CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 5 juillet 2012, n° 10-20388
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
C&I (SAS)
Défendeur :
Deficom (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Pomonti, Luc
Avocats :
Mes de la Taille, Boucly, Ribaut, Mayeton
Faits constants et procédure
A compter du 1er janvier 2000, la société Deficom a exercé pour la compte de la société IBA, un mandat de représentation aux termes d'un contrat à durée indéterminée d'agent commercial soumis aux articles L. 134-1 à L. 134-17 du Code de commerce.
La société IBA a été reprise par les actionnaires du groupe Cadum en septembre 2007 pour être par la suite absorbée par la société C&I en date du 31 décembre 2008.
Les relations commerciales entre les agents commerciaux et le nouvel actionnaire se sont dégradées.
La société IBA a, par lettre recommandée en date du 9 septembre 2008, notifié à la société Deficom la résiliation de son contrat d'agent commercial, avec effet immédiat.
Par acte d'huissier en date du 9 janvier 2009, la société Deficom a fait assigner la société IBA par devant le Tribunal de commerce de Créteil aux fins de la voir condamner à payer des indemnités de cessation du contrat et au titre du non-respect du préavis légal, ainsi que des commissions de retour sur échantillonnages.
Par un premier jugement en date du 29 septembre 2009, le tribunal a débouté la société IBA de sa demande de sursis à statuer et lui a fait injonction de conclure au fond.
A l'audience du 4 mai 2010, seule la société Deficom s'est présentée, déclarant avoir reçu une demande de renvoi de la part de société IBA à laquelle elle s'opposait. Après que l'affaire a été mise en délibéré, la société IBA, représentée par un nouvel avocat, a sollicité la réouverture des débats, demande renouvelée par lettre en date du 7 mai 2010.
Par jugement rendu le 21 septembre 2010, assorti de l'exécution provisoire sous réserve de la fourniture par la société Georget d'une caution bancaire, le Tribunal de commerce de Créteil a :
- dit n'y avoir lieu à réouverture des débats,
- condamné la société C&I, venant aux droits de la société IBA, à payer à la société Deficom les sommes de :
* 84 000,00 euro avec intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2008,
* 12 558,00 euro avec intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2008,
* 10 587,28 euro avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2009.
- débouté la société C&I, venant au droit de la société IBA, de toutes ses demandes de nomination d'un expert judiciaire.
- débouté la société Deficom de sa demande de communication des éléments de facturation avec astreinte.
- dit que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts pourvu que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière.
- condamné la société C&I, venant aux droits de la société IBA, à payer à la société Deficom la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, débouté la société Deficom du surplus de sa demande et débouté la société C&I, venant au droits de la société IBA, de sa demande formée de chef.
Vu l'appel interjeté en date du 19 octobre 2009 par la société C&I,
Vu les dernières conclusions signifiées en date du 21 février 2011 par la société C&I par lesquelles elle demande à la cour de :
A titre principal,
- prononcer l'annulation du jugement du 21 septembre 2010 rendu par le Tribunal de commerce de Créteil,
- dire et juger que la société Deficom a commis plusieurs fautes graves dans l'exécution du contrat d'agence commerciale,
- dire et juger que le contrat d'agence commerciale a été résilié aux torts exclusifs de la société Deficom,
- condamner la société Deficom au paiement de la somme de 40 000 euro au titre du préjudice subi.
A titre subsidiaire :
- infirmer en tous points le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Créteil le 21 septembre 2010,
- dire et juger que la société Deficom a commis plusieurs fautes graves dans l'exécution du contrat d'agence commerciale,
- dire et juger que le contrat d'agence commerciale a été résilié aux torts exclusifs de la société Deficom,
- condamner la société Deficom au paiement de la somme de 40 000 euro au titre du préjudice subi.
En tout état de cause,
- condamner la société Deficom aux frais irrépétibles à hauteur de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société C&I estime, sur le fondement de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, que le jugement de première instance doit être annulé en ce sens qu'il n'a pas été équitable, le principe du contradictoire n'ayant pas été respecté pour des raisons de mauvaise organisation interne à la juridiction consulaire de Créteil.
