CA Versailles, 3e ch., 26 novembre 2009, n° 08-03808
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Caussin
Défendeur :
Fiat France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Valantin
Conseillers :
Mmes Calot, Beauvois
Avoués :
SCP Debray-Chemin, Me Ricard
Avocats :
Mes Chaulet, Cazagnes
Rappel des faits et de la procédure
Le 6 janvier 2001, M. Alain Caussin, domicilié à Lespignan (34), a fait l'acquisition auprès des Etablissements Auto Victor Fernandez sise à Rastatt (Allemagne) d'un véhicule d'occasion de marque "Alfa Romeo" modèle 166 assorti d'une garantie contractuelle d'un an, mis en circulation le 29 juin 2000 par la société Fiat Automobile AG et affichant 15 000 kms.
Le 7 février 2003, au retour d'un séjour d'une semaine dans les Pyrénées, le véhicule qui affichait 77 916 kms a présenté une perte de puissance et le moteur s'est arrêté subitement.
Le véhicule était déposé à Auto Service 34 à Béziers, concessionnaire de la marque Alfa Roméo, lequel effectuait un échange standart du moteur en mars 2003 pour la somme de 5 237,44 euro.
M. Alain Caussin prenait contact avec le service clientèle de la SA Fiat Auto France, importateur en France des véhicules de la marque Alfa Roméo et qui les commercialise sur le marché français grâce à un réseau de distributeurs.
La SA Fiat Auto France chargeait son inspecteur régional, M. Lecornu, de vérifier le véhicule et faisait savoir à M. Alain Caussin qu'il s'agissait d'un décalage de la distribution dû à un sur-régime, aggravé par une utilisation prolongée.
Ultérieurement, le 10 mars 2003, la SA Fiat Auto France refusait la prise en charge de l'échange standard du moteur en soulignant que la garantie constructeur est terminée, qu'aucun élément ne permet de mettre en cause le produit.
Une expertise amiable, non contradictoire, diligentée le 13 mars 2003 à la requête de l'assureur protection juridique de M. Alain Caussin confiée M. Boutinon a conclu le 27 mai 2003 à l'existence d''un vice caché suite à une conception du moteur pour une utilisation non prévue dans des circonstances particulières. Une courroie de distribution ne doit pas se décaler à 77 000 km alors que la maintenance est prévue à 120 000 kms par le constructeur lui-même quel que soit l'endroit où elle a été achetée. La garantie doit fonctionner'.
Des courriers ont été échangés entre l'assureur de M. Alain Caussin et la SA Fiat Auto entre mars 2003 et mars 2004, aux termes desquels celle-ci a refusé la prise en charge.
Une première assignation était délivrée les 7 et 9 juillet 2004 à Levallois-Perret à la SA Fiat Auto, pour le 16 septembre 2004, transformé en procès-verbal de perquisition par suite du transfert de son siège social depuis le 11 octobre 1999.
Le 22 octobre 2004, M. Alain Caussin a engagé contre la SA Fiat Auto sise à Trappes, une action fondée sur la garantie des vices cachés en sollicitant sa condamnation au paiement de la somme de 5 237,44 euro à titre de remboursement de l'échange standard du moteur effectué par Auto Service 34 et une indemnité de procédure.
M. Alain Caussin a relevé appel du jugement contradictoire rendu le 12 février 2007 par le tribunal d'instance de Versailles, qui a:
- déclaré irrecevable l'action de M. Alain Caussin dirigée contre la seule SA Fiat Auto
- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- laissé les dépens à la charge de M. Alain Caussin.
Vu les conclusions de M. Alain Caussin, appelant, signifiées le 27 janvier 2009, par lesquelles il demande, par infirmation du jugement entrepris, de :
constater que la SA Fiat France a bien qualité pour répondre à la demande de M. Alain Caussin
vu les dispositions de l'article 1641 du Code civil
dire et juger que la SA Fiat Auto France devra lui rembourser la somme de 5 237,44 euro
constater en tout état de cause que la SA Fiat Auto France a commis une faute en apparaissant compétente pour répondre à la demande de M. Alain Caussin et doit donc en supporter les conséquences
condamner la SA Fiat Auto France au versement de la somme de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles
la condamner aux dépens dont distraction au profit de la SCP Debray Chemin ;
Vu les conclusions de la SA Fiat France, anciennement dénommée Fiat Auto France, intimée, signifiées le 29 mai 2009, par lesquelles elle demande, de :
A titre principal,
vu les articles 31 et 32 du Code de procédure civile
dire et juger irrecevable l'action dirigée par M. Alain Caussin à son encontre
A titre subsidiaire
vu l'article 1641 du Code civil
dire et juger que l'action diligentée par M. Alain Caussin est irrecevable pour n'avoir pas été diligentée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil
A titre subsidiaire
dire et juger inopposable à la SA Fiat France le rapport d'expertise non contradictoire produit par M. Alain Caussin
le débouter de l'ensemble de ses demandes
en toute hypothèse
vu les articles 1382 et 32-1 du Code de procédure civile
condamner M. Alain Caussin au paiement de la somme de 2 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et à celle de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
le condamner aux dépens.
