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Décisions

CA Amiens, 1re ch. sect. 1, 29 mars 2009, n° 08-03190

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Kverneland France (SA), Kverneland Accord GmbH & Co Kg

Défendeur :

Pierrat (ès qual.), Prieur, Proland (SARL), Domaine Du Preuilh (EARL), Agri 33 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grandpierre

Conseillers :

Mme Corbel, M. Damulot

Avoués :

SCP Million-Plateau, SCP Tetelin-Marguet, de Surirey, SCP Jacques Lemal, Aurelie Guyot, SCP Selosse-Bouvet, André, SCP Le Roy

Avocats :

Mes Caretto, Wucher, Honig, Sacaze, Hellot, Gadrat

TGI Soisson, du 15 déc. 2005

15 décembre 2005

Décision :

Vu les conclusions déposées pour la SA Kverneland France le 27 septembre 2007 ;

Vu les conclusions déposées pour la société de droit allemand Kverneland Accord GmbH & Co KG, le 9 janvier 2008 ;

Vu les conclusions déposées le 11 février 2008 pour la SCEA Domaine du Preuilh, la SARL Proland, M. Serge Prieur et Maître Guy Pierrat, mandataire judiciaire agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SCEA Domaine du Preuilh et de la SARL Proland ;

Vu les conclusions déposées pour la SAS Agri 33 le 25 juin 2007 ;

Attendu que, selon une facture du 15 mai 1997, l'EARL Agrisun a acheté un semoir à carottes à la SAS Agri 33 au prix de 35 502,33 euro, de marque Kverneland, distribué en France par la SA Kverneland France ;

Qu'il résulte des lettres échangées que la société Agrisun ayant constaté que la répartition des graines semées avec ce semoir, mis en service en juin 1997, posait difficulté, ce qui était susceptible de causer une perte quantitative et qualitative de la récolte, alertait la SAS Agri 33, laquelle demandait à la SA Kverneland France d'intervenir, ce que celle-ci faisait le 25 septembre 1997 en envoyant un de ses employés sur place ; que cette visite étant restée sans suite, la société Agrisun informait par lettre recommandée du 12 janvier 1998 la SAS Agri 33 de la persistance du problème constaté et de ses conséquences sur la production ; que le lendemain, deux représentants de la SAS Agri 33 et de la SA Kverneland France revenaient sur place pour identifier la cause du dysfonctionnement ; que, le 30 janvier 1998, la SA Kverneland France prenait contact avec la société Kverneland Accord en lui envoyant par fax un compte rendu des constatations faites par son technicien tout en précisant que le client ensemençait environ 600 hectares de carottes par an et qu'il travaillait sans arrêt jusqu'à la mi-mars ; que par fax du 4 février 1998, la SA Kverneland France informait la SAS Agri 33 que les essais auxquels avait procédé le constructeur en usine avaient fait apparaître que le mauvais positionnement des graines résultait de l'éjecteur, et que pour revoir le réglage de celui-ci, l'usine confectionnait un gabarit ainsi qu'un nouvel éjecteur ; qu'après envoi du gabarit de réglage et plusieurs tentatives de réglages, un ingénieur de la société Kverneland Accord remédiait au dysfonctionnement le 6 mai 1998 en présence de M. Mentière appelé par la société Agrisun comme expert amiable ;

Attendu que, par acte du 19 août 1998, la société Agrisun assignait devant le tribunal de grande instance de Soissons la SA Kverneland France sur le fondement du défaut de conformité, subsidiairement du vice caché, en réparation des préjudices subis du fait de la défectuosité du semoir au cours de trois campagnes de semis : semis d'hiver de juin à juillet (récolte de novembre à mars), semis primeur de novembre à février (récolte de mai à juillet) et semis d'été de mars à mai (récolte d'août à octobre) ; que sont intervenus volontairement à l'instance, M. Prieur et la SARL Proland, le premier étant un exploitant agricole qui utilisait le matériel de la société Agrisun dont il détenait d'ailleurs le capital et en était le représentant, la seconde étant la structure de conditionnement des carottes produites par la société Agrisun et M. Prieur ;

Que, par jugement du 24 juin 1998, le tribunal déclarait recevables les interventions volontaires de ces derniers et ordonnait avant dire droit une expertise ;

Qu'entre-temps, la SA Kverneland France avait appelé en garantie la société Kverneland Accord GmbH & Co KG, ci-après désignée Kverneland Accord à l'égard de laquelle les opérations d'expertise étaient déclarées communes le 12 juillet 1999 ; qu'elle appelait également en garantie la SAS Agri 33 ;

