CA Montpellier, 2e ch., 21 février 2012, n° 10-08753
MONTPELLIER
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bachasson
Conseillers :
MM Chassery, Prouzat
FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Dans le cadre de son activité de pressing, exercée à Saleilles (66) dans la galerie marchande d'un centre commercial, X a commandé une machine de nettoyage à sec de marque " Sailstar Europe " auprès de Y, à l'enseigne " AB Elec ".
Pour financer cet achat, d'un montant TTC de 21 049,60 euro, elle a souscrit un contrat de crédit-bail d'une durée de 48 mois auprès de la société Bail Ecureuil, devenue la société CGE Bail, par acte sous seing privé du 30 octobre 2003 modifié par avenant du 13 février 2004.
La machine a été livrée le 5 mars 2004, mais a rapidement présenté des dysfonctionnements ; il a été procédé à son remplacement en septembre 2004.
Dès le mois de février 2005, la nouvelle machine a connu à son tour de nombreux dysfonctionnements, auxquels il n'a pu être remédié malgré l'intervention, le 21 juin 2005, d'un technicien mandaté par le fabricant allemand.
Une expertise diligentée par le cabinet Polyexpert, à la demande de l'assureur de protection juridique de Mme X, a mis en évidence, dans un rapport en date du 4 août 2005, l'existence d'arrêts récurrents lors du processus de séchage dus à un manque de circulation de l'air et au givre des batteries de résistance, à l'origine de la mise en sécurité de la machine et de son arrêt.
Par acte du 22 novembre 2005, Mme X a fait assigner M. Y devant le Tribunal de commerce de Perpignan aux fins de résolution de la vente et d'indemnisation de ses préjudices.
M. Y a appelé en garantie la société Innopress, présentée comme son fournisseur, la société de droit allemand Sailstar Europe Gmbh, fabricant de la machine, ainsi que son propre assureur, la Maaf Assurances.
Mme X a également assigné en intervention forcée la société Bail Ecureuil.
Par un premier jugement du 11 juin 2007, le tribunal a ordonné, avant dire droit, une expertise confiée à M. P, lequel a déposé son rapport le 4 juin 2008.
Un complément d'expertise, destiné à déterminer les préjudices éventuellement subis du fait de la non-utilisation de la machine, a ensuite été prescrit par un second jugement en date du 9 février 2009 ; M. P a déposé un nouveau rapport, le 2 décembre 2009, incluant l'avis du sapiteur, dont il s'était adjoint le concours, en la personne de Mme D, expert-comptable.
Par jugement du 13 septembre 2010, le tribunal a notamment :
-prononcé la résolution de la vente intervenue entre Mme X et M. Y,
-prononcé la résiliation du contrat de crédit-bail du 30 octobre 2003 et de son avenant du 13 février 2004,
-dit n'y avoir lieu à prononcer la mise hors de cause de M. Y, vendeur professionnel de la machine incriminée,
-homologué le rapport de M. P et celui de Mme D,
-condamné la société Bail Ecureuil à payer à Mme X la somme de 11 008,26 euro au titre de la restitution des loyers versés,
-condamné solidairement M. Y, la société Innopress, la société Sailstar Europe et la société Bail Ecureuil à payer à Mme X la somme de 21 270,00 euro au titre du préjudice subi, dégagé par le rapport de Mme D,
-rejeté la demande de Mme X au titre des frais de déplacement,
-rejeté l'appel en garantie diligenté par M. Y à l'encontre de la société d'assurances Maaf,
-condamné solidairement M. Y, la société Innopress, la société Sailstar Europe et la société Bail Ecureuil à procéder à l'enlèvement de la machine litigieuse et ce, sous astreinte de 100,00 euro par jour de retard à compter de la signification de la décision,
-condamné les mêmes à payer solidairement à Mme X la somme de 2 000,00 euro à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 3 000,00 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Bail Ecureuil, la société Innopress et M. Y ont régulièrement relevé appel de ce jugement par déclarations faites les 5, 10 et 26 novembre 2010 au greffe de la cour.
Ces procédures ont été enrôlées sous les n° 8753, 8873 et 9292/2010.
Par arrêt du 19 avril 2011, la cour a prononcé la jonction des trois procédures et réparé l'omission de statuer affectant le jugement dont appel, dont le dispositif sera complété par la mention " ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ".