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 10 septembre 2009.
Motifs de la decision
- Sur l'irrecevabilité de l'action en garantie contre les vices cachés tirée du défaut de qualité de la SA Fiat France
Considérant que la SA Fiat France fait observer qu'elle n'est pas le constructeur des véhicules de la marque Alfa Roméo ou le mandataire en France du constructeur italien, la société Fiat Auto SPA, qu'elle ne dispose pas de mandat spécifique de représentation en justice du constructeur italien, qu'elle gère pour le compte du constructeur italien la garantie contractuelle des véhicules mis en circulation en France, que la durée de la garantie contractuelle pour les véhicules mis en circulation avant septembre 2001 est de un an à compter de la mise en circulation, que l'importation et la mise en circulation du véhicule litigieux ne sont pas de son fait, que l'établissement vendeur en Allemagne ne fait pas partie du réseau de distribution de la société Fiat France, que l'appelant a procédé à l'importation du véhicule en France et l'a fait immatriculer, qu'elle n'a donc pas participé à la chaîne des ventes du véhicule, qu'elle n'est pas le représentant en France de la société Fiat Auto SPA, société de droit italien, qu'elle n'a jamais laissé croire qu'elle détenait un mandat de représentation de la société Fiat Auto SPA et n'a pas commis de faute de ce chef, qu'elle a toujours indiqué que la panne était imputable au conducteur ;
Considérant que M. Alain Caussin soutient que la SA Fiat Auto France est assignée en qualité de représentant en France de la société Fiat, constructeur du véhicule Alfa Roméo ;
Considérant que M. Alain Caussin ne conteste pas que la SA Fiat Auto France n'est ni le constructeur, ni l'importateur, ni le distributeur ou le vendeur du véhicule Alfa Roméo acquis par lui 6 janvier 2001 en Allemagne et mis en circulation par la société de droit allemand, Fiat Automobile AG ;
Mais considérant qu'il résulte des pièces produites aux débats, que la SA Fiat France a laissé croire à M. Alain Caussin qu'elle détenait un mandat de représentation du constructeur italien, la société Fiat SPA, en ouvrant un dossier de réclamation par le biais du service clientèle et l'appelant soutient à juste titre que pendant toute la phase de discussion amiable, la société intimée a géré la garantie au titre du vice caché ainsi que dans ses conclusions du 7 février 2005 devant le tribunal, en ne soulevant ce défaut de qualité que dans ses dernières conclusions devant le tribunal le 13 décembre 2006, quelques jours avant l'audience du 21 décembre 2006 et a engagé sa responsabilité personnelle l'obligeant à réparer le préjudice subi, en laissant croire qu'elle était compétente pour répondre à sa demande et qu'elle était bien l'interlocuteur susceptible de répondre à ses réclamations et pouvoir l'indemniser ;
Considérant en effet, que la SA Fiat Auto France s'est comportée comme le mandataire apparent du constructeur du véhicule litigieux, à l'égard de M. Alain Caussin ;
- en adressant d'une part, un courrier le 10 mars 2003 à M. Alain Caussin ainsi libellé :
"Monsieur et cher client
Nous revenons vers vous dans le cadre du dossier ouvert auprès de nos services et sommes sincèrement désolés des faits relatés.
Cependant après étude de votre dossier par notre conseiller commercial services, chargé du district, M. Lecornu, nous sommes au regret de devoir vous confirmer la décision prise initialement qui vous a été notifiée par téléphone, à savoir la non prise en charge des frais de réparation de votre véhicule.
En effet, nous vous rappelons que votre véhicule a aujourd'hui presque 3 ans et que la garantie constructeur est terminée depuis un certain temps.
D'autre part, nous ne possédons aucun élément nous permettant de mettre en cause notre produit.
Aussi, au vu de ce qui précède, nous regrettons de ne pouvoir donner une suite favorable à votre requête.
Vous souhaitant bonne réception de la présente."
- d'autre part, en adressant un courrier le 23 mars 2003 à l'assureur protection juridique de M. Alain Caussin, en réponse à son courrier du 26 février 2004, contenant copie du courrier adressé le 6 novembre 2003, ainsi libellé :
"Madame,
Nous revenons vers vous dans le cadre du dossier ouvert auprès de nos services et vous prions avant tout de bien vouloir excuser le retard apporté à notre réponse.
