Livv
Décisions

CA Rennes, 2e ch., 6 avril 2012, n° 10-00039

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Marais

Défendeur :

Rouaux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Bail

Conseillers :

Mme Le Potier, M. Gimonet

Avocats :

SCP Guillou-Renaudin, Me Guenin, SCP Castres-Colleu-Perot-Le Couls-Bouvet, SCP Depasse-Sinquin-Daugan-Quesnel

TGI Rennes, du 1er déc. 2009

1 décembre 2009

Le 6 octobre 2006, Monsieur Marais a acquis un véhicule Opel Astra de l'année-modèle 2004, par l'intermédiaire de la société Guignard & associés ; il a appris que la garantie souscrite par le précédent propriétaire auprès de la compagnie Rac France était maintenue jusqu'en novembre 2009 ;

Le 1er mars 2007, il a fait paraître une annonce de vente dans le journal " Ouest France ", libellée de la manière suivante : " Opel Astra ... gris foncé métal ... 13 000 euro ... garantie 11/2009 ... " ;

Madame Rouaux a acquis ce véhicule le 5 mars 2007 moyennant le prix de 13 000 euro ;

En août 2007, Madame Rouaux a éprouvé des difficultés pour faire démarrer le véhicule et une facture de remise en état d'un montant de 1 087,58 euro lui a été délivrée par une concession Opel ;

Par ailleurs, la compagnie Rac France lui a précisé que sa garantie était subordonnée à l'entretien du véhicule, ce qui supposait qu'elle justifie des factures d'entretien que Monsieur Marais n'a pu lui faire parvenir ;

Par jugement du 1er décembre 2009, le Tribunal de grande instance de Rennes a :

- prononcé l'annulation de la vente pour dol ;

- condamné Monsieur Patrice Marais à restituer à Madame Rouaux la somme de 8 200 euro à charge pour elle de lui restituer le véhicule ;

- condamné Monsieur Patrice Marais à payer à Madame Rouaux la somme de 1 087,58 euro à titre de dommages-intérêts ;

- condamné Monsieur Patrice Marais à payer à Madame Rouaux la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- rejeté toutes autres demandes des parties ;

- condamné Monsieur Patrice Marais aux dépens ;

Monsieur Patrice Marais a interjeté appel de cette décision et, par conclusions signifiées le 3 mars 2010, a demandé à la cour :

- d'infirmer le jugement ;

- de débouter Madame Rouaux de ses demandes ;

- subsidiairement, de remettre les parties en leur état antérieur en imputant sur le prix de vente la décote du véhicule au jour de sa restitution ;

- en tout état de cause, de condamner Madame Rouaux à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Madame Rouaux, par conclusions signifiées le 27 mai 2010, a demandé à la cour :

- de débouter Monsieur Marais de ses demandes ;

- de confirmer le jugement ;

- de condamner Monsieur Marais à lui payer la somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Par arrêt du 28 octobre 2011, cette cour a :

- ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de présenter leurs observations sur la requalification envisagée par la cour de la demande de Madame Rouaux sur le fondement du dol en action sur le fondement de l'erreur telle que prévue à l'article 1110 du Code civil ;

- dit que les parties devraient verser aux débats une cote argus actualisée correspondant au véhicule en cause ;

- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience des plaidoiries du 15 décembre 2011 à 9 heures 30 ;

L'examen de l'affaire a été renvoyé le 15 décembre 2011 à l'audience du 1er mars 2012 ;

Par conclusions signifiées le 22 février 2012, Madame Rouaux a demandé à la cour :

- de juger que son consentement a été vicié par une erreur sur les qualités substantielles et, subsidiairement, que son consentement a été vicié par l'attitude dolosive de Monsieur Marais ;

- de prononcer dans tous les cas l'annulation de la vente ;

- de condamner Monsieur Marais à lui rembourser la somme de 5 270 euro correspondant à la cote argus du véhicule ;

- de condamner Monsieur Marais à reprendre le véhicule ;

- de condamner Monsieur Marais à lui verser la somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts comprenant notamment le coût des réparations effectuées ainsi que celui des démarches administratives ;

- de débouter Monsieur Marais de l'ensemble de ses demandes ;

