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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 29 mars 2012, n° 10-05162

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valantin

Conseillers :

Mmes De Martel, Bonnet

TGI Pontoise, du 14 juin 2010

14 juin 2010

La SA Groupe Volkswagen France est appelante d'un jugement rendu le 14 juin 2010 par le Tribunal de grande instance de Pontoise dans un litige l'opposant à Mme Martine A veuve B, la SAS Garage C, la SA Allianz Iard (anciennement AGF Iart) et la Sarl D.

La SAS Garage C a formé appel. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 26 juillet 2010.

M. Sylvain B a acquis le 6 juillet 2003 aux enchères un véhicule d'occasion Volkswagen Passat.

Après 2 semaines d'utilisation et 1 000 kilomètres parcourus, il a constaté que le véhicule fumait et qu'il avait des difficultés lors de démarrages à froid. Il l'a alors confié au Garage C, qui a procédé à un contrôle de la distribution et de la pompe à injection le 1er Août 2003.

Les dysfonctionnements persistant, M. B a fait procéder au remplacement de la distribution (remplacée le 13 novembre 2003) et de la pompe d'injection (remplacée le 14 Novembre 2003).

Le 20 janvier 2004, le véhicule a subi une nouvelle panne nécessitant son remorquage par dépanneuse vers le Garage C.

Une expertise technique amiable, organisée afin de déterminer l'origine de l'avarie moteur, révéla un état d'usure du moteur très supérieur au kilométrage indiqué au tableau de bord. Selon les recherches effectuées par les experts auprès du réseau des garagistes réparateurs allemands Volkswagen, le véhicule totaliserait en réalité plus de 240 000 kilomètres et non les 73 649 inscrits au compteur.

M. B a sollicité une expertise judiciaire ; l'expert, M. B, a déposé son rapport le 31 mars 2006 ; il considère que le kilométrage inscrit au compteur est vraisemblable.

Monsieur Sylvain B est décédé le 06 Juillet 2005. Par acte du 27 Mars 2008, Madame Martine A veuve B a fait assigner la SAS Garage C, la compagnie AGF, assureur du garage, et le groupe Volkswagen France sur le fondement de l'article 1641 du Code civil. La Sarl D est intervenue volontairement à l'instance, étant tenue à l'égard du Garage C à une garantie de passif.

Mme Martine B est intervenue volontairement au nom de son fils mineur Loïc B.

Par jugement du 14 juin 2010, le Tribunal de grande instance de Pontoise a :

- condamné la SA Groupe Volkswagen France à payer à Madame Martine A la somme de 15 000 euro,

- condamné la SAS Garage C à payer à Mme Martine A veuve B au titre des réparations facturées (2 927,60 euro), des frais de dépannage (717,36 euro), du coût de l'assurance du véhicule concerné (1 138 euro) et de la perte de jouissance (4 000 euro),

- condamné la Sarl D à garantir la SAS Garage C des condamnations prononcées à son encontre, excluant du champ de la condamnation, celle prononcée au titre de l'article 700 et des dépens,

- condamné solidairement la SA Groupe Volkswagen France et la SAS Garage C à payer à Madame Martine A la somme de 2 600 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné la mise hors de cause de la société AGF Iart,

- débouté la SAS Garage C de sa demande formée par application de l'article 700 du Code de procédure civile à l'encontre de la Sarl D ,

- débouté Madame Martine A du surplus de ses demandes,

- débouté la société AGF Iart de sa demande formée par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal retient l'existence d'un vice caché et la responsabilité de la SA Groupe Volkswagen France en raison de sa connaissance du vice pour en avoir avisé l'ensemble de son réseau commercial. La responsabilité contractuelle de la SAS Garage C est elle aussi reconnue pour manquement à son obligation de résultat, la multiplicité des interventions de ce dernier auxquelles s'ajoutent les pannes répétées de même nature démontrant la défaillance de la société.

La SA Groupe Volkswagen France a régulièrement interjeté appel de ce jugement et, dans ses dernières conclusions visées le 23 janvier 2012, demande à la cour :

- à titre principal, d'ordonner sa mise hors de cause et infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Pontoise en ce qu'il a retenu sa responsabilité sur le fondement de la garantie des vices cachés. La société demande également à être déchargée de toute responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du Code civil. Elle sollicite la condamnation de la partie succombante à lui payer une somme de 4 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, dire que les conditions d'application du régime de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies au cas d'espèce ; dire que les développements de l'expert ne permettent en rien de constater un réel vice caché, ni de reconnaître la qualité de " représentant en France de la société Volkswagen AG " à la société groupe Volkswagen.

