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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. B, 12 janvier 2012, n° 11-04934

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Vallet

Défendeur :

Renault (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cheminade

Conseillers :

MM. Crabol, Boinot

Avocats :

Mes Galharret, Nakache

TI Bordeaux, du 22 juil. 2011

22 juillet 2011

PROCEDURE :

Le 09 septembre 2010, Josette Vallet a fait assigner la société par actions simplifiée Renault devant le Tribunal d'instance de Bordeaux, en paiement de la somme de 4 206,53 euro sur le fondement de l'article 1648 du Code civil, en exposant que le 30 octobre 2002, elle avait acquis un véhicule neuf de marque Renault, modèle Laguna Estate, qui avait nécessité en 2009 et en 2010 des réparations dont un expert amiable avait attribué la cause à un vice caché.

La société Renault a soulevé l'incompétence territoriale du Tribunal d'instance de Bordeaux au profit de celui de Boulogne-Billancourt (92), en faisant valoir qu'elle avait son siège social dans cette commune et que la règle de la compétence du lieu de livraison de la chose, prévue par l'article 46 du Code de procédure civile, ne pouvait s'appliquer en l'espèce dans la mesure où aucun contrat de vente n'existait entre elle-même et Josette Vallet, laquelle avait acquis le véhicule litigieux auprès de la société anonyme Mondauto dont le siège social était situé à Bordeaux.

Par jugement du 04 juillet 2011, le tribunal a indiqué qu'il n'existait pas de lien contractuel direct entre la société Renault et Josette Vallet, qui avait acheté son véhicule à la société Mondauto. Il a en conséquence estimé que la règle de compétence de l'article 46 du Code de procédure civile n'était pas applicable. Il s'est par suite déclaré incompétent territorialement au profit du tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt et a dit qu'à défaut de contredit, le dossier serait transmis à cette juridiction. Il a réservé les dépens.

Par lettre déposée au greffe du Tribunal d'instance de Bordeaux le 20 juillet 2011, l'avocat de Josette Vallet a formé contredit à l'encontre de cette décision.

MOYENS DES PARTIES :

Josette Vallet soutient que le Tribunal d'instance de Bordeaux est bien compétent pour connaître de son action, par application de l'article 46 du Code de procédure civile, dans la mesure où il est de jurisprudence constante que l'acquéreur d'une chose dispose d'un recours contre les vendeurs successifs et que ces recours en cascade ne font pas perdre à l'action son caractère contractuel.

La société Renault estime que l'option de compétence prévue par le texte précité ne joue qu'entre contractants, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, elle-même n'étant pas la contractante de Josette Vallet. Elle conclut en conséquence à la confirmation pure et simple du jugement.

DISCUSSION :

1° / Sur la recevabilité du contredit :

Le contredit a été remis au secrétariat du Tribunal d'instance de Bordeaux le mercredi 20 juillet 2011, soit plus de quinze jours après le prononcé de la décision attaquée, rendue le lundi 04 juillet 2011. Toutefois, le délai pour former contredit ayant, aux termes de l'article 82 alinéa 1 du Code de procédure civile, pour point de départ le prononcé du jugement, il ne peut commencer à courir qu'autant que la date à laquelle celui-ci devait être rendu a été portée à la connaissance des parties (Cour de cassation, 2e chambre civile, du 5 février 2009 , pourvoi n° 07-21918). En l'espèce, le jugement mentionne que les débats ont eu lieu à l'audience du 09 mai 2011, mais ne précise pas si le juge d'instance a informé les parties de la date à laquelle il rendrait sa décision. Dans ces conditions, le délai du contredit n'a pu commencer à courir à compter du prononcé de celle-ci. Il s'ensuit que le contredit, formé seize jours après ce prononcé, doit être déclaré recevable.

2° / Sur la juridiction compétente :

Selon l'article 42 alinéa 1 du Code de procédure civile, " la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ". Cependant, l'article 46 du même Code précise que 'le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : " en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ".

Le sous-acquéreur d'une chose est recevable à exercer l'action en garantie des vices cachés directement contre le vendeur originaire. Cette action étant celle de son auteur, qui lui a été transmise avec la chose vendue, elle est de nature contractuelle. Il s'ensuit que le sous-acquéreur bénéficie, à l'égard du vendeur originaire, de l'option de compétence prévue par le texte précité.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le véhicule acheté par Josette Vallet à la société Mondauto, dont le siège social est situé à [...], a été vendue et livrée à cette société par le fabricant, la société Renault. Josette Vallet était donc recevable à assigner directement cette société, en garantie des vices cachés, devant la juridiction du lieu de cette livraison. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré, de débouter la société Renault de son exception d'incompétence, et de renvoyer l'affaire devant le Tribunal d'instance de Bordeaux, désigné comme juridiction compétente.

3° / Sur les dépens :

L'article 88 du Code de procédure civile énonce que " les frais éventuellement afférents au contredit sont à la charge de la partie qui succombe sur la question de compétence ". Par application de ce texte, il convient de condamner la société Renault aux dépens du jugement du 04 juillet 2011, ainsi qu'à ceux de l'instance sur contredit.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit Josette Vallet en son contredit ; Infirme le jugement rendu le 04 juillet 2011 par le Tribunal d'instance de Bordeaux ; Statuant à nouveau : Déboute la société Renault de son exception d'incompétence ; Désigne le Tribunal d'instance de Bordeaux comme juridiction compétente pour connaître de l'action en garantie des vices cachés introduite devant lui par Josette Vallet contre la société Renault selon assignation du 09 septembre 2010 ; Condamne la société Renault aux dépens du jugement du 04 juillet 2011 et à ceux de l'instance sur contredit.