Elle ajoute que la composition même du tribunal permet un doute légitime quant à son impartialité puisque la société C&I, dans les quatre litiges qui l'ont opposée à ses anciens agents commerciaux a été jugée par le même tribunal et en partie par les mêmes magistrats.
Sur le fond, la société C&I considère que des fautes graves sont imputables à la société Deficom en ce sens que ses résultats devenaient très faibles, ce qui démontrait qu'elle avait cessé toute démarche commerciale, qu'elle a manqué à son obligation d'information et qu'elle a violé une clause légale de non-concurrence en concluant au moins un contrat d'agence avec des sociétés concurrentes et qu'elle n'a donc droit à aucune indemnité.
Elle soutient, à titre reconventionnel que les fautes commises par la société Deficom lui ont causé un préjudice qui doit être réparé par le paiement de dommages-intérêts.
Vu les dernières conclusions signifiées le 27 juin 2011 par la société Deficom par lesquelles elle demande à la cour de :
- débouter la société C&I de son appel,
- confirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions, excepté sur la demande de communication des éléments de facturation en provenance du secteur contractuel qui a été rejetée à tort par les premiers juges,
- la réformer de ce chef,
- ordonner à la société C&I de communiquer tous les éléments de facturation portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 janvier 2009 sous astreinte de 250 euro par jour de retard,
- condamner la société C&I à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Deficom soutient d'abord que le principe du contradictoire a bien été respecté en première instance et que les difficultés dont fait part la société C&I sont dues à un défaut de diligence de sa part. Elle ajoute que l'impartialité du tribunal ne peut être mise en cause car la société IBA ayant été assignée par une dizaine d'agences commerciales sur les mêmes fondements, le nombre de juges composant la juridiction commerciale ne permettait pas de mettre en place des compositions différentes pour chaque affaire.
Au fond, la société Deficom estime que la lettre de rupture n'était pas motivée et qu'elle n'a commis aucune faute grave.
Elle conteste avoir refusé de donner des informations et avoir violé une obligation de non-concurrence et affirme que la rupture pour faute grave relève en fait d'une stratégie de groupe puisque la société Deficom a toujours eu des relations commerciales très satisfaisantes avec la société IBA jusqu'au jour du rapprochement avec le groupe Cadum.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
Motifs
Sur l'annulation du jugement demandée par la société C&I
La société C&I soutient qu'elle n'a pas bénéficié d'un procès équitable devant le Tribunal de commerce de Créteil.
Il résulte des pièces du dossier et des explications des deux parties que la procédure, initiée le 9 janvier 2009 par la SARL Deficom, a fait l'objet de nombreux renvois pour permettre aux parties d'échanger leurs conclusions et leurs pièces ainsi que d'un jugement sur incident, en date du 29 septembre 2009, déboutant la société IBA (aujourd'hui C&I) de ses demandes de communication de pièces et de sursis à statuer et lui faisant injonction de conclure sur le fond pour l'audience du 3 novembre 2009.
La société IBA a conclu pour cette date, la société Deficom a conclu pour le 15 décembre 2009 et l'affaire a été renvoyée pour conclusions en réplique de la société IBA à l'audience du 23 février 2010, à laquelle aucune conclusion n'a été déposée en son nom.
A cette date, Maître Bertrand Charles, mandataire de la société IBA a informé les parties et le tribunal qu'un nouvel avocat, Maître Boucly, se constituait pour la société IBA, raison pour laquelle l'affaire a une nouvelle fois été renvoyée, par courrier du 2 mars 2010, à l'audience du 4 mai 2010, l'affaire étant alors fixée pour être plaidée.
Le nouvel avocat de la société IBA disposait donc d'un délai raisonnable, de plus de deux mois pour communiquer de nouvelles pièces, produire de nouvelles conclusions et mettre l'affaire en état d'être plaidée.
Or, par télécopie officielle du 3 mai 2010 à 20 h 14, Maître Boucly indiquait qu'il serait présent à l'audience du 4 mai 2010 pour s'opposer à toute plaidoirie en précisant "je travaille actuellement de nouvelles conclusions que je remettrai demain au tribunal".