Attendu qu'à la suite du dépôt du rapport d'expertise par M. Barrot le 10 septembre 2002, le tribunal rendait son jugement le 15 décembre 2005 qui :

Rejette l'exception d'incompétence soulevée par la SAS Agri 33 ;

Déclare recevables les interventions volontaires de Me Pierrat en qualité d'administrateur judiciaire de la SCEA Domaine du Preuilh, venant aux droits de la société Agrisun, laquelle a absorbé l'exploitation de M. Prieur, et de la SARL Proland ;

Déclare recevable l'action en garantie des vices cachés ;

Condamne la SA Kverneland France à verser à Maître Pierrat, en qualité d'administrateur judiciaire de la SCEA Domaine du Preuilh, venant aux droits de la société Agrisun, la somme de 104 055,50 euro ;

Condamne la société Kverneland Accord à verser à Maître Pierrat, en sa qualité d'administrateur de la SCEA Domaine du Preuilh venant aux droits de la SARL Proland la somme de 370 945 euro ;

Condamne la société Kverneland Accord à verser à Maître Pierrat, en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SCEA Domaine du Preuilh venant aux droits de M. Prieur, la somme de 124 726,50 euro ;

Déboute les parties de toutes les autres demandes ;

Condamne la SA Kverneland France à payer la somme de 5 000 euro à Maître Pierrat pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SCEA Domaine du Preuilh venant aux droits de la société Agrisun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société Kverneland Accord à payer à Maître Pierrat pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SCEA Domaine du Preuilh venant aux droits de la SARL Proland la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés Kverneland France et Kverneland Accord aux dépens, lesquels comprendront les frais d'expertise judiciaire et de l'expertise effectuée par M. Mentière ;

Attendu que, par deux jugements du 12 décembre 2006, le tribunal de commerce de Chartres a arrêté les plans de continuation des sociétés domaine du Preuilh et Proland dont la procédure de redressement avait été ouverte respectivement le 20 octobre 2004 et le 27 octobre suivant ;

Attendu que la SA Kverneland France, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, conclut au rejet des demandes formées à son encontre sur le fondement de la garantie des vices cachés, considérant n'être que le distributeur commercial du matériel ; que, sur l'indemnisation réclamée, d'une part, elle fait valoir que seul le préjudice direct est indemnisable, ce qui exclut la demande de la SARL Proland et, d'autre part, considère que la société Agrisun a contribué à son propre préjudice en poursuivant les semis alors qu'elle avait connaissance du vice affectant le semoir ; qu'en tant que de besoin, elle demande à être relevée de toute condamnation par la société Kverneland Accord, rejetant le reproche que celle-ci lui fait d'avoir tardé à demander son intervention et avoir en cela aggravé le préjudice de la SCEA Domaine du Preuilh alors qu'elle estime avoir été diligente à la suite de la lettre du 12 janvier 1998 ; qu'elle estime que le fabricant est mal venu de tenter de faire supporter au simple distributeur les conséquences d'un défaut de positionnement initial réalisé en usine et en série sur la chaîne de montage qui aurait dû le conduire à procéder à un rappel de tous les semoirs concernés par ce vice ; que plus subsidiairement, elle demande la garantie de la SAS Agri 33 ;

Attendu que la société Kverneland Accord, qui poursuit également l'infirmation du jugement entrepris, soulève l'irrecevabilité de l'intervention de M. Prieur et de la SARL Proland pour défaut d'intérêt à agir ainsi que l'irrecevabilité de l'action en garantie des vices cachés pour non respect du bref délai ; que sur le fond, elle conclut au rejet des demandes formées contre elle en l'absence de vice caché et en raison d'une clause limitative de garantie ; qu'elle conteste le rapport d'expertise judiciaire quant à l'évaluation des conséquences dommageables résultant du défaut du semoir qu'elle estime être inexistantes ou à tout le moins devoir justifier une contre-expertise ; qu'elle prétend que la SCEA Domaine du Preuilh a aggravé son propre préjudice en continuant les semis malgré la connaissance qu'elle avait du vice affectant le semoir, ce qui justifie, selon elle, de faire supporter à l'acquéreur la plus grande partie de son préjudice ; qu'elle reproche à la SA Kverneland France de ne pas l'avoir mis en mesure de remédier plus tôt au vice, contribuant ainsi à la réalisation du dommage et demande pour ce motif à ce qu'elle la garantisse de toute condamnation ;

