Livv
Décisions

CA Versailles, 12e ch., 3 mai 2012, n° 10-08073

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Mutuelle des Transports Assurances (SA)

Défendeur :

Ferrari South West Europe (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mmes Brylinski, Beauvois

Avocats :

SCP Lissarrague-Dupuis-Boccon-Gibod, SCP Debray-Chemin, Mes Dechezlepretre, Beaujard, Thierry

T. com. Nanterre, du 22 sept. 2010

22 septembre 2010

FAITS ET PROCÉDURE

La société First GT Location (First GT), spécialisée dans la location des voitures de luxe, a acheté le 14 mai 2004 auprès de la société Charles Pozzi devenue Ferrari South West Europe (Ferrari) un modèle de cette marque type 612 Scaglietti au prix de 192 445,65 euro HT.

Ce véhicule, loué le 8 septembre 2006 à M. Franck Blondel, a pris feu le 9 septembre 2006 sur un parking et a été très sérieusement endommagé.

L'assureur de First GT, la société Mutuelle des Transports a désigné le cabinet Doucet & Korhel pour procéder à une expertise amiable du véhicule au contradictoire de Ferrari, sans qu'une solution ne soit trouvée entre les parties après le dépôt du rapport amiable le 8 février 2007.

C'est dans ces circonstances que First GT a obtenu, sur assignation du 18 juillet 2007, par ordonnance de référé en date du 19 juillet 2007, la désignation de M. Boutaric en qualité d'expert.

Celui-ci a déposé son rapport le 5 février 2009.

Par acte d'huissier en date du 8 juillet 2009, la société First GT Location et la société Mutuelle des Transports ont assigné la société Ferrari South West Europe devant le Tribunal de commerce de Nanterre sur le fondement de la garantie des vices cachés et du manquement à l'obligation de délivrance pour obtenir la résolution de la vente, la restitution du prix de vente et l'indemnisation des préjudices d'immobilisation et d'image ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par jugement rendu le 22 septembre 2010, le tribunal a ordonné la résolution de la vente, a condamné Ferrari avec exécution provisoire à restituer le prix de vente avec intérêts au taux légal à compter du jugement à First GT et à payer à chacune des demanderesses 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, les a déboutées pour le surplus.

La société First GT Location et la société Mutuelle des Transports ont relevé appel par déclaration du 27 octobre 2010.

Par dernières conclusions signifiées le 1er février 2012, la société First Location Auto (First) déclarant venir aux droits de la société First GT Location et la société Mutuelle des Transports demandent à la cour, outre dire et juger, de :

- déclarer recevables et bien fondées en leur appel la société First GT Location et la société Mutuelle des Transports,

- donner acte à la société First Location Auto de son intervention volontaire et la déclarer recevable et bien fondée,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société First Location Auto, venant aux droits de la Société First GT Location, de sa réclamation présentée au titre de la perte d'exploitation, de son préjudice d'image et de sa demande de dommages et intérêt pour résistance abusive,

Statuant à nouveau,

- condamner la société Ferrari South West Europe à payer à la société First Location Auto les sommes suivantes,

225 623 euro au titre de la perte d'exploitation nette subie,

125 000 euro au titre du préjudice d'image dont elle a été victime,

50 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

- condamner la société Ferrari South West Europe à payer à chacune des appelantes une somme de 30 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.

A titre subsidiaire,

- ordonner une expertise judiciaire afin de déterminer le préjudice de la société First Location Auto résultant de la perte d'exploitation dont elle a été victime et désigner à cet effet un expert comptable.