Toutefois, en l'absence d'éléments de preuve technique et matérielle (en effet nous n'avons pas été convoqués à une expertise contradictoire à l'époque des faits) et malgré notre volonté de satisfaire notre clientèle, nos actions commerciales ont certaines limites. De ce fait, nous regrettons de devoir vous confirmer la position qui a été communiquée précédemment à M. Caussin par notre conseiller commercial service, à savoir la non prise en charge de l'échange standard du moteur de l'Alfa 166 de notre client.
Désolés de ne pouvoir accéder à sa demande dans le cas présent" (...)
Considérant qu'il en résulte que la société intimée a ouvert un dossier au nom de M. Alain Caussin, fait instruire la réclamation de M. Alain Caussin (qualifié de client) par son service commercial, pris position sur les éléments de preuve qui lui ont été soumis de nature à faire jouer la garantie légale des vices cachés, le délai de la garantie constructeur étant expiré, et s'est abstenue de toute contestation relativement à sa qualité pour instruire la réclamation qui lui avait été adressée, alors qu'elle est une personne morale juridiquement distincte et indépendante de la société-mère, comme elle l'expose dans ses écritures ;
Que la société intimée fait observer qu'elle n'a pas été convoquée aux opérations d'expertise, regrettant ainsi l'absence de caractère contradictoire du rapport d'expertise de M. Boutinon ;
Que de telles circonstances autorisaient M. Alain Caussin à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs de la SA Fiat Auto France et à croire que cette société était apte à répondre à sa réclamation ;
Que cette apparence trompeuse est source de responsabilité quasi-délictuelle et expose son auteur à réparer le préjudice subi, consistant à répondre des engagements contractés par le constructeur pour les avaries rencontrées par M. Alain Caussin ;
- Sur la responsabilité quasi-délictuelle de la SA Fiat France
Considérant que tout rapport d'expertise amiable peut valoir à titre de preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties, ce qui est le cas en l'espèce ;
Que le moyen tiré de l'inopposabilité du rapport d'expertise amiable, sera donc écarté ;
Considérant que le rapport d'expertise amiable de M. Boutinon a mis en évidence la nécessité pour M. Alain Caussin de procéder à l'échange standard du moteur défectueux, effectué par Auto Service 34 en précisant que : "M. Caussin n'est pas responsable des dommages sur ce moteur. Il s'agit d'un vice caché suite à une conception du moteur pour une utilisation non prévue dans des circonstances particulières. Une courroie de distribution ne doit pas se décaler à 77 000 km alors que la maintenance est prévue à 120 000 kms par le constructeur lui-même quel que soit l'endroit où elle a été achetée. La garantie doit fonctionner" ;
Considérant que la société intimée qui évoque une utilisation anormale du véhicule ou une faute imputable au conducteur, ne verse aucun élément de preuve pour justifier de ses allégations et se borne à relater ses dires reprises dans l'assignation de M. Alain Caussin selon lesquelles il s'agissait d''un décalage de la distribution dû à un sur-régime, aggravé par une utilisation prolongée";
Qu'en conséquence, il convient de condamner la SA Fiat France venant aux droits de la société Fiat Auto France, à payer à M. Alain Caussin la somme de 5 237,44 euro, en réparation du préjudice subi ;
- Sur les autres demandes
Considérant qu'il sera alloué à M. Alain Caussin une indemnité de procédure et le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, Rejette le moyen tiré de l'inopposabilité du rapport d'expertise amiable, Dit que la SA Fiat France venant aux droits de la société Fiat Auto France, a engagé sa responsabilité en laissant croire à M. Alain Caussin qu'elle était bien compétente pour répondre à sa demande, Condamne la SA Fiat France venant aux droits de la société Fiat Auto France, à indemniser M. Alain Caussin du préjudice subi résultant de l'échange standard du moteur de son véhicule Alfa Roméo, En conséquence, Condamne la SA Fiat France venant aux droits de la société Fiat Auto France à indemniser M. Alain Caussin à hauteur de la somme de 5 237,44 euro, Y ajoutant, Condamne la SA Fiat France venant aux droits de la société Fiat Auto France à verser à M. Alain Caussin la somme de 2 000 euro sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile , Condamne la SA Fiat France venant aux droits de la société Fiat Auto France aux dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera poursuivi, pour les frais les concernant, par la SCP Debray Chemin, avoués associés, conformément aux dispositions de l' article 699 du Code de procédure civile.