CA Bastia, ch. civ. B, 11 janvier 2012, n° 10-00594
BASTIA
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Santucci
Défendeur :
Renault (SAS), Doria Automobile (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lavigne
Conseillers :
Mme Alzeari, M. Hoareau
Avoués :
SCP Ribaut - Battaglini, SCP Jobin, Me Albertini
Avocats :
Mes Cervoni, Nakache, SCP Retabli - Genissieux
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Le 14 juin 2004 les époux Santucci ont acquis auprès de la SA Doria Automobile un véhicule Renault Clio au prix de 13 200 euro financé au moyen d'un contrat de prêt.
En raison de multiples pannes subies par le véhicule, Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci a sollicité la désignation d'un expert, désignation qui est intervenue selon ordonnance de référé en date du 9 juin 2008.
L'expert a déposé son rapport le 23 octobre 2008.
Par acte huissier en date du 21 janvier 2009, Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci a fait assigner la SAS Renault et la SA Doria Automobile.
Vu le jugement en date du 15 avril 2010 par lequel le Tribunal de grande instance de Bastia a mis hors de cause la SA Doria Automobile, déclaré recevable l'action de Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci, condamné la SAS Renault à payer à Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci avec intérêts légaux du jour de la signification les sommes de 560 euro au titre du préjudice de jouissance, 5 684 euro au titre des frais d'immobilisation (location), 1 500 euro à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire, débouté les parties de leurs autres demandes, condamné la SAS Renault aux entiers dépens en ce compris notamment le coût du constat d'huissier, les frais d'expertise, les frais de la procédure de référé.
Vu la déclaration d'appel formalisée par Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci le 27 juillet 2010.
Vu les dernières conclusions déposées par la SA Doria Automobile le 5 avril 2011.
Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'elle a été mise hors de cause et y ajoutant, réclame le paiement de la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions déposées dans l'intérêt de Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci le 10 juin 2011.
Elle demande que la SAS Renault et la SA Doria Automobile soient déclarées responsables in solidum des désordres et vices affectant son véhicule.
Elle sollicite une augmentation des sommes allouées en première instance et réclame le paiement des sommes de 2 310 euro au titre de son trouble de jouissance entre juin 2004 janvier 2008, 4 361,44 euro au titre du remboursement du crédit à compter du mois de janvier 2008 jusqu'au mois d'avril 2009, 9 271 euro au titre du préjudice d'immobilisation et 3 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle demande qu'il soit dit que le moteur remplacé au frais avancé de la SA Doria Automobile bénéficiera des mêmes garanties que le moteur d'origine.
Vu les dernières conclusions de la SAS Renault du 5 août 2011.
À titre principal elle soutient que Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci ne rapporte pas la preuve qui lui incombe au titre de la responsabilité légale des vices cachés.
À l'opposé, elle prétend que le véhicule n'a pas été correctement entretenu.
Elle conclut donc au rejet des demandes à son encontre.
Subsidiairement, elle s'oppose à la demande au titre de la garantie du moteur et du préjudice de jouissance.
Sur l'indemnité d'immobilisation, elle indique que celle-ci doit être réduite au regard de la date du rapport d'expertise et du fait que Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci pouvait, dès cet instant, faire procéder à la réparation de son véhicule.
Sur le remboursement du prêt, elle indique que le versement des mensualités est indépendant de la jouissance du véhicule.
Sur la location d'un véhicule de remplacement, elle estime que cette indemnité fait double emploi avec celle réclamée au titre d'un préjudice jouissance.
Enfin, elle prétend qu'il a été alloué à tort une somme de 1 500 euro à Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci à titre de dommages-intérêts.
Elle réclame le paiement de la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 octobre 2011 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 24 novembre 2011.