La société Bail Ecureuil, devenue CGE Bail, demande à la cour de réformer le jugement et, en conséquence, de :
Au principal,
-dire nul le rapport d'expertise déposé par M. P le 4 juin 2008,
-débouter Mme X de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-constater qu'elle ne justifie aucunement des dysfonctionnements allégués par des pièces probantes,
-la débouter de plus fort de ses demandes,
A titre subsidiaire,
-condamner Mme X à lui payer :
en cas de résolution de la vente, la somme de 478,62 euro par mois, du 10 février 2006 jusqu'au jour du jugement à intervenir,
dire que ces sommes seront majorées des intérêts au taux légal, outre les frais de résolution du contrat de vente soit 1 % du montant du financement,
en cas de résiliation du contrat de crédit-bail, condamner Mme X à payer la somme de 20 000,00 euro,
reconventionnellement, condamner Mme X à lui régler la somme de 3 000,00 euro à titre de dommages et intérêts, du fait du préjudice financier subi par elle,
-toutefois, au cas où la résolution du contrat de crédit-bail serait confirmée, dire et juger la vente annulée,
-condamner en conséquence le fournisseur à rembourser les sommes, qu'elle lui a versées,
En toute hypothèse,
-dire et juger qu'elle ne peut être condamnée à indemniser le préjudice subi par Mme X, ni à procéder à l'enlèvement de la machine litigieuse,
-la condamner à la somme de 3 000,00 euro à titre de dommages et intérêts,
-la condamner, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et eu égard à la longueur de la procédure, à la somme de 3 000,00 euro.
Au soutien de ses prétentions, elle fait essentiellement valoir que le rapport d'expertise de M. P n'établit pas l'existence d'un vice caché justifiant la résolution de la vente, que Mme X, en violation de ses obligations contractuelles, a cessé de régler les loyers hors toute résolution du contrat de crédit-bail et omis de l'aviser des défaillances ayant affecté la machine, qu'un nouveau contrat de crédit-bail n'avait pas à être souscrit à la suite du remplacement de la première machine livrée et qu'en vertu de l'article 12 du contrat, Mme X, qui a choisi le matériel et accepté d'être subrogée dans ses droits et actions, est solidairement tenue avec le fournisseur au remboursement toutes sommes payées par elle, majorées des intérêts au taux légal.
La société Innopress conclut au rejet des prétentions élevées à son encontre par Mme X et M. Y, outre la condamnation de ces derniers à lui payer la somme de 5 000,00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; elle expose qu'elle n'est liée contractuellement qu'avec la société Sailstar Europe à laquelle elle a acheté et à M. Y auquel elle a vendu une machine de nettoyage à sec Sailstar type SP325, n° de série 80201002, livrée le 5 mars 2004, que sa garantie contractuelle, valable un an, est d'ailleurs venue à expiration le 5 mars 2005 sans qu'une quelconque défectuosité du matériel lui ait été dénoncée, que M. Y ne peut prétendre qu'au remplacement du matériel défectueux à l'exclusion de tous autres frais et dommages et intérêts, que celui-ci ne peut, en tout état de cause, invoquer l'application de la garantie contractuelle pour une machine autre que celle lui ayant été facturée et qu'enfin, l'expert n'a procédé à aucune investigation permettant d'identifier les dysfonctionnements de la machine et leur origine.
