué son travail conformément aux règles de l'art et en particulier sans avoir respecté les prescriptions énoncées par le document technique unifié (D.T.U) 52.1 relatif aux revêtements de sols extérieurs, en ayant mis en œuvre le mortier de pose directement sur le support de dallage en béton, sans couche intermédiaire à fonction drainante, sans avoir réalisé de joints périphériques et de joints de fractionnement.

La société AVS Concept était tenue de respecter les règles de l'art, qu'elles soient codifiées ou pas, le DTU 52.1 qui a pris effet à partir du 5 décembre 2003, n'avait pas pour autant un caractère contractuel.

Ce DTU 52.1 qui est invoqué par Mme Defour au titre des règles de l'art qui n'auraient pas été respectées, préconise la mise en œuvre d'une couche intermédiaire à fonction drainante entre le support béton et le mortier de pose du revêtement pour éviter les efflorescences et les dégâts causés par le gel en cas d'infiltration des eaux par les dalles ou par les joints.

L'expert judiciaire a observé que cette absence de couche drainante n'avait causé aucun désordre, que les prescriptions du DTU visaient à prévenir des désordres qui provenaient généralement d'une mauvaise réalisation des joints, que les plages et terrasses réalisées, sans couche intermédiaire à fonction drainante, n'étaient pas automatiquement affectées de désordres qui en l'espèce n'étaient pas démontrés par Mme Defour.

Si les règles de l'art imposent des joints de fractionnement ou des joints périphériques au moins sur l'épaisseur du support en béton, l'expert judiciaire a constaté que les désordres par microfissures ne résultaient pas de l'absence de joints de fractionnement sur l'épaisseur du mortier de pose et sur l'épaisseur des dalles de revêtement, en précisant que les joints de fractionnement sur le mortier de pose n'étaient pas en application de l'article 6.7.2 du DTU 52.1, obligatoires dès lors que ces joints de fractionnement existaient sur un support béton réalisé depuis plus de 30 jours.

L'absence de joints de dilatation sur le support béton ne relève que des seules allégations de Mme Defour et en toute hypothèse, les microfissurations relevées ne sont pas liées, en lecture du rapport d'expertise, à l'absence de joints de dilatation sur les supports béton ou mortier des dalles.

Il ressort des constatations de l'expert que la planéité qui a été vérifiée, se situe dans les tolérances admises.

Au terme de ses investigations, l'expert judiciaire a conclu que les microfissures observées sur certaines dalles, avaient deux causes distinctes qui pouvaient être concomitantes et qui résultaient :

- du retrait du mortier de pose pendant le séchage, imputable à un défaut d'exécution du locateur d'ouvrage,

- du très léger retrait du béton de composition des dalles lors du séchage des dalles et qui relevait de la responsabilité du fabricant ou de son vendeur.

Pour certaines des microfissures observées, la responsabilité contractuelle du locateur d'ouvrage tenu d'une obligation de résultat, doit donc être retenue au titre d'un défaut d'exécution dans la pose du mortier.

Sur la mise en cause de la responsabilité de la société Girardon Mercurol, en qualité de vendeur :

Mme Defour met en cause la responsabilité de la société Girardon Mercurol en invoquant les dispositions de l'article L. 211-4 du Code de la consommation qui exige que le professionnel réponde des défauts de conformité existants lors de la délivrance et des vices dont sont affectés les matériaux livrés.

Or l'obligation de délivrance a été correctement remplie par la société Girardon Mercurol qui a remplacé les dalles qui ont été signalées cassées ou endommagées à la livraison.

En l'absence de réserves formulées par l'acquéreur à la livraison sur les microfissures que pouvaient comporter certaines dalles, l'acquéreur est présumé avoir accepté cette non-conformité apparente.

Quant à la garantie des vices cachés, la société Girardon Mercurol fait observer à juste titre que le vice doit rendre le dallage impropre à sa destination (ou en diminuer l'usage dans des proportions telles que l'acquéreur n'aurait pas acquis le bien ou l'aurait acquis à moindre prix).

Une telle démonstration n'est pas faite par Mme Annick Defour qui n'établit pas que les conditions de la garantie des vices cachés, soient réunies: les quelques microfissures qui ont été constatées et qui sont liées à la composition même du matériau, n'en diminuent pas l'usage.