Pourtant, il s'est présenté avec retard à l'audience du 4 mai 2010, alors que l'affaire avait déjà été appelée et mise en délibéré au 21 septembre 2010. Cet empêchement a été reconnu, dû semble-t-il au retard d'un taxi.
Le conseil de la société IBA a alors adressé au juge rapporteur du Tribunal de commerce de Créteil un courrier demandant la réouverture des débats.
Le jugement dont appel est intervenu le 21 septembre 2010, rejetant la demande de réouverture des débats et statuant au fond sur les demandes de la société Deficom.
Le rejet de la demande de réouverture des débats est motivée de la manière suivante :
"Attendu que par lettre adressée au tribunal le 7 mai 2010 la société C&I demande la réouverture des débats faisant valoir qu'à la suite des errements d'un taxi elle est arrivée en retard à l'audience.
Attendu que par lettre officielle du 3 mai 2010 adressée au conseil de la société Deficom, la société IBA déclarait que l'affaire n'était pas en l'état et demandait un renvoi, qu'en tout état de cause elle s'opposerait à toute plaidoirie.
Attendu que la société Deficom, demandeur, a déclaré s'opposer à tout renvoi.
Attendu que dans cette instance un premier jugement sur incident a débouté la société IBA de toutes les demandes de communication qu'elle avait formulé, que la société Deficom considérait que ces demandes étaient essentiellement dilatoires, que le tribunal a fait sommation à la société IBA de conclure sur le fond à l'audience collégiale du 3 novembre 2009, ce qui a été fait.
Attendu que la société Deficom a répondu le 15 décembre 2009, que la société IBA n'a pas conclu à l'audience du 23 février 2010 où l'affaire a été renvoyée devant le juge rapporteur qui avait connu.
Attendu que la société IBA fait état de nouvelles pièces.
Mais attendu que la société IBA n'a pas cru devoir adresser ces pièces au tribunal pour lui permettre d'en apprécier la pertinence, qu'il n'y a donc pas de motifs sérieux pour ordonner la réouverture des débats."
Force est de constater que ces motifs sont pertinents et ne démontrent nullement un quelconque non-respect de l'équité par le Tribunal de commerce de Créteil, seul le défaut de diligence de la société C&I et de son conseil étant à l'origine de la situation dont elle se plaint.
Elle a disposé d'un délai de quatre mois et demi pour répliquer aux conclusions de la société Deficom du 15 décembre 2009, ce qui est plus que suffisant même avec un changement d'avocat qui, au demeurant, est intervenu dès la mi-février 2010, l'absence de conclusions dans un tel délai ne pouvant être considérée que comme dilatoire par la juridiction saisie du litige.
Comme l'a justement souligné le tribunal, elle n'a pas cru devoir adresser les nouvelles pièces dont elle faisait état au tribunal pour lui permettre d'en apprécier la pertinence. Il convient d'ajouter, qu'il aurait été judicieux de produire de nouvelles conclusions pour inciter les premiers juges, au regard de leur intérêt pour la solution du litige, à envisager la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, ce que la société IBA s'est bien gardée de faire, renforçant l'impression du caractère dilatoire de sa demande.
Par ailleurs, sachant que le conseil de la société Deficom s'opposait à la demande de renvoi, il appartenait au conseil de la société C&I d'être à l'heure pour l'audience ou, à tout le moins, de prévenir le mandataire de la société, qui était présent au Tribunal de Créteil, ou le greffe de son retard, ce qu'il n'a pas fait.
L'affaire a donc été plaidée et mise en délibéré à l'audience du 4 mai 2010, en l'absence de la société C&I et/ou de son conseil, dans le respect du calendrier de procédure et du contradictoire et l'organisation des audiences du Tribunal de commerce de Créteil n'a rien à voir avec l'empêchement de la société C&I qui est uniquement imputable au défaut de diligence de son conseil.
Il convient de préciser que la date du 21 septembre 2010 apparaissant sur le calendrier des audiences Infogreffe n'était pas une nouvelle date d'audience qui aurait brusquement "disparu", comme le soutient l'appelante, mais tout simplement la date de délibéré du jugement dont appel.