Attendu que la SAS Agri 33 conclut à la confirmation du jugement entrepris et au paiement par la SA Kverneland France de la somme de 10 000 euro pour procédure abusive ; qu'elle s'oppose à toute prétention formée à son encontre et demande en tant que de besoin la garantie des deux sociétés Kverneland qui la précèdent dans la chaîne des contrats de vente ;

Attendu que la SCEA Domaine du Preuilh, la SARL Proland et M. Prieur concluent à la confirmation du jugement entrepris sauf à étendre les condamnations obtenues contre l'une ou l'autre des deux sociétés Kverneland aux deux sociétés de façon solidaire pour des raisons de commodités tenant au recouvrement de la créance dès lors que l'une des sociétés est implantée en Allemagne et au motif que l'une est la filiale de l'autre ; qu'à défaut, ils sollicitent leur condamnation in solidum ;

Qu'ils demandent d'ajouter au jugement les intérêts au taux légal à compter du 11 août 1998 en application de l'article 1153-1 du Code civil et la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil ;

Attendu que, postérieurement à l'ordonnance de clôture rendue le 2 avril 2008, la SCEA Domaine du Preuilh, la SARL Proland, M. Serge Prieur et Me Guy Pierrat, mandataire judiciaire agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SCEA Domaine du Preuilh et de la SARL Proland ont fait déposer le 5 février 2009 des conclusions identiques à celles qu'avaient fait déposer antérieurement à la clôture les trois premiers le 22 février 2008 ; que ces dernières conclusions ne se rapportent qu'à l'intervention volontaire, comme le permet l'article 783 du Code de procédure civile, de Maître Pierrat en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SCEA Domaine du Preuilh et de la SARL Proland, qualité qui est justifiée par un arrêt de la Cour d'appel de Versailles du du 15 janvier 2009 qui ordonne la poursuite du plan de continuation de ces deux sociétés ;

Sur la recevabilité des interventions de M. Prieur et de la SARL Proland :

Attendu que la société Kverneland Accord soutient que ces deux parties intervenantes sont dépourvues d'intérêt à agir au motif qu'elles ne démontrent aucun préjudice en lien de causalité direct et certain avec le fait dommageable ;

Que ce faisant, la société Kverneland Accord confond le bien fondé de l'action et ses conditions de recevabilité ; que l'intérêt à agir des deux parties intervenantes résulte de ce qu'elles demandent réparation d'un préjudice personnel qu'elles imputent à la défectuosité du semoir ; qu'elles ont donc un intérêt légitime à agir ;

Qu'en outre, il y a lieu de relever que l'autorité de la chose jugée du premier jugement rendu le 24 juin 1998, qui a déjà rejeté cette fin de non-recevoir, s'oppose à la remise en cause de la recevabilité des interventions ;

Sur les demandes de la SCEA Domaine du Preuilh venant aux droits de société Agrisun contre la SA Kverneland France :

Attendu que le premier juge a rappelé à juste titre qu'en cas de ventes successives d'un même bien, ce qui constitue une chaîne de contrats, le dernier acquéreur peut exercer une action directe, de nature contractuelle contre un vendeur intermédiaire et même contre le fabricant ;

Attendu que la vente consentie par la SA Kverneland France à la SAS Agri 33 du semoir est établie par une facture du 30 avril 1997 ; que l'argument selon lequel la première nommée n'est que le distributeur du matériel en France est dépourvu de pertinence dans le débat sur la garantie des vices cachés, garantie dont la SA Kverneland France est tenue en sa qualité de venderesse du matériel litigieux à la SAS Agri 33, peu important qu'elle n'ait pas procédé à l'installation du semoir et que son rôle se soit limité à celui d'un simple revendeur ; qu'en conséquence, la société Agrisun aux droits de laquelle se trouve la SCEA Domaine du Preuilh dispose d'une action directe en garantie de vices cachés contre la SA Kverneland France ;