M. Y conclut à la réformation du jugement et au rejet des demandes dirigées à son encontre par Mme X ; subsidiairement, il demande à la cour de constater qu'il a acheté la première machine à la société Innopress, qui l'a elle-même achetée à la société Sailstar Europe, de prononcer la résolution des ventes, de dire qu'il sera relevé et garanti in solidum par les sociétés Innopress et Sailstar Europe des sommes sollicitées par Mme X et de condamner la Maaf à le garantir au titre de son contrat de responsabilité civile professionnelle ; il réclame enfin l'allocation de la somme de 5 000,00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il soutient que :
-le remplacement de la première machine, effectué directement par le fabricant, a emporté résolution amiable de la vente et lui-même n'est intervenu qu'en qualité d'installateur de la seconde machine, soit sur le fondement d'un contrat d'entreprise,
-or, les dysfonctionnements constatés ne proviennent pas, selon l'expert, d'une insuffisance de l'installation, qui lui soit imputable, mais d'un vice inhérent au matériel lui-même,
-les clauses limitatives de garantie, dont se prévaut la société Innopress, ne peuvent lui être opposées, dès lors que la facture de cette société du 1er mars 2004 ne les mentionne pas et que ces clauses sont, en outre, apposées au verso des factures,
-la société Innopress doit être considérée comme un vendeur professionnel, censé avoir connaissance des vices affectant la chose vendue, ce dont il résulte que les clauses limitatives de garantie légale sont nulles,
-la garantie contractuelle n'est d'ailleurs pas exclusive de la garantie légale,
-la société Sailstar Europe a reconnu sa responsabilité en faisant livrer la seconde machine, le 8 septembre 2004, directement chez Mme X et a été informée, comme la société Innopress, des dysfonctionnements constatés, notamment par l'envoi, le 9 août 2005, des conclusions du cabinet polyexpert,
-la non-garantie, que lui oppose la Maaf par rapport à ses activités déclarées de plombier et d'électricien du bâtiment, n'est pas fondée eu égard à la nature de ses prestations et l'exclusion de garantie mentionnée à l'article 5-14 des conventions spéciales n'est pas valable, dès lors qu'elle n'est pas formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du Code des assurances,
-le préjudice invoqué par Mme X n'est pas certain dans son montant.
La société Sailstar Europe conclut à l'infirmation du jugement, au rejet des demandes de Mme X à son encontre et à sa condamnation à lui payer la somme de 2 500,00 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; subsidiairement, elle demande à être relevée et garantie de toute condamnation, qui serait prononcée contre elle, par M. Y, la Maaf et la société Innopress, outre leur condamnation au paiement de la somme de 2 500,00 euro en remboursement de ses frais irrépétibles.
Elle expose en substance que :
-l'expert, qui n'a procédé à aucune investigation technique, n'a pas déterminé la cause précise du dysfonctionnement de la machine, ce dont il résulte que son rapport est nul et de nul effet,
-la machine s'est arrêtée à cause de problèmes de circulation d'air liés à un bouchage du filtre à peluches et du registre de refroidissement, ce qui permet de déduire qu'elle n'était pas entretenue de façon correcte,
-Mme X, qui n'est pas l'acquéreur de la machine mais la locataire de la société CGE Bail, ne peut demander la résolution des ventes successives,
-elle n'a pas agi à son encontre dans le bref délai de l'article 1648 (ancien) du Code civil puisque les défauts, dont elle se plaint, datent du mois de mars 2004 et que les demandes dirigées contre elle l'ont été par conclusions du 19 novembre 2008, soit trois ans et demi plus tard,
-M. Y, avec lequel elle n'a d'ailleurs aucun lien contractuel, n'est pas recevable à solliciter la résolution des ventes pour la première fois en cause d'appel,
-en sa qualité de vendeur professionnel, il est, en outre, présumé connaître les vices de la chose et ne peut se faire garantir par son propre vendeur des conséquences de la faute qu'il a commise en revendant le produit en toute connaissance de cause,
-il n'a pas agi à son encontre dans le bref délai de l'article 1648 (ancien) du Code civil et selon l'article 4.1 du contrat de distribution la liant avec la société Innopress, elle n'est responsable des dommages que dans le délai de six mois à compter de la facture,
-lors du remplacement de la première machine, un avenant au contrat de crédit-bail a été régularisé, mentionnant M. Y comme fournisseur, en sorte que ce dernier ne peut prétendre que son intervention a été limitée à l'installation de la seconde machine,
-enfin, le rapport de Mme D, expert-comptable, ne permet pas de définir précisément le préjudice qu'aurait subi Mme X.
La Maaf Assurances conclut à la confirmation du jugement ; subsidiairement, elle demande à être relevée et garantie d'éventuelles condamnations par la société Sailstar Europe et la société Innopress ; elle sollicite également la condamnation de M. Y et de Mme X à lui payer la somme de 2 000,00 euro en remboursement de ses frais irrépétibles.
Elle fait valoir que M. Y est assuré pour une activité artisanale de plombier sans magasin et d'électricien du bâtiment, non pour la vente de matériels professionnels, et que se trouvent d'ailleurs exclus de la garantie, conformément à l'article 5-14 des conventions spéciales de la police, les frais constitués par le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens livrés ou des travaux exécutés, cause ou origine du dommage, ainsi que les dommages immatériels en découlant ; elle ajoute qu'en toute hypothèse, M. Y, son assuré, ne peut être tenu des vices affectant la seconde machine, qu'il n'a pas personnellement vendue et facturée.
