Livv
Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 15 mai 2012, n° 10-02975

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etablissements Ducasse Buzet, Axa France Iard, Axa Entreprises

Défendeur :

Vignobles Jean Pierre Estager, Mondial Sughero SRL

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bancal

Conseillers :

Mmes Rouger, Faure

Avocats :

Mes Berland, Dacharry, Argon, SCP Boyreau SCP Touton Pineau, Figerou

CA Bordeaux n° 10-02975

15 mai 2012

Exposé du litige

La société Vignobles Estager exploite notamment une propriété viticole située au château la Cabanne en appellation Pomerol.

La société Bergeon Embouteillage a assuré l'embouteillage du millésime 2002 entre le 28 et 30 juin 2004 pour obtenir 45 160 bouteilles de 75 cl, avec des bouchons acquis par la société Vignobles Estager auprès de la société Ducasse Buzet. A l'occasion de dégustations organisées en octobre 2004 et janvier 2005, des bouteilles du Château la Cabanne ont présenté un défaut organoleptique prononcé (goût de bouchon).

Par ordonnance du 5 novembre 2005, le juge des référés a ordonné une expertise opposable à la société Ducasse Buzet et à son fournisseur italien de bouchons la société Mondial Sughero appelée à la cause.

Monsieur Chatonnet a déposé son rapport le 27 janvier 2007.

Par ordonnance de référé des 31 juillet et 20 décembre 2007, la société Ducasse Buzet a été condamnée à payer à la société Vignobles Estager une provision de 500 000 euro, a rejeté l'exception d'incompétence de la société Mondial Sughero, appelée à la cause par acte du 14 mars 2007, et l'a condamnée à relever la société Ducasse-Buzet indemne des condamnations prononcées à son encontre. La société AXA, assureur de la société Ducasse Buzet a réglé cette somme aux vignobles Estager. La société Mondial Sughero a interjeté appel de ces ordonnances.

Par ordonnance du 2 octobre 2008, le délégué du premier président de la Cour d'appel de Bordeaux a rejeté la demande d'arrêt d'exécution provisoire sollicitée par la société Mondial Sughero. Par ordonnance du 2 juillet 2009, le conseiller de la mise en état de la cinquième chambre de la cour d'appel a procédé à la radiation de la procédure d'appel en application de l'article 526 du Code de procédure civile, faute pour la société Mondial Sughero d'avoir exécuté les ordonnances déférées.

Par acte d'huissier du 13 février 2008, la société Vignobles Estager a assigné devant le Tribunal de commerce de Bordeaux la société Ducasse Buzet en réparation de son préjudice sur la base du rapport d'expertise judiciaire.

Par acte du 19 juin 2008, la société Ducasse Buzet a appelé à la cause la société Mondial Sughero.

La société Axa, assureur de la société Ducasse Buzet est intervenue volontairement à la procédure.

Par jugement du 19 mars 2010, le Tribunal de commerce de Bordeaux a :

-reçu la société Axa France Iard en son intervention volontaire,

-débouté la SA Ducasse Buzet de sa demande de complément d'expertise et la société Mondial Sughero de sa demande de nouvelle expertise,

-débouté la société Ducasse Buzet de ses demandes présentées à titre principal et l'a déclarée responsable du dommage subi par la société Vignobles Jean-Pierre Estager,

-condamné solidairement la société Ducasse Buzet et la société Axa France Iard à payer à la société Vignobles Jean Pierre Estager en deniers ou quittances à titre d'indemnité du préjudice subi, la somme de 704 598,73 euro majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2008,

-débouté la société Ducasse Buzet de ses demandes à l'encontre de la société Mondial Sughero,

-condamné solidairement la société Ducasse Buzet et la société AXA France Iard à payer à chacune des sociétés Vignobles Estager et Mondial Sughero la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire.

La société Ets Ducasse Buzet et la société Axa France Iard, Axa Entreprises, ont interjeté appel le 7 mai 2010.

