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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 16 février 2012, n° 10-05354

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Rahmani, El Ghazouani, Belfaci Madjid, Renault (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valantin

Conseillers :

Mmes De Martel, Maizy

Avocats :

SCP Lefevre - Tardy - Hongre - Boyeldieu, SCP Bommart - Minault, Me Jullien

TI Mantes-la-Jolie, du 13 nov. 2009 ; TI…

13 novembre 2009

Monsieur Rahmani a vendu à Monsieur El Ghazouani un véhicule automobile de marque Renault le 16 octobre 2007 pour un prix de 11 500 euro. Le véhicule automobile présentait alors 113 860 km au compteur. Quelques jours plus tard, Monsieur El Ghazouani a subi une panne et a dû faire remorquer son véhicule dans le garage Renault le plus proche. Il a demandé à Monsieur Rahmani l'annulation de la vente ou le remboursement des réparations ce que ce dernier a refusé. Monsieur El Ghazouani a alors saisi son assureur, une expertise amiable et contradictoire a été diligentée aux termes de laquelle le cabinet BT Expertises a déposé un rapport selon lequel l'avarie du moteur était consécutive à la destruction du palier hydrodynamique du turbo compresseur et l'origine de cette avarie anormale et prématurée était antérieure à la cession du véhicule automobile.

Monsieur Rahmani a mis en cause Monsieur Belfaci, son vendeur, et la SAS Renault dans le cadre de cette procédure.

Le tribunal d'instance de Mantes-la-Jolie, dans son jugement du 13 novembre 2009, a

-ordonné la jonction des contentieux n°09.0046 et 09.0329

-condamné Monsieur Rahmani à verser à Monsieur El Ghazouani

*une somme de 2 382,53 euro en remboursement du prix de réparation du turbo,

*une somme de 1 000 euro au bénéfice de Monsieur El Ghazouani et de 500 euro au bénéfice de la SAS Renault au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

*débouté les parties du surplus de leurs demandes y compris à l'encontre de la SAS Renault comme de Monsieur Belfaci,

*condamné Monsieur Rahmani aux dépens.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il sera renvoyé pour un exposé intégral des prétentions aux écritures des parties étant rappelé toutefois qu'aux termes de ses écritures signifiées le 29 septembre 2011, Monsieur Rahmani demande l'infirmation du jugement entrepris et

-le débouté de Monsieur El Ghazouani de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-subsidiairement, la condamnation in solidum de Monsieur Belfaci et la SAS Renault à le garantir de toutes les condamnations qui seraient mises à sa charge,

-très subsidiairement, la condamnation de Monsieur El Ghazouani à lui verser à titre de dommages-intérêts une somme équivalente à celle mise à sa charge au profit de celle-ci,

-en tout état de cause, la condamnation de Monsieur El Ghazouani, Monsieur Belfaci et la SAS Renault à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur Rahmani soutient :

que l'incident mis en avant par Monsieur El Ghazouani n'est aucunement dû à un vice caché mais simplement à l'usure du véhicule,

qu'à titre subsidiaire, s'il devait s'agir d'une usure anormale présentant le caractère d'un vice caché, les sommes dues doivent être ramenées à de plus justes proportions ou rejetées.

Il ajoute que s'il y a vice caché, celui-ci est préexistant à la vente conclue 30 septembre 2006 entre Monsieur El Ghazouani et lui, qu'il s'agit d'un vice de conception reconnu par le constructeur Renault France.

Monsieur El Ghazouani a fait signifier des conclusions le 24 août 2011 aux termes desquelles il demande :

-à être déclaré recevable et bien fondé en son appel des jugements rendus les 13 novembre 2009 et 28 mai 2010 par le Tribunal d'instance de Mantes-la-Jolie,

-l'infirmation du jugement du 13 novembre 2009 en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes, et la confirmation pour le surplus,

-l'infirmation du jugement du 28 mai 2010 en toutes ses dispositions,

-la condamnation de Monsieur Rahmani à lui verser la somme de 4 100 euro en raison du kilométrage du véhicule et celle de 2 500 euro au titre de la mauvaise foi dont il a fait preuve dans l'exécution de la vente,

y ajoutant,

-le débouté de Monsieur Rahmani de l'ensemble de ses demandes,

-la condamnation de Monsieur Rahmani à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.

Monsieur El Ghazouani soutient que:

*le tribunal a retenu à bon droit l'existence d'un vice caché affectant le turbocompresseur,

*Monsieur Rahmani ne pouvait s'exonérer de la garantie due au titre des articles 1641 et 1644 du Code civil,

*Monsieur Rahmani lui doit réparation au titre du vice relatif au kilométrage réel du véhicule.