La société C&I, en reprochant au conseil de son adversaire de ne pas avoir accepté le renvoi de l'affaire, mélange manifestement la confraternité qui ne concerne que les rapports entre les conseils des parties et un procès équitable qui ne fait pas de doute en l'espèce.
Par ailleurs, la société C&I ne saurait reprocher au Tribunal de commerce de Créteil son impartialité au motif que ce sont les mêmes juges qui ont statué dans les procédures dans lesquelles elle a été attraite par une dizaine d'agents commerciaux devant ledit tribunal, Monsieur Renoult étant membre du tribunal dans l'ensemble des instances et Monsieur de Montille présidant le tribunal dans deux de ces instances.
En effet, le nombre de juges composant la juridiction consulaire de Créteil est limité et ne permettait en aucun cas d'affecter des juges différents pour chaque affaire, le tribunal devant connaître de toutes les affaires qui sont de son ressort.
D'ailleurs, ce sont les contrats d'agence rédigés par la société IBA elle-même qui stipulent la compétence du Tribunal de commerce de Créteil, de sorte que l'appelante ne saurait se plaindre d'être jugée, dans tous les dossiers la concernant par la même juridiction.
En outre, rien ne permet, dans le déroulement de l'instance ou dans la rédaction des jugements, d'affirmer, comme le fait la société C&I, que le jugement rendu au profit de la société Deficom aurait nécessairement été influencé par les autres instances. Au demeurant, la société C&I n'explicite pas en quoi les juges composant la juridiction commerciale de Créteil auraient fait preuve d'impartialité.
Pour l'ensemble de ces motifs, la demande d'annulation du jugement présentée par la société C&I doit être rejetée.
Sur la rupture du contrat d'agent commercial et ses conséquences
Il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 134-11 du Code de commerce, chacune des parties peut mettre fin au contrat d'agent commercial à durée indéterminée moyennant un préavis, d'une durée d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes, sauf dispositions contractuelles prévoyant un délai plus long, ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou la survenance d'un cas de force majeure.
L'article L. 134-12 du Code de commerce dispose, qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
Cependant, aux termes de l'article L. 134-13 du même Code, cette réparation n'est pas due si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.
La faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.
La société C&I reproche à la société Deficom "des résultats désastreux pour le premier semestre 2008, ne pouvant résulter que de la cessation de toute démarche commerciale, la dissimulation à sa mandante d'éléments essentiels de l'exécution du contrat et son refus, exprimé par sa lettre du 19 juin 2008, de donner l'information circonstanciée qui lui était demandée, ayant simplement renvoyé la société IBA à la consultation d'un logiciel permettant des saisies d'informations lapidaires" et d'avoir ainsi "manifestement rendu impossible le maintien du lien contractuel".
Il convient de rappeler que, contrairement aux affirmations de la société Deficom, il importe peu que la lettre de rupture fasse ou non référence aux fautes graves reprochées à l'agent commercial et le fait que la lettre qui lui a été adressée par la société IBA le 9 septembre 2008 indique simplement que l'agence "ne satisfait pas aux conditions d'exercice du mandat" ne la prive pas de la possibilité d'invoquer des fautes graves à l'encontre de la société Deficom à condition qu'elle en rapporte la preuve.
Cependant en l'espèce, force est de constater que la société C&I ne prouve pas que la société Deficom aurait gravement manqué à ses obligations contractuelles.
Elle ne saurait en effet sérieusement arguer d'une baisse significative des commissions en 2008, de l'ordre de 45 %, qui "traduiraient la cessation de toute démarche commerciale" de la part de l'agent commercial.
Elle compare en effet le chiffre des commissions directes de 2007, soit 29 546,67 euro au chiffre de 2008, soit 16 893,85 euro alors qu'elle a mis fin au contrat d'agence le 9 septembre 2008, de sorte qu'il n'est pas possible de comparer une période de 12 mois et une période de 8 mois, la baisse étant en réalité de l'ordre de 14 %, ce qui n'est pas significatif.