Les conclusions de la société Ets Ducasse Buzet et la société AXA France Iard du 14 avril 2011 tendent à:

-voir réformer le jugement déféré,

-voir dire et juger que la société Vignobles Estager ne justifie pas d'un manquement de la société Ducasse Buzet à une obligation contractuelle générale sur le fondement de l'article 1147 du Code civil,

-voir dire et juger que le tribunal a statué ultra petita,

-voir dire et juger qu'il n'est pas démontré un lien de causalité entre les désordres constatés sur les vins et les bouchons vendus par la société Ducasse Buzet,

-voir débouter la société Vignobles Estager de ses demandes et la condamner à restituer à la société Axa France Iard l'intégralité de sommes qui lui ont été versées dans le cadre de l'exécution provisoire,

subsidiairement :

-avant dire droit voir dire et juger qu'il y a lieu d'ordonner un complément d'expertise avec mission :

-déterminer l'origine de l'intégralité des désordres constatés sur les vins de la société Vignobles Estager millésime 2002 Château la Cabanne,

-voir rechercher l'origine de toutes les molécules dont le taux est anormalement présent dans les vins et les bouchons,

-voir dire que l'expert judiciaire devra poser des pièges d'atmosphère dans tous les lieux de vinification du château La Cabanne 2002,

-voir dire que l'expert devra se prononcer sur l'imputabilité aux dommages de tous les désordres constatés,

sur l'appel en garantie de la société Mondial Sughero :

-voir réformer le jugement déféré,

-voir condamner la société Mondial Sughero à relever indemne la société Ducasse Buzet de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

en tout état de cause,

-voir condamner la partie succombante au paiement d'une somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les conclusions de la société Vignobles Jean-Pierre Estager du 21 juin 2011 tendent à :

au visa des dispositions des articles 1147, 1641, 1604 et 1184 du Code civil,

-voir confirmer en son principe le jugement déféré,

-voir dire et juger la société Ducasse Buzet seule et entière responsable de l'altération constatée sur les vins du millésime 2002 du château La Cabanne appartenant à la société Vignobles Estager,

-voir condamner en conséquence la société Ducasse Buzet et sa compagnie d'assurances à réparer le préjudice subi par la société Vignobles Estager en les condamnant au paiement d'une somme de 870 829,13 euro outre les frais de stockage à mettre par état et déclaration et les intérêts courus sur la somme de 500 000 euro du jour de la notification de l'ordonnance de référé du 31 juillet 2007 jusqu'au paiement intervenu ainsi que les frais d'exécution outre les intérêts courus sur la somme de 272 404,50 euro à compter du 13 avril 2010 et jusqu'au jour du paiement,

-voir dire et juger que du montant de cette condamnation seront déduites les sommes versées par la société Ducasse Buzet et ses assureurs,

-voir condamner la société Ducasse Buzet et la société Axa solidairement à payer à la société Vignobles Estager une somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les conclusions de la SRL Mondial Sughero du 17 juin 2011 tendent à :

-voir déclarer la société Ducasse déchue en son droit à se prévaloir d'un éventuel défaut et la déclarer en conséquence irrecevable en son action en garantie à son encontre sur le fondement des articles 39-1 et 39-2 de la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises,

-voir confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que la société Ducasse n'apportait pas la preuve de l'origine des bouchons et débouter la société Ducasse de l'intégralité de ses demandes,

subsidiairement :

-voir débouter la société Ducasse de son action sur le fondement de l'article 36-1 de la convention de Vienne

-sur l'origine de la pollution, voir mettre hors de cause la société Mondial Sughero,

encore plus subsidiairement :

-voir ordonner une nouvelle expertise confiée à un autre expert avec pour mission notamment de déterminer l'origine et la qualité des bouchons litigieux, vendus par la société Ducasse et dire si les bouchons litigieux sont incontestablement ceux vendus par la société Mondial Sughero à la société Ducasse, rechercher la présence ou non de polluants sur le reste de la livraison des bouchons de la société Mondial Sughero tant sur ceux restant en stock ou ceux qui ont été revendus et rechercher si les désordres proviennent soit d'une non-conformité aux règles de l'art ou aux documents contractuelles, soit d'une exécution défectueuse et déterminer le lieu et le moment où les bouchons ont été contaminés,

-voir condamner solidairement les Ets Ducasse Buzet et la société Axa France Iard à payer à la société Mondial Sughero la somme de 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 21 février 2012.

Motifs

Sur la garantie de la société Ducasse-Buzet :

La société Vignobles Estager fonde ses demandes en cause d'appel sur la garantie des vices cachés.