La société Girardon Mercurol doit donc être mise hors de cause.

Sur l'évaluation du préjudice subi par Mme Annick Defour :

A défaut pour Mme Defour de démontrer que le phénomène de microfissurations s'est généralisé ou aggravé ou qu'il justifierait une réfection générale des plages de la piscine, la Cour ne peut que retenir l'évaluation qui a été proposée par l'expert judiciaire et qui a été fixée par le Tribunal à 750 euro, évaluation qu'il convient d'actualiser sur l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction entre le mois d'avril 2007 et le jour du paiement .

Le jugement doit être aussi confirmé en ce qu'il a rejeté toute indemnisation d'un préjudice moral allégué par Mme Defour à laquelle a été proposé par la société Girardon Mercurol, dès le début du litige, un avoir de 479,84 euro, pour le remplacement des dalles affectées par des microfissurations.

Sur les appels incidents :

Compte tenu de la mise hors de cause de M. Claude Thiriet en sa qualité de salarié de la Sarl Groupe AVS , Mme Defour doit être condamnée à payer à cette société, la somme de 1 888,55 euro avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2009, date de signification des conclusions de la Sarl AVS Concept au cours de la procédure de première instance, en l'absence de mise en demeure adressée à Mme Defour.

La compensation entre les créances respectives de Mme Defour et de la Sarl Groupe AVS, devra s'appliquer à concurrence du montant de la créance la moins élevée.

La société Girardon Mercurol doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 5 000 euro en ce qu'il ne peut être reproché à Mme Annick Defour une procédure abusive qui suppose une intention malveillante.

En revanche, Mme Annick Defour qui a contraint la société Girardon Mercurol et la société Groupe AVS, à engager des frais pour assurer leur représentation dans le cadre de l'instance d'appel, doit être condamnée à verser à chacune de ces sociétés, la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les dépens de première instance doivent être supportés par moitié entre la société Groupe AVS et Mme Annick Defour tandis que les dépens d'appel sont intégralement mis à la charge de Mme Annick Defour.

Par ces motifs, La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, Confirme le jugement : - en ce qu'il a fixé à la somme en principal de 750 euro, les dommages-intérêts dus à Mme Defour et en ce qu'il a exclu l'indemnisation du préjudice moral allégué par Mme Defour, - en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties. Infirme le jugement pour le surplus, Prononce la mise hors de cause de M. Claude Thiriet, en sa qualité de salarié de la Sarl Groupe AVS venant aux droits de la Sarl AVS Concept. Dit que la Sarl Groupe AVS en sa qualité de locateur d'ouvrage, était tenue d'une obligation de résultat. Dit que les microfissurations constatées sur certaines des dalles posées, engagent la responsabilité contractuelle de la Sarl Groupe AVS, en l'état de l'erreur d'exécution retenue par l'expert judiciaire dans la pose du mortier de fixation des dalles. Dit que les microfissurations observées n'engagent la responsabilité de la société Girardon Mercurol, ni au titre de l'obligation de délivrance, ni au titre de l'obligation de garantie des vices cachés. Prononce la mise hors de cause de la société Girardon Mercurol. Déboute la société Girardon Mercurol de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive. Condamne la société Groupe AVS à payer à Mme Annick Defour, la somme de 750 euro à titre de dommages-intérêts pour les travaux de reprise. Dit que cette somme de 750 euro sera actualisée sur l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction entre le mois d'avril 2007, date du dépôt du rapport d'expertise et le jour du paiement. Condamne Mme Annick Defour à payer à la Sarl Groupe AVS venant aux droits de la Sarl AVS Concept, la somme de 1888,55 euro avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2009, date de signification des conclusions de la Sarl AVS Concept au cours de la procédure de première instance. Ordonne la compensation de ces deux créances. Dit que les dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire, devront être partagés par moitié entre Mme Annick Defour et la Sarl Groupe AVS. Y ajoutant, Condamne Mme Annick Defour à payer à chacune des sociétés Girardon Mercurol et Groupe AVS, la somme de 1 000 euro au titre de leurs frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Condamne Mme Annick Defour aux dépens de l'instance d'appel.