Par dernières conclusions signifiées le 2 février 2012, la société Ferrari South West Europe demande à la cour de :

A titre préalable,

- déclarer irrecevable l'appel interjeté par la société First GT Location le 27 octobre 2100 et prescrite l'action de la société First GT Location, irrecevable l'intervention volontaire en cause d'appel de la société First Location Auto,

A titre principal, sur l'appel principal et l'appel incident,

- infirmer le jugement et débouter les sociétés First GT Location et Mutuelle des Transports de toutes leurs demandes,

- subsidiairement ordonner la remise en état du véhicule Ferrari 612 Scaglietti,

En tout état de cause,

- condamner solidairement les sociétés First GT Location et Mutuelle des Transports au remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement avec intérêts de droit à compter du jour du paiement, le 5 novembre 2010,

- condamner solidairement les mêmes à lui payer 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 2 février 2012.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR :

Sur la recevabilité de l'appel

Ferrari soutient que l'appel formé le 27 octobre 2010 par la société First GT Location est irrecevable pour défaut de capacité à agir à cette date au motif que selon déclaration de dissolution sans liquidation du 21 octobre 2010, la société First GT Location a été absorbée par la société First Location Auto avec effet au 1er janvier 2010, qu'à cette occasion M. Michel Leverrier a été nommé mandataire ad'hoc, que dans ces conditions, la société First GT Location était dépourvue d'existence juridique à compter du 21 octobre, la société First Location Auto reprenant les obligations de la société absorbée, et que la voie de recours a été mobilisée par une personne juridique incapable.

Cependant, en application de l'article 1844-5 alinéa 3 du Code civil, lorsqu'il est procédé à la réunion de toutes les parts sociales en une seule main avec dissolution de la société absorbée, que celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation, les créanciers peuvent faire opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci et la transmission du patrimoine n'est alors réalisée et il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées.

En l'espèce, la décision de dissolution sans liquidation de la société First GT Location est datée du 21 octobre 2010.

Il est certes stipulé que l'associé unique de la société First GT Location, à savoir la société First Location Auto, déclare dissoudre la société First GT Location par anticipation à ce jour, sous réserve de la date d'effet fiscal et juridique fixée au 1er janvier 2010, mais en application des dispositions précitées, la transmission universelle de patrimoine au profit de la société First Location Auto n'a pas pu avoir lieu avant l'expiration du délai de 30 jours d'opposition des créanciers qui a commencé à courir à la publication de la décision, qui ne pouvait donc être écoulé moins d'une semaine plus tard, le 27 octobre 2010.

La société First GT Location n'avait donc pas disparu et disposait donc toujours de la personnalité morale lorsqu'elle a relevé appel du jugement.

Son appel est donc recevable.

En sa qualité d'ayant-droit universel, la société First Location Auto a acquis de plein droit, à la date d'effet de la transmission universelle de patrimoine, la qualité de partie à l'instance engagée antérieurement par la société First GT Location. Elle est donc recevable à intervenir en cause d'appel aux droits de la société First GT Location.

Sur la prescription de l'action en garantie des vices cachés

Ferrari soutient en substance qu'en application de l'article 1648 dans sa rédaction applicable à l'espèce, First GT devait agir à bref délai en garantie des vices cachés, que l'assignation en référé n'interrompt pas la prescription si elle ne contient pas le fondement juridique soumis à prescription, qu'en l'espèce, c'est au regard du rapport amiable et de la première réunion d'expertise amiable du 4 octobre 2006 que la société First GT a considéré que son véhicule était affecté d'un vice de construction, que son assignation en référé du 18 juin 2007 qui ne vise que les articles 145, 808 et 809 du Code de procédure civile, n'a pas interrompu le délai de prescription, que ce n'est que dans son assignation du 8 juillet 2009 que la société First GT a invoqué pour la première fois le fondement de la garantie légale des vices cachés, que son action est donc prescrite en toute hypothèse, près de 9 mois s'étant écoulés entre la découverte du vice et le 18 juin 2007 et plus de 2 ans jusqu'au 8 juillet 2009.

Les appelantes répondent que l'action n'est pas prescrite, que le bref délai ne court que de la connaissance certaine du vice par l'acheteur, en l'espèce du dépôt du rapport d'expertise judiciaire intervenu le 5 février 2009, que même si la cour devait considérer que le délai a commencé à courir avant cette date, l'assignation en référé expertise du 18 juin 2007 a interrompu cette prescription et qu'une interversion de la prescription a été opérée, le délai de prescription de droit commun ayant commencé alors à courir.

