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Décisions

Cass. crim., 13 janvier 2009, n° 08-84.069

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pelletier

Rapporteur :

Mme Radenne

Avocat général :

M. Fréchède

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Thouvenin

Paris, 13e ch., du 7 mars 2008

7 mars 2008

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 7 mars 2008, qui, pour tromperie, l'a condamnée à 2 000 euro d'amende ; Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 213-1 et L. 213-6 du Code de la consommation, L. 121-2, 121-3, 131-8 et 131-9 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un agent immobilier (la SARL Agence Alain Rousseau Gestion, la demanderesse) coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, en l'espèce sur la surface d'un studio, et, en répression, l'a condamné à une amende de 2 000 euro ;

"aux motifs que l'agence immobilière ne contestait pas que, selon ses propres mesures, la surface de l'appartement loué à Elisabeth Y était inférieure aux 18 m2 annoncés tant par la fiche technique remise au futur locataire que sur l'état des lieux et le contrat de location lui-même ; que, quand bien même aucun texte n'aurait fait obligation à l'agence chargée de la location de faire mesurer par expert la surface du bien proposé, encore convenait-il, pour le prestataire, de ne pas annoncer une surface dont il n'était pas en capacité de justifier l'exactitude ou, à tout le moins, d'accompagner la référence faite à une surface d'une mention restrictive, ce qui n'avait pas été fait en l'espèce ; que l'agence Alain Rousseau gestion ne pouvait sérieusement soutenir que la surface n'était qu'un élément d'identification du bien ; qu'au contraire, comme l'avait justement relevé le tribunal, en sa qualité de professionnelle, elle ne pouvait ignorer que la surface du local proposé à la location constituait un élément déterminant pour tout futur locataire, en ce qu'il lui donnait un élément de comparaison objective du prix du loyer avec des biens similaires ; que, dans le cas présent, il résultait des éléments du dossier que cet élément avait été effectivement déterminant, étant observé que le bail avait été signé le 28 juillet 2005 pour prendre effet le 1er août et que, dès le 9 août 2005, Elisabeth Y avait contesté la surface annoncée sans pouvoir obtenir de l'agent immobilier un justificatif de la superficie ; qu'en conséquence, c'était à juste titre que le tribunal avait décidé que l'infraction de tromperie visée à la prévention était caractérisée en tous ses éléments à l'encontre de l'agence Alain Rousseau gestion ;

"1°) alors que nul ne pouvant être condamné pour des faits qui ne constituaient pas une infraction pénale lorsqu'ils ont été commis, la loi pénale est nécessairement d'interprétation stricte ; qu'en vertu de ce principe, les dispositions de l'article L. 213-1 du Code de la consommation, en ce qu'elles visent les contrats portant sur des marchandises ou des produits, ne s'appliquent qu'aux contrats portant sur des meubles corporels, à l'exclusion des immeubles ou des biens incorporels, tel un bail qui ne confère au locataire qu'un droit de créance contre le bailleur ; que la cour d'appel ne pouvait donc qualifier de marchandise le bail d'un studio dont la surface indiquée dans le contrat aurait été erronée, pour en déduire que la demanderesse avait bien commis le délit de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité de cette marchandise ;

"2°) alors que, il n'y a pas d'infraction sans intention de la commettre ; qu'en retenant que le prestataire ne devait pas annoncer une surface dont il n'était pas en capacité de justifier l'exactitude ou, à tout le moins, se devait d'accompagner la référence faite à la surface d'une mention restrictive, ce qui n'avait pas été fait en l'espèce, la cour d'appel a constaté non pas l'intention de commettre le délit mais une imprudence dans la déclaration relative à la surface du local loué, tandis qu'en observant que la demanderesse ne contestait pas que, selon ses propres mesures, la surface était inférieure aux 18 m2 annoncés, la juridiction du second degré n'a pas davantage caractérisé la volonté de l'agent immobilier de tromper la locataire puisqu'elle n'a nullement relevé que la demanderesse aurait connu, à la date de conclusion du bail, seule date à prendre en considération, l'inexactitude affectant la surface du studio loué" ; Vu les articles L. 213-1 et L. 216-1 du Code de la consommation ;

Attendu que la location d'un immeuble, fût-il meublé, n'entre pas, en tant que telle, dans le champ d'application de ces textes ;

Attendu que, pour déclarer la société Agence Alain Rousseau gestion, agent immobilier, coupable de tromperie "sur la nature, la quantité, l'origine ou les qualités d'une marchandise", l'arrêt, après avoir énoncé que la prévenue ne conteste pas que la surface du logement donné à bail était inférieure aux 18 m2 annoncés tant par la fiche technique remise avant la signature du contrat que par l'état des lieux, retient, par motifs propres et adoptés, que le fait de communiquer au preneur, avant la conclusion du bail, un document mentionnant une surface approximative, supérieure à la surface réelle, a pour effet de tromper le futur locataire sur un élément déterminant du contrat ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les faits reprochés ne pouvaient constituer une tromperie ni sur les qualités substantielles d'une marchandise ni sur celles d'une prestation de services, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ; d'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, les faits reprochés n'étant pas susceptibles de qualification pénale.

Par ces motifs : Casse et Annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 7 mars 2008 ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.