Les relations entre la société Vignobles Estager et la société Ducasse-Buzet s'inscrivent dans le cadre d'un contrat de vente. La garantie des vices cachés doit donc être mise en œuvre et non pas la responsabilité contractuelle de droit commun comme l'ont fait les premiers juges qui se réfèrent à l'obligation de résultat de la société Ducasse-Buzet en visant cependant les articles 1147 et 1641 du Code civil.

Il appartient donc à la société Vignobles Estager de démontrer l'existence d'un vice caché antérieur à la vente des bouchons.

Il ressort de la facture du 25 juin 2004 émise par la société Ducasse-Buzet que les bouchons ont fait l'objet d'une livraison le 23 juin 2004 auprès de la société Vignobles Estager laquelle a procédé à l'embouteillage de son vin le 28 juin 2004.

L'expert judiciaire Pascal Chatonnet a procédé à une analyse sensorielle avec dégustation d'échantillons, soixante bouteilles ayant été prélevées en présence des parties, lesquelles ont estimé qu'il s'agissait d'un lot suffisamment représentatif. Il a invité les parties à procéder également à la dégustation (note expertise 2). Il a fait procéder également à une analyse par le laboratoire Excell pour confirmer l'identification du désordre. Le fait que l'expert judiciaire soit le gérant du laboratoire d'analyses ne peut être utilement invoquée dans le cadre de la présente procédure, dès lors qu'il appartenait aux parties de s'opposer à la désignation de ce laboratoire qui avait été annoncée par monsieur Chatonnet lors de sa note d'expertise n°2 ; par ailleurs, ce laboratoire a procédé aux analyses suivant la procédure Cofrac accréditée pour la quantification des contaminants, ce qui présente des garanties de sérieux. Aucun grief ne peut donc être retenu relativement aux modalités de déroulement de l'expertise.

L'expert judiciaire Chatonnet a conclu que les analyses physico-chimiques effectuées permettent de confirmer que les vins présentant des désordres organoleptiques du type 'moisi, bouchonné' sont contaminés par des haloanisoles du type 2,4,6-TCA et 2,4,6-TBA.

La discussion sur le seuil de perception ou d'altération à retenir au sens strict est sans objet dès lors qu'il n'existe pas un seuil universel et qu'il n'est pas démontré par le vendeur une altération décelable par les sens, contraire à celle retenue par l'expert. Par ailleurs, l'expert a noté pour certaines bouteilles un seuil de 3,7 ng/l pour une altération nette très facilement reconnaissable par dégustation comparative et un seuil de 5,7 ng/l pour une altération assez forte ou forte. Le seuil adopté par cet expert est de 3 ng/l et la société Ducasse fait état de seuils de 5 et de 6 adoptés par d'autres laboratoires agréés. Cependant, la société Ducasse reconnaît elle-même l'existence de bouteilles altérées à des seuils oscillant entre 3,3 et 6,6 ng/l.

Il convient de souligner que les critiques du rapport d'expertise de monsieur Chatonnet résultent d'une analyse effectuée à la demande de la société Ducasse-Buzet par monsieur Billy, certes, expert auprès de la cour d'appel de Dijon, mais qui n'a pas pratiqué d'analyse sensorielle des vins litigieux et qui n'était pas présent lors des opérations d'expertise. Son analyse est donc incomplète et ne peut être retenue par la cour.

L'expert a déclaré que la pollution détectée est plus certainement liée à la matière première employée pour la fabrication des bouchons ou à sa contamination, aléatoire, avant sa mise en œuvre par les vignobles Estager (note d'expertise 3). Il a relevé que la pollution est totalement aléatoire, aucun box n'apparaît plus contaminé qu'un autre et seulement une fraction des bouteilles embouteillées dans les mêmes conditions est atteinte.

L'expert a exclu, en raison de cette pollution aléatoire, l'hypothèse d'une pollution d'origine environnementale dans les installations des vignobles Estager. Il a confirmé que l'altération de la qualité organoleptique du vin n'est pas liée à la présence de TBP ou PCP mais à la présence de TCA et TBA dans certains bouchons. La présence de ces deux contaminants TBP et PCP, par ailleurs aléatoire, lui a permis d'écarter à nouveau une pollution liée à l'environnement de la cave.

L'expert a déclaré que la fourniture de bouchons en liège est en cause de manière évidente.