Selon l'article 1648 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2005-136 du 17 février 2005 applicable à l'espèce puisque le contrat est antérieur à l'entrée en vigueur de cette ordonnance, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée à bref délai.

Le délai ne court que de la connaissance certaine du vice par l'acquéreur.

En l'espèce, il résulte des pièces produites que la société First GT n'a pas pu avoir une connaissance certaine du vice du véhicule à la date de la première réunion d'expertise amiable du 4 octobre 2006 ou même à la date du dépôt du rapport amiable, le 8 février 2007, alors que les opérations amiables sans démontage des organes du véhicule n'ont pas permis un avis technique circonstancié et une analyse approfondie des causes du sinistre, n'ont abouti qu'à envisager l'éventualité d'un départ de feu par retour de flammes interne au moteur, sans certitude sur ce point, hypothèse qui a été au demeurant écartée ensuite par l'expert judiciaire au cours de ses opérations - ce que toutes les parties ont admis - et alors enfin que les conclusions de ce rapport amiable se bornent à conclure que le constructeur Ferrari serait responsable au titre de la garantie, se bornant à conseiller une demande de prise en charge de la remise en état du constructeur ou de faire formaliser un avis contraire, sans apporter d'éléments déterminants sur l'existence d'un vice propre du véhicule.

Ce n'est en réalité au plus tôt qu'à la date de dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 5 février 2009, après un long débat technique, que les appelantes ont pu se convaincre de l'existence du vice du véhicule - au demeurant toujours contestée par Ferrari - et l'assignation au fond ayant été délivrée le 8 juillet 2009, l'action a été engagée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil dans sa rédaction applicable.

Les sociétés appelantes sont donc recevables en leurs demandes au titre de la garantie des vices cachés.

Sur la demande de restitution du prix

Les appelantes soutiennent en substance à l'appui de leurs prétentions, après avoir rappelé l'historique du véhicule et les interventions qu'il a dû subir antérieurement au sinistre, s'appuyant sur les conclusions de l'expertise judiciaire au cours de laquelle toutes les hypothèses ont été examinées, que l'incendie résulte d'un vice propre du véhicule, que Ferrari ayant procédé au montage de la ligne d'alimentation en carburant incriminée en demeure comptable, que le vice d'alimentation était un vice caché au moment de la vente et que la responsabilité de Ferrari est engagée.

Elles rappellent que l'expert a répondu et écarté l'ensemble des autres hypothèses envisagées par Ferrari.

Ferrari répond que l'existence d'un vice n'est considérée comme établie que s'il ne subsiste pas de doute de l'état défectueux de la chose au moment de la vente, que doivent être prises en compte les conditions dans lesquelles a été utilisée la chose ainsi que le temps écoulé depuis la vente.

Elle soutient qu'en l'espèce, qu'il est impossible d'établir les circonstances exactes qui ont précédé l'incendie mais que ce véhicule qui suscitait la curiosité des amateurs de voiture, était stationné sur un parking laissé sans surveillance vitres latérales ouvertes.

Elle estime que les éléments trouvés sur la voiture n'accréditent pas l'hypothèse retenue par l'expert, que le véhicule en cause a été réparé plusieurs fois dans des ateliers d'entretien qui, bien que faisant partie de son réseau, opèrent en totale autonomie et sous leur responsabilité et que certains composants de la voiture ont été altérés par des personnes non autorisées.

Elle fait valoir que les circonstances dans lesquelles le véhicule a été utilisé ont joué nécessairement un rôle déterminant dans les causes du sinistre, que l'utilisation défavorable du véhicule loué a été un phénomène aggravant, que l'hypothèse d'un incendie accidentel ou volontaire ne peut en conséquence être écartée.

Elle conclut donc que contrairement à ce qu'a écrit l'expert, la cause du prétendu vice n'a pas été déterminée avec certitude et que dès lors sa responsabilité ne peut être retenue.