La SAS Renault a fait signifier des conclusions le 22 novembre 2011 aux termes desquelles elle demande la confirmation du jugement entrepris ainsi que

-le débouté de Monsieur Rahmani de toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre,

-la condamnation de Monsieur Rahmani au paiement de la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

La SAS Renault soutient que Monsieur Rahmani ne rapporte pas la preuve d'un défaut d'origine du turbocompresseur du véhicule.

Monsieur Belfaci n'a pas constitué avoué.

La clôture a été prononcée le 15 décembre 2011.

L'AARPI JRF Avocats s'est constituée au lieu et place de SCP Jullien Rol Fertier le 5 janvier 2012.

SUR CE, LA COUR

-Sur le turbocompresseur

Considérant qu'aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ;

Qu'il convient de rappeler que la notion de vice caché n'implique nullement que le vendeur ait eu connaissance de l'existence du vice, puisque si c'était le cas, le vendeur devrait en outre être condamné au versement de dommages et intérêts ;

Considérant que le 16 octobre 2007, Monsieur Rahmani a vendu à Monsieur El Ghazouani un véhicule Renault Mégane CMOGO6 affichant 13 860 km moyennant un prix de 11 500 euro ;qu'il convient de relever que le véhicule totalisait en fait 113 860 km ;que quelques jours après la vente, le véhicule automobile est tombé en panne ;

Que de manière contradictoire entre Monsieur Abderrazek Rahmani et Monsieur Ahmed El Ghazouani, la SAS Renault n'étant ni comparante ni représentée, le cabinet d'expert missionné par l'assureur de Monsieur Ahmed El Ghazouani, la Matmut, a observé une forte quantité d'huile recyclée dans le circuit d'admission d'air en aval du turbocompresseur et après extraction de la bague bronze du palier hydro dynamique, constaté que cette bague bronze présentait un jeu d'usure très important, notamment côté turbine d'échappement mais également un jeu marqué côté turbine d'admission ;que le patin latéral bronze qui limite les déplacements axiaux de l'arbre de turbine est également fortement usé ce qui contribue à la manifestation des désordres ;

Que l'expert explique que la destruction prématurée de cette bague est en relation avec la conception du circuit de graissage qui entraîne, lorsque le turbo Garett est précisément monté sur une motorisation de type 1.9 DCI, une fragilité du système, ce qui conduit à des avaries du turbocompresseur avant même quelques fois que le véhicule atteigne 100 000 km ;

Qu'il ajoute que cette usure se réalise sur un laps de temps conséquent et donc préexistait à la cession du véhicule par Monsieur Abderrazek Rahmani à Monsieur Ahmed El Ghazouani ;

Considérant que s'il s'agit effectivement d'une usure ainsi que le soutient Monsieur Abderrazek Rahmani, elle présente néanmoins un caractère prématuré et anormal et doit donc être rattachée au montage de ce type de turbo compresseur sur une motorisation de type 1.9 DCI ;

Que la préexistence de l'usure à la vente du turbo compresseur et son caractère anormal rendent l'action de Monsieur Ahmed El Ghazouani contre son vendeur sur le fondement du vice caché parfaitement recevable ;

Considérant que ni Monsieur Abderrazek Rahmani ni la SAS Renault n'apportent aux débats des éléments de preuve ou de commencement de preuve remettant en question les conclusions de l'expert ;

Qu'en conséquence, sur le fondement de l'article 1644 du Code civil, Monsieur Abderrazek Rahmani doit être condamné à rembourser Monsieur Ahmed El Ghazouani de la somme de 2 382,53 euro représentant le prix de réparation du turbo compresseur suivant facture n° 190967 de MAS Louviers du 17 janvier 2008 et ce à raison du vice caché affectant ce turbocompresseur ;

Considérant que la SAS Renault a édité en janvier 2007 une note technique jaune relativement à la détérioration mécanique du turbocompresseur sur des véhicules Mégane II, Scénic II, Laguna II et Espace IV équipés du moteur F9Q dont l'âge est inférieur à cinq ans et le kilométrage inférieur à 150 000 km ;que le remplacement du turbo pouvait être pris en charge à 100% si le client avait suivi le programme d'entretien du constructeur pour son véhicule;que ce dernier préconise une révision tous les 30 000 km ou tous les deux ans au premier des deux termes atteints ;que cette note a un caractère général qui ne permet pas de présumer de manière irréfragable que chaque véhicule automobile construit pendant la période litigieuse était défectueux ;