En conséquence, la pollution provoquant des désordres organoleptiques provient des bouchons de liège.

Il est constant que la société Mondial Sughero a fourni à la société Ducasse Buzet deux sortes de bouchons : "super" et "première" alors que la société Ducasse n'a livré que des bouchons de qualité "extra" et a réalisé ainsi un assemblage des deux catégories de bouchons. L'expert a conclu que le mélange des lots expliquait le résultat aléatoire de la contamination.

La société Vignobles Estager a conservé les bouchons litigieux sur une période courte entre la livraison du 23 juin 2008 et l'embouteillage le 28 juin 2008.

L'expert a conclu à une contamination avant la mise en œuvre par la société Estager et à l'évidence à un mélange de lots et a ajouté que la responsabilité des désordres tient plus de la qualité de la matière première et éventuellement à des conditions de stockage chez le fabricant Mondial Sughero. Il a indiqué que l'existence d'analyses réalisées avant la livraison des lots tant chez la société Mondial Sughero que chez la société Ducasse ne permet en rien de supputer que les lots de bouchons étaient effectivement libres de vice avant d'être livrés à la société Estager et qu'elles démontrent en revanche leur inefficacité puisqu'elles n'ont pas mis en évidence l'hétérogénéité des lots concernés.

Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de constater que le vice est antérieur à la vente et que le vendeur, la société Ducasse Buzet est tenue à garantie. Le jugement sera confirmé sur ce point mais par substitution de motifs.

Sur la garantie de la société Mondial Sughero :

L'article 39.1 de la convention de Vienne applicable aux ventes internationales de marchandises applicable en l'espèce, le fournisseur des bouchons étant une société de droit italien, dispose que l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au vendeur, en précisant la nature de ce défaut, dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'a constaté ou aurait dû le constater.

Il s'agit d'un délai de dénonciation et non d'un délai de prescription. Cependant, il résulte de l'assignation en référé diligentée par la société Vignobles Estager à l'encontre de la société Ducasse Buzet que celle-ci a été avertie par la société Estager des désordres dans le courant du mois de février 2005 et qu'une analyse a été effectuée par la faculté d'oenologie le 10 juin 2005.

La société Ducasse Buzet ne produit aucun document de nature à établir que dès le mois de février 2005 ou à tout le moins au moins de juin 2005, elle a averti son fournisseur italien du désordre susceptible d'affecter les bouchons. La société Ducasse Buzet justifie d'une attestation de transmission d'une assignation auprès de l'entité requise italienne par acte du 27 octobre 2007 en vue d'assigner la société Mondial Sughero devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Bordeaux à l'audience du 14 novembre 2005, sans toutefois justifier de la notification effective de cette assignation auprès de la société italienne, laquelle était non comparante à l'audience de référé qui a donné lieu à l'ordonnance du 5 décembre 2005 désignant monsieur Pascal Chatonnet.

Le 17 février 2006, le conseil Anceo de la société Mondial Sughero avisait l'expert Chatonnet de ce qu'il se constituait pour la société Mondial Sughero.

Il résulte de ces éléments qu'alors que la société Ducasse Buzet était informée d'un défaut susceptible de concerner les bouchons en février 2005 voire juin 2005, elle ne justifie avoir dénoncé ce défaut à la société italienne au plus tôt, qu'en décembre 2005. L'écoulement d'un délai de six mois au mieux ou de dix mois, dans l'hypothèse la plus défavorable, ne peut constituer un délai raisonnable au sens de l'article 39.1 de la convention de Vienne précité.

En conséquence, la société Ducasse Buzet est donc déchue du droit de se prévaloir d'un vice caché à l'égard de la société Mondial Sughero et elle sera donc déboutée de ses des demandes à son encontre. Le jugement sera confirmé sur ce point mais par substitution de motifs.

Sur le préjudice de la société Vignobles Estager :

L'expert a relevé que l'altération du stock par une pollution au TCA/TBA provenant du liège des bouchons livrés représentait 21,5% du lot déclaré représentatif soumis à analyses.