A la question posée dans la mission de dire si l'incendie résulte d'un vice propre du véhicule, l'expert judiciaire a répondu que cet incendie résulte de la gazéification de fluide carburant après suintement et d'inflammation à proximité du point chaud constitué par la ligne d'échappement.

L'expert est arrivé à cette conclusion après avoir organisé plusieurs réunions d'expertise, avoir soumis, avec l'accord des parties, au CNPP, les pièces prélevées sur le véhicule pour recherche des causes de l'incendie en laboratoire avec des tests de comportement à la chaleur sur des échantillons de durit composite d'alimentation et comparaison avec les durits calcinées, avoir répondu de façon circonstanciée à l'ensemble des dires des parties et en particulier à ceux de Ferrari, accompagnés de divers avis techniques et écarté l'ensemble des autres hypothèses envisageables de cause du sinistre.

Ferrari maintient devant la cour les hypothèses qu'elle a émises devant l'expert et que celui-ci a réfutées.

Contrairement à ce qu'elle prétend, l'expert a déterminé de façon certaine la cause du sinistre, au vu d'éléments objectifs constatés et des éléments techniques fournis notamment par le CNPP corroborant ces constatations, après une analyse approfondie, en éliminant de manière argumentée et convaincante les autres hypothèses envisagées.

Les parties ont admis que devaient être écartés (rapport pages 17 à 19 et 29) un éventuel retour de flammes interne au moteur, un éventuel court-circuit des faisceaux et composants électriques, un choc générateur de destruction du pot catalytique en soubassement.

Ferrari prétend que l'hypothèse d'un incendie accidentel ou volontaire doit être retenue comme vraisemblable.

Sur les conditions d'utilisation du véhicule, si les policiers ont en effet contrôlé le 9 septembre 2006 à 1h30 du matin un groupe d'individus et le véhicule Ferrari, stationné sur un parking, il n'est pas justifié en tout cas d'une "utilisation maléfique" du véhicule -, le fait que ces quelques individus aient fait claquer des pétards même à proximité à cette heure-là n'a pu jouer aucun rôle dans le déclenchement de l'incendie qui s'est produit à 17 heures.

De la même façon, les constatations faites par les policiers à 14h50 le même jour à l'occasion de l'arrivée du cortège du mariage composé de nombreux véhicules dans lequel n'a pas été relevé la présence du véhicule Ferrari sont sans intérêt pour l'analyse des causes de l'incendie.

Dans le procès-verbal établi à 17 heures au moment de l'incendie, les policiers précisent qu'ils ont stationné à 16h55 leur véhicule à l'entrée du parking, situé devant l'entrée du parc, qui était complet et sur lequel se trouvait une centaine de personnes en plusieurs groupes, que la situation était calme, qu'à 17 heures, ils ont entendu des éclats de voix venant du parking et remarqué une fumée noire épaisse provenant d'un véhicule en stationnement, qu'un individu est arrivé en courant demandant leur extincteur qu'ils ont donné, qu'ils se sont dirigés en compagnie de celui-ci vers le véhicule et qu'il a vidé l'extincteur sur l'avant du véhicule entrain de prendre feu, que l'incendie a été partiellement maîtrisé.

Ainsi, il ne résulte de ce procès-verbal aucun élément permettant d'accréditer l'usage de pétards ou d'engin explosif quelconque à proximité du véhicule au moment de l'incendie, les policiers présents sur place ayant au contraire noté que la situation était calme.

L'expert a d'ailleurs écarté en pages 30 et 31 de son rapport l'éventualité de jets de pétard par un raisonnement et des considérations techniques que rien ne vient mettre en cause.

S'agissant de la vidéo qui est produite aux débats qui a été prise par une personne présente sur les lieux, les commentaires en anglais mis en ligne sur "Youtube" qui l'accompagnent n'engagent que son auteur qui est resté anonyme et en tout cas, les images visionnées qui montrent dès le début l'avant du véhicule en feu, capot ouvert, ne confirment nullement l'assertion selon laquelle "C'est ce qui arrive quand on accélère après plusieurs minutes à l'arrêt".