Formant appel incident, Mme X demande à la cour de condamner solidairement M. Y, la Maaf, la société Innopress, la société Sailstar Europe et la société GCE Bail à lui payer les sommes de 55 243,01 euro au titre de ses préjudices financiers arrêtés en 2008, 13 994,00 euro au titre de ses préjudices financiers arrêtés en 2010 et 7 000,00 euro en indemnisation de son préjudice moral ; elle conclut à la confirmation du jugement pour le surplus et à l'allocation de la somme de 5 000,00 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; subsidiairement, au cas où il serait fait droit aux demandes de la société GCE Bail, elle demande à être relevée et garantie par M. Y, la Maaf, la société Innopress et la société Sailstar Europe des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.
A l'appui des ses prétentions, elle expose que :
-l'expert judiciaire a parfaitement indiqué que les pannes récurrentes des deux machines, apparues dés leur mise en service, étaient exclusivement liées à un défaut de refroidissement mettant en cause leur conception même,
-les vices affectant la machine constituent indéniablement un manquement suffisamment grave pour entraîner, sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, la résolution de la vente, le remplacement de la machine ne modifiant en rien la garantie pesant sur M. Y en tant que fournisseur,
-la résolution du contrat de vente entraîne nécessairement la résiliation du contrat de crédit-bail,
-elle était d'ailleurs fondée à suspendre le versement des loyers à compter du 10 février 2006, une fois engagée l'action en résolution de la vente, la clause du contrat de crédit-bail stipulant que le crédit preneur restera tenu au paiement des loyers pendant la procédure de résolution étant réputée non écrite,
-la société GCE Bail a commis une faute en ne lui faisant pas signer, après le remplacement de la machine, un nouveau contrat de crédit-bail, ce dont il résulte qu'elle doit lui restituer les loyers versés, soit la somme de 11 008,26 euro,
-le montant global de ses préjudices financiers arrêtés en 2008 s'établit à 55 243,01 euro, qui englobe le coût de la sous-traitance, qu'elle a dû exposer en vue du maintien de son activité (24 994 euro), la perte de marge, telle qu'elle a été évaluée par Mme D (21 270 euro), et les frais de déplacement engendrés pour faire sous-traiter les articles, qui lui étaient confiés (8 979,01 euro),
-ses préjudices ont perduré pour les années 2009 et 2010, qui s'élèvent à la somme de 13 994,00 euro.
MOTIFS DE LA DECISION :
Il n'est pas discuté que la machine de nettoyage à sec " Sailstar SP 325 ", vendue par M. Y et livrée le 5 mars 2004, a été remplacée, le 8 septembre 2004, par une nouvelle machine, de même type " SP 325 " (n° de série 80361003), ce remplacement, qui fait suite au constat par le fabricant de l'impossibilité de réparer la première machine, ayant donné lieu à l'établissement d'un avoir et d'une facture entre la société Sailstar Europe et la société Innopress.
M. Y n'est pas fondé à soutenir que sa garantie ne peut être recherchée à raison des vices cachés affectant la seconde machine, au motif que celle-ci n'a pas été vendue par lui et que le remplacement, opéré directement par le fabricant, a emporté résolution amiable de la vente relative à la première machine ; en effet, le remplacement de la machine défectueuse, même s'il a été effectué par le fabricant lui-même, n'est que l'exécution de la garantie pesant sur M. Y en sa qualité de vendeur, garantie qui se reporte nécessairement sur la nouvelle machine, sans que ne soit modifiée la nature de la relation contractuelle originaire.
Il résulte des conclusions de l'expert que les pannes affectant la machine sont liées à un défaut de refroidissement lors du cycle de séchage, provoquant la mise en sécurité ; selon M. P, ce dysfonctionnement, identique à celui observé sur la première machine, provient d'un défaut de fabrication imputable à la société Sailstar Europe, qui rend la machine impropre à l'usage auquel elle est destinée ; dans son rapport du 4 août 2005, l'expert du cabinet Polyexpert (M. M.) intervenu à la demande de l'assureur de protection juridique de Mme X, avait déjà relevé que le défaut de circulation de l'air provoquait la mise en sécurité de la machine et le givre des batteries de résistance, déclenchant le disjoncteur de protection et donc, l'arrêt de la machine.