Il convient de considérer, comme l'a fait l'expert, que la totalité de la récolte 2002 concernée par cet embouteillage est affectée et doit être déclassée en raison du caractère aléatoire de la pollution, de la proportion élevée de bouteilles altérées à des degrés divers, du type de vin concerné eu égard à son niveau de prix, à sa réputation s'agissant d'une appellation connue. L'expert a ajouté que le déclassement de la totalité du stock était nécessaire et non la fraction seulement fortement altérée, en raison des niveaux variables d'intensité du défaut, de la fréquence des défauts jugés nets et très nets, sur une bouteille sur cinq.

Le préjudice est constitué par plusieurs composantes.

La valeur du stock doit être appréciée en fonction de la valeur correspondant à celle du marché ainsi qu'il est d'usage en la matière comme l'ont relevé l'expert et les premiers juges, ce qui correspond à un montant total de 632 738,67 euro.

Les frais de stockage ont été retenus à hauteur de 5 989,10 euro par les premiers juges qui ont déduit à juste titre les frais de stockage normaux qu'aurait supportés la société Vignobles Estager à raison de la durée d'écoulement commercial habituel du stock. Les frais supplémentaires de stockage depuis le jugement du tribunal de commerce ne peuvent être comptabilisés dès lors que le jugement était assorti de l'exécution provisoire et que l'assureur de la société Vignobles Estager s'est acquitté du montant de la condamnation.

Des frais de transport correspondant au retour de bouteilles expédiées au Japon et de rapatriement des bouteilles stockées sur un chai ne sont justifiés que par un devis de 2009 concernant le trajet Le Havre à Tokyo et ne correspondent donc pas à un rapatriement effectif de bouteilles litigieuses. La somme de 1 200 euro doit donc être écartée. Il est constant que le vin litigieux a été stocké en bouteilles auprès de TBE à Libourne ; pour procéder à la distillation, le vin a dû être rapatrié dans les chais pour être mis en vrac et les frais de transport doivent être retenus à hauteur de 2 646 euro HT soit 3 164,61 euro TTC.

Les frais de débouchage évalués à 6 063 euro par la société Vignobles Estager ne sont justifiés par aucune facture et il y a lieu de les écarter.

Les frais financiers fixés par le tribunal à la somme de 41 708 euro doivent être retenus dès lors que la société Estager a dû recourir à un prêt de 500 000 euro, soit une somme inférieure à la valeur du stock, pour financer son manque de trésorerie imputable au défaut de la vente de la récolte 2002 et que son prêt a été souscrit au taux de 3,85 % l'an.

Aucun préjudice commercial n'est justifié, le prix de vente prétendu à 18 euro la bouteille n'étant pas établi et la valeur du stock ayant été justement appréciée à sa valeur marchande pour l'expert.

La somme de 23 085,46 euro correspondant aux bouteilles à remplacer, retenue par l'expert, doit être incluse dans l'indemnisation du préjudice.

En conséquence, l'indemnité à allouer à la société Vignobles Estager s'élève à 632 738,67 euro + 5 989,10 euro+3 164,61 euro+ 41 708 euro+ 23 085,46 euro -2 362,50 euro(correspond au prix de vente du vin disqualifié en vinaigre) =704 323,34 euro, soit une somme quasi équivalente à celle fixée par le tribunal de commerce. Le jugement sera donc réformé partiellement sur ce point.

S'agissant d'une indemnité, en application de l'article 1153-1 du Code civil et l'indemnité fixée étant quasi équivalente à celle fixée par le tribunal, les intérêts courent à compter de la date du jugement du 19 mars 2010 et non à compter de l'assignation comme prévu par les premiers juges. Le jugement sera réformé sur ce point.

L'équité commande d'allouer à la société Vignobles Estager une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Réforme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement la société Etablissements Ducasse Buzet et la société Axa France Iard à payer à la société Vignobles Jean Pierre Estager en deniers ou quittances la somme de 704 598,73 euro avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2008, Statuant à nouveau : Condamne solidairement la société Etablissements Ducasse Buzet et la société Axa France Iard à payer à la société Vignobles Jean Pierre Estager en deniers ou quittances la somme de 704 323,34 euro avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2010, Confirme pour le surplus le jugement déféré, Y ajoutant : Condamne la société Etablissements Ducasse Buzet à payer à la société Vignobles Jean Pierre Estager et à la société Mondial Sughero la somme de 3 000 euro chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Etablissements Ducasse Buzet aux dépens dont distraction en application de l'article 699 du Code de procédure civile.