Il n'est établi aucun lien de causalité entre d'une part, les manifestations agressives envers les policiers auxquelles ont pu se livrer plus tard dans l'après-midi et la soirée, certains convives du mariage pris de boisson, qui ont causé des troubles à l'ordre public et d'autre part, l'analyse des causes de l'incendie.

Sur les circonstances dans lesquelles l'incendie s'est produit, les seuls éléments connus et certains sont donc que le véhicule était garé sur le parking calme, vitres ouvertes, non verrouillé.

Sur la position du capot, l'expert a indiqué qu'à son avis, le capot était fermé, le rapport du CNPP confirmant une zone de de départ de feu près du tablier, avec des flammes peu propagées, un faible développement dans le compartiment moteur, en manque de comburant, donc en milieu confiné, capot fermé (voir pages 33 et 34 du rapport) et a argumenté sérieusement sa position, notamment au regard de la chute immédiate des garnitures sous capot levé, en état de combustion complète, et de l'absence de déformation de l'avant du capot. Il a également relevé que M. Amane, conducteur désigné, avait toute capacité pour ouvrir le capot en vue d'extinction, d'une part en tant qu'utilisateur privilégié, d'autre part en tant que professionnel de l'automobile car préparateur de véhicules, la position des portes non verrouillées et des vitres baissées lui permettant de gagner en célérité.

S'agissant des jets de liquides alcoolisés, l'expert a également exclu cette éventualité en pages 31 et 32 de son rapport. Il ne peut qu'être approuvé puisqu'aucune constatation sur place ou lors des opérations d'expertise ne vient conforter un tel scénario.

L'expert a encore relevé (pages 20 et 21 de son rapport) que les différentes interventions après-vente subies par le véhicule, soit de connectique, soit de suspension, soit de tôlerie-peinture, n'avaient affecté en rien les dispositifs de la ligne d'alimentation en carburant.

En définitive, au vu du rapport de l'expert et de ses annexes, des pièces produites aux débats, il résulte que le véhicule litigieux, qui n'avait parcouru qu'un peu plus de 22 000 km, était affecté d'un défaut qui n'était pas visible lors de la vente, existant antérieurement à celle-ci, affectant la ligne d'alimentation en carburant.

Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts de la chose vendue qui la rendent impropre à son usage et en l'espèce, compte tenu de la nature du vice qui est directement à l'origine de l'incendie et des dommages causés, le véhicule est manifestement impropre à l'usage auquel il était destiné.

Conformément à l'article 1644 du Code civil, l'acquéreur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix arbitrée par experts.

Ferrari, à qui le véhicule a été restitué, ne peut contraindre First à accepter la remise en état du véhicule et le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution du prix sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Sur les autres demandes

First sollicite par ailleurs l'indemnisation de la perte de marge nette liée à l'indisponibilité du véhicule à la location à compter du 9 septembre 2006, date de l'incendie, jusqu'au 27 avril 2009, date à laquelle elle a remplacé le véhicule détruit par le nouveau modèle Ferrari 612 Scaglietti One to One qui venait de sortir. Elle produit un rapport établi par un cabinet d'expertise-comptable à la demande de son assureur, faisant observer qu'elle a sollicité en vain une expertise devant le conseiller de la mise en état, demande à laquelle Ferrari s'est opposée.

Ferrari réplique que lors de la location, First n'a pas respecté le principe de précaution qui s'impose pour la location à des particuliers de tels véhicules de prestige. Elle critique le rapport produit par First dans son ensemble, prétendant notamment qu'elle ne comprend pas pourquoi il n'a pas été possible de substituer d'autres véhicules postérieurement au 9 septembre 2006, qu'en tout cas l'honnêteté commerciale aurait voulu que First retire ce véhicule de son offre commerciale, que First a été indemnisée par son assureur.

