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Décisions

CA Rouen, 1re ch., 28 janvier 2009, n° 08-03382

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

General Motors France (Sté)

Défendeur :

Taillefumier (Epoux), Oliveira

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Boursicot

Conseillers :

Mme Le Carpentier, M. Gallais

Avoués :

Me Couppey, SCP Lejeune Marchand Gray Scolan, SCP Colin-Voinchet Radiguet-Thomas Enault

Avocats :

Mes Lemaitre-Nicolas, Jacquot, Spagnol

TGI Evreux, du 26 janv. 2007

26 janvier 2007

Gérard Taillefumier et Irène Millin son épouse - les époux Taillefumier - ont acheté le 30 octobre 2001 un véhicule automobile neuf de marque Opel, modèle Corsa, auprès de la société Automobiles de la Madeleine pour le prix total de 12 366, 52 euro. A la suite d'une panne du moteur, ils ont confié leur voiture pour réparation à Fernando Oliveira exerçant sous l'enseigne Etablissements Electricité Automobile du 27 au 29 novembre 2004. En raison de nouveaux dysfonctionnements, les époux Taillefumier ont confié leur véhicule à la société Saint-Just Auto le 9 décembre 2004 et le 5 janvier 2005 ; cette société les a informés que malgré les réparations, le véhicule, qui affichait au compteur 101 154 km, ne fonctionnait toujours pas normalement.

Le 20 décembre 2004 puis le 20 janvier 2005, la société General Motors France a refusé de prendre en charge les frais de remise en état en raison de l'expiration du délai contractuel de garantie. Après avoir bénéficié d'un prêt de voiture, les époux Taillefumier en ont acheté une nouvelle le 28 juillet 2005.

La compagnie d'assurance Pacifica, assureur des époux Taillefumier, a mandaté la société B.C.A. pour réaliser une expertise technique du véhicule. M. Conte, l'expert commis, a déposé son rapport le 13 juin 2005 aux termes duquel il a conclu que les désordres résultaient de la défaillance de la liaison entre la poulie de la pompe à huile et l'axe de la pompe à huile, ce qui a engendré des désordres irréversibles sur le haut moteur et les accessoires lubrifiés et que l'intervention des Etablissements Electricité Automobile n'a pas solutionné les problèmes mais que ces Etablissements ont failli à leur obligation de conseil et d'information car ils ne se sont pas assurés des éventuels dommages consécutifs à une rupture de la lubrification interne du moteur.

M. Touze, l'expert de la société General Motors France, a déposé un rapport le même jour, dans lequel il reconnaît que les opérations d'expertise contradictoires indiquent de façon certaine que les désordres qui affectent le moteur sont consécutifs à un défaut de lubrification du haut moteur, mais qu'ils résultent des modifications pratiquées par le garage Oliveira Electricité Automobile lors de ses interventions, contraires aux règles de l'art et de nature à affecter le bon fonctionnement de la pompe à huile.

Par actes d'huissier du 18 octobre 2005, les époux Taillefumier ont assigné la société General Motors France et Fernando Oliveira devant le Tribunal de grande instance d'Evreux sur le fondement de la garantie des vices cachés afin principalement d'obtenir leur condamnation solidaire à leur payer la somme de 12 366,52 euro outre les intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, outre celle de 7 294,72 euro à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement et une indemnité de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et se voir donner acte de ce qu'ils offrent de restituer le véhicule Opel Corsa, après règlement des condamnations prononcées à l'encontre de la société General Motors France et Fernando Oliveira .

Suivant jugement du 26 janvier 2007, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance d'Evreux, retenant l'existence d'un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil, a :

- condamné la société General Motors France à payer aux époux Taillefumier la somme de 12 366, 52 euro,

- donné acte à ces derniers de ce qu'ils consentent à restituer à la société General Motors France le véhicule Opel Corsa, qui se fera à l'endroit où le véhicule est actuellement immobilisé,

- condamné la société General Motors France à payer aux époux Taillefumier la somme de 4 179, 17 euro avec intérêts au taux légal à compter du jugement à titre de dommages et intérêts,

- condamné les époux Taillefumier à payer à Fernando Oliveira, mis hors de cause, la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société General Motors France à payer aux époux Taillefumier la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné cette société aux dépens.

Le 26 février 2007, la société General Motors France a relevé appel de cette décision assortie de l'exécution provisoire ;

Dans ses dernières conclusions signifiées le 28 juin 2007, aux termes desquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, elle demande à la cour, au visa de l'article 1641 du Code civil et d'un jugement du Tribunal de grande instance d'Annecy du du 13 décembre 2006, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule et l'a condamnée à restituer aux époux Taillefumier le prix de vente du véhicule et à leur payer des sommes annexes au titre de l'indemnisation de leurs préjudices et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle réclame leur condamnation ou celle de tout succombant à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient notamment sur le fondement de l'article 1641 du Code civil que la preuve de l'existence d'un vice caché n'est pas rapportée, et qu'en toute hypothèse, elle n'est pas liée par un contrat aux époux Taillefumier, qui ont acheté leur véhicule à la société Automobiles de la Madeleine, non partie à la procédure. S'agissant du remboursement des frais de réparation et de l'indemnisation du préjudice de jouissance, soit la somme de 4 179, 17 euro, l'appelante en impute la charge aux Etablissements Electricité Automobile à l'égard desquels elle reproche, comme en première instance, une intervention contraire aux règles de l'art.

Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 22 avril 2008, les époux Taillefumier concluent à la confirmation du jugement entrepris et à sa réformation à l'égard de Fernando Oliveira, sollicitant sa condamnation in solidum avec la société General Motors France à leur payer les sommes de 4 179, 17 euro à titre de dommages et intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du jugement et de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils soutiennent selon l'article 1641 du Code civil, qu'ils sont fondés à rechercher la garantie de la société General Motors France, vendeur et fabricant professionnel, et à obtenir restitution de l'intégralité du prix, conformément à la jurisprudence, ainsi que la réparation de tous dommages et intérêts résultant du vice caché. Se fondant sur l'article 1147 du Code civil et sur le rapport d'expertise, les époux Taillefumier estiment que la responsabilité de Fernando Oliveira doit être constatée à l'occasion de son intervention et qu'il a en outre manqué à son obligation de conseil et d'information.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 22 mai 2008, aux termes desquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, Fernando Oliveira demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société General Motors France à lui verser la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et celle-ci et tout autre succombant aux dépens.

Il soutient notamment que les époux Taillefumier ne prouvent pas en quoi son intervention aurait contribué aux dommages.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2008.

Sur ce,

Attendu qu'il convient de donner acte à la SCP Lejeune Marchand Gray Scolan, avoués associés de ce qu'elle se constitue aux lieu et place de la SCP Gallière Lejeune Marchand Gray, avoués associés ;

Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que les défendeurs ont été convoqués aux opérations d'expertise menées par la société B.C.A. (BCA) en date des 20 et 25 mai 2005 et qu'ils ont été présents ou représentés lors de ces réunions ; que d'ailleurs, M. Touze, expert près la Cour d'appel d'Amiens mandaté par la société General Motors France, a indiqué à la page 5 de son propre rapport que les constatations avaient été effectuées au cours des 'opérations d'expertise contradictoires' ; que par ailleurs, le rapport de l'expert de BCA, M. Conte, en date du 13 juin 2005 a été communiqué aux parties dans le cadre de la procédure judiciaire et a pu être discuté contradictoirement entre elles ;

Attendu que la société General Motors France, pour s'opposer aux conclusions de BCA, selon lesquelles la responsabilité du constructeur peut être recherchée à raison de la défaillance de la liaison entre la poulie de la pompe à huile et l'axe de la pompe à huile, invoque précisément le rapport de l'expert mandaté par elle, M. Touze ; que certes, les constatations et conclusions de M. Touze ne font pas mention du fait que l'axe de la pompe à huile est fortement marqué par la rotation de la poulie, souligné par le rapport de BCA qui l'explique par la défaillance de la liaison entre la poulie et l'axe ; que M. Touze insiste sur les traces de coups de lime sur l'axe de la pompe ainsi que la poulie, suite aux interventions de Fernando Oliveira ; que les conclusions de M. Touze ne contredisent donc pas celles de BCA, mais rejettent la responsabilité de la défaillance de la pompe à huile sur Fernando Oliveira qui aurait commis une erreur lors du remontage de la poulie ; que cependant, il ressort de la chronologie des événements rapportée par le rapport BCA et non contestée, que la première panne du moteur est survenue le 25 novembre 2004 ; que le rapport BCA indique que la poulie remplacée a tourné sur son axe lors de la première panne ; que ce n'est qu'à la suite de cette première panne que le garage de Fernando Oliveira est intervenu pour remplacer la poulie de la pompe à huile, certes sans s'assurer alors des éventuels dommages consécutifs à la rupture de la lubrification interne du moteur due à la défaillance de la poulie ;

Que par ailleurs, dans un courrier du 13 septembre 2006 adressé à l'assureur des époux Taillefumier et versé aux débats par ces derniers, M. Conte, qui a réalisé l'expertise pour BCA, précise que lors des réunions des 20 et 25 mai 2005 les techniciens présents, dont M. Foubert expert représentant la société General Motors France (et non M. Touze qui a rédigé le rapport), se sont accordés à dire que même si l'intervention des Etablissements Electrique Auto est contraire aux règles de l'art, elle ne pouvait pas avoir entraîné les dommages constatés et que ' l'origine des désordres était totalement liée au dysfonctionnement de la pompe à huile, à savoir une désolidarisation de la poulie par rapport à son axe, entraînant une baisse significative de lubrification et les conséquences qui s'en sont suivies' ;

Que par conséquent, il ressort des constatations de M. Conte, expert de BCA, opérées de manière contradictoire, que le véhicule Opel Corsa était donc bien atteint d'un vice caché, à savoir la défaillance de liaison entre la poulie et l'axe de la pompe à huile, ce qui a occasionné le défaut de lubrification du haut moteur et sa dégradation ; que ce vice initial, affectant un des éléments du moteur rendait le véhicule impropre à son usage normal ;

