Livv
Décisions

CA Montpellier, 1re ch. A, 28 avril 2009, n° 08-1308

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Ferrero

Défendeur :

Montiel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Toulza

Conseillers :

Mme Castanié, M. Bougon

Avoués :

SCP Auche-Hedou, SCP Capdevila-Vedel-Salles

Avocats :

Mes Diener, Labertrande, SCP Scheuer-Vernhet-Jonquet

TI Montpellier, du 24 janv. 2008

24 janvier 2008

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties :

Cédric Ferrero achète à Roger Montiel, selon un certificat de cession en date du 25 avril 2003, un véhicule de marque Renault type Clio William, immatriculé 461 ZT 34, dont la date de première mise en circulation est le 5 octobre 1994, et affichant au compteur 89 000 kilomètres. Cédric Ferrero cède, à son tour, ce véhicule à Pierre Ruiz, selon un certificat en date du 20 mai 2005. Le kilométrage est alors passé à 91 917 kilomètres. Le nouvel acquéreur ayant constaté des anomalies au niveau de la boîte à vitesse et du compteur kilométrique, les parties conviennent, selon un protocole d'accord en date du 10 juin 2005, de résilier le contrat de vente, Pierre Ruiz restituant le véhicule à son vendeur et Cédric Ferrero lui remboursant le prix de la vente augmenté des frais d'expertise amiable exposés, soit la somme totale de 5 400,00 euro (5 000,00 euro + 400,00 euro).

C'est dans ces conditions que Cédric Ferrero assigne en référé expertise son vendeur Roger Montiel, lequel appelle en cause son propre vendeur, Olivier Freminet, auquel il a acheté le véhicule litigieux le 8 mars 2002, alors qu'il marquait au compteur 71 888 kilomètres (procès-verbal du contrôle technique en date du 29 janvier 2002).

Serge Escuret, désigné en qualité expert par ordonnance du 9 mars 2006, prononcée au contradictoire des trois propriétaires successifs du véhicule, dépose son rapport le 14 mars 2007.

Par jugement contradictoire du 24 janvier 2008, le Tribunal d'Instance de Montpellier, saisi par Cédric Ferrero d'une action en garantie des vices cachés contre Roger Montiel qui a appelé en garantie Olivier Freminet :

déboute Cédric Ferrero de toutes ses demandes,

déboute Roger Montiel de sa demande en dommages et intérêts,

dit que chacune des parties conservera à sa charge les frais non compris dans les dépens exposés dans l'instance,

condamne Cédric Ferrero aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Cédric Ferrero relève appel de ce jugement contre Roger Montiel, selon déclaration au greffe déposée le 25 février 2008.

Roger Montiel forme un appel provoqué contre Olivier Freminet, selon un acte extrajudiciaire en date du 28 août 2008, délivré à sa personne. Celui-ci n'ayant pas constitué avoué, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

Dans ses dernières écritures déposées le 20 juin 2008, Cédric Ferrero conclut à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions. Il demande, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, que Roger Montiel à l'encontre duquel il exerce l'action estimatoire et non rédhibitoire, soit condamné à lui payer, au titre de la réduction du prix de vente, la somme de 1 000,00 euro, outre celle de 5 400,00 euro qu'il a remboursée à son acquéreur, Pierre Ruiz, à la suite de la résiliation du contrat, celle de 520,00 euro, représentant le coût du remplacement de la boîte de vitesse, et, enfin, celle de 2 000,00 euro au titre du préjudice de jouissance, soit la somme globale de 8 920,00 euro, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé, avec application de l'article 1154 du Code civil. Il demande enfin, que Roger Montiel soit condamné à lui payer la somme de 2 000,00 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures déposées le 11 août 2008, Roger Montiel conclut, au principal, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté Cédric Ferrero de toutes ses demandes formées à son encontre. Il demande subsidiairement, dans le cas où ce jugement serait infirmé, que son propre vendeur, Olivier Freminet, à l'origine de la falsification du kilométrage, soit condamné à le relever et garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts et frais. Il demande, en outre, qu'il soit condamné à lui payer la somme de 3 000,00 euro, à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, celle de 2 500,00 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et, enfin, celle de 2 000,00 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de référé et d'expertise.