Elle fait valoir que sur les années 2005 et 2006, le véhicule n'avait pu respectivement être loué que 44 et 33 jours, que la perte de chance alléguée ne repose sur aucune réalité économique, que les éléments comptables de First GT démontrent des résultats déficitaires et une perte de marge générale négative, que dans ces conditions, les demandes indemnitaires doivent être rejetées et le jugement confirmé.

Ferrari, vendeur professionnel qui est réputé connaître le vice, doit à First, outre la restitution du prix, la réparation de l'intégralité du préjudice provoqué par le vice de la chose vendue.

Il est établi que First qui est spécialisée dans la location aux particuliers et aux entreprises de véhicules de luxe et de sport n'a plus été en mesure de louer le véhicule endommagé à compter du 9 septembre 2006.

Ferrari ne discute pas que la Ferrari 612 Scaglietti était à la période considérée le seul modèle de sa marque offrant 4 places à ses passagers et qu'il s'agissait, dans sa propre gamme de véhicules, d'un véhicule rare et particulièrement prisé par les amateurs de véhicules de luxe et de sport, en raison notamment de ses 4 places, de son moteur et de ses performances, ajoutant au prestige associé de façon plus générale à la marque.

Il peut donc valablement être retenu qu'il existait pour ce modèle une demande spécifique de la clientèle qui n'a pas pu être satisfaite par l'offre de véhicules de substitution, soit de la même marque, soit d'autres marques moins prestigieuses.

A titre liminaire, il sera observé qu'il n'est démontré à l'encontre de First aucune négligence ou aucun agissement qui aurait contribué à son propre dommage alors que l'incendie résulte d'un vice propre du véhicule.

La perte subie par First est celle de la marge nette qu'elle aurait pu réaliser en louant ce véhicule pendant toute la période pendant laquelle le véhicule litigieux est demeuré indisponible, par le fait du vice dont il était affecté.

A l'évidence, cette période a commencé le 9 septembre 2006 et force est de constater que Ferrari n'a pas offert de réparer le véhicule au cours ou à l'issue des opérations d'expertise judiciaire le 5 février 2009, lorsqu'aucun examen du véhicule ne justifiait plus son immobilisation, ou de rembourser le prix, qu'elle n'a payé le prix qu'au titre de l'exécution provisoire du jugement dont appel par un chèque daté du 4 novembre 2010.

Dans ces conditions, First est fondée à demander à Ferrari l'indemnisation de la perte de marge nette subie du fait de l'immobilisation du véhicule litigieux entre le 9 septembre 2006 et la date à laquelle, après le dépôt du rapport d'expertise, elle a pu acquérir un véhicule neuf de même type, soit le 27 avril 2009.

Il ressort des pièces produites que le véhicule défectueux acquis en mai 2004 a été loué 26 jours en 2004, 44 jours en 2005 et 33 jours en 2006 (jusqu'au 9 septembre), soit une moyenne de 47,5 jours par an sur la période précédent l'incendie pendant laquelle il a été disponible, déduction faite de deux mois pendant lesquels le véhicule a été en panne technique en 2005.

Aucun des éléments produits par First qui concerne notamment de prétendues demandes de réservation ou des réservations potentielles, postérieurement au 9 septembre 2006, alors qu'elle savait le véhicule indisponible mais qu'elle avait laissé l'offre à la location sur son site internet, n'est de nature à justifier, comme l'a retenu le cabinet d'expert-comptable missionné par l'assureur, une activité prévisible de 81 jours de location par an, soit une augmentation de près de 70 % par rapport à la période antérieure.

Au vu des pièces versées aux débats, considérant qu'en effet à partir de 2006, l'activité de location de ce véhicule qui avait connu des anomalies de fonctionnement en 2005 aurait pu prendre un rythme de croisière, il sera retenu une moyenne annuelle de 50 jours, proche de celle admise par l'expert judiciaire.