Qu'en l'espèce, Monsieur Abderrazek Rahmani qui a lui-même acquis le véhicule litigieux de Monsieur Madjid Belfaci le 30 septembre 2006, verse aux débats trois factures d'entretien du véhicule automobile, l'une en date du 31 juillet 2006 avec un kilométrage relevé de 64 860 km, l'une en date du 31 août 2006 avec un kilométrage relevé de 112 360 km et une dernière en date du 6 février 2007 avec un kilométrage relevé de 92 480 km ;

Que Monsieur Abderrazek Rahmani ne permet pas de vérifier que le programme d'entretien du constructeur a été respecté, ce d'autant qu'avant la vente du 30 septembre 2006, le véhicule automobile a présenté un kilométrage de 90 835 km le 27 septembre 2005 avant de revenir à 64 860 km le 31 juillet suivant;

Que s'agissant de l'action engagée à l'encontre de Monsieur Madjid Belfaci, Monsieur Abderrazek Rahmani ne verse aux débats aucun commencement de preuve selon lequel l'usure litigieuse connaîtrait son origine antérieurement à la vente réalisée le 30 septembre 2006 ;

Que dès lors, la garantie de la SAS Renault et de Monsieur Madjid Belfaci ne peut agir en l'espèce à la demande de Monsieur Abderrazek Rahmani ;que ce dernier sera donc débouté de ses demandes à ce titre ;

Considérant que Monsieur Abderrazek Rahmani ne peut valablement reprocher à Monsieur Ahmed El Ghazouani d'avoir fait procéder à la réparation du véhicule une fois l'expertise survenue ; qu'il ne démontre pas la réalité d'un préjudice résultant de cette réparation ; qu'il doit donc être débouté de sa demande de dommages-intérêts;

-Sur le kilométrage du véhicule

Considérant qu'ainsi que cela a été rappelé plus haut, Monsieur Abderrazek Rahmani a vendu le véhicule à Monsieur Ahmed El Ghazouani avec un kilométrage incertain puisque sur les trois factures versées aux débats dont deux antérieures à sa propre acquisition en septembre 2006, les indications variaient en plus ou en moins ;

Qu'il n'est pas établi que Monsieur Ahmed El Ghazouani ait connaissance de ce kilométrage erroné au moment de la vente ;

Qu'il peut donc être fait application des dispositions de l'article 1644 du Code civil sous réserve cependant que, Monsieur Ahmed El Ghazouani conservant le véhicule, la réduction du prix soit telle qu'elle sera arbitrée par experts ;

Qu'en l'espèce, aucun arbitrage d'expert n'est versé aux débats et pour cause puisque cette question n'a pas été abordée dans le cadre de l'expertise amiable réalisée par l'expert missionné par la Matmut ;

Que Monsieur Ahmed El Ghazouani ne peut qu'être débouté de ce chef de demande;

-Sur les dommages-intérêts

Considérant que Monsieur Ahmed El Ghazouani fonde sa demande de dommages-intérêts sur l'article 1134 du Code civil et la mauvaise foi dont Monsieur Abderrazek Rahmani a fait preuve dans l'exécution du contrat ;

Que cependant, l'expert de la Matmut, assureur de Monsieur Ahmed El Ghazouani, est intervenu très rapidement et a déposé son rapport le 8 janvier 2008 de telle sorte qu'il ne peut être considéré que Monsieur Abderrazek Rahmani a fait preuve d'une mauvaise foi particulière ;

Que Monsieur Ahmed El Ghazouani doit être débouté de ce chef de demande faute pour lui de démontrer la faute de Monsieur Abderrazek Rahmani et la réalité de son propre préjudice autre que le remboursement du prix de la réparation du turbocompresseur ;

-Sur les frais irrépétibles et les dépens

Considérant que les demandes de Monsieur Abderrazek Rahmani étant rejetées, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qui concerne les dépens et les frais exposés par chacune des parties à l'occasion de la procédure de première instance ;

Que s'agissant des frais non répétibles exposés en appel, Monsieur Abderrazek Rahmani devra seul les supporter dans les termes du dispositif ci-après ainsi que les dépens de la présente instance.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, Confirme le jugement du Tribunal d'instance de Mantes du 13 novembre 2009 rectifié par le jugement du 28 mai 2010 ; Déboute Monsieur Abderrazek Rahmani de l'ensemble de ses demandes y compris sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la SAS Renault de sa demande en appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Monsieur Abderrazek Rahmani à payer à Monsieur Ahmed El Ghazouani la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.