Attendu que le sous acquéreur est recevable à exercer l'action en garantie des vices cachés contre le vendeur originaire de la chose atteinte du vice, dès lors que celui-ci existait lors de la vente initiale, ce qui est le cas en l'espèce; que les époux Taillefumier sont donc fondés à agir à l'encontre de la société General Motors France pour obtenir la restitution du prix ; que certes, l'action exercée par les époux Taillefumier étant celle de leur auteur, la société Automobile de la Madeleine concessionnaire qui leur a vendu le véhicule, la société General Motors France ne devrait être tenue qu'à la restitution du prix qu'elle-même a perçu ; que cependant, elle ne précise pas le montant du prix facturé à son concessionnaire ; que par ailleurs, il y a lieu de considérer que la différence de prix entre les deux ventes constitue des dommages intérêts qui seront alloués aux époux Taillefumier en réparation de leur préjudice ;

Attendu que la société General Motors France ne reprend pas sa demande formée en première instance de minoration du prix à restituer à la valeur argus du véhicule, et ce, pour tenir compte de sa dépréciation, mais soutient que la société Automobile de la Madeleine serait fondée à demander la contrepartie de son utilisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause; que cependant, il est de droit constant que lorsque l'acheteur exerce l'action rédhibitoire, le vendeur, tenu de restituer le prix de vente qu'il a reçu, n'est pas fondé à obtenir une indemnité liée à l'utilisation de la chose vendue ; qu'il ne l'est pas davantage à invoquer l'enrichissement sans cause, puisqu'il existe une cause juridique à la restitution du prix, qui est la résolution de la vente par la mise en œuvre de la garantie des vices cachés; que ce moyen soulevé par la société General Motors France sera donc écarté ;

Attendu que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société General Motors France à payer aux époux Taillefumier la somme de 12 366,52 euro correspondant au prix d'achat du véhicule, - à titre de restitution du prix et de dommages et intérêts - et a donné acte à ces derniers de ce qu'ils consentent à restituer le véhicule, cette restitution devant s'opérer à l'endroit où il est actuellement immobilisé ;

Attendu que le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande des époux Taillefumier en remboursement des frais de réparation du véhicule dont ils justifient, à hauteur de 3 179,17 euro ; que les premiers juges ayant exactement évalué leur préjudice de jouissance à la somme de 1 000 euro, le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point ;

Attendu que M. Conte, expert de BCA, a clairement précisé dans son rapport que Fernando Oliveira a failli à son obligation de conseil et d'information vis-à-vis des époux Taillefumier, car il ne s'est pas assuré lors de son intervention consécutive à la première panne et du remplacement de la poulie de la pompe à huile des éventuels dommages consécutifs à la rupture de la lubrification interne du moteur ; que ce manquement engage la responsabilité contractuelle de Fernando Oliveira pour les dommages subis par les époux Taillefumier que cette vérification aurait permis d'éviter, qui comprennent le coût de son intervention contraire aux règles de l'art ; que Fernando Oliveira qui était présent lors de l'examen des pièces du moteur par l'expert de BCA le 20 mai 2005, n'est pas fondé à prétendre pour la première fois devant la Cour que ces pièces auraient pu subir des interventions échappant à son contrôle ; que par conséquent, Fernando Oliveira doit être condamné in solidum avec la société General Motors France à payer aux époux Taillefumier la somme de 4 179,17 euro à titre de dommages et intérêts; que le jugement entrepris sera réformé sur ce point ;

Attendu qu'eu égard à l'équité, la société General Motors France et Fernando Oliveira seront condamnés in solidum à verser aux époux Taillefumier la somme de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés par ceux-ci tant en première instance qu'en appel, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la société General Motors France sera condamnée aux trois quarts des entiers dépens de première instance et d'appel et Fernando Oliveira au quart de ces entiers dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, Donne acte à la SCP Lejeune Marchand Gray Scolan, avoués associés de ce qu'elle se constitue aux lieu et place de la SCP Gallière Lejeune Marchand Gray, avoués associés, Confirme le jugement rendu le 26 janvier 2007 par le Tribunal de grande instance d'Evreux en ce qu'il a condamné la société General Motors France à payer aux époux Taillefumier la somme de 12 366,52 euro et a donné acte à ces derniers de ce qu'ils consentent à restituer le véhicule Opel Corsa immatriculé 8127 WWJ 27, cette restitution devant s'opérer à l'endroit où il est actuellement immobilisé, Le confirme également en ce qu'il a condamné la société General Motors France à payer aux époux Taillefumier la somme de 4 179,17 euro à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, Le réformant concernant Fernando Oliveira, Condamne Fernando Oliveira in solidum avec la société General Motors France à payer aux époux Taillefumier la somme de 4 179,17 euro, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt, Condamne la société General Motors France et Fernando Oliveira in solidum à payer aux époux Taillefumier la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes des parties, Condamne la société General Motors France aux trois quarts des entiers dépens de première instance et d'appel et Fernando Oliveira au quart de ces dépens avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.