Olivier Freminet n'a pas constitué avoué.

L'ordonnance de clôture est en date du 9 mars 2009.

Sur ce :

1) Sur l'action principale formée par Cédric Ferrero contre Roger Montiel :

Il est établi par le rapport d'expertise judiciaire :

" que le véhicule litigieux, examiné le 2 juin 2006, affiche un kilométrage erroné dû au remplacement du compteur. Il est acquis, en effet, qu'entre le 14 septembre 2000 et le 29 janvier 2002, le kilométrage est passé de 92 218 kilomètres à 71 888 kilomètres, soit une différence de 20 330 kilomètres.

" que cet élément est constitutif d'un vice caché, dès lors qu'il était impossible aux propriétaires successifs qui ne sont pas des professionnels de l'automobile, de déceler la falsification du kilométrage apparue lors du contrôle technique du 29 janvier 2002. Seule une information claire et précise du donneur d'ordre du changement de compteur aurait pu révéler le kilomètre exact du véhicule, ce qui n'a pas été fait.

L'article 1641 du Code civil dispose que " le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ".

C'est à tort que le premier juge a débouté Cédric Ferrero de son action en garantie des vices cachés au visa de ce texte, en considérant qu'il ne suffisait pas qu'il démontre l'existence d'un vice caché, mais qu'il fallait encore qu'il établisse que le vice caché rendait le véhicule impropre à l'usage auquel on le destinait ou en diminue l'usage, et qu'en l'espèce, il n'était nullement acquis que le kilométrage erroné empêchait l'utilisation normale du véhicule.

La différence de 20 330 kilomètres, apparue lors du contrôle technique du 29 janvier 2002, s'est en effet nécessairement répercutée lors de la vente conclue le 25 mars 2003 entre Roger Montiel et Cédric Ferrero, de sorte que le kilométrage de 89 000 kilomètres, annoncé par le vendeur dans le certificat de cession, était, en réalité, de 109 000 kilomètres.

Ce décalage kilométrique qui traduit une usure accrue du moteur, constitue, contrairement à l'appréciation du premier Juge, un vice suffisamment grave pour empêcher une utilisation normale du véhicule et fonder la demande en diminution du prix de vente formée par l'acquéreur.

L'expert observe opportunément, à ce propos, que le coefficient d'usure n'étant pas réel, l'entretien du véhicule n'a pu être effectué selon les préconisations du constructeur.

Il n'est pas sans intérêt d'observer, en outre, que l'exigence de gravité du vice est requise par les juges de façon plus ou moins stricte, selon que l'acquéreur exerce l'action rédhibitoire ou seulement l'action estimatoire, choisie en l'espèce par Cédric Ferrero.

Il doit être fait droit, eu égard aux éléments de détermination dont la Cour dispose, et alors que la disposition de l'article 1644 du Code civil, selon laquelle la fraction du prix à restituer à l'acquéreur doit être arbitrée par des experts, ne fait pas obstacle à ce que le juge puisse se fonder sur les constatations de celui qui a été nommé en référé, à la demande en paiement de la somme de 1 000,00 euro, formée par Cédric Ferrero au titre de la réduction du prix de vente.

L'article 1645 du Code civil dispose que, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur, alors que, dans le cas contraire, selon l'article 1646 suivant, il n'est tenu qu'à la restitution du prix et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.

Aucun élément objectif du dossier ne permet, en l'espèce, d'affirmer que Roger Montiel connaissait le vice affectant le véhicule litigieux. Le seul fait que le kilométrage du véhicule et son année modèle ne figurent pas sur le certificat de cession, conclu entre lui-même et son propre vendeur le 8 mars 2002, ne suffit manifestement pas à se convaincre qu'il était informé de la falsification.