Plusieurs éléments sont de nature à établir que les arrêts récurrents de la machine lors du processus de séchage proviennent, non d'un défaut d'entretien imputable à l'utilisateur, mais d'un vice caché affectant la machine au sens de l'article 1641 du Code civil, à savoir :
-les pannes, qui sont survenues sur la seconde machine dès le début de l'année 2005, peu après sa mise en service, sont identiques à celles qu'avait présentées la première machine, ayant conduit à son remplacement, le 8 septembre 2004, six mois seulement après son installation,
-le remplacement de la machine effectué par la société Sailstar Europe en septembre 2004 vaut reconnaissance de sa part de l'existence d'un défaut de fabrication, sachant que les deux modèles successivement livrés sont les mêmes et qu'il n'est pas allégué que le système de refroidissement ait été entre-temps modifié,
-le technicien de la société Böwe, mandaté par le fabricant, qui est intervenu le 21 juin 2005, n'est pas parvenu à réparer la machine, qui est de nouveau tombée en panne après quelques heures d'utilisation,
-dans le bon de travail, qu'il a rédigé, celui-ci a noté la surchauffe du conduit d'aération et la faible circulation d'air dans le conduit, ainsi que la réalisation de divers travaux d'aménagement (du registre et du trou de visite) et de réglages, sans changement de pièces, mais n'a pas fait état d'un défaut d'entretien de la machine à l'origine des dysfonctionnements constatés.
L'article 5 des conditions générales du contrat de crédit-bail souscrit le 30 octobre 2003 par Mme X dispose que le locataire bénéficie des garanties dues par le constructeur, le fournisseur et l'installateur et que Bail Ecureuil le subroge dans tous ses droits et actions à l'encontre de ces derniers et lui donne mandat d'ester en justice, à charge pour celui-ci d'informer préalablement Bail Ecureuil de son action et de lui communiquer toutes pièces de procédure lui permettant d'intervenir dans l'instance et d'en suivre l'évolution afin de préserver ses droits.
Ainsi subrogée dans les droits et actions du crédit bailleur, Mme X est recevable à agir en garantie des vices cachés à l'encontre de son vendeur, M. Y ; elle justifie également avoir informé la société Bail Ecureuil, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 9 novembre 2005, de l'action qu'elle était sur le point d'engager devant le tribunal de commerce pour l'audience du 20 décembre 2005, en lui adressant copie de l'assignation délivrée pour cette date.
Le dysfonctionnement de la machine étant apparu en février 2005, l'action engagée par Mme X, après l'échec de la tentative de réparation du fabricant effectuée le 21 juin 2005, l'a donc été dans le bref délai de l'article 1648 (ancien) du Code civil, applicable en la cause du fait de la conclusion du contrat de vente antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005.
Il a été indiqué plus haut que les pannes de la machine, liées à un défaut de refroidissement lors du processus de séchage, qui rendent celle-ci impropre l'usage auquel elle est destinée, proviennent d'un vice caché au sens de l'article 1641 ; il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente de la machine de nettoyage à sec " Sailstar SP 325 " conclue à l'origine entre la société Bail Ecureuil aux droits de laquelle Mme X se trouve subrogée et M. Y à l'enseigne " AB Elec ".
En vue de la détermination du préjudice subi, Mme D, dont l'expert s'est adjoint le concours, a proposé trois méthodes d'évaluation, par le coût du crédit-bail, par le coût du recours à la sous-traitance et par la perte de marge ; il convient d'écarter la première méthode dans la mesure où Mme X a cessé de régler les loyers à compter de l'échéance du 10 février 2005, ainsi que la troisième méthode puisque la perte de marge est calculée en fonction des taux moyens de marge résultant des statistiques du centre de gestion agréé, comparés aux taux de marge effectivement réalisés par Mme X de 2005 à 2008.