Attendu que l'expert a tiré des constatations faites contradictoirement le jour où le technicien de la société Kverneland Accord est intervenu pour remédier au dysfonctionnement, que le semoir présentait un défaut de réglage des éjecteurs, résultant d'un mauvais montage en usine, ce qui avait pour conséquence un positionnement aléatoire des graines ; que ce vice, qui préexistait donc à la vente, présentait les caractères d'un vice caché ouvrant droit à la garantie prévue à ce titre à l'article 1641 du Code civil en ce qu'il ne pouvait être décelé avant la vente et rendait le semoir impropre à son usage dès lors que la culture de carottes, pour être optimisée, nécessite un semis parfaitement régulier ; que la SA Kverneland France, bien loin de contester les conclusions de l'expert sur la nature et les caractères du vice et de critiquer les motifs du jugement sur ce point, considère que le vice relève de la garantie des vices cachés à laquelle la société Kverneland Accord est tenue en sa qualité de fabricant vendeur de la chose ; qu'elle admet aussi implicitement que l'action a été engagée le 19 août 1998 dans un bref délai, estimant que le point de départ de celui-ci peut être fixé au 12 janvier 1998, date à laquelle la société Agrisun a fait part de la perte de rendement consécutive à l'irrégularité de semis, ce qui révélait l'existence d'un vice plus grave et distinct de ce qui jusqu'alors avait été considéré comme un simple problème de réglage du semoir ; que le délai de sept mois qui sépare la révélation du vice dans sa véritable ampleur et l'introduction de la demande, compte tenu des démarches entreprises par le distributeur et le fabricant pour remédier au vice, est conforme à l'exigence d'un bref délai posée à l'article 1648 du Code civil ;

Attendu qu'en application de l'article 1645 du Code civil, la SA Kverneland France est tenue à l'indemnisation des conséquences dommageables du vice affectant le bien en sa qualité de vendeur professionnel, auquel s'applique une présomption irréfragable de connaissance du vice ;

Que, pour être déchargée de cette obligation, la SA Kverneland France tente d'imputer à la société Agrisun la responsabilité de son préjudice en lui reprochant d'avoir poursuivi les semis après la première récolte et donc, en toute connaissance du vice affectant le semoir, et d'avoir ainsi aggravé son préjudice ; que cette argumentation a justement été écartée par le premier juge dès lors que la société Agrisun ne pouvait s'arrêter d'ensemencer ses terres et qu'elle se trouvait économiquement contrainte d'utiliser le semoir qu'elle avait acheté ; que les simples allégations selon lesquelles elle avait les moyens de le remplacer par un autre sont dénuées de justification ;

Attendu que l'expert judiciaire, qui s'est fait aidé par un sapiteur expert-comptable, M. Descouen, a évalué la perte de récolte en qualité et en quantité au cours des trois campagnes concernées à la somme de 104 055,50 euro pour la société Agrisun ; que cette évaluation n'est pas contestée par la SA Kverneland France ; qu'en conséquence, sa condamnation au paiement de la somme de 104 055,50 euro sera confirmée ;

Qu'il convient d'y ajouter les intérêts sur cette somme à compter du 19 août 1998, date de l'introduction de la demande, en réparation du préjudice complémentaire constitué par le manque de trésorerie qu'a représenté pour la société Agrisun la diminution du produit de la vente provenant de la culture des carottes ;

Attendu que la demande de capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil sera accueillie à compter du 17 janvier 2007, date de la première demande ;

Sur l'appel en garantie de la SA Kverneland France contre la SAS Agri 33 :

Attendu que par des motifs pertinents qu'il y a lieu d'adopter, le premier juge a écarté cette prétention en rappelant que la SAS Agri 33 n'est débitrice d'aucune garantie à l'égard de son fournisseur, l'acquéreur ne pouvant être tenu d'une garantie à l'égard de son vendeur ;

Attendu que, nonobstant les motifs du jugement mettant en évidence l'absence de tout fondement juridique sérieux de l'appel en garantie de la SAS Agri 33 par la SA Kverneland France, le maintien dans la cause de la première par le fait de la seconde, laquelle s'est abstenue de développer une quelconque argumentation pour contester les motifs du jugement sur ce point, procède d'un abus de droit qui a causé un préjudice à la SAS Agri 33 tenue de supporter inutilement une très longue procédure judiciaire ; qu'il lui sera alloué sur le fondement de l'article 1382 du Code civil la somme de 4 000 euro à titre de dommage et intérêts ;

Sur les demandes formées par la SCEA Domaine du Preuilh, M. Prieur, SARL Proland contre SAS Agri 33 :

Attendu qu'en première instance, ces parties n'ont présenté aucune demande contre la SAS Agri 33 ;

Qu'en cause d'appel, elles développent une argumentation tendant à retenir la responsabilité de cette société sur le fondement de l'article 1383 et suivants du Code civil quant au préjudice subi par M. Prieur et la SARL Proland mais ne demandent sa condamnation qu'aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, in solidum avec les deux sociétés Kverneland ;