La demande en paiement de dommages et intérêts, formée par Cédric Ferrero, doit, en conséquence, être rejetée, étant surabondamment observé qu'il ne justifie d'aucun élément caractérisant le préjudice de jouissance allégué, qu'il n'établit pas que le changement de la boîte de vitesse, facturé le 8 novembre 2004, soit 18 mois après l'acquisition du véhicule, ait un lien direct avec le kilométrage erroné et qu'enfin, la restitution du prix de vente entre les mains de son propre acquéreur ne constitue pas un préjudice réparable, dès lors qu'elle s'est accompagnée corrélativement du retour du véhicule dans son patrimoine.

Il y a lieu en conséquence, au bénéfice de ces observations et par infirmation du jugement entrepris, de déclarer Cédric Ferrero fondé en son action estimatoire et de condamner Roger Montiel à payer à Cédric Ferrero la somme de 1 000,00 euro, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 18 juillet 2007, avec application des dispositions de l'article 1154 du Code civil.

2) Sur l'action récursoire exercée par Roger Montiel contre son propre vendeur, Olivier Freminet :

Roger Montiel qui n'a pu se convaincre lui-même du vice affectant le véhicule litigieux lorsqu'il l'a acheté, le 8 mars 2002, est recevable et fondé à se retourner par une action récursoire contre celui qui le précède dans la chaîne des contrats, à savoir Olivier Freminet.

Il n'est d'ailleurs pas sans intérêt d'observer à cet égard, qu'il est établi par le rapport d'expertise que le propriétaire du véhicule au moment du changement du compteur était Olivier Freminet, signataire du procès-verbal de contrôle technique en date du 29 janvier 2002, révélant le kilométrage erroné de 71 888 kilomètres. Celui-ci, contacté par l'expert, a bien confirmé que c'était lui qui avait fait procéder au remplacement du compteur, à la suite d'un accident.

Il y a lieu, en conséquence, de condamner Olivier Freminet à relever et garantir Roger Montiel de la condamnation qui vient d'être prononcée à son encontre.

3) Sur les demandes annexes :

Roger Montiel doit, par considération d'équité, être condamné à payer à Cédric Ferrero la somme de 2 000,00 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Olivier Freminet étant condamné, là encore, à le relever et garantir de cette condamnation.

Roger Montiel qui ne produit aucun élément permettant de caractériser le préjudice qu'il prétend avoir subi du fait de la résistance abusive d'Olivier Freminet, doit être débouté de sa demande en paiement des sommes de 3 000,00 euro et de 2 500,00 euro à titre de dommages et intérêts.

Il est équitable, en revanche, de le condamner à payer à Roger Montiel la somme de 2 000,00 euro au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés pour se défendre.

Olivier Freminet doit, enfin, être condamné aux dépens de première instance, en ce compris les frais de référé et d'expertise, et d'appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré, Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau : Déclare Cédric Ferrero recevable et fondé dans son action estimatoire exercée à l'encontre de Roger Montiel. Condamne Roger Montiel à payer à Cédric Ferrero la somme de 1 000,00 euro (mille euro), au titre de la réduction du prix de vente du véhicule litigieux, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 18 juillet 2007, et application des dispositions de l'article 1154 du Code civil. Condamne, en outre, Roger Montiel à payer à Cédric Ferrero la somme de 2 000,00 euro (deux mille euro), en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute Cédric Ferrero du surplus de ses demandes. Condamne Olivier Freminet à relever et garantir Roger Montiel des condamnations qui viennent d'être prononcées à son encontre. Déboute Roger Montiel de ses demandes en paiement de dommages et intérêts, formées à l'encontre d'Olivier Freminet. Condamne Olivier Freminet à payer à Roger Montiel la somme de 2 000,00 euro (deux mille euro), sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne Olivier Freminet aux dépens de première instance, en ce compris les frais de référé et d'expertise, et d'appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.