LA SA Groupe Volkswagen France soutient en effet qu'elle ne peut être poursuivie sur le terrain de la garantie des vices cachés (article 1641 du Code civil), dès lors qu'elle n'est ni le constructeur du véhicule, ni l'importateur ni le vendeur.

S'agissant d'un véhicule ayant fait l'objet d'une commercialisation en Allemagne et non en France, la législation allemande a seule vocation à s'appliquer à la demande de Mme Martine B dès lors irrecevable à son égard.

La SAS Garage C, dans ses dernières conclusions visées le 12 novembre 2010, demande à la cour :

- à titre principal, d'infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Pontoise en ce qu'il l'a reconnue responsable au titre de ses manquements à son obligation contractuelle de résultat ; l'infirmer aussi en ce qu'il a mis hors de cause son assureur, la société AGF,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement rendu le 14 juin 2010 en ce qu'il a condamné la Sarl D à garantir la SAS Garage C de toutes les condamnations prononcées à son encontre, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame Martine A du surplus de ses demandes.

La SAS Garage C considère qu'elle n'a commis aucun manquement à son obligation contractuelle, arguant du fait que ni les conclusions de l'expert ni les dires de Madame Martine B ne permettent de conclure à une quelconque défaillance du garage dont les interventions ont été chaque fois utiles. Elle n'est pas vendeur et ne doit pas à Madame Martine B la garantie des vices cachés.

Par conclusions visées le 12 janvier 2012, Madame Martine A demande à la cour :

- la condamnation in solidum des sociétés Groupe Volkswagen France et Garage C au paiement des sommes indiquées précédemment, soit 15 000 euro au titre des frais de réparation, 2 927,60 euro au titre des réparations inutiles effectuées, 717,36 euro au titre des frais de dépannage, 1 138 euro au titre du coût de l'assurance du véhicule, 14 824 euro au titre de la perte de jouissance du véhicule jusqu'au dépôt du rapport d'expertise,

- de débouter les sociétés Groupe Volkswagen France et Garage C de leurs demandes, fins et conclusions,

- de condamner solidairement les sociétés Groupe Volkswagen France et Garage C aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par écritures visées le 7 décembre 2011, la SA Allianz Iard conclut à sa mise hors de cause, à la confirmation du jugement et à la condamnation de la SA Groupe Volkswagen France au paiement d'une somme de 2 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour l'assureur, la garantie due au à la SAS Garage C ne saurait couvrir un vice de fabrication du moteur.

La Sarl D a conclu le 17 décembre 2010 à la confirmation de la recevabilité de son intervention volontaire, mais à l'infirmation du jugement en ce qu'il a accueilli les prétentions de Mme Martine B ; à titre subsidiaire l'indemnisation du préjudice de celle-ci devra être réduit.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur l'existence d'un vice caché

Il est constant que le véhicule vendu sans aucune garantie notamment de kilométrage à M. B, a immédiatement après son achat, fait l'objet de dysfonctionnements récurrents ayant donné lieu à des réparations par le Garage C.

L'expert judiciaire, M. B, a pu constater une usure importante des arbres à cames, rendant le véhicule impropre à sa destination. Ces usures existaient au moment de la vente.

L'expert n'a pas considéré que le kilométrage du véhicule avait été falsifié, ce que ne révèle ni son examen ni l'usure du reste du moteur. Il considère que le véhicule a parcouru une distance inférieure à 100 000 km et justifie avec précision cette appréciation.

Il considère en effet que l'usure des arbres à cames n'est pas due à un kilométrage excessif mais à une "anomalie au niveau du traitement de surface", un "défaut de trempage sur les arbres à cames".

Il relève qu'une note diffusée exclusivement dans le réseau (et versée au débat) concernant les moteurs de type V6 TDI AFB, confirme la nature de l'incident et précise que ce procédé de trempage des arbres à cames a été modifié à partir d'octobre 2001, en raison des avaries provoquées sur plusieurs véhicules.

Il résulte de ces constatations et explications circonstanciées, que l'existence d'un kilométrage falsifié ne résulte pas de l'examen technique du véhicule et que le moteur était atteint d'un vice caché pour l'utilisateur profane, tenant à cette usure anormale des arbres à cames.

- Sur la responsabilité de la SA Groupe Volkswagen France

La responsabilité du vendeur, à raison des vices cachés de la chose vendue, telle que prévue par l'article 1641 du Code civil, ne peut cependant être opposée qu'au vendeur, le cas échéant au constructeur ou à l'importateur qui ont été en possession du véhicule et ont permis qu'il soit mis à la disposition de l'acheteur.

Or on ne voit pas à quel titre la SA Groupe Volkswagen France pourrait répondre de la garantie -contractuelle- des vices cachés puisqu'il n'est en effet ni le vendeur du véhicule, ni le fabricant, ni même le représentant du fabricant allemand de ce véhicule fabriqué et vendu pour la première fois en Allemagne.