Il ressort de l'attestation de l'expert-comptable de First qu'en 2006, le prix moyen de facturation journalier de location sur la période de janvier à août 2006 s'est élevé à 1.345,48 euro HT, qui peut donc être admis comme base de calcul.

Ferrari soutient que le calcul de la marge nette effectué dans le rapport du cabinet d'expertise comptable mandaté par l'assureur à partir des éléments fournis par First serait inexact au motif qu'il faudrait prendre en compte la totalité de l'activité économique de First qui a présenté des comptes globalement en perte sur l'ensemble de la période hormis en 2007 qui a donc présenté une marge négative.

Cependant, s'agissant d'indemniser le préjudice subi par First du fait de l'immobilisation de ce véhicule, il doit être réparé quand bien même par ailleurs, cette dernière n'aurait pas eu des résultats comptables bénéficiaires, le manque à gagner provoqué y ayant d'ailleurs contribué.

En revanche, c'est à juste titre que Ferrari critique la perte de chance chiffrée à 35 jours supplémentaires dont rien n'établit qu'elle correspond à un préjudice supplémentaire effectivement subi par First et provoqué par le vice du véhicule, s'agissant d'une simple hypothèse qui n'est pas sérieusement étayée.

Ainsi, au regard de l'ensemble des éléments produits devant elle, la cour évalue à la somme de 138 000 euro le préjudice subi par First du fait de l'immobilisation du véhicule défectueux.

Ferrari sera condamnée au paiement de cette somme.

First sollicite également la réparation d'un préjudice d'image et de notoriété liée à la connaissance de cet incendie comme en atteste la diffusion de la vidéo sur internet mais également compte tenu de son incapacité à fournir à ses clients pendant plus de deux années le véhicule endommagé.

S'agissant de la vidéo mise en ligne sur Youtube, il n'est pas allégué que Ferrari serait responsable de sa diffusion de sorte que ne peut lui être imputé l'effet négatif lié aux commentaires l'accompagnant, le nom du loueur n'étant pas au demeurant cité.

Par ailleurs, First se contente d'affirmations sur l'atteinte à sa notoriété et à son image sans aucun élément tangible sur ce point permettant d'apprécier la réalité et l'importance du préjudice allégué et il n'est produit aucune pièce établissant que Ferrari aurait donné une quelconque publicité à cet incendie, ce qu'elle n'avait certainement pas d'intérêt à faire.

S'agissant de l'impossibilité de louer ce véhicule, ce préjudice est déjà réparé et il n'est pas démontré un préjudice d'image ou de notoriété spécifique en résultant.

First sera donc déboutée de sa demande de ce chef.

First sollicite enfin la condamnation de Ferrari à lui payer des dommages-intérêts pour résistance abusive.

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas suffisante à faire dégénérer l'exercice de ce droit en abus.

En l'espèce, Ferrari n'a fait qu'user de son droit à défendre et à exercer la voie de recours qui lui était ouverte tout en exécutant la décision de justice dont appel assortie de l'exécution provisoire.

First sera déboutée de cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Les dépens seront à la charge de Ferrari qui succombe.

L'équité commande de la condamner à payer à chacune des appelantes une indemnité de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Déclare recevable l'appel formé par la société First GT Location et la société Mutuelle des Transports et recevable l'intervention de la société First Location Auto aux droits de la société First GT Location en cause d'appel. Déclare non prescrite l'action en garantie des vices cachés. Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société First GT Location aux droits de laquelle se trouve la société First Location Auto de sa demande de dommages-intérêts pour perte d'exploitation nette subie. Statuant à nouveau de ce chef, Condamne la société Ferrari South West Europe à payer à la société First Location Auto la somme de 138 000 euro au titre de la perte d'exploitation nette subie. Déboute la société First Location Auto du surplus de sa demande. Y ajoutant, Condamne la société Ferrari South West Europe aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Condamne la société Ferrari South West Europe à payer à la société First Location Auto une indemnité de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et la même somme au même titre à la société Mutuelle des Transports. La déboute de sa demande au même titre.