CA Metz, 1re ch., 15 octobre 2009, n° 05-01220
METZ
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
FMC Automobiles Division Jaguar France (SAS)
Défendeur :
Sofirol, Société Jaguar Franco Britannic Automobiles (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Staechele
Conseillers :
Mmes Claude Mizrahi, Duroche
Avocats :
SCP Rozenek, Monchamps, SCP Bettenfeld-Fontana-Rigo, Mes Serreville, Heinrich
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 06 Octobre 2009, ce jour venu le délibéré a été prorogé pour l'arrêt être rendu le 15 Octobre 2009.
Par assignation en date du 7 décembre 2001, la SA Sofirol a introduit devant le Tribunal de grande instance de Sarreguemines, chambre commerciale, une action à l'encontre de la SA Jaguar Franco Britannic Automobiles (JFBA).
Par assignation en date du 6 février 2002 JFBA a appelé en intervention forcée la SA Jaguar France Automobile (JFA).
Aux termes de ses dernières conclusions, la SA Sofirol demandait au tribunal :
- d'homologuer le rapport d'expertise de Monsieur Chapelain,
- de dire que le véhicule vendu par le Garage FBA était affecté d'un vice caché,
- de dire que la vente était nulle,
- de condamner en conséquence la SA JFBA in solidum avec la SA JFA à lui payer la somme de 22 714,90 euro,
- de lui donner acte de ce qu'elle laissait le véhicule litigieux à la disposition du garage JFBA,
- de condamner le Garage JFBA in solidum avec la SA JFA à lui payer la somme de 31 222,09 euro à titre de dommages et intérêts,
- de condamner les défenderesses in solidum à lui rembourser tous les frais et taxes relatifs au véhicule litigieux au titre des exercices des années 2002 et suivantes jusqu'au jour du jugement,
- de les condamner aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 050 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA Sofirol exposait que courant 1995 la SA Weber avait acquis auprès du garage JFBA un véhicule neuf Jaguar X 300 qui lui avait ensuite été cédé le 15 mars 1999 ; que ce véhicule avait été régulièrement entretenu par le garage Sprau ainsi que le révélait le carnet d'entretien ; qu'il n'avait jamais été décelé de problèmes de corrosion, même lors du dernier contrôle du 5 janvier 1999 ; que cependant, lors du contrôle technique réalisé le 6 octobre 1999 par le garage Dekra, ce dernier l'avait informée du fait que le véhicule présentait une corrosion généralisée et anormale du dessous ; que le garage Sprau avait confirmé cette situation et signalé le problème à la société Jaguar Allemagne ; que cette dernière avait reconnu la réalité du désordre et sa gravité mais avait refusé de le prendre en compte au titre de la garantie corrosion ; qu'elle avait sollicité et obtenu la désignation d'un expert en référé ; que l'expert, Monsieur Chapelain avait déposé son rapport le 1er juin 2001 en concluant, après avoir constaté la forte corrosion du véhicule sur l'ensemble du soubassement dans tous ses éléments mécaniques en fonte et en tôle, que cette corrosion était inéluctable et perforante et provenait d'une carence de protection du véhicule au départ de l'usine du constructeur.
La SA Sofirol estimait donc être fondée à agir en garantie des vices cachés et demandait le remboursement du prix de vente, l'indemnisation de ses préjudices et le remboursement des frais.
La SA JFBA a conclu à l'irrecevabilité et au débouté des demandes de la SA Sofirol et a sollicité la condamnation de cette dernière aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 524,49 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle a par ailleurs conclu à la condamnation de la SA JFA à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre et à lui payer la somme de 914,69 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle faisait tout d'abord valoir que l'action n'avait pas été engagée à bref délai. Sur le fond, elle ne contestait pas l'existence d'un vice caché mais uniquement la réalité du préjudice invoqué et son évaluation.
S'agissant de l'appel en garantie, elle se prévalait des conclusions de l'expert attestant d'une anomalie de protection anticorrosion du véhicule et de son montage. Elle estimait en conséquence qu'en sa qualité de vendeur elle n'était pas responsable de cette situation et qu'elle devait être garantie par la SA JFA.
La SA JFA a soulevé in limine litis l'incompétence du Tribunal de grande instance de Sarreguemines au profit du Tribunal de commerce de Nanterre en raison d'une part de l'existence d'une clause attributive de juridiction figurant dans le contrat liant les parties et d'autre part des dispositions de l'article 42 du Nouveau Code de procédure civile.
Subsidiairement, critiquant le rapport d'expertise et les conditions dans lesquelles il était intervenu, elle faisait valoir que la SA Sofirol ne rapportait pas la preuve que les désordres dont elle se plaignait trouvaient leur origine dans un défaut inhérent à la chose vendue et antérieur à la vente initiale.
Dans l'hypothèse où la résolution de la vente serait prononcée, elle demandait de prendre en compte les bénéfices retirés de l'usage du véhicule qu'elle évaluait à 2 500 euro, de dire que le véhicule avait subi une dépréciation due à son usage dont la charge incombait à Sofirol et qu'elle évaluait à 10 000 euro, de dire que la SA Sofirol ne démontrait ni la réalité ni l'importance des préjudices invoqués, ni le lien de causalité entre le désordre et les dommages.