La méthode la plus fiable est celle qui consiste à évaluer le coût du recours à la sous-traitance et les frais de déplacement, qu'a dû exposer Mme X en raison du dysfonctionnement de la machine ; après avoir estimé à 23,72 % le pourcentage moyen du chiffre d'affaires lié à la sous-traitance de 2005 à 2008 et à 25 566,00 euro le chiffre d'affaires moyen réalisé au cours de ces quatre années, Mme D a évalué à 24 257,00 euro le préjudice induit par le recours à la sous-traitance ; elle a ensuite ajouté les dépenses en carburant exposées, s'élevant à 6 597,00 euro, et déduit l'économie réalisée en produits de nettoyage, soit 5 860,00 euro, correspondant à 5,73% du chiffre d'affaires moyen ; les conclusions de son rapport, évaluant à 24 994,00 euro le préjudice subi de 2005 à 2008, doivent ainsi être entérinées.
Sur la base de l'attestation rédigée le 10 octobre 2011 par le cabinet d'expertise comptable " Fiduciaire de la Têt ", selon laquelle le chiffre d'affaires moyen s'est établi à 21 822,00 euro en 2009 et 2010 et les dépenses en carburant à 3 642,00 euro, le préjudice subi par Mme X durant ces deux années supplémentaires doit être évalué à : [(21 822 euro x 23,72 %) x 2] + 3 642 euro - [(21 822 euro x 5,73 %) x 2] = 11 494,00 euro.
Le préjudice consécutif au dysfonctionnement de la machine, dont Mme X est fondée à obtenir réparation, doit, en définitive, être chiffré à la somme totale de 36 488,00 euro arrondie à 36 500,00 euro ; celle-ci ne saurait prétendre être indemnisée, en plus, d'une perte de marge qui ferait double emploi avec l'indemnité accordée.
Ainsi, M. Y, présumé en tant que vendeur professionnel connaître les vices affectant la chose vendue, doit être condamné au paiement de ladite somme à titre de dommages et intérêts.
Le jugement doit, par ailleurs, être confirmé en ce qu'il a condamné l'intéressé à procéder sous astreinte à l'enlèvement de la machine litigieuse, en tant que conséquence de la résolution de la vente.
Par contre, il n'est pas établi que la dépression réactionnelle pour laquelle Mme X a été soignée de mai 2006 à mai 2008, selon le certificat médical produit aux débats, a pour cause exclusive le dysfonctionnement de la machine de nettoyage à sec équipant son pressing ; il n'y a donc pas lieu à indemnisation de ce chef de préjudice.
Il est de principe que la résolution du contrat de vente entraîne nécessairement la résiliation du contrat de crédit-bail sous réserve des clauses ayant pour effet de régler les conséquences de cette résiliation.
En l'occurrence, l'article 12 des conditions générales du contrat de crédit-bail conclu le 30 octobre 2003 entre la société Bail Ecureuil et Mme X énonce qu'en cas de résolution du contrat de vente, le présent contrat est résilié de plein droit, que la résiliation du contrat de crédit-bail prend effet au jour de la résolution du contrat de vente et que jusqu'à cette date, les loyers sont dus ; dés lors que la demande de résolution du contrat de vente a été faite par assignation du 22 novembre 2005, il convient de dire que la résiliation du contrat de crédit-bail produira effet à cette date, à partir de laquelle les loyers cessent d'être dus ; le jugement, qui a prononcé la résiliation du contrat de crédit-bail, doit ainsi être confirmé, sauf à fixer au 22 novembre 2005, date de la demande en justice, la date d'effet de cette résiliation.
Mme X ne saurait prétendre au remboursement des loyers versés jusqu'au 10 novembre 2005 au motif que la société Bail Ecureuil a commis une faute en ne lui faisant pas signer un nouveau contrat de crédit-bail à la suite du remplacement de la première machine ; l'établissement d'un nouveau contrat ou d'un avenant ne pouvait, en effet, conduire à modifier les conditions financières du crédit-bail puisque la machine remplacée était strictement identique à la précédente et de même valeur ; au surplus, rien ne permet d'affirmer que l'établissement de crédit-bail a été informé d'un tel remplacement, intervenu en septembre 2004 ; Mme X est, en revanche, fondée à obtenir le remboursement des loyers, qu'elle a réglés du 10 décembre 2005 au 10 février 2006, postérieurement à la date d'effet de la résiliation du contrat, soit la somme de 1 435,86 euro (478,62 euro x 3).