MOTIFS :
Attendu sur la responsabilité que l'expert judiciaire a conclu que le moteur du véhicule litigieux était affecté d'un vice de conception au niveau du système antipollution ce qui a engendré l'encrassement du moteur puis sa détérioration ; que la note d'information du constructeur atteste des anomalies rencontrées sur ce type de moteur ;
Attendu que ce type de dysfonctionnement au regard des constatations de l'expert constitue un vice caché dans la mesure où il était totalement indétectable pour l'acheteur et nécessairement antérieur à la vente puisqu'il trouve son origine dans un défaut de conception qui ne peut être imputable qu'au constructeur ;
Attendu que dans ses observations et réponses aux dires des parties, l'expert, au regard des constatations qu'il a effectuées, précise que le dysfonctionnement moteur ne peut résulter d'un défaut d'entretien ; que ce constat n'est pas pertinemment critiqué par la SAS Renault ;
Attendu dans ces conditions que, par de justes motifs que la cour adopte, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré la SAS Renault entièrement responsable du préjudice subi par Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci et mis hors de cause la SA Doria Automobile ;
Attendu sur la réparation du préjudice que les dispositions relatives à la garantie légale des vices cachés prévoient une action estimatoire ou rédhibitoire ; que dans ces conditions, Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci ne peut valablement demander à bénéficier de la garantie constructeur applicable aux véhicules neufs, la vente n'ayant pas été annulée ;
Attendu au demeurant que le moteur a été remplacé le 26 mars 2009 ; que la garantie de deux ans constructeur est donc expirée depuis le 26 mars 2011 ; que la demande de garantie du moteur doit donc être écartée ;
Attendu sur le préjudice de jouissance afférent à l'utilisation du véhicule qu'il convient de noter que celui-ci n'a pas été envisagé par l'expert ; que s'il est établi que Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci n'a pas bénéficié d'une jouissance paisible de son véhicule à compter du mois de septembre 2005, date à laquelle sont apparus les premiers dysfonctionnements jusqu'à son immobilisation définitive le 30 janvier 2008, il n'en reste pas moins que le calcul défini par Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci au soutien de sa demande n'est pas justifié par les circonstances de l'espèce ; que la somme allouée de ce chef par le tribunal sera donc retenue au regard des motifs adoptés par celui-ci ;
Attendu sur le préjudice d'immobilisation au regard des mensualités du crédit , qu'il convient en premier lieu de constater que Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci a produit son jugement de divorce du 14 décembre 2007 lequel prévoit expressément qu'elle est attributaire du véhicule acquis initialement au nom de son mari ; qu'elle justifie également du contrat et de l'échéancier ;
Attendu en second lieu que le paiement des échéances du prêt est la contrepartie du remboursement de la somme prêtée pour l'acquisition du véhicule ; que le versement des mensualités ne concerne donc nullement la jouissance du véhicule ; que la demande en paiement de ce chef sera donc rejetée ;
Attendu sur le préjudice lié à la location d'un véhicule de remplacement que la SAS Renault reconnaît que le montant total des factures versées au débat s'élève à la somme de 7 104,75 euro telle que retenue par le tribunal ; qu'à l'opposé, Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci ne produit nullement la totalité des factures permettant de retenir sa créance à hauteur de la somme de 9 271 euro telle que réclamée ;
Attendu d'autre part qu'il ne peut être valablement reproché à Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci d'avoir fait procéder elle-même au changement du moteur dès le rapport d'expertise qui a permis d'identifier l'origine des dysfonctionnements alors qu'il n'est pas établi qu'elle disposait de cette faculté et alors que la réparation ne lui incombait pas ;
Attendu dans ces conditions, alors que les véhicules loués, en raison de leur catégorie, ne peuvent avoir généré des frais somptuaires et que d'autre part, les factures ont été effectivement acquittées, le préjudice de jouissance de ce chef doit être fixé à la somme de 7 104,75 euro, la SAS Renault étant condamnée en tant que de besoin au paiement de cette somme ;
Attendu enfin qu'à défaut de justifier d'un préjudice moral en raison du trouble subi par les dysfonctionnements du véhicule ou à tout le moins distinct en ce que subsisterait un préjudice qui n'aurait pas été réparé par l'allocation de sommes au titre des préjudices précédemment examinés, Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci sera déboutée en sa demande en paiement de la somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Attendu que les condamnations prononcées au titre des dépens et de l'article 700 du Code de procédure civile par le jugement déféré seront confirmées ;
Attendu que la SAS Renault, qui succombe, doit supporter la charge des dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile et être déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du même Code; qu'en revanche, aucune raison d'équité ne commande l'application de cet article au profit de Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci et la SA Doria Automobile en cause d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Bastia en ses dispositions sauf en celles ayant condamné la SAS Renault à payer à Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci les sommes de cinq mille six cent quatre vingt quatre euro (5 684 euro) au titre des frais d'immobilisation (location) et mille cinq cents euro (1 500 euro) à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, Statuant à nouveau de ces chefs, Condamne la SAS Renault à payer à Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci la somme de sept mille cent quatre euro (7 104,75 euro) au titre des frais de location, Rejette la demande en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive de Madame Lucie Augugliaro épouse Santucci.