- de condamner Monsieur Marais à lui verser la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Monsieur Marais a demandé à la cour, par conclusions signifiées le 28 février 2012 :

- d'infirmer le jugement ;

- de débouter Madame Rouaux de ses demandes ;

- de condamner Madame Rouaux à lui verser la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

SUR CE,

Considérant qu'aux termes de l'article 1116 du Code civil le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ;

Considérant que, lors de la vente du véhicule en cause, Monsieur Marais a remis à Madame Rouaux un courrier du 1er décembre 2006 de la société Rac France par lequel cette société confirmait qu'elle garantissait le véhicule jusqu'en novembre 2009 au titre d'une garantie Opel Ego, selon contrat n° 11048445 ;

Que Monsieur Marais expose que ce courrier mentionne qu'il est devenu le nouveau bénéficiaire de la garantie Opel Ego jusqu'au 8 novembre 2009 sans faire référence à une condition de la garantie tenant à l'obligation d'entretien périodique du véhicule conforme aux données constructeurs ni faire allusion à des conditions générales ;

Qu'il ressort toutefois du courrier de la société Rac France du 30 août 2007 à l'expert de l'assureur de Madame Rouaux que, suivant les conditions du contrat, il est indispensable de fournir au service technique les copies des factures d'entretien du véhicule ;

Que, de même, cet expert de la société BCA expertises a relevé " dans les conditions de la garantie que l'entretien du véhicule doit être réalisé par un professionnel " et que Monsieur Marais ne pouvait pas rapporter la preuve que l'entretien courant du véhicule avait bien été réalisé ;

Que Monsieur Marais n'offre pas de fournir les factures d'entretien du véhicule ;

Considérant que Monsieur Marais ayant pu commettre lui-même une erreur sur la réalité de la garantie due par l'assureur, l'élément intentionnel du dol n'apparaît pas établi ;

Que par ailleurs, un vice caché est un défaut de qualité inhérent à la chose elle-même ; qu'il ne saurait donc être constitué par l'absence de garantie du véhicule qui n'a pas une origine interne à la chose contrairement à ce que soutient Monsieur Marais ;

Qu'en revanche, l'erreur sur la substance de la chose est étendue à l'erreur sur les qualités substantielles de la chose dont sont convenues les parties ;

Considérant que Madame Rouaux a acquis le 5 mars 2007 un véhicule Opel Astra de l'année-modèle 2004 dont elle a cru qu'il était garanti auprès de la compagnie Rac France jusqu'en novembre 2009 ;

Considérant que le fait qu'un véhicule soit sous garantie est manifestement de nature à déterminer le consentement d'un acquéreur à l'achat d'un véhicule d'occasion ;

Que la garantie du véhicule Opel Astra en cause pendant les 31 mois à venir constituant une qualité substantielle du véhicule mise en avant par Monsieur Marais et en considération de laquelle Madame Rouaux a contracté au prix sollicité par le vendeur, il convient de prononcer l'annulation de la vente pour erreur ;

Considérant qu'il doit être tenu compte de la dépréciation résultant de l'usure du véhicule Opel, non contestée par Madame Rouaux, laquelle a pu continuer à utiliser cette voiture de manière intensive pendant 4 ans en parcourant plus de 100 000 kilomètres ;

Qu'il convient donc de condamner Monsieur Marais à restituer à Madame Rouaux la somme de 5 270 euro tenant compte de l'usure du véhicule et de condamner Madame Rouaux à restituer le véhicule à Monsieur Marais ;

Considérant que Madame Rouaux sollicite l'allocation d'une somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts que le premier juge a réduit au montant de la facture de réparation du véhicule restée à la charge de cette dernière ;

Que Madame Rouaux n'invoquant aucune faute déterminée de Monsieur Marais, autre que le dol dont la cour a jugé qu'il n'était pas caractérisé, il convient de la débouter de sa demande.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau : Prononce l'annulation de la vente pour erreur ; Condamne en conséquence Monsieur Marais à payer à Madame Rouaux la somme de 5 270 euro ; Condamne Madame Rouaux à restituer le véhicule Opel Astra à Monsieur Marais ; Déboute Madame Rouaux de sa demande en paiement de dommages-intérêts ; Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Monsieur Marais aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.