La société Bail Ecureuil a bien été informée par Mme X, par courrier recommandé du 9 novembre 2005 de l'action en résolution de la vente, que celle-ci allait engager devant le tribunal de commerce ; elle n'ignorait d'ailleurs pas, dès le mois de juillet 2005, la défectuosité de la machine, ayant été convoquée à l'expertise contradictoire organisée par le cabinet Polyexpert ; la demande de l'établissement de crédit-bail en paiement de la somme de 20 000,00 euro en réparation de son prétendu préjudice consécutif à la violation par Mme X de l'article 5 des conditions générales du contrat, n'apparaît donc pas fondée ; ayant en outre perçu, d'avril 2004 à novembre 2005, l'intégralité des loyers dus en exécution du contrat, il ne peut prétendre être indemnisé d'un préjudice financier lié précisément au non paiement des loyers.
En conséquence de la résolution de la vente, M. Y doit être condamné à rembourser à la société Bail Ecureuil devenue la société GCE Bail la somme de 21 049,60 euro correspondant au prix de la machine, objet d'une facture en date du 12 mars 2004, dont il n'est pas contesté qu'il a été effectivement réglé.
L'article 2 des conditions spéciales de la police de responsabilité civile professionnelle souscrite auprès de la Maaf par M. Y dispose que sous réserve des limites et exclusions prévues au contrat, sont garantis les conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue (par l'assuré) vis-à-vis des tiers, notamment en raison d'un vice caché ou d'une erreur de livraison d'un bien livré ou d'un travail exécuté ; il est spécifié à l'article 5-14 des mêmes conditions spéciales que sont exclus de la garantie les frais constitués par le remplacement, la remise en état ou le remboursement de la partie des biens livrés ou des travaux exécutés, cause ou origine du dommage, ainsi que les dommages immatériels en découlant.
Contrairement à ce que prétend M. Y, la clause d'exclusion, insérée à l'article 5-14, présente un caractère formel et limité au sens de l'article L. 113-1 du Code des assurances, dés lors que sont laissés dans le champ de la garantie les dommages causés aux tiers autres que ceux causés aux biens livrés ou aux travaux exécutés ; l'assureur est ainsi fondé à soutenir que sa garantie n'est pas mobilisable pour les dommages revendiqués, correspondant au remboursement du prix de la machine atteinte d'un vice caché et à l'indemnisation du préjudice commercial découlant directement de ce vice de la machine ; le jugement doit encore être confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la Maaf.
La société GCE Bail, qui n'est pas le fournisseur de la machine défectueuse et n'est pas intervenue dans le choix fait par Mme X de cette machine, dont elle a seulement financé le prix d'acquisition dans le cadre d'une opération de crédit-bail, ne peut être tenue à indemniser celle-ci du préjudice commercial qu'elle a subi en raison du dysfonctionnement constaté, ni à procéder à l'enlèvement de la machine devenue inutilisable.
En cas de ventes successives, le sous-acquéreur dispose contre le vendeur originaire d'une action directe en garantie des vices cachés, qui lui a été transmise avec la chose vendue ; en l'espèce, la société Innopress, qui a vendu à M. Y la machine de nettoyage à sec " Sailstar SP 325 " que celui-ci a vendue à son tour à Mme X, ne saurait dès lors invoquer l'irrecevabilité de l'action exercée par cette dernière à son encontre au motif de l'absence d'un lien contractuel.
La société Innopress, actionnée sur le fondement d'une action directe, doit en conséquence être condamnée, in solidum avec M. Y, à réparer le préjudice commercial subi par Mme X du fait de la fourniture d'une machine affecté d'un vice caché, qu'en sa qualité de vendeur professionnel il était également censé connaître.
Quant à la société Sailstar Europe, elle est fondée à opposer à Mme X l'irrecevabilité de son action comme n'ayant pas été exercée dans le bref délai de l'article 1648 (ancien) du Code civil ; alors que le dysfonctionnement de la machine est apparu en février 2005, Mme X, qui n'avait à l'origine dirigé son action qu'à l'encontre de M. Y, n'a présenté des demandes contre la société Sailstar Europe que par voie de conclusions récapitulatives devant le tribunal de commerce, notifiées le 19 novembre 2008, soit plus de trois ans après la découverte du vice.