Par ailleurs, la société C&I ne démontre pas une dégradation du chiffre d'affaires de l'agence et ne fait pas état du chiffre des commissions indirectes, concernant l'activité déployée auprès de la grande distribution.
En outre, elle n'a jamais émis un quelconque grief à l'encontre de l'agent commercial avant la rupture du contrat.
La société C&I reproche également à la société Deficom d'avoir manqué à son obligation de loyauté, en ne respectant pas la clause d'intuitu personae prévue au contrat d'agence, dans la mesure où elle n'aurait pas été prévenue, ni du départ de Monsieur Philippot, ni du changement de contrôle de la société Deficom.
Ce grief n'est pas plus sérieux que le précédent, alors que la clause d'intuitu personae concerne à la fois Monsieur Joël Philippot et Monsieur David Hochet et que la société C&I ne pouvait ignorer le départ en retraite du premier, ce qui est confirmé par le fait que les courriers sont adressés à Monsieur David Hochet, l'autre co-gérant, au demeurant également visé par la clause d'intuitu personae.
Enfin, la société C&I fait état d'une violation par la société Deficom de son obligation d'information, dans la mesure où celle-ci aurait répondu à son courrier de demande d'information du 4 juin 2008 portant "sur l'évolution et le suivi de l'assortiment par magasin (Distribution numérique régionale par enseigne et codes produits)" et "une performance mensuelle du chiffre d'affaires par magasin et par enseigne avec explication des retards et plans d'actions", par une lettre du 19 juin 2008 la renvoyant à la consultation d'un logiciel permettant des saisies d'informations lapidaires.
Pourtant, par son courrier du 19 juin 2008, la société Deficom a fait une réponse circonstanciée, en indiquant :
"... Pour ce qui est de l'évolution et du suivi des assortiments en magasins, nous vous transmettons tous les trimestres ces informations via un logiciel C.Agent. Vous avez donc régulièrement un point sur la DN par enseigne et par produit. Nous pouvons vous adresser ce point dès maintenant pour le 2e trimestre, il faut juste nous préciser à quelle adresse mail l'envoyer (si nouvelle adresse il y a !). Il est quand même important de noter que sur ce logiciel, les évolutions et modifications de gamme sont à faire par IBA, qui ensuite synchronise toutes les données avec les agents. Depuis avril 2008, les mises à jour ne sont pas effectuées pour les nouvelles gammes. Pour Système U, vous nous demandez un relevé de présence des références venant de rentrer au national, cette gamme n'est même pas créée dans C.Agent. Dans l'avenir, ce rythme de transmission d'information ainsi que le mode, ne sont pas au sein de notre agence des choses figées. Nous sommes prêts à étudier toutes nouvelles propositions qui nous sembleraient plus adaptées à vos attentes et exigences.
En ce qui concerne l'analyse mensuelle des chiffres d'affaires par magasin et par enseigne, notre action va être limitée à Leclerc. En effet, vous nous fournissez un CA entrepôt par trimestre pour les enseignes suivantes : Carrefour, Champion, Auchan, ITM et Géant. Ces informations, qui en 2007 nous parvenaient souvent avec quelques semaines de retard ne nous parviennent même plus depuis début 2008. Une analyse au mois pour ces différentes enseignes nous apparaît donc très compliquée.
Chez Système U, le passage sur entrepôt en mai 2008 fait que l'analyse magasin par magasin des CA va devenir impossible.
Depuis que nous travaillons avec la société IBA, c'est-à-dire depuis 2000, nous avons toujours eu d'excellentes relations avec les différents directeurs régionaux qui ont suivi le secteur. Ces relations se traduisaient par des entretiens téléphoniques réguliers et des réunions à l'agence très fréquentes. Depuis le début de l'année nous avons plutôt la sensation d'être complètement livrés à nous-mêmes. Les contacts avec la société Cadum IBA sont quasi inexistants. Nous n'avons pas eu de plan promo pour le 1er semestre 2008. Vous ne nous informez pas sur les ruptures magasins qui sont très nombreuses. Vous refusez sans aucune explication plausible de continuer à livrer les magasins U en direct sur des références complémentaires à l'assortiment national.