Que, dès lors que le vice dont le matériel était affecté n'est pas imputable à la SAS Agri 33 et que la SAS Agri 33 n'est que le revendeur final du bien, il n'y a pas lieu de lui faire supporter les dépens ;

Sur l'action récursoire de la SA Kverneland France contre la société Kverneland Accord :

Attendu que l'action récursoire du vendeur intermédiaire engagée contre celui qui le précède dans la chaîne est de nature contractuelle, fondée sur le contrat de vente qui les lie entre eux ;

Que dans ce cadre, la société Kverneland Accord oppose aux prétentions de la SA Kverneland France une clause de limitation de garantie du contrat qui les lie, valable entre professionnels, et qui prévoit qu'une action fondée sur un vice de la machine livrée est prescrite six mois après la livraison ;

Attendu que le premier juge a exactement retenu que cette clause de limitation de garantie dans le temps s'oppose aux demandes formées contre la société Kverneland Accord sur le fondement de la garantie des vices cachés ; que ce motif ne faisant l'objet d'aucune critique, la SA Kverneland France s'abstenant d'ailleurs de s'expliquer sur ladite clause, le jugement ne peut qu'être confirmé de ce chef ;

Sur la demande formée par la SCEA Domaine du Preuilh, venant aux droits de la société Agrisun contre la société Kverneland Accord :

Attendu que, dès lors qu'il est décidé que la clause limitative de garantie fait obstacle à la garantie des vices cachés de la société Kverneland Accord, l'action directe engagée par le dernier acquéreur se heurte à ce même obstacle ; que, par le même raisonnement que celui qui précède tenant à l'absence de moyen élevé par la SCEA Domaine du Preuilh venant aux droits de la société Agrisun contre le motif du jugement retenant l'application de la clause limitative de garantie, la demande en garantie des vices cachés formée par elle contre la société Kverneland Accord ne peut qu'être rejetée ;

Attendu que pour contourner cet obstacle, la SCEA Domaine du Preuilh venant aux droits de la société Agrisun, liée par une chaîne de contrats avec la société Kverneland Accord, ne peut rechercher la responsabilité délictuelle de celle-ci ;

Attendu que la SCEA Domaine du Preuilh est mal fondée à demander l'extension de la condamnation prononcée contre la SA Kverneland France à la société Kverneland Accord avec la SA Kverneland France par une condamnation solidaire des deux sociétés au seul motif que la seconde serait la filiale de la première ;

Sur les demandes formées par M. Prieur et la SARL Proland contre la SA Kverneland France et contre la société Kverneland Accord :

Attendu que M. Prieur et la SARL Proland étant tiers au contrat de vente, ils ne peuvent demander une quelconque indemnisation contre les deux sociétés Kverneland sur le fondement de la garantie des vices cachés pesant sur le vendeur ; que la situation particulière de M. Prieur, dont l'exploitation a depuis lors été apportée à la société Agrisun par la voie d'une augmentation de capital par le mécanisme d'une fusion absorption avant que cet ensemble devienne la SCEA Domaine du Preuilh, ne change en rien sa qualité de tiers au contrat de vente ;

Que M. Prieur et la SARL Proland ne sont en droit d'agir que sur le fondement délictuel ou quasi délictuel, ce qu'ils font en soutenant que la société Kverneland Accord a commis une faute résultant du vice de fabrication et que la SA Kverneland France a manqué à un devoir de conseil et d'information, comme le lui reproche la société Kverneland Accord, en ce qu'elle aurait tardé à trouver auprès du constructeur la solution permettant de remédier au dysfonctionnement de la machine ;

Attendu que, s'agissant de la responsabilité délictuelle de la société Kverneland Accord, le défaut de fabrication d'une machine la rendant défectueuse sans pour autant la rendre dangereuse, s'il engage la garantie du fabricant comme vendeur en application des articles 1641 et suivants du Code civil, n'est pas en lui-même nécessairement constitutif d'une faute autorisant n'importe quel utilisateur d'un bien défectueux à rechercher la responsabilité délictuelle de son fabricant ; que les seules déclarations d'un salarié de la SA Kverneland France selon lesquelles le défaut du semoir serait imputable à une négligence d'un sous-traitant du fabricant ne sont pas suffisantes pour caractériser une faute de celui-ci ; que la responsabilité de la société Kverneland Accord sur le fondement de l'article 1382 du Code civil n'est donc pas démontrée ;