L'extrait kbis de la SA Groupe Volkswagen France, société de droit français au demeurant, ne porte trace d'aucun pouvoir de représentation à son profit du constructeur allemand. Et s'il est importateur de véhicule VW, il n'est pas soutenu qu'il soit l'importateur de ce véhicule précis qui est entré en France au gré de ses reventes.

La vente aux enchères a eu cet effet de supprimer le "vendeur" qui a abdiqué toute responsabilité en vendant le véhicule, ainsi que les garanties qui sont généralement offertes à l'acheteur.

Le fait qu'une notice, dont l'origine n'est pas clairement définie, ait pu faire état de ce type de défaut sur ce type de moteurs, ne permet pas d'asseoir la responsabilité de la SA Groupe Volkswagen France pour ce véhicule précis.

Le jugement sera donc infirmé.

- Sur la responsabilité de la SAS Garage C

Il est reproché au garage d'avoir procédé à des réparations coûteuses et surtout inutiles.

Il est vrai que les réparations faites par la SAS Garage C n'ont pas permis de réparer de manière adaptée les dysfonctionnements constatés. Les investigations de la SAS Garage C auraient dû être effectuées de manière plus rigoureuse, en sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il considère que la SAS Garage C a engagé sa responsabilité contractuelle et qu'elle est redevable du remboursement des sommes de 2 927,60 euro + 717,36 euro, soit 3 644,96 euro qui lui ont été payées par M. ou Mme B.

Quant au préjudice de jouissance, la SAS Garage C a contribué à l'accroître en ne parvenant pas à détecter la panne. Le garage sera condamné au paiement d'une somme de 2 000 euro à ce titre.

En revanche, et ainsi que le note d'expert, l'assurance du véhicule est obligatoire même s'il ne roule pas ; cette charge ne peut être imputée au garage.

La somme totale mise à la charge de la SAS Garage C doit donc être fixée à 5 644,96 euro, qu'il sera condamné à payer.

- Sur la garantie de Sarl D

Par application du contrat de cession intervenu le 3 novembre 2003, cette garantie est due à la SAS Garage C, qui s'est substituée à M. Z, bénéficiaire initial de la garantie de passif. La Sarl D sera donc condamnée à garantir la SAS Garage C du paiement de la somme de 5 644,96 euro ainsi que toute autre condamnation mise à la charge du garage, sous réserve de la garantie de l'assureur.

- Sur la garantie de la SA Allianz Iard

La faute reprochée à la SAS Garage C est une faute professionnelle, d'appréciation de l'état du véhicule ; elle n'a aucun caractère dolosif comme le soutient l'assureur, sans l'établir.

Ainsi, rien ne permet d'exclure sa garantie Multi Concessionnaire qui couvre des dommages consécutifs à une faute professionnelle. La garantie de la SA Allianz Iard est due.

- Sur les frais irrépétibles d'appel

Il est inéquitable de laisser à la charge Mme Martine A Veuve B les frais non compris dans les dépens de l'instance. Il convient de condamner in solidum la SAS Garage C, la SA Allianz Iard à lui payer la somme de 2 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des autres parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens de l'instance.

Par ces motifs, LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Vu les conclusions d'intervention volontaire de Mme Martine A Veuve B en sa qualité d'administratrice légale judiciaire des biens de son fils Loïc, Confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Versailles le 14 juin 2010 sauf en ce qu'il a condamné la SA Groupe Volkswagen France à payer diverses sommes à Mme Martine A Veuve B y compris en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, en ce qui concerne le montant des sommes dues par la SAS Garage C et a ordonné la mise hors de cause de la SA Allianz Iard, Statuant à nouveau, Déboute Mme Martine A Veuve B de ses demandes formées à l'encontre de la SA Groupe Volkswagen France, Condamne la SAS Garage C à payer à Mme Martine A Veuve B en sa qualité d'héritière et d'administratrice légale la somme de 5 644,96 euro, Condamne la SA Allianz Iard à garantir la SAS Garage C de cette condamnation, Condamne la Sarl D à garantir la SAS Garage C de toutes condamnations restant à sa charge au titre de cette instance, après application de la garantie de l'assureur, Condamne la SAS Garage C et la SA Allianz Iard in solidum à payer à Mme Martine A Veuve B en qualité d'héritière et d'administratrice légale la somme de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles de première instance, Déboute Mme Martine A Veuve B en sa double qualité du surplus de ses prétentions, Y ajoutant, Condamne la SAS Garage C et la SA Allianz Iard in solidum à payer à Mme Martine A Veuve B en qualité d'héritière et d'administratrice légale la somme de 2 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais d'appel, Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.