Comme nous vous l'avons dit lors de la réunion de Rennes le 22 février, nous avons la structure et nous sommes prêts à tout étudier pour continuer à travailler avec la société Cadum IBA, tout en respectant votre politique commerciale et en développant de façon positive l'image de votre société.
Par contre, à ce jour nous sommes en droit de nous poser de nombreuses questions sur votre volonté de poursuivre sur du long terme nos relations commerciales.
Vous avez sûrement le souci de prendre la bonne décision quant à votre future organisation commerciale, et comme nous vous l'avons dit lors de notre dernier entretien téléphonique nous sommes prêts à vous accueillir à l'agence afin que vous puissiez mesurer par vous-mêmes la force et la capacité de notre équipe à répondre aux exigences futures de la société Cadum IBA...."
Il ne peut certainement pas être déduit des termes de cette lettre que la société Deficom aurait violé son obligation d'information.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société C&I n'a pas rapporté la preuve de fautes graves imputables à la société Deficom et justifiant qu'elle soit privée de l'indemnité de rupture à laquelle elle a droit.
Surabondamment, la société Deficom relève à juste titre que la société IBA a, au cours de l'année 2008, rompu pour faute grave les contrats de tous les agents commerciaux composant sa force de vente et parallèlement lancé le recrutement d'une force de vente salariée, la rupture des contrats d'agence, avec une concomitance et une similitude des courriers adressés, relevant manifestement d'une stratégie du groupe et non d'un comportement fautif des agents.
L'indemnité de rupture due à l'agent commercial doit réparer le préjudice résultant de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune.
Il est d'usage de calculer l'indemnité de cessation du contrat sur la base de la moyenne des trois dernières années d'exercice normal du contrat.
En l'espèce, le tribunal s'est à bon droit référé aux commissions versées pour les années 2006, 2007 et pour les deux premiers trimestres 2008, soit une moyenne de 47 904 euro par an.
Compte tenu de la durée des relations commerciales, soit près de huit ans et des circonstances de la rupture, il serait légitime d'allouer à la société Deficom, une indemnité de rupture équivalente à deux années de commissions brutes, soit la somme de 95 808 euro.
Cependant, la société Deficom ne réclame que la confirmation du jugement sur ce point, soit la somme de 84 000 euro, qu'il convient de lui allouer.
Le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a alloué à l'intimée une somme de 12 558 euro au titre de l'indemnité de préavis équivalente à trois mois de commissions, en application des dispositions de l'article L. 134-11 alinéa 3 du Code de commerce.
En application de l'article L. 134-7 du Code de commerce, le mandant a l'obligation de commissionner son agent commercial sur l'ensemble des sommes encaissées depuis la cessation du contrat.
Dès lors, la société Deficom demande justement la communication sous astreinte de 250 euro par jour de retard des éléments de facturation concernant les ventes directes et indirectes réalisées sur le secteur contractuel de l'agent du 1er janvier 2008 au 31 janvier 2009, en vertu de l'article 3 alinéa 1er de décret du 23 décembre 1958.
La somme de 10 587,28 euro d'ores et déjà allouée par le tribunal doit rester acquise à la société Deficom à titre de provision sur les montants qui lui restent dus par la société C&I au titre des commissions de retour sur échantillonnages.
Compte tenu des motifs énoncés ci-dessus, la société C&I ne peut être que déboutée de sa demande en dommages et intérêts.
L'équité commande d'allouer à la société Deficom une indemnité de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Rejette la demande d'annulation du jugement présentée par la société C&I, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la communication des éléments de facturation sur la période du 1er janvier 2008 au 31 janvier 2009, Statuant à nouveau sur ce point, Ordonne à la société C&I de communiquer à la société Deficom, sous astreinte de 250 euro par jour de retard à compter du 15e jour suivant la notification du présent arrêt, des éléments de facturation concernant les ventes directes et indirectes réalisées sur le secteur contractuel de l'agent du 1er janvier 2008 au 31 janvier 2009, Déboute les parties de leurs plus amples demandes, Condamne la société C&I à payer à la société Deficom une indemnité de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société C&I aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.