Elle sollicitait l'allocation d'une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à la charge de tout succombant.
Par jugement en date du 17 août 2004, le tribunal a :
- rejeté l'exception d'incompétence,
- dit que le véhicule Jaguar X 300 vendu par le garage JFBA était affecté d'un vice caché,
- dit que la vente était nulle et de nul effet,
- dit que la SAS JFA était tenue de garantir la garage JFBA de toutes condamnations,
- avant dire droit, 'invité les parties à conclure sur la suite de la voie choisie pour la suite de la procédure concernant l'indemnisation des préjudices, soit par médiation, soit par poursuite de la procédure contentieuse, en se référant aux moyens énoncés dans les motifs à ce titre',
- sursis à statuer sur le surplus.
La SAS FMC Automobiles, division Jaguar France, a interjeté appel de ce jugement le 19 avril 2005.
Elle demandait à la cour :
- de prononcer la nullité du jugement pour n'avoir pas répondu à divers moyens développés par Jaguar France,
- de débouter la SA Sofirol de ses demandes,
- débouter en conséquence la SA JFBA de son appel en garantie à son encontre,
- subsidiairement, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la nullité de la vente pour vice caché,
- de considérer que la SA Sofirol ne rapporte pas la preuve d'un vice caché,
- de débouter la SA Sofirol de ses demandes
- débouter en conséquence la SA JFBA de son appel en garantie à son encontre,
- très subsidiairement, de considérer que les conditions de la résolution de la vente au titre de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies en l'espèce,
- de débouter la SA Sofirol de ses demandes
- débouter en conséquence la SA JFBA de son appel en garantie à son encontre,
- d'ordonner le cas échéant une nouvelle mesure d'expertise sur le véhicule, dont elle se propose de faire l'avance,
- en toute hypothèse, de condamner la SA Sofirol aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise, ainsi qu'au paiement de la somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA Sofirol demandait pour sa part :
- de rejeter l'appel,
- de confirmer le jugement entrepris,
- y ajoutant, de condamner la SA FBA à lui rembourser la somme de 22 714,90 euro représentant le prix d'achat du véhicule augmenté des intérêts de droit à compter de la demande,
- de lui donner acte de ce qu'elle laisse le véhicule à la disposition du garabge FBA,
- de renvoyer l'affaire devant le premier juge concernant les points non résolus, à savoir la demande de dommages et intérêts formulée contre la SA FBA et Jaguar France,
- de condamner in solidum la SA FBA et Jaguar France en tous les frais et dépens ainsi qu'au règlement d'une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SAS Franco Britannic Paris demandait qu'il soit fait droit à son appel provoqué :
- d'infirmer le jugement entrepris,
- de débouter la SA Sofirol de toutes ses demandes,
- de condamner la SA Sofirol aux entiers dépens outre une somme de 1 800 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- subsidiairement, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA FMC Automobiles, division Jaguar France, à la garantir de toutes condamnations à intervenir,
- de condamner la partie succombante aux dépens.
Par arrêt en date du 18 octobre 2007 la cour a :
- rejeté le moyen tiré de la nullité du jugement,
Avant dire droit au fond,
- ordonné le retour du dossier à l'expert Monsieur Chapelain, dt [...], afin de donner les précisions suivantes :
+ comment peut on expliquer qu'une corrosion importante et généralisée du véhicule a pu être constatée lors du contrôle réalisé le 6 octobre 1999 alors qu'aucun des contrôles précédents et particulièrement celui du 5 janvier 1999 n'ont révélé un quelconque problème de corrosion,
+ quels sont les éléments ayant permis à l'expert d'arriver à la conclusion que la corrosion constatée provenait d'une insuffisance de protection par le constructeur et d'un mauvais dégraissage,
+ quels sont les éléments ayant permis à l'expert d'exclure la survenance d'un éléments extérieur à l'origine de la corrosion ,
- réservé les dépens.
L'expert a déposé son rapport le 18 février 2008.
A la suite de ce rapport la SAS FMC Automobile-Division Jaguar France demande :
- d'ordonner une nouvelle expertise,
- subsidiairement, d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la société Sofirol de ses demandes et la société Franco Britannic Automobiles de son appel en garantie,
- de condamner la société Sofirol aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA Sofirol conclut à la confirmation du jugement mais y ajoutant, demande :
- de condamner la SA Franco Britannic Automobiles à lui rembourser la somme de 22 714,90 euro représentant le prix d'achat du véhicule augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande,
- de lui donner acte de ce qu'elle laisse le véhicule litigieux à la disposition du garage Franco Britannic Automobiles,
- de renvoyer l'affaire devant les premiers juges sur les points non résolus, à savoir la demande de dommages et intérêts formulée contre la SA Franco Britannic Automobiles et Jaguar France,
- de condamner in solidum Franco Britannic Automobiles et Jaguar France aux dépens ainsi qu'au règlement d'une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SAS Franco Britannic Paris demande pour sa part :
- de faire droit à son appel provoqué,
- d'infirmer le jugement entrepris,
- de débouter la société Sofirol de toutes ses demandes,
- de condamner la SA Sofirol aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 800 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA FMC Automobiles division Jaguar France à garantir la SAS Franco Britannic Automobiles de toutes condamnations à intervenir contre elle en principal, frais intérêts et accessoires,
- de condamner la partie succombante aux dépens.