En cas d'exercice par le vendeur, assigné en garantie des vices cachés, d'une action récursoire contre son propre vendeur ou contre le fabricant, le point de départ du bref délai ne peut être constitué que par la date de sa propre assignation ; ainsi, M. Y, qui avait été assigné en garantie le 22 novembre 2005, a appelé en intervention forcée la société Innopress le 12 décembre 2005 et la société Sailstar Europe, société de droit allemand ayant son siège à Bobingen, le 4 juillet 2006, soit, respectivement, un mois et sept mois après avoir été lui-même assigné ; son action, qui a été exercée à bref délai, est donc recevable.
Pour s'exonérer de toute garantie, la société Innopress, qui est intervenue comme vendeur professionnel, importateur en France des machines de la marque " Sailstar ", ne peut invoquer la clause de l'article VII de ses conditions générales de vente, limitant la durée de sa garantie (contractuelle) à 12 mois à compter de la vente au premier usager (sic) ; une telle clause est, en effet, insérée au verso de sa facture du 1er mars 2004, sans qu'il ne soit établi que M. Y en a eu effectivement connaissance lors de la vente.
De même, la société Sailstar Europe, fabricant de la machine litigieuse, ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 4.1 du contrat de distribution, la liant à la société Innopress, selon lequel elle n'est responsable des dommages que dans le délai de six mois à compter de la facture, alors que de telles dispositions ne sont pas opposables à M. Y.
En dépit de la qualité de vendeur professionnel de M. Y, aucune clause exonératoire de la garantie des vices cachés ne peut d'ailleurs être opposée à celui-ci ; il a déjà été indiqué que la machine litigieuse, vendue à l'état neuf à Mme X, se trouvait affectée d'un vice de fabrication, à laquelle la société Sailstar Europe elle-même n'a pu remédier.
M. Y est donc fondé à être relevé et garanti par la société Innopress et la société Sailstar Europe de la condamnation en paiement de la somme de 36 500,00 euro prononcée à son encontre, au bénéfice de Mme X.
Sa demande en résolution des ventes (sic), formée pour la première fois devant la cour, est, en revanche, irrecevable en application de l'article 564 du Code de procédure civile, comme le soutient la société Sailstar Europe; ainsi, du fait de la résolution de la vente, dans ses rapports avec la société GCE Bail aux droits de laquelle Mme X est subrogée, il ne saurait demandé à être relevé et garanti par son propre vendeur, la société Innopress, ni de l'enlèvement de la machine, ni de la restitution du prix, qu'il a lui-même payé à hauteur de 14 750,27 euro, montant de la facture de cette société en date du 1er mars 2004.
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, M. Y, la société Innopress et la société Sailstar Europe doivent être condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise, ainsi qu'à payer à Mme X la somme de 5 000,00 euro au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il convient également de condamner in solidum la société Innopress et la société Sailstar Europe à payer à M. Y la somme de 2 000,00 euro en remboursement de ses frais irrépétibles.
En revanche, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 au profit des autres parties, qui en sollicitent également le bénéfice.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Perpignan en date du 13 septembre 2010 en ce qu'il a : -prononcé la résolution de la vente de la machine de nettoyage à sec " Sailstar SP 325 " et la résiliation du contrat de crédit-bail, sauf à fixer au 22 novembre 2005 la date d'effet de la résiliation du contrat de crédit-bail, -mis hors de cause la Maaf Assurances, -condamné M. Y à procéder sous astreinte à l'enlèvement de la machine, Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne in solidumY et la société Innopress à payer à X la somme de 36 500,00 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial consécutif au dysfonctionnement de la machine, Condamne la société Innopress et la société Sailstar Europe à relever et garantir M. Y de cette condamnation, Condamne M. Y à rembourser à la société Bail Ecureuil devenue la société GCE Bail la somme de 21 049,60 euro correspondant au prix de la machine, Condamne la société GCE Bail à rembourser à Mme X la somme de 1 435,86 euro au titre des loyers réglés postérieurement à la date d'effet de la résiliation du contrat de crédit-bail, Rejette toutes autres demandes, Condamne in solidum M. Y, la société Innopress et la société Sailstar Europe aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise, ainsi qu'à payer à Mme X la somme de 5 000,00 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum la société Innopress et la société Sailstar Europe à payer à M. Y la somme de 2 000,00 euro en remboursement de ses frais irrépétibles, Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code.