Attendu que, s'agissant de la responsabilité délictuelle de la SA Kverneland France, à supposer même qu'il puisse être jugé que la susnommée aurait tardé à demander l'intervention du constructeur pour remédier au défaut de la machine alors qu'il n'est pas établi que la connaissance de la gravité exacte du vice aurait pu être connue avant la récolte de la première campagne, ce prétendu retard ne s'inscrit que dans la mise en œuvre de la garantie des vices cachés ; qu'ainsi, les conséquences préjudiciables du retard allégué ne peuvent donner lieu à réparation que dans le cadre de l'article 1645 du Code civil ; que la garantie des vices cachés est un mécanisme propre au contrat de vente et indépendant de toute recherche d'une faute ; que M. Prieur et la SARL Proland sont donc mal fondés à engager à ce titre la responsabilité délictuelle de la SA Kverneland France ;

Attendu qu'en outre, les deux sociétés Kverneland opposent avec raison le caractère indirect du préjudice qu'aurait subi la SARL Proland ; que le préjudice dont elle demande réparation est celui d'une perte d'activité qui résulte de la propre perte subie par la société Agrisun et par M. Prieur, tant en quantité, qu'en qualité des carottes récoltées ; qu'en effet, si la SARL Proland a conditionné moins de carottes ou a rencontré plus de difficultés pour le faire en raison de la moins bonne qualité des carottes, ce n'est que parce que la production de ses fournisseurs a été affectée, ce qui démontre qu'il s'agit d'un préjudice indirect ;

Que le fait que le tribunal de commerce ait constaté une confusion de patrimoine entre la société Agrisun et la SARL Proland, ce qui l'a conduit à déclarer communes les procédures collectives de ces deux sociétés, n'a pas pour effet de retirer à la SARL Proland sa personnalité juridique propre qui était la sienne au moment du dommage ; qu'il ne peut donc être argué d'une " unité de capital entre les différentes entités " pour soutenir que le préjudice subi par la SARL Proland aurait été en réalité également subi par la société Agrisun alors qu'il s'agit de deux personnes juridiques différentes, peu important leur imbrication économique et technique à cet égard ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Kverneland Accord au profit de la SCEA Domaine du Preuilh venant aux droits de M. Prieur et de la SARL Proland ;

Sur les indemnités réclamées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

Attendu qu'il n'est pas inéquitable que la société Kverneland Accord supporte ses frais irrépétibles ;

Attendu que l'équité commande que la SA Kverneland France soit condamnée à payer à la SAS Agri 33 la somme de 5 000 euro au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer pour se défendre en justice ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la SCEA Domaine du Preuilh venant aux droits de la société Agrisun les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; que la SA Kverneland France sera condamnée à lui payer la somme de 10 000 euro, en ce pris en compte les honoraires de M. Mentière ;

Attendu que M. Prieur et la SARL Proland, qui succombent dans leurs prétentions, seront déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et conserveront à leur charge les dépens afférents à leurs interventions ;

Attendu que les frais d'expertise extra-judiciaire de M. Mentière ne font pas partie des dépens ; que le jugement sera réformé de ce chef ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare recevable l'intervention volontaire de Maître Pierrat en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SCEA Domaine du Preuilh ; Confirme le jugement rendu le 15 décembre 2005 sauf en ses dispositions qui condamnent la société Kverneland Accord et en ce qui concerne les dépens ; Statuant à nouveau sur les demandes formées par la SCEA Domaine du Preuilh, la SARL Proland et M. Prieur contre la société Kverneland Accord, Les en déboute ; Ajoutant au jugement entrepris, Dit que la somme de 104 055,50 euro à laquelle est condamnée la SA Kverneland France portera intérêts au taux légal à compter du 19 août 1998 en vertu de l'article 1351-1 du Code civil ; Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 17 janvier 2007 et dans les conditions fixées par l'article 1154 du Code civil ; Condamne la SA Kverneland France à payer à la SAS Agri 33 la somme de 4 000 euro à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ; Condamne la SA Kverneland France à payer à la SAS Agri 33 la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SA Kverneland France à payer à la SCEA Domaine du Preuilh, venant aux droits de la société Agrisun, la somme de 10 000 euro ; Déboute la société Kverneland Accord de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civil ; Condamne la SA Kverneland France aux dépens de première instance qui comprendront les frais d'expertise et les dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile sauf en ceux afférents à l'intervention volontaire de la SARL Proland et de M. Prieur qui resteront à leur charge.