Sur ce,
Vu les dernières conclusions de la SAS FMC Automobiles déposées le 8 septembre 2008, celles de la SA Sofirol déposées le 7 mars 2008 et celles de la SAS Franco Britannic Paris déposées le 6 janvier 2009 ;
Attendu qu'au cours de l'année 1995 la SA Weber a acquis auprès du garage JFBA un véhicule neuf Jaguar X 300 qui a été régulièrement entretenu par le garage Sprau ;
Qu'elle a par la suite cédé ce véhicule le 15 mars 1999 à la SA Sofirol ;
Que lors d'un contrôle technique réalisé le 6 octobre 1999 par le garage Dekra celui-ci a constaté une corrosion généralisée et anormale du dessous ;
Que l'expert désigné en référé a constaté qu'aucune trace de corrosion n'était visible sur la partie extérieure mais qu'en revanche le berceau moteur, la traverse de suspension arrière, les ressorts arrière, les longerons avant droit et gauche ainsi que le soubassement du véhicule étaient fortement corrodés, que tous les éléments mécanique en fonte et en tôle étaient corrodés ;
Que l'expert estime que le soubassement du véhicule ainsi que les pièces mécaniques précédemment visées n'avaient pas été correctement protégés par le constructeur, que les tôles constituant la carrosserie avaient vraisemblablement été mal dégraissées et que les produits anticorrosion appliqués n'ont pu être efficaces, la corrosion latente se transformant en corrosion apparente, que cette corrosion rendait le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné dans la mesure où elle allait devenir perforante ;
Que se prévalant des conclusions de l'expert, la SA Sofirol invoque l'existence de vices cachés et demande la résolution de la vente ;
Attendu qu'aux termes de l'article 1641 du Code civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ;
Qu'il appartient donc à l'acheteur de rapporter la preuve de ce que la chose vendue est atteinte d'un vice caché, que ce vice existait antérieurement à la vente et qu'il rend la chose impropre à son usage ;
Qu'il n'est pas en l'espèce contesté que le véhicule Jaguar acheté par la SA sofirol est gravement corrodé, que cette corrosion n'était pas visible et qu'elle rend le véhicule impropre à l'usage ;
Qu'en revanche les parties s'opposent quant à l'origine de cette corrosion et partant, quant à l'existence du vice antérieurement à la vente ;
Qu'en effet, la demanderesse se prévaut de ce que l'expert affirme que le vice résulte d'une mauvaise protection des différents éléments par le constructeur ;
Que cependant, comme la cour l'a relevé dans son précédant arrêt cette affirmation est contredite par le carnet d'entretien du véhicule, le contrôle dont il a fait l'objet le 5 janvier 1999, et les factures des 5 janvier et 16 juin 1999 ;
Qu'en effet, outre le fait que ces différents documents révèlent que le véhicule était régulièrement entretenu et contrôlé, ils mettent en évidence qu'à aucun moment il n'a été constaté de problèmes de corrosion alors que si la thèse de l'expert est retenu ils auraient dû déjà être apparents, comme il le reconnait lui-même ;
Que 'l'explication" de l'expert selon laquelle cela s'expliquerait par la subjectivité des contrôles n'est pas sérieuse compte tenu de l'ampleur des dégâts constatés en octobre et le fait que le véhicule a fait l'objet d'un contrôle spécifique corrosion en janvier 1999 qui n'a rien révélé et que les travaux réalisés en juin 1999 nécessitaient le mise du véhicule sur pont élévateur permettant ainsi de constater l'état du soubassement qui, s'il avait été corrodé, aurait fait l'objet d'une intervention spécifique du garagiste ou d'un signalement ce qui n'a pas été le cas ;
Que d'autre part, l'expert a conclu à une protection insuffisante des différents éléments par le constructeur sans avoir fait procéder à aucune analyse de ces éléments permettant de justifier cette affirmation et d'exclure toute autre hypothèse ;
Qu'au vu de ces éléments, il apparaît que la preuve de l'existence du vice antérieurement à la vente n'est pas rapportée et que la demande n'est pas fondée, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise ;
Attendu qu'en l'espèce l'équité n'exige pas la mise en œuvre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que les dépens sont à la charge de la partie qui succombe ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition publique au greffe, Infirme le jugement entrepris, Et, statuant à nouveau, Déboute la SA Sofirol de ses demandes, Dit que l'appel en garantie de la SAS Franco Britannic Automobiles à l'encontre de la SA FMC Automobiles Division Jaguar France est sans objet, Dit n'y avoir lieu à mise en œuvre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SA Sofirol aux entiers dépens.