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Décisions

CA Nancy, 2e ch. civ., 13 février 2012, n° 11-00129

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Davouse

Défendeur :

Oktay

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Claude-Mizrahi

Conseillers :

MM Magnin, Martin

Avocats :

SCP Millot - Logier - Fontaine, SCP Vasseur, Mes Richard, Buisson

TI Nancy, du 2 nov. 2010

2 novembre 2010

EXPOSE DU LITIGE

Le 4 novembre 2008, Monsieur Coban Oktay a vendu à Madame Nadège Davouse, pour un prix de 4 800 euro, un véhicule de marque Volkswagen de type Golf, immatriculé 784 AHS 54.

En décembre 2008, constatant une perte de puissance du moteur, Madame Nadège Davouse a confié son véhicule à un garage qui a diagnostiqué " une surpression du turbo ".

Madame Nadège Davouse ayant saisi son assurance de protection juridique, une expertise technique amiable a été effectuée. Suivant le rapport de l'expert de la compagnie d'assurance, la panne du véhicule est due " à un grippage des ailettes de géométrie variable " et " elle existait, tout au moins à l'état latent, avant l'achat ". L'expert a chiffré la réparation à la somme de 1 170 euro.

Par acte d'huissier du 26 novembre 2009, Madame Nadège Davouse a fait assigner Monsieur Coban Oktay devant le Tribunal d'instance de Nancy afin de voir prononcer la résolution de la vente du véhicule et de voir condamner son vendeur à lui restituer la somme de 4 800 euro et lui payer les sommes de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts et de 800 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur Coban Oktay n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.

Par jugement rendu le 2 novembre 2010, le Tribunal d'instance de Nancy a débouté Madame Nadège Davouse de toutes ses demandes et a laissé les dépens à sa charge.

Le tribunal a motivé sa décision en relevant qu'il n'était nullement prouvé que la panne constatée rendait le véhicule impropre à l'usage auquel l'acquéreur le destinait, puisqu'il ressortait au contraire du dossier que Madame Nadège Davouse utilisait quotidiennement ce véhicule depuis son acquisition, c'est-à-dire depuis deux ans.

Madame Nadège Davouse a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 12 janvier 2011. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de prononcer la résolution de la vente, de condamner Monsieur Coban Oktay à lui payer les sommes de 4 800 euro en remboursement du prix de vente, de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts et de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose :

- que, si le premier juge a considéré que le véhicule n'était pas impropre à son usage, il n'est toutefois pas contestable qu'elle n'aurait pas acquis ce véhicule ou n'en aurait donné qu'un moindre prix si elle avait connu le vice dont il était atteint,

- qu'en effet, elle est " quotidiennement embêtée " et doit sans cesse remettre du liquide de refroidissement dans le véhicule,

- que Monsieur Coban Oktay ne pouvait ignorer ces dysfonctionnements, mais s'est bien gardé de l'en avertir et de lui remettre le carnet d'entretien et les factures de révision,

- que les défauts persistants du véhicule nécessitent une réparation de plus de 1 500 euro et l'oblige à se déplacer à pied depuis le 19 janvier 2009,

- que tous ces désagréments justifient les dommages et intérêts sollicités.

Bien qu'avisé de l'appel de Madame Nadège Davouse par lettre du greffe en date du 13 janvier 2011, et bien qu'ayant constitué avoué, Monsieur Coban Oktay n'a déposé aucune conclusion.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu l'assignation en date du 15 avril 2011,

Vu les dernières écritures de Madame Nadège Davouse signifiées à Monsieur Coban Oktay le 22 juillet 2011,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 28 septembre 2011.

En appel, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond et la cour ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où elle les estime réguliers, recevables et bien fondés.

Sur l'action en garantie des vices cachés

L'article 1641 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Dans les ventes de véhicules d'occasion, un vice d'une particulière gravité est exigé pour mettre en jeu la garantie, car l'acheteur doit s'attendre, en raison même de l'usure dont il est averti, à un fonctionnement d'une qualité inférieure à celui d'un véhicule neuf.

En l'espèce, lorsque Madame Nadège Davouse a acheté le véhicule, le 4 novembre 2008, il présentait 169 286 kilomètres au compteur et avait plus de dix ans d'âge, puisqu'il avait été mis en circulation le 17 juin 1998. Son prix de cession, 4 800 euro, était d'ailleurs en rapport avec son état d'usure. Elle ne pouvait s'attendre raisonnablement à bénéficier, avec un tel véhicule, de prestations équivalentes à celles qu'offre un véhicule neuf.

L'expert de la compagnie d'assurance a attribué le dysfonctionnement du véhicule à un grippage des ailettes du turbocompresseur et il a estimé la remise en état à 1 170 euro.

Madame Nadège Davouse a choisi d'engager l'action rédhibitoire plutôt que l'action estimatoire.

Si le caractère caché du vice diagnostiqué ne peut être contesté, il ne peut en revanche être considéré comme un vice d'une gravité suffisante pour justifier la mise en œuvre de l'action rédhibitoire. En effet, d'une part, la panne peut être réparée moyennant une intervention dont le coût équivaut à peu près au quart du prix de vente. D'autre part, Madame Nadège Davouse ne prouve pas que le véhicule est inutilisable en l'état et qu'elle a dû cesser de s'en servir. Au contraire, elle se plaint de devoir souvent le recharger en liquide de refroidissement et elle produit, pour l'établir, une facturette d'un montant de 6,99 euro en date du 3 novembre 2009, ce qui démontre qu'une année après l'achat de la voiture elle s'en servait toujours.

Par conséquent, les conditions du succès de l'action rédhibitoire n'étant pas réunies, Madame Nadège Davouse sera déboutée de sa demande en résolution de la vente et de sa demande en remboursement de la somme de 4 800 euro.

Le jugement du Tribunal d'instance de Nancy sera confirmé sur ce point.

Sur le dommages et intérêts

L'article 1645 du Code civil dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

En l'espèce, outre que le vendeur n'est pas tenu à la restitution du prix puisque l'action rédhibitoire de Madame Nadège Davouse échoue, il n'est nullement établi que Monsieur Coban Oktay, qui n'est pas un professionnel de l'automobile, avait connaissance du dysfonctionnement du turbocompresseur. En effet, l'expert a souligné que si la panne existait avant la vente, elle pouvait exister seulement 'à l'état latent', c'est-à-dire non apparent. En outre, le fait que Monsieur Coban Oktay n'ait pas transmis à Madame Nadège Davouse le carnet d'entretien du véhicule ni aucune facture de garage ne peut signifier à coup sûr qu'il a entendu cacher à son acquéreur un diagnostic ou des dysfonctionnements pré-existants. D'ailleurs, la panne n'est pas apparue à Madame Nadège Davouse immédiatement après la vente : elle a roulé pendant plus d'un mois et a parcouru 7 684 kilomètres avant de présenter le véhicule à son garagiste.

Dès lors, Madame Nadège Davouse sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement déféré sera également confirmé à cet égard.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Madame Nadège Davouse, qui est la partie perdante, supportera les dépens et sera déboutée de sa demande de remboursement de ses frais de justice irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Déclare l'appel recevable, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute Madame Nadège Davouse de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Laisse à Madame Nadège Davouse la charge des dépens tant de première instance que d'appel.